mercredi 13 mars 2013

De l'ombre à la lumière. Ron Howard











J'adore la gueule de Ron Howard dans Happy Days. On a envie de le prendre dans ses bras. Je l'aime beaucoup moins comme réalisateur (le merveilleux mais sûrement trop calibré Willow mis à part, A beautiful Mind à la limite). Il faut quand même que je vois Rush dont j'entends partout le plus grand bien. De l'Ombre à la lumière, en plus d'être un film Biiopic quelconque commet l'erreur fatale de miser sur le mauvais cheval. Le personnage passionnant à creuser, c'était sans l'ombre d'un doute Max Baer.


Je viens de lire un passionnant article consacré à une femme américaine atteinte de la maladie d'Urbach-Wietthe. Un mal étrange et fascinant qui annihile chez sa victime tout sentiment de peur. Quel rapport avec Max Baer me direz-vous ? Aucun en apparence. 
Max Baer a été champion du monde de boxe anglaise chez les Poids Lourds dans les années 30. 71 victoires pour 13 défaites, un des meilleurs puncheurs de son époque. A la ville, un éternel jouisseur, aimant la bonne chair et les plaisirs charnels, un joyeux drille maniant l'humour avec une dextérité qu'il n'avait pas vraiment sur le ring. Toute sa carrière durant, il goûta assez peu les sacrifices qu'exigeait son sport, préférant se reposer sur ce don du ciel en Boxe, le punch. Foudroyant. Parce qu'il était comme ça, qu'il se diluait dans une forme de légèreté, de recul aussi par rapport à son métier, l'amenant à butiner, s'essayant parfois au cinéma, devenant finalement champion du monde des Poids Lourds presque par hasard. Aucun plan de carrière. Mais du panache. Une forme de panache qui m'en rappelle d'autres. Exemple emblématique avec ses derniers mots : il fait une crise cardiaque en 1959. Se sachant condamné, il gît sur le bitume et grand sourire aux lèvres rassure un passant et se fend d'une phrase depuis célèbre : "Oh god, here I go". Il y a dans cette attitude une absence de peur, un humour intact, une noblesse d'âme qui ne sont pas sans rappeler la verve d'un Cyrano lançant sa dernière tirade avant que de rendre les armes. Et je comprends enfin pourquoi c'est cette image de Max Baer, de cet homme drôle, détaché et serein face à la mort, qui me vient à l'esprit alors que j'ai sous les yeux un article consacré à une femme débarrassée de toute peur par la maladieLes voies du cerveau sont pénétrables. Derrière cette peur empêchée, figée, se cache la panique suprême, l'angoisse de la mort qui vient, insidieuse, la peur de l'inconnu, de ce qui nous attend après. Plus tard. Et Max Baer semblait justement en avoir percé les petits secrets, fort de cette troublante et enviable légèreté de l'être.

Par cette petite réflexion, il me semblait tout à fait nécessaire de réhabiliter Max Baer dès lors qu'un tâcheron de film signé Ron Howard en 2005 le caricature honteusement, le faisant passer pour un tueur au sang froid sur le ring. C'est du sang chaud qui coulait dans ses veines. Rendons-lui aujourd'hui les honneurs qu'il mérite pour le boxeur et l'homme qu'il fut.

Oh Max, Here you go !





mercredi 6 mars 2013

Phantasm. Don Coscarelli. Le plus effrayant. Le plus traumatisant des films. Quand on a 10 ans.

Je ne sais pas pour vous mais moi je me rappelle plutôt bien. Pas vraiment quel était mon âge, j'étais très jeune, une certitude. Nous venions ma cousine et moi de voir l'Ile au Trésor (Byron Haskin, 1950) qui nous avait émerveillés mais pas rassasiés. La question nous a alors été posée (par l'ami de mes parents chez qui nous étions) de savoir si voir un film d'horreur nous ferait plaisir. A 9/10 ans, on se fait rarement prier pour vivre une expérience pareille.

Il s'agissait de Phantasm (Don Coscarelli, 1979).

Des bribes me reviennent (puisque je n'ai plus jamais revu le film depuis) : une boule métallique qui dévore les boîtes crâniennes, un cimetière dans lequel des amoureux se retrouvent à la nuit tombée, un croque-mort qu'on n'oublie pas, une musique qui glace le sang, un univers cauchemardesque. Je me souviens également de ce que qu'aucune explication rationnelle n'était vraiment fournie sur le sens profond de ce film unique... Si ce n'est la représentation cinématographique d'un rêve que Don Coscarelli fit enfant. Quoi d'autre ?


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Sans l'avoir revu - ce qui sera bientôt chose faite -, je sens confusément que nous avions là un film en avance sur son temps, misant déjà sur une atmosphère onirique beaucoup plus que sur les ressorts traditionnels de l'horreur. Peut-être un film-cauchemar précurseur de ce que les oeuvres de Lynch ou de Cronenberg donneront de meilleur une fois le public familiarisé avec ces formes étrangement nouvelles.  

mardi 5 mars 2013

Django unchained. Le fiasco Tarantino

Je viens de lire une interview de Quentin Tarantino. Il y raconte avec beaucoup d'assurance que le public est une femme, et que lui, fieffé jouisseur, sait parfaitement comment s'y prendre pour le faire grimper au rideau... Sur le coup je me dis, waow, quelle incroyable confiance en soi. Reconnaissons d'ailleurs qu'il y a dans ses premières oeuvres une folie, une excitation, un amour du cinéma communicatifs, une envie de transmettre, de murmurer au spectateur "tu vas prendre"... Vu sous cet angle, je comprends mieux cette déclaration des droits du public à atteindre l'orgasme.


Et c'est dans cet état d'esprit que je me décide à aller voir Django Unchained. Et bien, quelle déception, dites-moi...


un D pour Django

D'abord une scène emblématique de ce que je reproche au film. Celle dans laquelle Quentin Tarantino rend hommage au Django de Sergio Corbucci. Tout y est appuyé, bavard...  Et pour quel résultat ?  Pour s'achever dans un échange un peu vain entre l'inspiration (Franco Nero) et un Jamie Foxx par ailleurs étrangement insipide. Un si grand acteur pourtant... Incompréhensible !

C'est que voilà, Django est le film interminable et prévisible d'un réalisateur en roue libre. Il creuse allègrement le même sillon qu'Inglorious Bastards déjà entaché de longueurs, de bavardages inopérants. Une logorrhée de 2h45 qui me fait regretter les divins silences du grand Sergio Leone, ces regards de feu qui disaient tant, ces revolvers et ces harmonicas qui parlaient pour les hommes...

Quelques illustrations de ce qui me semble ne pas fonctionner du tout dans le film :

Le cas King Shultz

Pourquoi prendre le risque de se faire tuer par un millier de gâchettes devant un saloon de carton pâte quand on aurait pu faire beaucoup plus simple, discret, et surtout crédible pour arriver à ses fins ? Cette première scène exposant un King Shultz et la façon dont il récupère sa prime est tellement alambiquée, se conclue au prix de tant de contorsions verbales que l'intérêt du spectateur attentif se dilue à mesure qu'il comprend le but d'une manoeuvre où tout semble construit pour arriver au climax d'humour d'un King Shulz insistant auprès du Marshall de la ville pour récupérer son argent. Au final, beaucoup de dialogues qui ne font en rien avancer l'intrigue. Du vent pour pas grand chose.

Triple K et la limite de l'humour

La scène de l'attaque nocturne du couple Shultz/Django par des membres du KKK relève d'un autre problème : celui du manque de finesse. Voilà une séquence qui nous rend presque sympathiques une horde de benêts incapables de faire des trous dans leurs masques de fortune... Des pieds nickelés en somme ? Potentiellement excusables ? Voilà en l'espèce le risque quand on essaye de manier avec humour des figures aussi casse-gueules. Quentin Tarantino pêche par manque de jugeote et me rappelle en cela le président du jury pas très inspiré qu'il fut à Cannes lorsqu'il décerna la palme d'or au faiblard Farenheit 9/11.

Après l'administration Bush puis les nazis, farcissons-nous les esclavagistes... Bonne idée mais encore eut-il fallu se montrer plus nuancé, complexe, finaud ?

Et les femmes dans tout ça...

Je veux également m'attarder sur le statut de la femme réduite (dans un film qui se veut pourtant le cri, la dénonciation du crime sans partage contre l'humanité que fut l'esclavage) à un simple objet qu'on pose dans un coin et qui s'évanouit de façon théâtrale à la première sensation forte...

Ok c'est un western, un genre créé par des mecs pour des mecs, mais rien qu'à repenser au fascinant personnage de Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l'Ouest, je reste dubitatif... Pourquoi une telle platitude sur le terrain de personnages féminins à peine dessinés ? Une silhouette un peu idéalisée dans un champ ou au détour d'un arbre centenaire... Regard étrangement indifférent voire à certains égards misogyne... Dommage.

Django party

Enfin la musique, de tous temps l'incontestable point fort du mélomane Quentin Tarantino, a comme des accents d'improvisation pas toujours heureuse (le rap sur des images léchées de la fin du XIXème siècle dans des champs de coton, mouais...) et un côté frénétique dans l'enchaînement de morceaux n'ayant au final que peu de cohérence les uns avec les autres... Incompréhensible.

L'infertilité du mâle en rut

Avec le recul, je crois que c'est cette incroyable confiance en lui (évoquée au début de cette critique) qui amène Tarantino droit dans le mur quand je reste persuadé qu'un peu d'humilité et l'aide d'un vrai scénariste auraient certainement aidé notre champion à accomplir quelque chose de grand avec une idée de départ qui était somme toute intéressante. Mais il y manquera comme à son prédécesseur Inglourious Bastards une colonne vertébrale, un vrai scénario. Bref, se faire confiance ne suffit pas, ou ne suffit plus...

Quant à sa réflexion sur la jouissance de son public, me vient à l'esprit une maxime frappée au coin du bon sens : en matière de sexe, de jouissance, d'orgasmiques expériences, l'habit fait rarement le moine, toujours se méfier des coqs de basse cour, des hâbleurs trop sûrs de leur petite affaire. Quentin a trop parlé et trop vite... Peut-être en a-t-il oublié la vraie saveur d'un rapport chargé de sentiments charnels. Le vrai mal de Tarantino serait donc là ? un désir en berne depuis près de 10 ans ? Allez Quentin ! Reviens-nous, déchaîne-toi de nouveau, redeviens le Tarantino du renversant Jackie Brown. Où étais-tu toutes ces années ?

dimanche 3 mars 2013

Steve Mc Queen. Nothing but Hunger and Shame



Steve Mc Queen. Patronyme envahissant ; d'abord parce que mon ex en était folle. Steve Mc Queen et son physique avantageux par ci Steve Mc Queen et son beau regard par là. Heureusement, l'était déjà trépassé l'animal. Je n'avais plus qu'à lutter contre l'ombre insaisissable, autant dire une huile essentielle. Mais l'odeur elle s'était bien imprégnée, écoeurante, dans le papier peint jauni de notre chambre à coucher.

Lorsque Steve Mc Queen a repointé le bout de son nez dans une enveloppe charnelle bien différente, je me suis dit quel cynisme : un noir américain qui se choisit Michael Fassbender pour avatar et la faim comme premier sujet. Ouf ! Et pourquoi pas le Steve Mc Queen version Mister Cool dirigeant Rainer Werner Fassbinder dans un remake intimiste et auteuriste de Bullitt (1968) ? 


Ma curiosité éveillée, j'ai donc vu ses 2 premiers opus et pour faire court, j'avoue ne pas comprendre qu'on se soit emballé avec autant d'entrain autour de 2 objets que je trouve avant toute chose résolument glacés. Deux titres, Hunger puis Shame, résumant à merveille le melon du réalisateur, son irrésistible envie d'en mettre plein la vue en s'attaquant rien de moins qu'à la Faim et la Honte. Waow. Sacré programme !

La faim (et les moyens pour la satisfaire)


D'abord Hunger, non dénué de qualités, avec un acteur excellemment dirigé, et quelques idées de mise en scène très efficaces, j'en conviens. Postulat de départ pas mal non plus. Cet acteur sera ma terre glaise, ma pâte à modeler et je vais le façonner jusqu'à le faire mien... Bien vu.

Le souci réside plutôt dans l'idée de départ et surtout le traitement. Point de départ : Une grève de la faim, une volonté affichée de ne plus se nourrir. Je pense alors à ce député français se gavant de beurre fondu et d'eau pour obtenir gain de cause dans la sombre affaire de délocalisation programmée d'une usine dans sa belle région du Béarn. Je repense à toutes les autres grèves de la faim comme autant de choix lucides et assumés. Oui mais alors ? C'est leur problème après tout. Patrick Timsit en son temps racontait divinement comment le mime Marceau en mimant la faim à des petits éthiopiens affamés les avait gavés. Je veux dire par là qu'il y a tant de faims non voulues en ce bas monde que la problématique du film devient sujet de nanti, thème et propos beaucoup trop théoriques à mes yeux.

Il faut revoir le fabuleux La Faim d'Henning Carlsen (1966) pour comprendre ce qui ne fonctionne pas dans le film de Mc Queen.


Le sujet brûlant, pris en pleine poire. Avec ses hallucinations liées au manque, la vérité nue de la faim subie dans une grande ville au milieu du XXème siècle où l'on peut encore mourir de malnutrition sans l'avoir choisi. Aujourd'hui la faim sévit encore dans de nombreux endroits du globe. Cela n'interdit pas de traiter le sujet comme arme politique mais quoi de plus objectivement inoffensif en la matière ?

Et lorsque la défense chevaleresque, surannée, inopérante d'un idéal se double d'une volonté délibérée du réalisateur de faire de ce film un objet d'art, esthétiquement travaillé aux entournures, il ne peut qu'en résulter un happening froidement artistique ou "vernissage" cinématographique si vous voulez, l'objet étant cet acteur devenu matière molle sous les doigts de fée d'un Steve Mc Queen qui devient l'archétype même de l'artiste se faisant plaisir, content de lui et de son petit effet. Raté sur le fonds mais pire : sur la forme ! .

(Such a) Shame


Rien de surprenant dès lors si son deuxième opus, Shame, se focalise sur l'idée d'une addiction au cul. Pour une apologie de l'autosatisfaction. Je comprends mieux pourquoi ce réalisateur noir américain cristallise ses visions autour d'un avatar blanc : pour mieux masquer le fait que c'est bien lui, Steve Mc Queen, qui sous prétexte de thèmes gros comme des sujets de philo au bac, détaille sa jouissance devant ses sécrétions visuelles dont certaines méritent le détour, soit : j'adore la scénette de la soeur du héros entonnant un New-York New-York lorgnant du côté d'un hymne américain revu et corrigé en son temps par un Jimmy Hendrix positivement incontrôlable.


Et je repense là encore à Intimité, vibrant chef d'oeuvre de Patrice Chéreau qui explorait sans jamais chercher à l'expliquer une relation physique, totale, créant une dépendance pouvant s'apparenter à une addiction, mais tellement plus intéressante, l'addiction à une personne, l'enchaînement à cette particule élémentaire qui soudain fait de vous un pantin désarticulé par une force inconnue s'imposant à vous.

Evidemment le sujet n'est pas le même mais il illustre à quel point Steve Mc Queen est dépassé par le sien - les pseudo dérives d'un capitalisme ramené à l'échelle du désir et de la chair. C'est l'illustration qu'en ne se rattachant à rien d'autre qu'à de vagues théories, qu'à sa confiance dans une capacité hors normes à filmer Steve Mc Queen finit par réduire ses films à la démarche égoïste d'un artiste se suffisant à lui-même. Ce n'est pas seulement maigre. C'est aussi creux. Il en résulte hélas des films pour soi, jamais pour les autres.