mardi 11 janvier 2022

The Power of the dog. Jane Campion

La dernière image ? C'est peut-être ce travelling tout en souplesse centré sur la silhouette maigrelette, gracile, qu'un coup de vent pourrait emporter, d'un être féminin qui se faufile comme une égérie de mode à la recherche de son podium imperturbablement sous les quolibets virils des cowboys au spectacle.

Pas mal du tout. Très bien joué. Photographie magnifique, rythme lento appréciable qui donne à ce western une dimension contemplative. presque introspective, presque trop. Je m'explique. L'histoire comme hors du temps de ce quatuor se recroqueville un peu trop sur elle-même et sur le sujet, thématique univoque qui veut que les codes, les us et coutumes de cette époque rugueuse amenaient inexorablement les femmes à souffrir, à accepter leur condition malgré elle. Raison pour laquelle l'héroïne, réduite à un "faire valoir", noie son chagrin dans l'alcool en douce... Car ici, le genre masculin est toxique, il écrase tout.

Même le personnage central si machiste, si bas du front, ne finit par se révéler complexe que lorsqu'il semble accepter sa part plus féminine, plus ambiguë sexuellement... Tant qu'il est dans sa peau de mâle, il est naturellement (dans  l'esprit de Jane Campion) infect, misogyne et homophobe. Mais lorsqu'il pénètre son jardin secret derrière un enchevêtrement d'arbres morts (symbolique très appuyée du surmoi enfoui), il s'éveille aux "genres" qui cohabitent en lui et devient progressivement plus à l'écoute du lien filial / amoureux qui va le lier au jeune éphèbe (la façon dont se dernier découvre le lieu secret est vraiment trop téléphoné au passage). Il devient dès lors "littéralement" ce que la réalisatrice attend de lui... La démonstration que la sur-virilisation de cet âpre monde a des effets dévastateurs sur les hommes et naturellement les femmes. On nous explique que les codes qui ont vécu ont vécu. Qu'ils étaient "mauvais", qu'ils poussaient chacun à dissimuler sa vraie nature, ses sentiments les plus enfouis... La bienséance l'emportait en toute chose...

Je trouve cette démonstration trop lisible et de ce fait pas très agréable pour le spectateur. Car elle dépossède les personnages de tout libre-arbitre,  les cantonnant à des rôles censés illustrer la thèse du film. Manque une complexité salvatrice. Ainsi Kirsten Dunst est absolument transparente. Son mari est évidemment engoncé, monolithique et probablement pour beaucoup dans le malheur qu'elle vit. L'évolution du frère est écrite, attendue de même que l'épilogue laisse entendre que tout "gros dur" qu'il est, le héros est fragile alors que le jeune homme efféminé contrairement aux apparences est solide, doté d'un fort caractère... L'éternelle rengaine autour de l'habit et du moine . Qui est fort ?  Qui est faible ?

Pas mal donc, mais écrit et réalisé avec les oeillères qu'on met aux spectateurs pour qu'ils ne dévient pas du chemin tracé pour eux.

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