dimanche 29 novembre 2015

Mad Men Saison 1


Côté atmosphère, tout est là. Côté personnages, c'est pas mal non plus. Avec je précise deux derniers épisodes absolument renversants notamment une séquence de présentation d'un produit baptisé Carrousel qui est une conclusion splendide de cette saison 1.

Il faut dire que le sujet permet élégamment de croquer simultanément plusieurs personnages, une jolie brochette, dans une vie de bureau consacrée à l'art de divertir les gens ou plutôt de les pousser à la consommation. Voilà d'ailleurs une riche idée que de se choisir pour cadre une époque fascinante, juste avant que n'émergent les premiers exploits de la Beat génération, et voir naître la société de consommation que l'on connaît, à travers un rêve américain en marche... L'avantage c'est de faire avancer des personnages alors qu'ils se débattent dans un monde auquel il faut trouver un sens, après les guerres successives qui viennent de s'enchaîner.

A vrai dire, j'ai plus à redire sur le piège de la stylisation d'une époque et celui de la métaphore qui parfois se prend les pieds dans le tapis.

Côté stylisation, elle peut parfaitement rappeler celle d'un OSS 117. Mais ce qui fait le bonheur des films d'Hazanavicius, c'est précisément le décalage opéré via l'humour parfois potache qui donne le change, casse la perspective et surtout de fait évite tous les écueils du registre Melo. Or dans Mad Men, en mettant en valeur sans véritable distance les atmosphères, les tenues, les accessoires, les mégots fumants, le bruit des glaçons dans le whisky, le risque est toujours de tomber dans une forme de déclinisme, de mélancolie larvée, de nostalgie d'une époque terreau fertile des conservatismes de tout poil, où des films comme Amélie Poulain ou Les Choristes en France se sont par exemple goulument engouffrés ces dernières décennies. Ce n'est pas le cas, mais parfois on peut se demander si cette reconstitution n'a pas quelque chose d'enviable, comme exilant les parfums du paradis perdu. Et ça soulève la question de savoir ce que veulent vraiment raconter les auteurs.

Autre réserve : coté métaphore, développer des intrigues et des personnages perdus dans des volutes de superficialité peut aussi finir par poser problème. Derrière les mimiques l'on aurait voulu connaître un peu mieux ces personnages, que leur intérieur se lézarde et s'offre davantage... La série semble prisonnière de ce postulat que chacun sent bien en fort intérieur que la vraie vie c'est quand même autre chose (comme ce clochard venu chez le héros du temps où il était encore enfant). Et qu'à se frayer un chemin personnel, égoïste dans le vaste monde on finisse par s'égarer... 

Sur ce type d'univers et de démonstration, j'aime par exemple la radicalité d'un Profit ou la profonde originalité d'une série comme The Affair qui en tournant autour des mêmes sujets consacre de vrais immenses personnages d'apparence frivole et d'intériorité bouillante, pris dans les mêmes tourbillons de faux semblants de mensonges, de trahisons... Avec en filigrane dans Mad Men le monde de la publicité et dans The Affair les ravages de l'auto-ficton sur les personnages qui inspirent l'histoire d'un romancier à succès. Mad Men est très belle série, léchée, assez prenante pour trois ou quatre personnages essentiellement. Mais n'y manque-t-il pas non plus le cynisme totalement assumé d'un House of Cards dans sa première saison qui reprend ce genre de parabole autour d'une trajectoire individuelle dans un monde politique qui sonne le creux partout et tout le temps ?

Je crois pour finir que Mad Men est peut-être après tout typiquement le genre de série bien de son époque, plaisant à son auditoire privilégié, aux CSP+, à ceux qui travaillent, aux diplômés, aux publicitaires d'aujourd'hui. Car chacun d'entre eux finira par y trouver un raffinement confinant à une forme de noblesse, y verra de l'espoir et l'humanité derrière des postures pourtant cyniques et froides au premier abord... Parce que c'est ce qu'on retiendra au final... Que derrière des gars sans foi ni loi, sans colonne vertébrale, et sous le veston, il y a quand même un petit coeur qui bat, des questions profondes même lorsqu'elles ne sont d'effleurées et donc de l'humanité à revendre pour rassurer tout ce beau monde... Revendre, rassurer ? Rassurer pour mieux vendre ? Tiens donc, quels que soient les détours, tous les chemins mènent à Mad Men.


mardi 24 novembre 2015

Métamorphoses. Christophe Honoré


Louable intention que d'evhémériser la mythologie la plus impénétrable, la plus poussiéreuse, la déambulation de Dieux parmi les hommes... Le ridicule n'est hélas jamais loin... Tenues vestimentaires de Jupiter, acteurs faiblards, enjeux qui ne dépassent jamais l'envie qu'on sent chez le réalisateur de transmettre au plus grand nombre, de partager, de démocratiser un truc par essence chiant à faire découvrir...

Je repense à des films comme les Visiteurs du soir qui d'une certaine façon explorait cet entrelacement d'histoires charnelles ou non entre hommes et formes déifiées... Cela reste un chef d'oeuvre parce que la mythologie y servait de prétexte pour faire passer des messages politiques, à l'époque d'actualité (au coeur de l'occupation), parce qu'il y avait par ailleurs un dialoguiste,  un vrai, de sublimes musiques et de flamboyants acteurs ! 

Avec Métamorphoses, on finirait même par trouver les lieux et les étranges postures un peu vides d'une série comme les Revenants... Le lac, la ville engloutie, le fusil sur l'épaule, des meurtres entre personnages désincarnés, une trame qui se déroule du coup sans véritable enjeu dramatique puisse les personnages n'existent jamais... Même cause, mêmes effets ?

mercredi 18 novembre 2015

Mommy. Xavier Dolan


Xavier Dolan a un sacré talent pour filmer. Là dessus je n'ai rien à redire. Des images léchées, une atmosphère parfois ouateuse et poétique (les ciels de traîne, les glissades soft en roller ou en caddie) parfois brutale et sombre (la violence de la scène qui précède la rencontre avec la voisine). Mais cela suffit-il à accoucher d'un grand film ?

Certes on sent des influences... Mais derrière une esthétisation digne d'Eléphant (que je ne porte d'ailleurs pas dans mon coeur), il y a je trouve surtout des idées plates, je pense par exemple à ce moment où le jeune homme hurle liberty sous le regard goguenard de sa mère et de la copine à vélo.

Il y a aussi ces longs intermèdes musicaux (musique permanente et qui finit par apparaître comme une béquille bien utile au film) qui sont d'une maladresse sans nom. Notamment une projection mentale de la maman sur la future vie épanouie de son fils dont l'ambiance rappelle furieusement ces publi-reportages pour une assurance, faisant défiler les pires clichés de générations se succédant au rythme de leurs moments fortiches... L'idée est noble, pas le résultat à l'écran. Parce qu'on l'a trop vu, que c'est par essence le chemin de la facilité.

L'hystérie est par ailleurs utile ou nécessaire sur un sujet pareil (la normalité et ses frontières jamais nettes) mais pas l'hystérisation à outrance qui devient artificielle quand tous les personnages sont border line, parce que plus rien n'émerge, plus rien ne dépasse... La folie finit par égaliser le film de bout en bout... On finit par attendre à reculons la prochaine éruption de l'un des trois personnages... Et l'on finit inexorablement par s'éloigner, par rester si loin d'Une femme sous influence, probablement un des modèles de Mommy.

Je pense qu'il manque surtout de l'expérience (de la vie, pas du cinéma) à emmagasiner pour ce jeune homme à qui on garde malgré tout sa sympathie et son admiration pour l'envie, le jeune âge et le talent qui ne fait pas de doute. Mais son grand film attendra encore...

mardi 17 novembre 2015

The Salvation


C'était appétissant cette incursion du cinéma danois dans le western avec des gueules aussi charismatiques que celle de Mads Mikkelsen. Et pourtant, le résultat est fort décevant malgré une tentative de soigner l'image et de se rattacher à des références incontournables du genre (Il était une fois dans l'Ouest avec le terme éternel de la vengeance explorée). Mais rien à faire, ça ne fonctionne pas côté scénario ni côté esthétique (hélas bien trop léchée) qui se raccroche plus à un univers publicitaire qu'à de glorieux aînés. Mauvais western donc, bien trop sage et sans le génie nécessaire pour exciter notre curiosité... Parmi les dernières tentatives de renouvellement du genre, dégustez plutôt Séraphin Falls voire le très novateur Young Ones.

lundi 16 novembre 2015

Homesman. Tommy Lee Jones


Un bon point ? Homesman est un western original avec des faux airs de convoi funéraire. Trois femmes un peu givrées sont escortées par une quatrième femme qui ne l'est pas beaucoup moins, certes courageuse mais passablement dépressive... Cet asile ambulant n'oublie pas les personnages masculins en la personne de ce type un peu border line, un peu miraculé, un peu bandito, un peu vénal, mais finalement très humain ... Tommy Lee Jones lui prête ses traits et doit prendre un malin plaisir à incarner cette brutasse épaisse au grand coeur. Il est comme les autres à la dérive et sera à l'origine de deux des grandes séquences du film : celle de la rivière où les femmes cintrées retrouvent momentanément la raison pour rappeler leur bienfaiteur à ses plus élémentaires devoirs. L'autre culmine dans cette froide vengeance où une maison bourgeoise brûle dans la nuit ses occupants avec sans que jamais le personnage principal n'exprime le moindre remord. Moment cruel d'une grande ambiguïté. Entretemps on aura subitement vu disparaître un autre personnage central (joliment campé par Hilary Swank) dans un moment surprenant mais finalement assez factice compte tenu du peu qu'il nous est donné à connaître de l'héroïne en question.

Voilà pour les belles curiosités du film qui pour le reste est assez mou, à sens unique, et qui finit surtout à l'image de ses personnages par s'égarer en perdant son spectateur. Le final n'a objectivement plus grand chose à offrir de beau ni de grand... Il est arrivé, se sépare de ces 3 femmes et repart comme il est venu l'argent en poche et la chanson au bord des lèvres, oubliant au passage la stèle funéraire qu'il était censé ramener avec lui... Bof prévisible et finalement regrettable.

jeudi 12 novembre 2015

La vie sauvage. Cédric Kahn


On sait déjà que Cédric Kahn est un bon cinéaste. Un super faiseur avec souvent un regard, un supplément d'âme. Vie sauvage commence même sur les chapeaux de roue avec une première séquence qui met immédiatement dans l'ambiance. Mathieu Kassovitz est bon, même très bon dans une forme de sobriété qui cache bien la folie douce et coercitive du personnage à l'égard de ses deux marmots et plus largement du monde extérieur qu'il rejette avec force.

La faiblesse du film se situe davantage dans le jeu des deux garçons devenus grands, particulièrement l'aîné. Ce qui sur ce genre de sujet est franchement gênant. Céline Saillette n'est pas transcendante non plus la faute probablement à un abattage qui peut finir par perdre le spectateur d'un film à l'autre... On la voit sûrement trop, c'et sel problème. Sur un sujet pareil peut-être aurait-il mieux valu s'appuyer sur des visages moins connus même si encore une fois rien à dire coté Kassovitz !

Le film a également une fin étrange, pas follement réussie, trop abrupte. Bon mais c'est pas mal, pas inintéressant et on pourra donc le voir sans déplaisir. Mais rien d'immortel dans nos mémoires. Et encore une fois chapeau Kassovitz qui prend de l'épaisseur à chaque nouveau film malgré une chevelure ici qui lui va pas de façon démente. Francis Lalanne sors de ce corps :)

Les âmes noires


Pas mal du tout surtout en raison d'une atmosphère de film d'horreur excellemment rendue lors de deux moments clés : La ruelle mal éclairée puis l'immeuble désaffecté... Deux moments délicieux qui rendent justice à  mise en scène par ailleurs sèche et tranchante du film.

En revanche, même s'il est convaincant, le dénouement qui rappelle grandement celui de Nos Funérailles n'en atteint pas la puissance digne d'une tragédie grecque simplement parce que qu'ici la déflagration finale apparaît davantage comme un twist un peu artificiel alors que dans le chef-d'oeuvre d'Abel Ferrara c'est le résultat d'un long processus, d'un interminable accouchement dans l'indicible douleur.

Mais c'est franchement pas mal du tout, ça se laisse voir, il y a beaucoup de talent derrière la caméra mis aussi devant : quelques excellents acteurs !

mercredi 11 novembre 2015

La prochaine fois je viserai le coeur. Cédric Anger


Le cinéma français a toujours vingt wagons de retard... C'est désespérant... Surtout quand on pense à des films comme Zodiac ou Gone Girl qui ont en la matière tellement innové sur le fonds comme sur la forme.

Sur le sujet il vaut mieux revoir l'abyssal et vertigineux Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d'Elio Petri. Film d'autant plus génial qu'il explore les méandres d'un crime passionnel sur lequel enquête son auteur, un homme de pouvoir et d'appareil... C'est quand même autre chose. Côté serial killer vu de l'intérieur, vaut mieux relire Un tueur sur la route de James Ellroy. Et je n'évoque même pas la délicieuse deuxième saison de Dexter qui installait cette atmosphère schizophrénique tout en donnant à comprendre (une série permet ce genre de développements) un peu des motifs et vieux démons du personnage principal.

Ici on est constamment à hauteur du vue de ce gendarme sans relief, lisse, exprimant si peu et dont on ne saura jamais rien si ce n'est une attirance pour les asticots, les fouets, les armes à feu, le barbelé et les bains d'eau glacée (tiens donc) ainsi qu'un dégoût probable pour les animaux domestiques... De caricature en caricature (dont le costume, dont les intonations vides) toute complexité s'évapore et l'on reste avec un truc faible, binaire (à l'image du jeu de Canet) et noyé de musiques lourdes. Voilà donc un film sans grand intérêt.

Ah si ! Un seule scène vaut le détour : cet arrêt en pleine forêt pour observer un cortège de biches, faons, chevreuils, cerfs allant s'abreuver quelque part au coeur de la nuit sous les yeux ronds de quatre gendarmes ahuris... 

samedi 7 novembre 2015

Ma vie avec Liberace. Steven Soderbergh


J'ai longtemps pensé que le meilleur de Soderbergh se trouvait quelque part entre Solaris et The Informant voire Sex, Lies and Video tapes... Jusqu'à ce que je découvre Ma vie avec Liberace. Franchement, je rêve que les cinéastes français encroûtés dans des bios bien sages, ternes et fadasses (je pense aux deux derniers consacrés à YSL notamment) se matent ce film incroyable, fable universelle qui prend pour prétexte la vraie vie d'un génie du music hall made in US pour accoucher d'un objet magique, fascinant de bout en bout, aux inépuisables lectures. La comparaison fait mal, très mal, avec ce que le cinéma hexagonal peine si souvent à produire...

Au rayon des influences, on y verra une sorte de Cinderella Man post-soulier. avant que le film ne finisse par lorgner de façon jubilatoire du côté de La Mort vous va si bien : la chirurgie esthétique, les pilules magiques, les dormeurs aux yeux ouverts, le régime California et la mort qui déjà rôde...

Et quelle idée géniale de faire appel à ces deux acteurs épatants : on parle quand même des héros virils de Basic Instinct ou Bourne Identity. Imaginez le travail insensé d'adaptation pour le spectateur ! Autre trouvaille : caractériser la nostalgie ou la mélancolie des eighties en faisant appel à deux de ses icônes : Rob Lowe et Dan Ackroyd  ! Voilà qui réchauffe et je ne reviens même pas sur le projet si particulier qu'a du constituer le film pour Michael Douglas quand on sait par quels gravissimes problèmes de santé il est passé... Que dire enfin de cette idée géniale d'un chien aveugle dépendant de son maître... Baby Boy Ô Baby Boy !

Pour le reste ce film est géant de bout en bout et nous amène l'air de rien (c'est sa force) sans aucune lourdeur jusqu'à des sommets de cinéma, jusqu'aux réflexions passionnantes autour de l'amant devenu le frère, l'orphelin devenu l'adopté qui devant modifier son visage va finir par tout perdre en restant là, penaud, saturé de coke, avec des traits qui ne sont plus les siens... D'ailleurs toute cette approche du film lorsqu'il détaille les penchants fétichistes de Liberace nos amène sur de bien nobles territoires... Le Portrait de Dorian gray, et bien sûr El de Bunuel. voire carrément Chaplin pour certains passages musicaux... Je pourrai ne jamais m'arrêter, j'ai trouvé ce film fabuleux. ample, généreux, intelligent, fin, grandiose. Soderbergh je te le dis, tu es grand !

Retour à Ithaque. Laurent Cantet


La question se pose pour commencer de savoir si Retour à Ithaque n'aurait pas été mieux taillé pour le théâtre. Je pense notamment à ces dialogues longuets et parfois creux de la première partie, qui dans un cadre différent, pourrait avoir un impact autrement plus puissant (tout dépend alors des acteurs qui les portent en live).

En même temps on y perdrait sûrement la sensation agréable éprouvée d'avoir passé 2 heures à La Havane au milieu de gens que nous serons probablement bientôt, les yeux rivés sur le rétroviseur. Parce que Retour à Ithaque vaut quand même le détour, pour l'émotion qui circule entre les scènes de danses avinées sur un morceau des Beatles, autour de la confrontation de deux générations évoquant le Cuba d'aujourd'hui (le fils qui se tape l'incruste inopinément avec sa copine)... Autant de petits moments précieux mais trop rares à mon goût. Quant à ce dénouement aux aurores, il est émouvant et dit beaucoup de ces retrouvailles entre grands brûlés de l'existence, victimes du régime spécial qui les a ratiboisés, réduits à de vulgaires rats de laboratoire, mais il a en même temps quelque chose de trop programmatique, attendu... 

Je maintiens donc que le contexte se prêterait idéalement à à ce qu'on en tire une pièce où chaque nouvelle représentation donnerait l'occasion d'une nouvelle confrontation alcoolisée entre vieux potes et qui se poursuivrait jusqu'au bout de la nuit, bien après que le rideau soit tombé, sur une improbable terrasse où l'on étoufferait de rire et de larmes en noyant sa vie dans un bon vieux rhum...

lundi 2 novembre 2015

Young Ones. Jack Paltrow


Et ben dis donc... Je m'attendais à rien du tout avec ce Young Ones (titre d'ailleurs très énigmatique) un peu comme lorsque j'avais découvert par hasard le sublime Seraphim Falls. Je le mettrais pas au même niveau mais que de belles promesses ! D'abord un univers fascinant. On est à mi chemin entre le western et l'exploration gourmande et vénale de la surface de Mars à la recherche de ressources naturelles. Autant dire le premier western martien. C'est toute l'ambition et toute la réussite de Young Ones.

Je ne suis en revanche pas fan du chapitrage (une des maladresses du film) qui assèche l'objet filmique et fait ressortir la faiblesse du tronçon central (trop elliptique et pas assez clair sur les motivations du jeune loup ambitieux qui rappelle au passage vaguement celui des Moissons du ciel...). Chapitrage qui passe également sous silence, et c'est fort dommage, la jeune fille, personnage clé mais cantonné à un rôle indigne de faire-valoir. Bon alors c'est vrai il s'agit d'un western, genre masculin par excellence, mais tout de même...

Toujours est-il qu'on sera passé au cours du premier chapitre par des ambiances qui rappellent tantôt Rencontres du troisième type (la base d'extraction de l'eau éclairée de nuit par de puissants projecteurs), tantôt l'atmosphère sèche et impitoyable du premier Mad Max. J'ai aussi pensé avec délice à Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia, au Bon la Brute et le Truand voire à La Prisonnière du désert pour un plan en particulier. Bref, respect coté influences !

Et pour parler franc, si on faisait un blind test sur le film en prétendant qu'il s'agit du dernier opus de Paul Thomas Anderson, certains crieraient probablement au génie, vantant le dépoussiérage manu militari et fort réussi d'un genre, de plusieurs genres même... Mais s'agissant d'un petit nouveau (Jack Paltrow) il est souvent plus facile d'émettre des doutes (quand on ne sait pas trop quoi penser du film) et de concentrer les critiques sur le sentiment diffus d'avoir entre les mains l'archétype du film indépendant US manquant de corps et d'élan vital... Et bien je ne suis pas d'accord, malgré il est vrai un chapitre 2 plus faible (beaucoup trop de pistes explorées comme celle de l'endettement du père décédé ou celle de la marchandisation de vies humaines et ce bébé comme monnaie d'échange) l'ensemble est quand même de sacrée facture et surtout ultra cohérent jusqu'à un authentique dénouement de film noir avec vengeance Léonienne à la clé.

Evoquons d'ailleurs la mise en scène d'une qualité, d'une exigence qu'on voit assez rarement au cinéma... Ainsi que le scénario, brillant, nouveau, rafraîchissant... Comme cette histoire de robot remplaçant une mule et devenant la mémoire vive de toute une famille, l'album animé de ses souvenirs... Très fort ! Bref, Young Ones ose, explore tout en rendant hommage... Ce n'est pas la moindre de ses qualités. On sent comme je le disais plus haut des influences telles que celles de George Miller, Sergio LeoneSam Peckinpah ou des Frères Coen pour la dernière ligne droite. Cette dernière ligne droite qui par la séquence d'exploration "de l'autre côté" reprend là encore les codes visuels de Spielberg époque AI.

Rien que pour ces innombrables et belles surprises, il faut découvrir ce Young Ones (objet filmique innovant et généreux) et suivre de près la trajectoire de ce Jack Paltrow dans les années à venir.

Elle l'adore


Comme chaque fois, l'insubmersible Sandrine Kiberlain fait plus que tirer son épingle du jeu malgré un personnage archi bancal de fan - esthéticienne - mythomane... On a tiré le jackpot, fallait franchement oser de la part des scénaristes, comme il fallait oser le chanteur à succès qui envoie sa fan - esthéticienne - mytho chez sa soeur en Suisse pour faire disparaître un corps (wtf) ou comme ce couple de flics tout droit sortis d'Un gars/Un fille dans un commissariat... Idée bien pratique pour faire avancer le film vers un dénouement "moins crédible tu meurs" ... Voilà, voilà, que dire de plus ? Ben pas grand chose parce qu'il n'y a pas grand chose à retenir de ce film si ce n'est encore une fois le talent intact de Sandrine Kiberlain. Fantastique quel que soit le film, quel que soit le rôle, quelle que soit mon humeur ;) Je l'adore, c'est une certitude.

Une nouvelle amie. François Ozon


Décidément rien ne change jamais vraiment entre le spectateur que je suis et les films de François Ozon. Sorte de désamour qui se répète.... Une nouvelle amie ne déroge pas à la règle. Ca commence pourtant fichtrement bien avec une atmosphère léchée, cinéphile même, lorgnant du côté de l'obsession hitchcokienne, ça termine plutôt à la façon d'un Parle à elle qu'on aurait mixé avec Tout sur ma mère d'Almodovar. Et c'est bien là le problème. Entre les deux, Ozon ne trouve jamais sa propre voix. Et son film n'a au final ni l'étrangeté fétichiste du grand Alfred ni la sève follement charnelle du grand Pedro. On se retrouve avec un gloubiboulga de phrases creuses et d''intrigues emberlificotées tournant autour d'éternels effet de miroir "je t'aime en fait mais toi tu aimes la femme en moi et finalement on aimait tous les 2 feu ma femme et peut-être même que toi tu l'aimais au-delà de ce que Platon préconise parce qu'à travers moi c'est elle que tu continues d'aimer"... Burp, c'est l'indigestion de postures un peu vaines. Le film peine donc à convaincre surtout lorsque démarrent les séquences de shopping frôlant le ridicule (voix fluette de Duris dans un ascenseur puis ricanements complices puis enchaînement de moments fleurant bon le Pretty Woman du film d'auteur). Et puis franchement, par les temps qui courent, quelle idée de nous pondre un film où de jeunes gens vivent dans des maisons de 400 mètres carrés, peuvent s'arrêter de bosser comme ça du jour au lendemain en claquant des doigts et dont les obsessions se limitent à aller se faire épiler le bas du dos et s'acheter des fringues après une partie de tennis ???? Etre à ce point coupé du vrai monde, ç'en est presque indécent... Enfin ça n'est que mon avis. A noter tout de même une jolie prestation d'Anaïs Demoutier, très très convaincante, le petit rayon de soleil du film.

dimanche 1 novembre 2015

Hercule


C'est vrai, on partait de loin mais, toutes proportions gardées, ce Hercule est franchement une bonne surprise. D'abord parce qu'il a le bon goût de ne durer qu'1h30, ce qui s'apprécie par les temps qui courent (3h10 l'interminable Winter Sleep). Ensuite parce qu'il prend le sujet par le bon bout à savoir la lecture evhémériste du mythe. Je m'explique. On va s'intéresser à l'homme derrière la légende, le mercenaire de chair et de sang qui aura inspiré la figure légendaire. D'où cette introduction savoureuse où l'on découvre que la mythologie est une histoire racontée par des hommes à d'autres hommes pour les distraire, les faire rêver ou comme ici pour gagner de temps lorsque sa propre vie est en jeu... Rien ne désigne évidemment dans le film un prétendu fils de Zeus. Ce sont ses authentiques exploits qui façonneront sa légende, une force physique mais surtout mentale qui lui viennent on le comprend vite de la rage invraisemblable qu'il tire de la mort de ses proches (sa femme et ses enfants). A l'heure de la consécration des Super Héros de tout poil, je trouve appréciable que le réalisateur et les scénaristes ne soient pas tombés dans ce piège, dans cette facilité pour aborder le sujet herculéen. Ce qui permet mine de rien de dépoussiérer un sujet qui l'était justement,déjà poussiéreux et désuet...

Voilà. Hercule est donc sans grande prétention ni fabuleuse ambition mais il est un sympathique divertissement, ce qu'on appellera une jolie surprise, qui pour une fois ne nous prend pas complètement pour des demeurés. et fait au passage un tout petit peu réfléchir quand à la fabrication des mythes fondateurs...