dimanche 4 décembre 2011

Trilogie Pusher. Nicolas Winding Refn

Sensation unique d'une fin de matinée pluvieuse quelque part au milieu des années 2000. Au sortir d’une projection, je me sens groggy, comme drogué à mon insu, au point que mon corps a du mal à suivre, que mes jambes se dérobent sous moi. Puis l'attraction terrestre achève le sale boulot, me recollant la face éteinte sur le plancher des vaches. Fini l'état de grâce mais je me rappelle parfaitement l'homme transfiguré que je suis alors, l'espace d'un instant, béat d'admiration, ébloui par le ciel bleu azur - tranchant avec la pluie qui tombait drue à mon arrivée aux abords du cinéma – comme par ce que je viens de prendre en pleine figure. Un uppercut, un coup génial sorti de nulle part. Je sais maintenant que les perceptions du corps trompent rarement leur monde. et ce jour là s'impose physiquement la certitude d’avoir dévoré une page légendaire de l'histoire du 7ème Art.

C'est au festival du film policier de Cognac, où je suis présent par la grâce de mon employeur - un label video - avec la secrète et noble mission de ramener d'éventuels films pour une acquisition (en vue d'une édition DVD). Ce film, c'est Pusher II.



Son réalisateur Nicolas Winding Refn. Et son acteur, révélation fulgurante, Mads Mikkelsen.



Du coup me vient l'idée de fouiller dans mes souvenirs pour retrouver trace de sensations comparables, de grosses claques mémorables à la sortie d'un cinéma, et dont les souvenirs gardent la même intensité, même des années après.

Parmi ces chairs de poule insensées :

ABIDJAN


Excalibur (John Boorman, 1981). La source originelle de mon petit monde de cinéma. La bataille finale,  l'embarcation qui s'éloigne dans le soleil couchant, la présence comme indispensable de Carl Orff et Richard Wagner, un corbeau dévoreur de pupilles comme le cinéma s'emparant de mon imaginaire, et Perceval qui trouve le graal au prix d'une complète remise en question de son système de valeurs (son armure). La matrice, le point de non retour.


CASABLANCA


Halloween (John Carpenter, 1978). Le frisson ultime. Je vois le film en 84. J'ai 11 ans et lorsque je sors dans la rue Lemercier juste après la séance, le soleil est partout mais je ne cesse de scruter, de me retourner, de guetter Michael Myers portant masque au détour d'un véhicule garé, d'un olivier centenaire, ou dissimulé derrière une fenêtre. Le cinéma s'incruste dans ma réalité pour mieux l'épicer.


VELIZY-VILLACOUBLAY


Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985). Première identification. Michael J Fox c'est moi, et cette De Lorean doit bien exister, quelque part. Je la trouverai. Elle prendra les traits d'une Volvo 464 puis d'une Blue Bird... Mais de saut dans le temps, point encore.



Angel Heart (Allan Parker, 1987). Séance de minuit un samedi soir. Il est 2 heures du matin et traverser Vélizy pour regagner à pied mon immeuble ne sera pas de tout repos. Des chiens hurlent ici et là, la zone d'emplois est étrangement vide et anxiogène. Cité post-apocalyptique lorsque les sièges des grandes sociétés deviennent autant de musées vides et flottant sur un paisible océan de béton. Vélizy-les-flots-gris. Une question m'obsède sur le trajet  : sous quels traits Louis Cypher m'apparaîtra-t-il ?  Depuis ce jour, je n'ai plus jamais regardé les oeufs de la même manière.



Piège de cristal (John Mc Tiernan, 1988). le film d'action hissé au rang de chef d'oeuvre. Un huis-clos géographique et temporel qui sied parfaitement à l'ambiance à la fois étouffante, cruelle et décontractée de ce missile aux parois vitrées. j'en sors baba et j'y retournerai de nombreuses fois. A l'époque, la référence indépassable du film d'action.


BAYONNE


Cujo (Lewis Teague, 1983). Le film qui m'a ouvert les yeux sur l'importance de l'écriture et de la créativité de la mise en scène lorsque le projet vit comme ici sur une économie de moyens et une unité de lieu et de temps. Grand, très grand film, qui, rareté, s'affranchit du livre dont il est l'adaptation. Le film existe pour lui-même. Et grande injustice : le chien méritait l'Oscar !


PARIS


Fisher King (Terry Gilliam, 1991). L'envie de me foutre à poil dans Central park est venue avec ce film. "I like New-York in June" reste un hymne fabuleux. Et Jeff Bridges y trouve l'un des rôles de sa vie. Ses "Forgive me" résonnent encore et me réchauffent l'âme...



Bloody Bird (Michele Soavi, 1987). Réconcilier le théâtre et le film d'horreur. Rejoindre en un film les maîtres que sont Mario BavaDario Argento. Michele Soavi l'a fait.



Les Diables (Ken Russell, 1971). A voir au cinéma Accatone. Personne n'en sortira indemne.