dimanche 30 janvier 2022

Monsters

La dernière image ? Ces deux céphalopodes de l'espace, pieuvres géantes absolument pacifiques, exécutant avec talent, légèreté, leur danse de l'amour au-dessus d'une station essence. So romantic !

Il faut que je revois Godzilla. J'avais été impressionné par le travail sur l'image, la poésie de certaines séquences (soldats parachutés depuis l'espace lancés à travers des couches multicolores de masses et tissus gazeux, pour une course aux étoiles mais à l'envers). Même si le film reste un blockbuster, cela lui confère une âme.

Cette fois-ci, le réalisateur assez malin se lance dans un film qui annonce la couleur. Monsters serait une nouvelle incursion dans le genre SF à la façon d'un La Guerre des Mondes. Et bien que nenni. Dans les faits, c'est plutôt une comédie romantique Weirdo (Lost in Translation) croisée avec le film d'aventures sur fonds "politique"(L'année de tous les dangers). D'ailleurs The year of living dangerously serait un titre mieux adapté. Je pense à ce jeune photographe qui fait écho au personnage emblématique du correspondant de guerre tellement à la mode dans les années 80 (SalvadorLa déchirure, Cry Freedom...).

Une fois qu'on a dit cela, que vaut le film ? L'idée est intéressante, sort des sentiers battus mais il manque beaucoup pour adhérer tout à fait. Parce que d'abord le manque de moyens nuit gravement au film : les créatures sont peu crédibles à l'écran. On sent la décalcomanie post Prod.  Ce qui enlève tout l'enjeu dramatique. Pourquoi ne pas les avoir tout simplement laissé dans le hors champ ? Ne faire que suggérer leur présence ? Surtout que ces bestioles sont tout sauf méchantes et agressives. Elles cherchent à exister comme nous autres. C'est l'un des messages du film.

Quant à la relation entre les deux jeunes tourtereaux, elle est malheureusement bien trop ordinaire, banale. Je veux dire qu'on ne sent jamais ce qui peut faire de cette rencontre un truc unique et fort, à part ce qui  arrive autour... Dans Lost in translation, il y avait tout, les décalages, l'âge, l'incommunicabilité, le jetlag, les pudeurs inavouées, un trésor de non-dit... Il manque ici trop de mystères, de magie, entre ces deux-là. C'est dommage parce que cette relation est évidemment centrale pour que le film nous emmène avec lui très très haut pur tutoyer les sommets du 7ème Art.

Ce qui fait que leur aventure finit par ressembler à n'importe quel périple de deux touristes arpentant un de ces pays dits "en voie de développement", en proie à la corruption, au système D,  à la guerre civile aussi, où l'argent peut tout acheter. Les héros perdent leurs papiers et se retrouvent obligés de traverser un territoire réputé dangereux (zone de conflit), ils deviennent alors les témoins involontaires d'exactions de l'armée (bombardements chimiques), de mercenaires peut-être (les familles retrouvées sans vie dans la forêt)... Nous sommes alors dans une projection métaphorique de toute la désolation que la guerre engendre inévitablement.

La scène finale vient rappeler que ces entités extraterrestres n'ont rien de vraiment méchant. Et qu'elles matérialisent même l'attraction du désir qui aimante les deux héros l'un à l'autre.          

Car voilà un film évidemment sympathique il est vrai, qui essaye d'innover avec une fraîcheur bienvenue dans un genre souvent balisé mais qui au final échoue par manque d'ambition (surtout l'écriture) et ne casse pas trois pattes à un canard.... 

Il manquera peut-être aussi une musique rock pour transcender cet amour, le sublimer. La BOF rêvée de ce film ? The Modern Lovers naturellement !






    

samedi 29 janvier 2022

Drunk

 

La dernière image ? Forcément ce final éblouissant, ce passage de comédie musicale, Glou Glou Land sur un quai où toutes les jeunesses présentes et passées communient dans un même élan vital. 20 ans, 50 ans, même combat. Continuer d'exulter. De célébrer la vie tant qu'elle est là. Tant que c'est possible    

Quelques défauts bien sûr. La décision de faire cette expérience entre vieux copains est prise de façon bien trop rapide et coordonnée (un petit repas et vogue la galère). La dérive excessive vers le "no limit" l'est tout autant. Trop brutale à mon sens. Globalement, les copains qui picolent, déjà vu. L'alcool comme exutoire. L'alcool triste pour certains, par moments. L'alcool gai par une belle journée d'été. Le contrôle puis les excès. Enfin l'inévitable deuil. Chacun n'étant pas égal (physiquement, psychiquement) devant la boisson.

On pourrait penser à la Grande Bouffe. Mais chez Ferreri, il y a vraiment la recherche existentielle du panache ultime pour éviter les humiliations de la vieillesse, de celle qui vous dit tout bas qu'il est temps de se barrer avant que l'entourage n'ait celui de vous remettre des couches XXL... On y recherche le suicide par les voies les plus sympathiques qui soient, les plaisirs de la table. Le regard acide est aussi un jugement sans concessions sur nos sociétés de consommation déjà à l'oeuvre. A l'époque, mourir de ses propres gavages.

Dans Drunk on est davantage dans le Cercle des poètes disparus (la transmission de valeurs, d'usages, qui peuvent heurter la morale mais aider concrètement un jeune étudiant trop émotif par exemple). Avec en  filigrane ces copains qui sentent le temps les rattraper, la sagesse de la vie de famille les chloroformer peu à peu, d'où cette recherche compulsive pour revivre leurs années de feu. Le caractère flamboyant de la scène finale vient confirmer cela. Eux se fondant harmonieusement parmi leurs élèves, riant, communiant...  La joie revenue sur leurs visages soudain juvéniles et surtout cette jeunesse retrouvée dans leurs corps soudain souples et vivants, de fringants roseaux comme aux grandes heures de leur pleine vitalité.  C'est émouvant, lumineux. On y loue le bon côté de l'alcool qui grise, qui libère les énergies positives, recrée le lien tactile. Au diable les pudeurs.

Le film est pour toutes ces raisons toujours sympathique, souvent émouvant, mais pas exempt de vilains défauts (les ellipses en matière de dépendance ne sont pas les bienvenues, c'est justement l'invisible engrenage qui mérite une attention toute particulière pour essayer de comprendre...). A retenir surtout un acteur magnifique. Mads Mikkelsen. Toutes les nuances des sentiments humains passent dans son regard. De l'homme éteint, sacrifié, sans ressort du début, puis en colère, à celui de la séquence finale qui revit, exulte, qui est là. Rien que pour lui, il faut voir Drunk qui enchante même le jour d'un enterrement, même au coeur du désespoir masculin que le film ausculte sans fard à l'approche des derniers chapitres de nos vies.





The Card counter. Tilter au monde

La  dernière image ? Cet effrayant face-à-face dans la chambre de motel qui révèle beaucoup de ce dont est capable le personnage principal. Lui sur une chaise, le protégé sur le rebord du lit, la peur dans le regard. Suggestion ou intimidation ? Conseil d'ami ou menace pure et simple ? Les méthodes d'antan (source de culpabilité) sont utilisées à bon escient pour faire passer un message positif... L'ambiguïté est à son comble. 

Ici, le hors champs et le non-dit sont essentiels.

Les flashes back se dressent sur des horizons tellement ouverts, tellement d'un bloc qu'ils permettent de tout voir en permanence. Il n'y a pas d'angle mort, tout est toujours là, pleinement difforme, sous nos yeux d'un bout à l'autre de l'écran. Les hurlements, les humiliations, la torture. Guantanamo. Le traumatisme de l'Amérique. Qui fait écho à cet insupportable joueur de Poker hurlant à tout bout champs USA USA USA après chaque victoire comme la méthode Coué pour se rassurer, réaffirmer la grandeur de l'Amérique... Mais le spectateur n'est pas dupe. C'est du Bluff.

Le présent du film est au contraire elliptique, lent, mutique, sous hypnose... Le surmoi façon gruyère d'un personnage étrange, sorte de croque mort tiré à quatre épingles, qui n'exprime lorsque l'émotion  bilieuse remonte à la surface que de la culpabilité sans fond, écrasante. D'une tristesse infinie. Il va chercher son salut en transmettant au jeune homme qu'il prend sous son aile l'indulgence, la gratitude, le goût du pardon, l'envie de retourner voir une mère perdue de vue de puis longtemps pour renouer le lien filial. Comme le lien retissé d'un peuple (dont les personnages principaux sont les enfants) avec la mère patrie ? Un peu mon neveu.

Le hors champ au présent est d'ailleurs géographique autant qu'il est temporel... Le sombre héros en sait beaucoup sur le jeune homme mais on ne l'a pas vu mener ses recherches. On ne sait jamais qu'il a contacté la mère du protégé, personne ne sait vraiment pourquoi il traîne avec lui les outils de torture d'un docteur Mabuse avec gants chirurgicaux ou les habitudes ménagères de Dexter lorsqu'il recouvre tous les éléments de sa chambre d'hôtel de draps blancs épais etc.  Est-il vraiment consacré tout entier aux jeux de cartes, ou comme il le dit lui-même l'idée n'est elle pas de passer sous les radars, de rester discret... Serait-ce un passe-temps entre deux "contrats" ? Puisque tout le définit comme un sociopathe, un tueur en série, un tueur à gages peut-être. J'ai d'ailleurs pensé au Samouraï.

On sait simplement qu'il est rattrapé par la fatalité. La fameuse qui oblige à abattre ses cartes, dévoiler son jeu sans réfléchir, dans un emballement émotionnel (toute la description par le personnage principal d'un état "limite" au Poker est éloquent, le fameux "tilt"), avec le risque d'y perdre gros... C'est curieusement le même processus qui l'amène à tomber le masque en amour (ce qu'il finit par faire dans cette chambre d'hôtel).

Au final, sans vraiment s'en rendre compte les trois personnages solitaires ont lentement recomposé sous nos yeux la Trinité d'un foyer familial. Homme femme devenant amants et mère + père au regard de ce grand enfant pour lequel on a voulu rêver d'un grand avenir. 

j'adore aussi la voix off du début racontant ce personnage "enfermé" et qui rêve de respirer, de grands espaces, d'ouvrir les fenêtres, de redevenir lui-même peut-être. Pas étonnant qu'on le voit déambuler dans ces casinos, ces villes champignons, ces lieux clos, ces motels, jusqu'à ce qu'il comprenne que sa prison était simplement mentale, enracinée dans ses obsessions pour les cartes et les chiffres, dans cette volonté robotique de tout maîtriser, d'anticiper les coups suivants, de conjurer le hasard du tirage, de faire l'autruche en somme pour mettre à distance ce qui le consume de l'intérieur, pour refuser de vivre avec... La peur de souffrir à nouveau. En passant à l'acte dans ce final étouffant, il peut enfin appeler la police et le spectateur comprend qu'il assume enfin son passé et peut tourner la page. Il est de nouveau incarcéré mais enfin libre. Libéré. Un homme nouveau.  

Seule réserve sur le film : le personnage féminin qui manque de force, la littéralité de certains dialogues qui soulignent exagérément l'action visible à l'écran (tout le segment explicatif sur la mère à aller retrouver...). Et puis la froide lenteur, le maniérisme de l'ensemble qui m'ont gêné (pas permis de rentrer complètement dans le film) même s'ils épousent parfaitement la psyché de ce personnage coupé du monde et de lui-même. De ses sentiments. Sentiments qui s'expriment à nouveau de deux façons : sa relation avec elle lorsqu'il brise la glace et le passage à l'acte pour venger son protégé (relation par laquelle il a pu redonner un sens à sa vie). Deux façons à lui de "tilter" au monde.

Et par les temps qui courent, ce que Paul Shrader nous livre de son univers (forme testamentaire sur la rédemption qui l'obsède depuis Taxi Driver) et métaphoriquement de l'Amérique post 11 septembre (à la cohésion et aux valeurs humanistes en lambeaux) mérite amplement le détour.

dimanche 23 janvier 2022

Enragé

La dernière image ? Le générique d'intro qui en reprenant intelligemment l'esprit et la forme de celui de L'armée des morts (Zack Snyder) vous murmure que les Zombies sont déjà parmi nous.... Pas besoin d'effets spéciaux ni de fiction, l'incivilité, la folle agressivité du genre humain déclassé, ralenti dans les embouteillages, humilié au travail, exploité par les avocats, vautours affamés aux premières lueurs du divorce est déjà explosive. Et puis, et puis le scandale des Subprimes est l'étincelle (du début) qui est venue embraser le tout, qui vous a vu acheter à crédit des maisons en carton mais elles ne valent plus un kopeck e vous vivez désormais dans votre carrosse, bientôt réduite en citrouille. Rien que cette entrée en matière est sacrément efficace !

Pour le reste, pas grand chose à sauver. A la croisée de Duel et de Chute Libre. Mais dans le premier, c'est la personnification du camion qui crée le génie et l'universel dans cette fable moderne autour du chêne et du roseau, de David et Goliath... Un conte horrifique dans lequel on peut projeter toutes les morales du monde. Dans Chute Libre, le personnage par son humanité même défaillante permet une identification salutaire.

Ici malheureusement, l'on amorce des pistes vite abandonnées. Chaque fois par exemple que le dialogue semble pouvoir s'installer entre lui et elle (d'abord au téléphone), une multitude de possibles se présente alors au film mais le réalisateur n'en fait jamais rien. Le personnage redevient chaque fois monolithique et sans espoir de rémission ou de retour à la "vie", l'empathie, par un dialogue, une écoute... Ce qui fait qu'on peut conclure à la fin : méfiez-vous des gras du bide qui transpirent abondamment au volant de leur break surtout lorsqu'ils viennent de divorcer ou de perdre leur emploi... Appelez-les flics, on gagnera du temps. Flippante la conclusion.

vendredi 21 janvier 2022

Invisible Man

La dernière image ? Ce moment d'une violence inouïe mais surtout inattendue dans un restaurant où le regard de la soeur de l'héroïne paraît ne pas comprendre immédiatement ce qui se prépare... Le spectateur non plus... Indicible seconde juste avant le drame.  

J'ai beaucoup d'admiration pour Elisabeth Moss, une très très grande actrice à mon avis. Je l'aime beaucoup notamment dans Mad Men. Elle apporte toujours un truc à ses personnages. Ici elle est parfaite en tout point sur les 30 premières minutes. Ce rôle de femme traumatisée. A fleur de peau, frôlant la crise de nerf ou peut-être l'autisme.  Qui cherche à se reconstruire. Qui doit vaincre quelques démons : affronter, reconquérir le monde extérieur.

Je trouve notamment la séquence d'ouverture particulièrement réussie. Filmée comme une évasion mais la prison est ce foyer censée vibrer d'amour et pourtant d'une froideur (technologique) incroyable. Chaque petit bruit (la gamelle du chien, la voiture hypersensible) est un danger de mort imminent. On le sent parfaitement et le réalisateur laisse intelligemment imaginer ce qu'elle peut fuir de façon aussi organisée, avec autant de détermination. Le point d'orgue de la séquence étant ce rendez-vous sur une route au coeur de la forêt. La scène produit pleinement sa tension et met immédiatement le spectateur dans le bain atmosphérique du film.

Je salue également la description de ce laboratoire qui rappelle les salles secrètes dissimulées dans le sous-sol des villas cossues de super-héros. Je pense à ceux qi sont pleins aux as. On est clairement chez Batman et ce qu'on nous dit de Batman fait absolument froid dans le dos. Le sauveur de l'humanité serait un psychopathe !             

A vrai dire, tant qu'on est dans la suggestion, tant que la caméra joue intelligemment avec notre regard et l'oriente pour explorer des espaces vides et souvent immobiles mais "vivants" (le feu qui prend dans la cuisine), c'est très fort. Cela culmine d'ailleurs avec le dévoilement en paliers d'intensité successifs de l'appartement du policier et de sa fille.

Par contre, dès que l'héroïne est suspectée de démence meurtrière, que ça dérape, qu'elle est internée, toute la magie s'effondre et on frise le ridicule : d'abord cette actrice pourtant géniale se met à en faire beaucoup trop à mon goût. Toute la séquence de l'hôpital dont elle s'échappe est complètement ratée. Triviale. Répétitive. L'histoire des 2 frères n'est pas très crédible pas plus que ne l'est l'histoire de la fausse mort de l'ex bourreau / compagnon... Bref à part la séquence inattendue et dingue du restaurant, rien d'autre d'intéressant à se mettre sous la dent jusqu'à l'épilogue violent mais attendu (et pas crédible non plus).

Je pense qu'on peut donc revenir sans rougir à l'excellent Hollow Man de Paul Verhoeven que celui-ci ne fera pas oublier. Reste tout de même cette séquence d'intro et toute la montée de la tension qui s'ensuit. Très efficace. Comme dans les bons films d'horreur tant que le "jump scare" n'a pas encore eu lieu, tant que le monstre ou le tueur ne sont pas encore visibles... L'imagination est alors au pouvoir.

mercredi 19 janvier 2022

Annihilation.

La dernière image ? Cette créature moitié ours moitié autre chose, qui fraye un chemin tranquille mais flippant au milieu de jeunes femmes  prisonnières de leurs chaises. Ce qui renforce l'idée que voilà un clin d'oeil à la séquence mythique du test sanguin dans The Thing du grand Carpenter.  

Je l'ai vu apparaître dans les films à voir sur Netflix mais franchement... C'est prétentieux, mou, faussement introspectif, ça se veut même intello. C'est absolument dans la veine de ces films d'horreur qui lorgnent du côté du film d'auteur pour y chercher une caution, un supplément d'âme qui sait ?

Or on ne fait ici finalement que revisiter comme l'entité extraterrestre du film des concepts et des idées absolument génialement traitées ailleurs (The ThingL'invasion des profanateurs de sépulture, Le village des damnés quelque part aussi, avec ce phénomène paranormal prenant racine dans l'enceinte d'un village... ) et restituées ou revisitées pauvrement. Car il est ici beaucoup d'amorces d'idées jamais développées, sans âme, sabordées, traitées par une forme de mépris peut-être : dans le désordre on trouvera l'atmosphère poisseuse des films où un groupe d'aventuriers s'enfonce à ses dépends dans un jungle hostile où le temps ne s'écoule plus de la même façon, où la nature recèle bien des dangers, de la baie empoisonnée aux bêtes féroces qui rôdent alentour. Se méfier alors de la folie qui s'empare des derniers arrivants comme la peste d'un équipage. Mais on retrouve aussi  l'atmosphère de films comme Alien où le péril vient de l'intérieur, des boyaux prennent visiblement vie dans les tréfonds de quelques survivants. Hallucination collective ? Les videos semblent prouver le contraire. Si l'on ajoute à ces références multiples et sans véritable cohérence entre elles les incessants allers et retours depuis et vers le passé qui jalonnent le film, on obtient un gâteau indigeste, une construction lourde autour d'une thématique et d'un univers auxquels on finit par ne pas croire un instant. Tout est surfait, réchauffé, sans spontanéité ni fraîcheur. Vous pouvez tranquillement passer votre chemin. Pastiche sans saveur. Autant replonger dans les 3 ou 4 grands films cités plus haut.

lundi 17 janvier 2022

Army of the dead. Jeu de pistes pour cinéphage

La dernière image ? C'est dans cette brillante séquence d'intro le moment précis où une voix tremblante dit à la radio aux soldats réunis autour du "sarcophage" de béton qui vient de s'ouvrir :

"... Partez d'ici, fuyez, maintenant !"   

J'ai lu plein de choses à son sujert.. Que voilà une série Z... Un fourre-tout sans queue ni tête...

D'abord, pour qui le démarre, il en restera toujours quelque chose. Cette intro par exemple. Appréciez toute la séquence d'intro jusqu'au générique inclus. C'est très fort. Il y a beaucoup de cinéma par ici. On parvient à nous raconter une histoire en quelques minutes "clipées" pour le générique, quasiment sans paroles, après une séquence d'ouverture flippante à souhait qui met direct dans l'ambiance. Même le choix de toutes les musiques fait mouche et donne un je ne sais quoi de mélancolie à cette entrée en matière savoureuse.

Je suis ensuite d'accord pour reconnaître que plus tard les dialogues ou les intentions pour faire naître du sentiment sont faiblards et n'apportent absolument rien de décisif ni de profondeur au film. Ca sent le bâclage. Comme ces réactions pas crédibles de la fille du héros bien décidée à aller sauver toute seule une mère partie chercher fortune à Las Vegas (sic). Ou l'accès "ridiculement" simplet pour pénétrer dans ce coin infesté de zombies. Bref toutes les tentatives pour créer du fond, pour faire exister les personnages, tombent à plat. 2 possibilités : soit ça intéressait trop peu le scénariste et Zack Snyder, soit l'idée est de nous présenter tous ces personnages beaucoup plus en détail ailleurs, plus tard (Army of Thieves ?). Possible aussi, c'est d'ailleurs ce que j'espère. Mais quoi qu'il en soit, le résultat se tient quand même côté spectacle. Il est dynamique, sans temps morts et surtout nourri de vraie cinéphilie.  

J'adore "chiner" un film et ce qui me plaît le plus c'est de déceler toutes les influences, les clins d'oeil  de Zack Snyder aux films qui l'ont marqué. Ici tout commence avec cette "bête" (davantage qu'un zombie) échappée d'un "coffre" (comme on en verra d'autres) et sa dextérité, sa silhouette me rappelle étrangement la bête longtemps invisible, souvent évoquée, de Split.

Les deux soldats perdus "traqués" par cette Bête m'ont rappelé le Loup Garou de Londres (les 2 copains traversant la lande dans la scène du début).

Evidemment les zombies "Alpha" font écho aux Vampires de Carpenter tant dans le look (très darkly hard-Rock). Mais plus encore à La Planète des singes (la statue de la liberté, l'idée d'une nouvelle espèce organisée et visant à remplacer l'ancienne, le cheval, la cape...). D'ailleurs cette idée d'un "patient zéro", qui serait le nouvel Adam, une nouvelle race de Dieux (ç'en est un de fait pour ces nouveaux vivants) est vraiment intéressante. 

C'est le début d'un jeu de pistes passionnant. Naturellement Escape from New-York est très présent à travers cette mission suicide dans une ville-prison d'où personne ne sortirait vivant ?

Les films d'action ne sont pas en reste. Toute la constitution de l'équipe au départ peut convoquer les bons souvenirs de La Horde Sauvage, Les 7 Mercenaires ou les 12 Salopards. Mais le physique imposant du "patron" de l'escouade rappelle surtout le Schwharzy de Predator

Côté action, l'exploitation du toit et des ascenseurs rappellent évidemment le Zombie original mais j'ai aussi pensé à Die Hard. je ne sais pas si je suis le seul. Notamment avec cette histoire de pseudo "Nakatomi Plazza" et de coffre à ouvrir, coffre qui appartiendrait à un certain Takagi (dans Army of The Dead c'est un certain Tanaka qui est aux manettes). Le méchant y est un personnage qui s'appelait "Hans" (comme ici le fabricant de coffres cité aussi dans Army of Thieves). L'ouvreur de coffres est en outre allemand.  

Idem, la séquence de lance qui cloue la française au mur sur le toit m'évoque immédiatement la séquence finale de The Omega Man (Charton Heston finit comme ça mais dans une fontaine). Comme ces yeux "blancs", révulsés, chez tous les zombies qui peuvent évoquer ce dernier.

Toute la thématique du "méchant" (Martin, bras droit de Tanaka) infiltré pour récupérer une tête peut rappeler la saga Alien et le fameux robot infiltré pour venir récupérer le "monstre" afin d'effectuer des expériences par la suite...

L'aventure n'est jamais loin non plus puisque le couloir piégé pour arriver au coffre nous replonge avec délice dans les dangers que brave Indiana Jones pour dénicher ses trésors.

On y verra peut-être aussi des clins d'oeil à Excalibur (le coffre comme l'épée... Qui sera l'élu pour l'ouvrir / la retirer de la roche) à travers les morceaux de Wagner ou le casque du héros Zombie (peut rappeler le casque (et l'armure) du fils de Mordred qui le rendent invincible dans le film de Boorman) ?

Les os qui surgissent d'un bras (La Mouche de Cronenberg et le fameux bras de fer) ou d'une nuque (la tête tourne à 360 degrés, L'exorciste) sont l'écume de films qui nous ont marqué.

Tous les passages avec la tête coupée convoque la mythologie grecque (comme une statue entraperçue dans Las vegas) et Medusa dans Le Choc des Titans.

Le personnage du noir qui s'en sort à la fin... c'est La nuit des morts vivants mais version happy end. Et sa dernière phrase (Fuck) dans un dernier plan furtif, c'est possiblement Twin Peaks (même fin de la saison 2  face à une glace dans un rire glacial cette fois-ci).

Bref, des défauts c'est certain, un manque de tenue sur les moments censés apporter de la profondeur aux personnages, à leurs sentiments, mais jouissif jeu de pistes à la recherche des influences de Zack Snyder et un vrai grand divertissement pour finir. J'attends la suite...

dimanche 16 janvier 2022

Le rayon vert

La dernière image ? Littéralement le dernier plan. L'affiche du film. Saint-Jean-de-Luz. Les yeux rivés sur l'horizon. Ce moment-là est très réussi.

Uniquement pour qui veut redécouvrir Biarritz à l'été 1985. Les images sont probablement issues de cet été là. Toujours émouvant, comme le dernier plan. Il y a comme qui dirait quelque chose dans cet ultime regard sur ces regards qui se tournent ensemble vers le couchant, à la recherche de cette magie, invisible pour le commun des mortels. J'ai nommé l'Amour, l'insaisissable Amour.

Mais le film est par ailleurs très très dispensable. Tout est improvisé et qu'est-ce que ça se sent, des échanges quelconques, logorrhées sans queue ni tête, un personnage principal agaçant qui pleure pour un oui pour un non... Et se  requinque soudainement en attendant le train dans le hall d'une gare.

Peu d'intérêt donc y compris du coté de la mise en scène. Vraiment pauvre. Rien à signaler. Rien à retenir si ce n'est ce plan de fin qui est aussi l'affiche du film. 

 

    

       

vendredi 14 janvier 2022

The Dig

La dernière image ? Une mère courage et son fils sont allongés côte-à-côte dans le ventre de l'Histoire. Ils contemplent sagement la voie lactée. Le fils a tenu promesse (naviguer un jour avec sa mère). Ils semblent prendre date avec le passé, le futur en s'inscrivant immobiles, dans le présent.  

The Dig est un flamboyant Mélo. Passionnant. Élégamment mis en scène, divinement joué mais surtout servi par un texte et des dialogues d'une rare finesse. A vrai dire, chaque fois que je vois un film comme celui-ci, je retombe amoureux des Britanniques. J'envie leur flegme, cet humour so British, cette élégance de tous les instants.

Par ici, tout est fragile, périssable, pareil à ces monticules de terre qui vous ensevelissent sans crier gare, Semblable à ces coeurs brisés depuis l'enfance, et quoi qu'on fasse, vous savez intimement que vous ne vivrez pas assez longtemps pour voir votre enfant devenir un homme... Mais il suffit de quelques instants fugaces, d'un conseil pas tombé dans l'oreille d'un sourd, d'une déchirante séance de développement photo pour qu'une femme comprenne où se terre l'amour. Dans le regard de l'être aimant. S'il est aussi l'être aimé, un feu d'artifices est alors une possibilité, à portée de baiser. Toute tristesse s'évapore instantanément, comme après le déluge, et l'asséchant d'un souffle de vie, un amour fou, total, va pouvoir naître ou renaître comme au coeur de ce vestige Mérovingien. Nous devenons alors comme ce couple naissant, les débris et petits riens du temps, nous dansons dans le couchant sur autant de tumulus sous lesquels un navire est toujours prêt à reprendre la mer, à retrouver le goût de la belle aventure. A l'instar des volcans qu'on croyait trop vieux.

J'aime cette idée que les vrais héros sont des passionnés, des personnages singuliers, hors les cusrsus et autres voies toutes tracées, archéologues amateurs, éclairés, qui guidés par leur intuition première, déterrent des trésors. C'est le cas de cet anonyme héros ici  Dans la confiance absolue que met en lui l'héroïne, il y a aussi un part considérable de cet amour qui irradie tout au long du film. 

L'ensemble est peut-être un peu sage, mais c'est le genre qui très souvent veut cela. Il est d'un classicisme élégant et ne dévoile ses beautés qu'à celui qui sait rester attentif. Cela reste un très beau drame historique (dans la lignée des plus belles réussites de James Ivory par exemple) qui vous tire les larmes tout en vous redonnant l'énergie positive et la foi dans l'amour et le moment présent !

 

mercredi 12 janvier 2022

Uncut Gems

La dernière image ? Celle qui me hantera longtemps, c'est ce moment, en apparence très quelconque dans la cuisine familiale. La façon dont ce père cherche en fouillant du regard quelque chose dans celui de sa grande fille... Désespérément. Quelque chose qu'on pourrait appeler de l'amour et qu'il cherche en vain. Déchirant. Fantastique. 

Ce film a du flow. John Cassavetes was here. Forcément. Bookmakers et diamantaires sont de grands rêveurs, d'inusables pare-feux contre les irascibles de tout poil, d'indécrottables mystiques cherchant dans les reflets d'une opale, dans un décolleté profond, dans le money Time d'un match au sommet leur raison de vivre, leur graal...

Les nappes d'électro eighties dans la nuit New-yorkaise font irrémédiablement leur effet et grisent les âmes... Notamment sur des séquences en apparence anodines comme celle des poubelles qui dit beaucoup du fardeau que porte sur ses épaules ce stakhanoviste de la réussite à tout crin, par tous les moyens. Le mythe de Sisyphe à l'oeuvre et à l'écran dans cette brève progression nocturne heurtée qui éclaire le chemin de croix que nous vivons à ses côtés... La grimpette au sommet de sa petite colline d'adrénaline puis patatras... Equilibres précaires, comme le milieu fragile dans lequel croient vivre peinards ses fantastiques poissons-rêves. Une prison de verre. La sienne. Or tout cet univers est constellé de portes vitrées, de caméras, d'écrans et de lunettes indispensables au héros pour déformer la réalité, pour faire vivre sa réalité. Coûte que coûte. Faite de reflets multicolores et de croyances irrationnelles venant se heurter au prétendu esprit cartésien d'un monde qui ne fait que se donner les apparences de la normalité. Après tout, qu'est-ce qui est normal par ici ? Ni le rythme épileptique d'une journée banale dans la ville qui ne dort jamais, ni les sommes faramineuses palpées par ce Basketteur pré-retraité, ni ces traditions millénaires juives et ce cercle familial hors du temps qui permettent à Rattner de subtiliser tranquillou les fromages du bec de n'importe quel membre un peu trop Gaou de la famille, pièces rapportées comprises. Ni cette recherche effrénée du clinquant, du brillant, du Money Prize. Joie de courte durée, plaisir fini. Passion délétère.

C'est d'ailleurs dans ses "temps morts" comme au Basket que se livre beaucoup de la vérité du film et de celle de son héros, de ce clown triste. Le choix d'Adam Sandler est en cela brillantissime. Quelque part entre Mister Jerry Lewis et Docteur Love. Ou l'inverse. Ses deux visages. Janus doublement mis à nu. Il y a celui qui est perdu, qui pleure comme un enfant, deux mèches rougies dans le pif et il y a l'autre, celui qui gesticule frénétiquement dans son verre d'eau privé d'oxygène. A l'instar du spectateur cherchant de l'air. Pas un hasard qu'on ait fait appel à ce King of Comedy pour ce rôle tragicomique. Et je repense à la grande dépression fatale d'un Robin Williams ou de ces grands de la comédie qui tombent le masque toujours loin des regards, une fois seul avec eux-mêmes. Ce qu'ils dévoilent est souvent bouleversant.

C'est pourquoi au-delà de ce qu'il est, un très grand film noir (dans la lignée de Meurtre d'un bookmaker chinois), je retiens la prestation extraordinaire d'Adam Sandler (le rôle de sa vie probablement) transfiguré et son personnage tour à tour haïssable, consternant, attendrissant. Lui dans cette petite boutique des erreurs qui devient la grotte de tous les dangers (son cerveau enflammé), lors de la séquence d'ouverture en Ethiopie, un terrain à explorer, à creuser sans relâche à ses risques et périls. J'ai d'ailleurs repensé à l'univers anxiogène de Pi (Darren Aronofsky) dans lequel Max, brillant mathématicien, cherche jusqu'à la folie à trouver la formule mathématique qui se cacherait cyniquement derrière les énigmatiques soubresauts du marché des changes. Deux personnages en quête de leur auteur (veulent-ils être Dieu tout simplement ?) ou d'un peu d'amour, en tout cas de leurs fins dernières et qui se brûlent les ailes ou tombent sur un os. Une pierre. Précieuse ou pas. Après tout, Uncut Gems, on dirait pas mais c'est une supplique pour réapprendre à aimer (comme sait le faire et le démontrer sa maîtresse en deux séquences magiques. L'une dans son bureau alors qu'il dissimule ses blessures, l'autre à la fenêtre pendant l'échange lorsqu'elle confesse rêver de l'embrasser). L'amour il était là, tout le temps, sous ses yeux. Cut. J'aime à la folie ! 

Don't look up

 


La dernière image ? elle est double. Il y a cette musique chantonnée par le personnage de Di Caprio dans la voiture. Très joli moment. Et toute la "cène" finale autour d'un délicieux repas. Un banquet façon Astérix mais pas de sanglier. Voilà pour moi les deux moments forts et appréciables du film.


Sinon ? Evidemment Leonardo est toujours un acteur fantastique qui donne du relief à son personnage, de la complexité... Certains autres acteurs tirent leurs épingles du jeu, soit ! Merryl Streep ou Kate Blanchett sont impeccables.

Mais que le film, que son humour sont lourds, patauds, caricaturaux, pas fins. Sorte de Docteur Folamour 2.0 mais de ce fait autant rester sur la démonstration brillante du film de Kubrick qui ne disait pas autre chose (la folie des hommes les perdra), qui disait déjà tout 60 ans plus tôt !!!

Par ailleurs, sur le thème de la fin du monde, qui peut espérer aller plus haut et plus fort en terme d'ambition cinématographique, de beauté, d'intensité,  que ne le fit Melancholia ?

S'il est question de faire la démonstration qu'on va tout droit vers la catastrophe, il eut fallu faire un documentaire et le confier à quelqu'un comme Michael Moore. Pour éveiller les consciences, rien de mieux ! Ou alors privilégier carrément la fiction via le found footage ultra-réaliste, implacable et sans humour comme Barry Levinson le fit divinement avec son mémorable The Bay.

mardi 11 janvier 2022

The Power of the dog. Jane Campion

La dernière image ? C'est peut-être ce travelling tout en souplesse centré sur la silhouette maigrelette, gracile, qu'un coup de vent pourrait emporter, d'un être féminin qui se faufile comme une égérie de mode à la recherche de son podium imperturbablement sous les quolibets virils des cowboys au spectacle.

Pas mal du tout. Très bien joué. Photographie magnifique, rythme lento appréciable qui donne à ce western une dimension contemplative. presque introspective, presque trop. Je m'explique. L'histoire comme hors du temps de ce quatuor se recroqueville un peu trop sur elle-même et sur le sujet, thématique univoque qui veut que les codes, les us et coutumes de cette époque rugueuse amenaient inexorablement les femmes à souffrir, à accepter leur condition malgré elle. Raison pour laquelle l'héroïne, réduite à un "faire valoir", noie son chagrin dans l'alcool en douce... Car ici, le genre masculin est toxique, il écrase tout.

Même le personnage central si machiste, si bas du front, ne finit par se révéler complexe que lorsqu'il semble accepter sa part plus féminine, plus ambiguë sexuellement... Tant qu'il est dans sa peau de mâle, il est naturellement (dans  l'esprit de Jane Campion) infect, misogyne et homophobe. Mais lorsqu'il pénètre son jardin secret derrière un enchevêtrement d'arbres morts (symbolique très appuyée du surmoi enfoui), il s'éveille aux "genres" qui cohabitent en lui et devient progressivement plus à l'écoute du lien filial / amoureux qui va le lier au jeune éphèbe (la façon dont se dernier découvre le lieu secret est vraiment trop téléphoné au passage). Il devient dès lors "littéralement" ce que la réalisatrice attend de lui... La démonstration que la sur-virilisation de cet âpre monde a des effets dévastateurs sur les hommes et naturellement les femmes. On nous explique que les codes qui ont vécu ont vécu. Qu'ils étaient "mauvais", qu'ils poussaient chacun à dissimuler sa vraie nature, ses sentiments les plus enfouis... La bienséance l'emportait en toute chose...

Je trouve cette démonstration trop lisible et de ce fait pas très agréable pour le spectateur. Car elle dépossède les personnages de tout libre-arbitre,  les cantonnant à des rôles censés illustrer la thèse du film. Manque une complexité salvatrice. Ainsi Kirsten Dunst est absolument transparente. Son mari est évidemment engoncé, monolithique et probablement pour beaucoup dans le malheur qu'elle vit. L'évolution du frère est écrite, attendue de même que l'épilogue laisse entendre que tout "gros dur" qu'il est, le héros est fragile alors que le jeune homme efféminé contrairement aux apparences est solide, doté d'un fort caractère... L'éternelle rengaine autour de l'habit et du moine . Qui est fort ?  Qui est faible ?

Pas mal donc, mais écrit et réalisé avec les oeillères qu'on met aux spectateurs pour qu'ils ne dévient pas du chemin tracé pour eux.

dimanche 9 janvier 2022

The Nickel Ride. Dave Grusin. Peggy Lee

La dernière image ? C'est évidemment ce fantastique épilogue dont je ne révèle rien. Il a une place toute spéciale dans mon panthéon des fins les plus déchirantes, bouleversantes au cinéma.    

Je reviens souvent à ce The Nickel Ride que mon copain Philippe m'a fait découvrir. Le film Noir fut probablement réinventé dans ces eaux-là, les early seventies.... Sacré score et fabuleuse voix de Peggy Lee ... Qui vous hantent à tout jamais.




samedi 8 janvier 2022

Taking off. Milos Forman



La dernière image ? C'est probablement ce générique de début qui met immédiatement dans l'ambiance. Fiction ? Documentaire ? Comédie ? tout cela e même temps, Mais ce que l'on en retient c'est cette capacité à restituer la vérité de cette jeunesse-là, de ces années-là. L'on décrypte aussi parfaitement le fossé qui est béant entre la génération des boomers et leurs prédécesseurs. tout st déjà là.        

Quels souvenirs ! Quel force ! Quelle vérité ! Quel humour ! Quel regard ! Tant d'acuité vous rend humble, amoureux du cinéma, de la jeunesse, de toutes nos jeunesses... Et s'agissant de féminisme, il est bon de ressentir autant d'amour et de légèreté, d'humour et de profondeur, où est passé ce féminisme là ? 



jeudi 6 janvier 2022

Peninsula

La dernière image ? Peut-être ce monde artificiellement créé par des hommes décérébrés qui organisent des paris autour d'esclaves offerts aux dents acérées de zombies pleins de vitalité. Bon c'est déjà vu ailleurs (Land of the dead ou Mad Max) mais ici on pousse à fond la thématique "nous sommes des numéros" bankables pour les observateurs...     

Cela me confirme ce que je pressentais après avoir vu Dernier train pour Busan. La frontière est mince, fragile, entre la réussite et le ridicule. Je suppose que pour ce dernier, il y avait quelqu'un à l'écriture, ou que le scénario avait été écrit, lu et relu et patiemment construit. Ce qui l'emportait au final malgré des "sorties de route" stylistiques (chaque fois que les effets spéciaux venaient à la rescousse, notamment sur les scènes finales de plein air).

Dans Peninsula, même si l'univers se déplace d'un huis-clos étouffant vers les grands espaces à l'abandon d'un sorte d'Escape from Peninsula (les références sont nombreuses aux films de Carpenter, à Mad Max ou Land of the Dead, à The Omega man) qui peuvent rappeler les grandes heures de la SF des seventies, il manque 2 choses essentielles : d'abord une écriture qui se tienne. Les personnages existent trop peu, on ne croit pas à cette relation entre frères comme on ne croit guère à ces pleurs quand le "papy" meurt (tellement ce dernier est peu mis en valeur pendant le film). Les déclencheurs et relais narratifs sont également faiblards (l'histoire des téléphones, de cette famille qui survit là-dedans on se demande comment, du premier zombie au volant du camion dont personne ne se méfie...). Le reste se limite à une galerie de stéréotypes et la fin est vraiment bâclée, lourde, pas crédible...

Le deuxième hic et de taille c'est la confiance aveugle que le réalisateur semble accorder aux effets spéciaux (toute la poursuite finale) et qui dévitalise le film au lieu de l'ancrer dans ce territoire aux confins de l'enfer. On retrouve là les quelques défauts perçus lors de l'épilogue en extérieur du premier volet.

mardi 4 janvier 2022

No Sudden move

La dernière image ? Le visage défait de Benicio Del Toro lorsqu'il comprend au bruit étrange de la bouteille de champagne qu'elle lui raconte autre chose qu'un simple bouchon qui saute... Sacrée façon de baisser pavillon quand il est trop tard.

Soderbergh continue de m'épater de loin en loin. Mes derniers coups de coeur ? Ma vie avec Liberace (il y est à son meilleur), The Informant (également fantastique) et plus récemment le faussement mineur Paranoïa.

No Sudden move a également beaucoup à donner. Le titre raconte déjà la fuite devant le courage, l'appât du gain qui étouffe l'homme incapable de s'arrêter à temps... C'est la photographie, l'instantané de ce moment où les promesses, les intentions parfois, ne sont jamais suivies des actes... Trop de blabla ces hommes-là !

Soderbergh a d'ailleurs l'intelligence de résumer mine de rien 70 ans d'immobilisme sur les questions environnementales.... Tout est si parfaitement résumé. Dès les années 50, une prise d'otage fait apparaître par petites touches le pot-aux-roses, un secret industriel convoité en haut lieu pour mieux étouffer l'affaire et permettre à l'industrie automobile florissante de continuer à polluer gaiement. Au diable les scrupules, déjà. 

Le sujet est au fond l'espionnage (même industriel). Sorte de Bureau des légendes vintage où à l'époque sans technologie, sans informatique, sans dématérialisation des échanges, on ne procède pas encore derrière un écran, on fait "à l'ancienne", on se confronte. Une bonne vieille tactique pour aller subtiliser un document physique dans un coffre qui ne l'est pas moins tout comme est palpable l'assurance vie de Curt récupérée dans une vieille valise chez une personne de confiance... Tout ici est lesté, prend son temps et sa place dans le paysage ou à l'arrière d'une berline, chaque geste vers l'intérieur de sa veste est scruté plutôt deux fois qu'une (la dématérialisation se produit alors dans un coffre, à l'intérieur d'une veste, dans le double fond d'une valise, derrière un sourire enjôleur) mais tout ce beau monde se côtoie pour le coup, se coltine l'autre. La confiance est en permanence jaugée, challengée, remise en cause... 

Car le film parle en creux de notre époque, de l'incommunicabilité avérée de nos jours, constatée entre groupes communautaires qui se coupent les uns des autres, entre minorités visibles ou non qui défendent non plus des intérêts particuliers au sein d'un groupe - qui les protège - mais des idéologies délétères... Alors qu'à l'époque, tout le monde se connaît, il y a des clans bien sûr, mais le policier et le truand se rencontrent, discutent, les mafieux de Harlem et de Little Italy se fréquentent, les hispanos et les noirs aussi, les juifs et les cathos, il y a un code, un alphabet commun connu sur le bout des doigts, un "respect" réciproque peut-être, avec le vice et la trahison toujours à portée de flingue... Mais on connaît les règles et ses risques. On sait comment se prémunir des mauvais coups. On parle, on peut même parfois sauver sa mise par le verbe, l'échange, la poignée de main. Même les personnages de Matt Damon et des deux héros surgis des bas fonds peuvent cohabiter et se comprendre l'espace de quelques minutes dans une rutilante salle de réunion...

Evidemment par contraste, le monde d'aujourd'hui paraît cloisonné, compartimenté, chacun vit dans un monde coupé de celui des autres et dans des certitudes qui semblent irréconciliables. Ce qui n'est jamais le cas dans No Sudden Move. Son intrigue est complexe, entrelacée de mystères, racontée par des personnages tarabiscotés, du clair obscur partout, une ambiguité salvatrice tout le temps. Le Grand Sommeil se sera penché avec bienveillance sur le berceau de No Sudden move.

Et puis je retiens toute cette précautionneuse, jusquauboutiste paranoïa de truands qui malgré plus d'un tour dans leur sac apparaissent soudain en culotte courte devant un joli minois qui leur récite l'amour par le menu (Curt mis à part)... Jouissif ! Ces gros durs qui ont tout prévu sont brutalement transformés en petits enfants sans défense. La secrétaire "polyandre" ou Vanessa Capelli la femme adultère et terriblement ambitieuse mènent la gent masculine pour le bout du... nez. Ce faisant, le film fait passer finement le message d'une société et une époque prétendument masculine, patriarcale vu d'ici et maintenant mais où les femmes déjà tirent parfaitement leur épingle du jeu sans l'aide de personne : le mythe de la femme fatale n'est pas une pure invention.

A saluer d'ailleurs la reconstitution méticuleuse d'une époque qui rappelle les grandes heures (Saison 1) de Mad Men (la présence de John Hamm n'y est probablement pas étrangère). Tout comme j'apprécie la présence d'acteurs fétiches (Matt Damon) ou de visages qu'on voit moins ces derniers temps... Brendan Fraser. Ray Liotta. Toujours un bonheur.

Pour finir, le seul qui semble en permanence faire les choix payants, c'est Curt, celui qui a l'oeil qui frise, l'intuition qui va le sauver au bon moment, sorte de vieux sage à qui on ne la fait pas et qui est déjà revenu de tout, lui qui n'abat ses cartes que pour mieux s'en tirer à l'instant fatidique... Ses valeurs peut-être ? Une préscience ? Sa méticuleuse méfiance ? On sent aussi le "bon gars", sorte d'Uggy les bons tuyaux qu'on préfère quand même avoir à côté ou devant soi dans une voiture parce qu'il lui arrive d'ôter des vies sans ciller.

Bref décidément un très grand film, une fois de plus.

lundi 3 janvier 2022

Dernier train pour Busan


La dernière image ? Probablement ce final dans le tunnel, au rythme lent (la femme enceinte y est pour quelque chose) retrouvé des zombies d'antan et de cette voix enfantine qui résonne dans la trouée... C'est beau, c'est fort, c'est intelligemment référencé.  

Pour le reste, point de départ diablement efficace.

De la narration comme j'aime (les parents séparés, le père absent, trop à la manette pour racheter et vendre des sociétés dont celle qui va provoquer le cataclysme), des personnages écrits (le père antipathique, la fille qui a pris le parti de sa maman ou celui de le changer...), une expédition pour aller déposer sa fille chez sa mère...
 
je pense naturellement à La guerre des mondes, puis à L'armée des morts, qui avait le don de faire exister des personnages dans ce huis-clos existentiel, dans cette "revisitation" singulière et tranchante du mythique Zombie de Romero. La séquence finale fait même écho à l'épilogue  désespéré de la Nuit des morts-vivants. Même s'il réserve un twist final qui vous tire les larmes (le voir pour comprendre toute la force de cette chanson que la petite fille trouve la force de terminer pour... son papa). 

Evidemment, ça reste un blockbuster qui sacrifie à quelques poncifs, quelques facilités, une frivolité, voire une image qui rappellent parfois parfois davantage l'image terne et l'univers d'un "direct video" (quand les Romero ou le Zack Snyder avaient au contraire en eux la force d'un vrai cinéma d'auteur, une profondeur, une épaisseur, une portée philosophique bien plus ample) mais je salue ici l'inventivité, les prouesses techniques qui rendent l'ensemble à la fois digeste et électrique. J'apprécie tout particulièrement le saupoudrage intelligent d'humour potache (le gros balaise qui défonce les zombies mains nues, très cartoon, le livre dans la "gueule" du Zombie, la lumière qui se rallume intempestivement dans un jeu du chat et de la souris) qui ici et là vient desserrer l'étau et la tension. C'est en même temps le risque, cela contribue à éloigner le film de la grande oeuvre qu'il aurait pu aspirer à devenir en le plaçant plus résolument dans le pastiche, l'autodérision. La frontière est ténue.

Enfin, j'ai aimé les références au Transperceneige, à Runaway Train ou L'Empereur du Nord (le combat final à mon avis), voire au western plus généralement (convoqué dans le titre), les zombies comme autant d'apaches poursuivant le dernier train pour... Busan.

Bref, du très bon film d'horreur Coréen qui apporte son lot de fraîcheur et ne se prend pas au sérieux et qui par contraste démontre par exemple toute la nullité crasse d'un World War Z.

1917

 La dernière image ? Probablement cette progression aquatique sur des corps en guise de rondins le long d'un tronc à la renverse sur le fleuve.  

Sinon, c'est "cours Schofield, cours"... On y pense tellement, c'est un gimmick, une ritournelle du film qui dit beaucoup sur tout ce qu'il échoue à raconter... Une fuite en avant narrative par le biais stylistique. Car voici venir le Gravity de la plaine... Le Forrest Gump de la tranchée... Et je retrouve bien ici la signature visuelle de Sam Mendes, son maniérisme hors pair pour accoucher d'une belle oeuvre un peu glacée, à laquelle il manque probablement l'essentiel : quelque chose d'intéressant à raconter...

Gentil Schofield et gentil Blake vont rejoindre le gentil frère de Blake... Sur le chemin 1 ou 2 méchants allemands, une lettre à conserver coûte que coûte, une jeune femme ayant besoin de lait pour son petit et puis c'est à peu près tout. Alors oui, l'image est léchée, la reconstitution probablement dingue et fidèle, la prouesse technique formidable mais quelle idée de se passer d'y écrire des personnages dignes de ce nom, de proposer une vision personnelle de ce conflit, de la guerre en général... Pourquoi se passer d'avoir un truc à dire ?

Revoir Apocalypse now, La ligne rouge, Full Metal Jacket, le Soldat Ryan, les sentiers de la gloire, Voyage au bout de l'enfer, Das Boot, Attack, Casualties of war, Platoon, même Dunkerque ou Jardins de pierre... Chacun va creuser son sillon, donne vie à des personnages, des histoires singulières qui résonnent dans une thèse plus universelle défendue par un véritable auteur avec un message à délivrer.

Ici rien, le néant. On finit par chercher le rythme, le tempo qui ne vient jamais. Le personnage court, son pouls s'accélère mais la caméra reste steadicamée, lento, smoothy, l'impression de visiter un appartement par temps de COVID... C'est pesé, carré, sans anicroche, pas de problème de focale, tout est net dans le plan, tout est de ce fait écrasé, aplani, tout le temps... Les dialogues ? Sonnent le creux de la calebasse... La petite musique omniprésente ? Une tartine de son pour occuper les oreilles et humidifier les yeux.

Reste une odyssée visuelle, un interminable clip video mais qui se serait mieux prêté à un sujet fantastique (je pense au fabuleux fils de l'homme parfois filmé au cordeau comme ici), voire une réflexion sur le jeu video, car on suit davantage deux personnages (puis un seul) traqués par ces caméras un coup par derrière, un coup par devant dans la tradition des GTA... Ni plus ni moins Et encore, dans GTA on est le joueur.  Game over.