dimanche 19 mars 2023

Halloween. Psychanalyse par le masque



Haddonfield, Extérieur nuit

Un tueur sur la route

James Ellroy avant l'heure

Being Michael Myers,

C'est l'avoir dans la peau, s'y glisser 

Ici l'on voit d'abord avec ses yeux

Puis il s'évapore, se dilue,

Jusqu'à se fondre dans le décor,

Identité flottante, abstraite,

Finit par contaminer l'air

Devenir omniprésent,

Entre ici et là-bas,

Nulle part et partout.

Il était lui, devient le "nous",

L'invisible est devenu visible

Sous le masque des transgressions

Dans un rituel de tous les passages

De l'enfance vers l'âge adulte,

Du soi vers le surmoi,

De l'ordinaire vers l'extraordinaire

Au cours d'une nuit, d'un rite initiatique,

Pour devenir le super-héros ou l'idole maléfique.

La nuit des masques ?

Un acte de naissance, mieux une question :

Qu'est-ce que le mal absolu ?

Un homme sans identité ?

Déraciné ? Anesthesié ? 

Un souvenir peut-être, dans toute société,

Du rôle dévolu à chaque citoyen.

Se cacher le visage alors ?

C'est aller au-delà des apparences,

Révéler sa nature profonde.

Le temps d'une cérémonie 

De sa musique minimaliste,

Dont le venin s'écoule goutte à goutte,

Imprègne chaque petite parcelle

D'une ville au demeurant charmante.

Le slasher qui tenait lieu de programme

Etait donc un film fantastique,

Le plus grand des cauchemars :

Psychanalytique, psychopathologique !

Un écran parfaitement noir sur lequel

Projeter notre peur la plus enfouie.

Celle qu'on peut avoir de soi-même.

Doublement. Michael Myers.

My My. Sous le masque

Se cache un peu de

Chacune et chacun d'entre nous.

The Thing. La dernière gorgée.

John instille, insuffle,

Enseigne la schyzo

Et sur le paradis blanc

Projette son grand silence.

Inquiétant, paranoïaque,

Survival en milieu hostile

Koh Lanta du permafrost

Voici venir l'inhumanité

Déguisée en virus à démasquer.

L'antidote, lui, demeure introuvable  

C'est la Théorie du complot qui essaime,

Empoisonne avant l'heure.

Et le chien vous me direz ?

Un loup pour l'homme, il observe

Attend son heure et frappe

Au moment le plus imprévisible.

Quoi que tu fasses, la nature

C'est plus fort que toi !

Elle fracasse, elle concasse, 

Teinte l'atmosphère de pessimisme

A l'image de cette séquence finale

Où l'irruption du danger

à travers le personnage oublié

Revenu de l'enfer des glaces

Se fait en catimini,

Sur la pointe des pieds...

Aveu d'impuissance,

La fatalité se noue

Autour d'un feu de la Saint-Jean.

2 rescapés au devenir incertain 

Face à leur sort illustré

Par ces flammes qui s'épuisent

Gesticulent partout autour 

Dans une ultime danse, lascive,

Avant de s'éteindre en beauté.

La dernière gorgée de whisky ?

Pas qu'un clin d'oeil aux grands westerns, 

Elle cristallise ce reste d'humanité

Unissant les 2 personnages

Dans le couloir rougeoyant de la mort.

Chacun sporadiquement éclairé

Par le regard de l'autre :

Deux chiens féroces,

Ecumant de rage,

Toujours prêts à bondir,

Jusqu'à leur dernier souffle.

mardi 7 mars 2023

Halloween Kills / Halloween Ends. David Gordon Green

La dernière image ? Je retiens cette foule devenue "monstre" qui s'acharne à son tour sur le monstre dans Halloween Kills. Evidemment Frankenstein est convoqué.

Halloween Kills

Puissante idée également de retrouver des survivants de la première tuerie. La catharsis de cette revisitation des traumatismes originels via la scène d'un cabaret enfumé où chacun exhibe ses cicatrices, la joie contenue de ne pas avoir été une de ces victimes (expiatoires) de circonstances comme tant d'autres dans les slashers de  l'époque (Vendredi 13 etc) est assez joussive. Elle remet la vie à sa place,au centre de tout. Chaque vie compte nous murmure le film. Même foulée au peid, même estropiée. C'est très fort. J'aime beaucoup aussi le couple homo qui a investi la maison d'Addonfield, pour en faire un musée Grévin du bon goût, un nid d'amour aseptisé, branchouille et bobo pour y vivre de grands moments.... de terreur. Faisant ressentir au passage les effets du temps et de mode qui glissent imperceptiblement sur les âmes de cette petite ville.

Mais il y a malheureusement aussi de nombreux défauts et écueils qui font de ce deuxième opus une tentative un peu bancale. Probablement d'ailleurs que les deux autres volets du real de Joe (ce cher David Gordon Green) n'étaient pas indispensables. Le premier contenant à peu près tout ce qu'il y avait d'essentiel à raconter sous la forme d'un hommage sincère doublé d'une réinvention bienvenue et repectueuse du mythe.

Le deuxième volet reprend en quelques sortes le concept de la suite originale : on retrouve une même unité de lieu et de temps, un passage par l'hôpital, etc. La force y est de transférer la colère vengeresse de Laurie Strode vers la ville toute entière... L'aveuglement faisant commettre le pire à un policier dans le passé, à une foule devenue incontrôlable dans le présent... Intéressante réflexion autour d'une folie collective Une forme d'endoctrinement par le slogan repris inlassablement. 

Halloween Ends

Il y a quelque chose d'apaisant dans ce dernier plan, de mystérieux, comme la fin heureuse d'un roman lumineux, épique... Laurie Strode s'est d'ailleurs jetée corps et âme dans l'écriture. Certains éléments (la casse automobile, elle devant son ordi) convoquent les souvenirs de Stand by me curieusement. Déjà une histoire douloureuse qui s'écrit à l'écran pour mieux exorciser le passé. La perte d'êtres chers.  

Par ailleurs, de brillantes idées sillonnent le film qu'on ne peut écarter d'un simple revers de la main. D'abord ce Corry est un personnage hautement intéressant... Quelque part entre Clark Kent et Peter Parker découvrant leur part sombre, leurs pouvoirs maléfiques. Corry trouvant son mentor (un peu comme Skywalker dans les marais de Star Wars) dans les galeries souterraines de la ville (on pense à Ca de Stephen King), et finissant par endosser le costume et le masque du Super-Héros à l'envers. Super-Villain en d'autres termes. Pour se confronter à Laurie Strode, la survivante. The one and only. Deux incassables au contact. 

La séquence d'introduction est à cet effet un modèle du genre. Elle est brillante. Assez "Screamesque" dans un esprit Gore et ludique.

Et puis des souvenirs du premier sont convoqués retissant la parenté, permettant à une certaine émotion de remonter. Des séquences en reprennent l'esprit, la construction. Encore quelques clins d'oeil bienvenus à l'oeuvre de Carpenter affleurent comme avec cette station radio (Fog) ou cette ville aux rues noires d'un monde en catalepsie devant un corps inerte... Assault on Precinct 13 ou Le prince des ténèbres. La voiture dans la Casse, c'est Christine.

Il manque probablerment beaucoup pour faire oublier qu'un seul film aurait suffi. Mais ce réalisateur a toujours des choses intéressantes à dire, un vrai regard, on est très loin du Blockbuster horrifique calibré, on sent tout au long de ses trois films des intentions nobles (il respecte beaucoup plus l'univers de Carpenter que ne le fit Rob Zombie par exemple), un amour sincère pour le film original, pour ses personnages dont évidemment Laurie Strode et qui le méritent amplement.


dimanche 5 mars 2023

Nightmare Alley


La dernière image ? Le héros marche dans un champs désert, une maison un flammes en point de mire... Cela rappelle un peu Les moissons du ciel (Terence Mallick).. J'aime beaucoup aussi les premiers plans dans la fête foraine sous un ciel d'orage la nuit, avant d'être inondée par une pluie battante...  Immersion réussie, images fortes, atmosphère de film noir joliment restituée.

Ensuite, malgré des qualités certaines, notamment le dernier tunnel de 45 minutes plutôt bien réalisé, je retiens trois difficultés assez insurmontables autour de ce film.

La première concerne sa durée. Comme je le dis à l'instant, il y a peut-être 1h à 1h15 de trop... La première heure 45 est objectivement interminable... Nous sommes dans la construction d'une attente mais de quoi au juste ? Ce n'est pas clair.

Ce premier écueil est renforcé par (et c'est le deuxième problème) le sentiment que les personnages, malgré la reconstitution soignée d'une époque et d'un genre, n'existent pas, qu'ils ne se résument qu'aux stéréotypes du genre (Un Great Gatsby de pacotille, la femme fatale de service, le milliardaire et ses morts sur la conscience...). Une galerie de photos fades, un long métrage sur papier glacé qui ne nous laisse pas entrer prendre place parmi ses personnages... Paradoxe ultime lorsque le film est censé raconter la façon dont un charlatan pénètre justement dans l'esprit chagrin de ses victimes...      

Et cela m'amène au troisième point, le plus rédhibitoire à mes yeux : il concerne le personnage central, son âge, son mystère, les raisons qui peuvent permettre aux spectateurs de le suivre, de craindre pour lui, de le comprendre aussi. Le voilà par exemple qui démarre en étant mystérieux voire mutique... Il acquiesce et ne dit mot. Puis il devient soudain artiste, dessinateur, volubile, séducteur, metteur en scène... Cette évolution n'est plausible que si le personnage est au départ un jeunot malin et malléable qu'en apparence trouvant ainsi grâce aux yeux des vieux "singes" de la troupe foraine... Mais le fait que l'acteur ait ici la quarantaine fait qu'on n'y croit pas une seconde.... De même que ce côté Gatsby le Magnifique arpentant ses Chemins de la Haute ville, véritable personnage vénal qui aspire à fréquenter les milieux les plus en vue, ne passe pas puisque le personnage est trop "vaguement" écrit...

Restent ces dernières 45 minutes qui fonctionnent malgré tout sur le plan du rythme de la narration et de l'intensité jusqu'à un final plutôt réussi où l'on retombe sur ses pattes. Mais ça arrive bien trop tard.                  

   



mercredi 1 mars 2023

Us.

La dernière image ? La séquence très réussie de la plage. Contraste puissamment mis en lumière entre le lieu idyllique et l'étrangeté d'une présence fantomatique. La peur au grand air. Au grand jour. Sous un beau soleil d'été. Mouvements de caméra ambitieux, musique dissonante.  Presque de retour dans la fosse aux contrastes des Dents de la mer aux côtés de Roy Scheider. Le ver est dans le fruit. 

Sinon le début est saisissant. La nuit dans cette fête foraine. Mais l'arrivée des profanateurs de sépulture se fait trop abrupte. La confrontation n'est pas terrible non plus, s'étire en longueur d'une maison à un bateau sans boussole. Le huis-clos étouffant sied mieux à ce genre de situation anxiogène (cf le Village des damnés et sa frontière invisible). Déjà, on sent le scénario trop "lâche", trop à géométrie variable... Désireux d'explorer tous les recoins de cette petite cité balnéaire... La preuve... Le mal s'empare des voisins mais eux n'y survivent pas quand la petite famille de héros elle résiste à tout et zigouille tout ce qui vient à la vas-y que je te désosse comme qui rigole. Et tout ira de mal en pis.... Et si l'on rajoute  les liens passé / présent avec le remplacement de la gentille par la méchante (façon La vie est un long fleuve tranquille), on se dit que trop c'est trop... Le fil veut explorer la geographie, le temps, la contagion du mal... Jusqu'à contaminer la ville de la toute fin... Le réalisateur semble remettre une pièce dans la machine à chaque qu'on se dit dans notre fauteuil "là c'est bon, conclusion, conclusion par pitié".  C'est donc pour finir un fourre-tout un tantinet prétentieux qui donne le sentiment que le réalisateur s'aime vraiment beaucoup... Se regarde par au-dessus filmer, se caresse longuement le torse avec délectation, la façon désagréable qu'a déjà Steve mc Queen de construire des films comme des "expériences artistiques" de haut vol dans une galerie de l'east side river. Mouais bof...

Le jeu de la dame

La dernière image ? Le début de cette mini-série, l'enfance de l'art, moment où tout se joue, l'âge des possibles dans cet orphelinat où l'échappatoire prend forme dans une cave puis au coeur d'une projection dans une salle obscure pour s'achever dna sl'arrière boutique des paradis artificiels derrière une cloison vitrée appétissante. 

Sinon voilà une série bien trop sage, trop apprêtée, trop léchée, trop propre sur elle (comme l'actrice, qui minaude à chaque nouveau plan). Malgré une reconstitution soignée de l'époque, le film ne se départit jamais de la mécanique éculée d'un Rocky like, de ce combattant qui pour se frotter aux meilleurs (un impitoyable russe, tiens, tiens) va devoir vaincre ses démons et apprendre à écouter, apprendre aussi à se faire confiance.

C'est comme si pour illustrer une partie d'Echecs on ne jouait qu'avec les petits pions... De façon linéaire et verticale. Où est passée la folie ? La passion qui va avec les Echecs, le Bridge ? ces jeux qui rendent vraiment fous... 

Tout ici est trop léger, frivole, tout se noue dans l'apparence d'un tenue impeccable et pas assez dans l'intériorité... La lutte intérieure, la furia d'un femme transfigurée lorsqu'elle se projette au plafond pour visualiser ses parties endiablées...

Moi j'aurais vu ce film comme La faim (Knut Hamsun brillamment adapté à l'écran par Henning Carlsen)... Filmer le génie comme une vertèbre manquante, une absence, un déséquilibre jusque dans la mise en scène, filmer l'horreur des gouffres amers de l'"addict", filmer l'impossible, filmer au coeur les effets de la drogue sur l'inspiration de la joueuse. Prouver par l'image que les échecs sont une  expérience hors normes de manque, d'obsession comme peut l'être le prédateur affamé cherchant sa proie.