dimanche 3 mars 2013

Steve Mc Queen. Nothing but Hunger and Shame



Steve Mc Queen. Patronyme envahissant ; d'abord parce que mon ex en était folle. Steve Mc Queen et son physique avantageux par ci Steve Mc Queen et son beau regard par là. Heureusement, l'était déjà trépassé l'animal. Je n'avais plus qu'à lutter contre l'ombre insaisissable, autant dire une huile essentielle. Mais l'odeur elle s'était bien imprégnée, écoeurante, dans le papier peint jauni de notre chambre à coucher.

Lorsque Steve Mc Queen a repointé le bout de son nez dans une enveloppe charnelle bien différente, je me suis dit quel cynisme : un noir américain qui se choisit Michael Fassbender pour avatar et la faim comme premier sujet. Ouf ! Et pourquoi pas le Steve Mc Queen version Mister Cool dirigeant Rainer Werner Fassbinder dans un remake intimiste et auteuriste de Bullitt (1968) ? 


Ma curiosité éveillée, j'ai donc vu ses 2 premiers opus et pour faire court, j'avoue ne pas comprendre qu'on se soit emballé avec autant d'entrain autour de 2 objets que je trouve avant toute chose résolument glacés. Deux titres, Hunger puis Shame, résumant à merveille le melon du réalisateur, son irrésistible envie d'en mettre plein la vue en s'attaquant rien de moins qu'à la Faim et la Honte. Waow. Sacré programme !

La faim (et les moyens pour la satisfaire)


D'abord Hunger, non dénué de qualités, avec un acteur excellemment dirigé, et quelques idées de mise en scène très efficaces, j'en conviens. Postulat de départ pas mal non plus. Cet acteur sera ma terre glaise, ma pâte à modeler et je vais le façonner jusqu'à le faire mien... Bien vu.

Le souci réside plutôt dans l'idée de départ et surtout le traitement. Point de départ : Une grève de la faim, une volonté affichée de ne plus se nourrir. Je pense alors à ce député français se gavant de beurre fondu et d'eau pour obtenir gain de cause dans la sombre affaire de délocalisation programmée d'une usine dans sa belle région du Béarn. Je repense à toutes les autres grèves de la faim comme autant de choix lucides et assumés. Oui mais alors ? C'est leur problème après tout. Patrick Timsit en son temps racontait divinement comment le mime Marceau en mimant la faim à des petits éthiopiens affamés les avait gavés. Je veux dire par là qu'il y a tant de faims non voulues en ce bas monde que la problématique du film devient sujet de nanti, thème et propos beaucoup trop théoriques à mes yeux.

Il faut revoir le fabuleux La Faim d'Henning Carlsen (1966) pour comprendre ce qui ne fonctionne pas dans le film de Mc Queen.


Le sujet brûlant, pris en pleine poire. Avec ses hallucinations liées au manque, la vérité nue de la faim subie dans une grande ville au milieu du XXème siècle où l'on peut encore mourir de malnutrition sans l'avoir choisi. Aujourd'hui la faim sévit encore dans de nombreux endroits du globe. Cela n'interdit pas de traiter le sujet comme arme politique mais quoi de plus objectivement inoffensif en la matière ?

Et lorsque la défense chevaleresque, surannée, inopérante d'un idéal se double d'une volonté délibérée du réalisateur de faire de ce film un objet d'art, esthétiquement travaillé aux entournures, il ne peut qu'en résulter un happening froidement artistique ou "vernissage" cinématographique si vous voulez, l'objet étant cet acteur devenu matière molle sous les doigts de fée d'un Steve Mc Queen qui devient l'archétype même de l'artiste se faisant plaisir, content de lui et de son petit effet. Raté sur le fonds mais pire : sur la forme ! .

(Such a) Shame


Rien de surprenant dès lors si son deuxième opus, Shame, se focalise sur l'idée d'une addiction au cul. Pour une apologie de l'autosatisfaction. Je comprends mieux pourquoi ce réalisateur noir américain cristallise ses visions autour d'un avatar blanc : pour mieux masquer le fait que c'est bien lui, Steve Mc Queen, qui sous prétexte de thèmes gros comme des sujets de philo au bac, détaille sa jouissance devant ses sécrétions visuelles dont certaines méritent le détour, soit : j'adore la scénette de la soeur du héros entonnant un New-York New-York lorgnant du côté d'un hymne américain revu et corrigé en son temps par un Jimmy Hendrix positivement incontrôlable.


Et je repense là encore à Intimité, vibrant chef d'oeuvre de Patrice Chéreau qui explorait sans jamais chercher à l'expliquer une relation physique, totale, créant une dépendance pouvant s'apparenter à une addiction, mais tellement plus intéressante, l'addiction à une personne, l'enchaînement à cette particule élémentaire qui soudain fait de vous un pantin désarticulé par une force inconnue s'imposant à vous.

Evidemment le sujet n'est pas le même mais il illustre à quel point Steve Mc Queen est dépassé par le sien - les pseudo dérives d'un capitalisme ramené à l'échelle du désir et de la chair. C'est l'illustration qu'en ne se rattachant à rien d'autre qu'à de vagues théories, qu'à sa confiance dans une capacité hors normes à filmer Steve Mc Queen finit par réduire ses films à la démarche égoïste d'un artiste se suffisant à lui-même. Ce n'est pas seulement maigre. C'est aussi creux. Il en résulte hélas des films pour soi, jamais pour les autres.

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