dimanche 29 novembre 2015

Mad Men Saison 1


Côté atmosphère, tout est là. Côté personnages, c'est pas mal non plus. Avec je précise deux derniers épisodes absolument renversants notamment une séquence de présentation d'un produit baptisé Carrousel qui est une conclusion splendide de cette saison 1.

Il faut dire que le sujet permet élégamment de croquer simultanément plusieurs personnages, une jolie brochette, dans une vie de bureau consacrée à l'art de divertir les gens ou plutôt de les pousser à la consommation. Voilà d'ailleurs une riche idée que de se choisir pour cadre une époque fascinante, juste avant que n'émergent les premiers exploits de la Beat génération, et voir naître la société de consommation que l'on connaît, à travers un rêve américain en marche... L'avantage c'est de faire avancer des personnages alors qu'ils se débattent dans un monde auquel il faut trouver un sens, après les guerres successives qui viennent de s'enchaîner.

A vrai dire, j'ai plus à redire sur le piège de la stylisation d'une époque et celui de la métaphore qui parfois se prend les pieds dans le tapis.

Côté stylisation, elle peut parfaitement rappeler celle d'un OSS 117. Mais ce qui fait le bonheur des films d'Hazanavicius, c'est précisément le décalage opéré via l'humour parfois potache qui donne le change, casse la perspective et surtout de fait évite tous les écueils du registre Melo. Or dans Mad Men, en mettant en valeur sans véritable distance les atmosphères, les tenues, les accessoires, les mégots fumants, le bruit des glaçons dans le whisky, le risque est toujours de tomber dans une forme de déclinisme, de mélancolie larvée, de nostalgie d'une époque terreau fertile des conservatismes de tout poil, où des films comme Amélie Poulain ou Les Choristes en France se sont par exemple goulument engouffrés ces dernières décennies. Ce n'est pas le cas, mais parfois on peut se demander si cette reconstitution n'a pas quelque chose d'enviable, comme exilant les parfums du paradis perdu. Et ça soulève la question de savoir ce que veulent vraiment raconter les auteurs.

Autre réserve : coté métaphore, développer des intrigues et des personnages perdus dans des volutes de superficialité peut aussi finir par poser problème. Derrière les mimiques l'on aurait voulu connaître un peu mieux ces personnages, que leur intérieur se lézarde et s'offre davantage... La série semble prisonnière de ce postulat que chacun sent bien en fort intérieur que la vraie vie c'est quand même autre chose (comme ce clochard venu chez le héros du temps où il était encore enfant). Et qu'à se frayer un chemin personnel, égoïste dans le vaste monde on finisse par s'égarer... 

Sur ce type d'univers et de démonstration, j'aime par exemple la radicalité d'un Profit ou la profonde originalité d'une série comme The Affair qui en tournant autour des mêmes sujets consacre de vrais immenses personnages d'apparence frivole et d'intériorité bouillante, pris dans les mêmes tourbillons de faux semblants de mensonges, de trahisons... Avec en filigrane dans Mad Men le monde de la publicité et dans The Affair les ravages de l'auto-ficton sur les personnages qui inspirent l'histoire d'un romancier à succès. Mad Men est très belle série, léchée, assez prenante pour trois ou quatre personnages essentiellement. Mais n'y manque-t-il pas non plus le cynisme totalement assumé d'un House of Cards dans sa première saison qui reprend ce genre de parabole autour d'une trajectoire individuelle dans un monde politique qui sonne le creux partout et tout le temps ?

Je crois pour finir que Mad Men est peut-être après tout typiquement le genre de série bien de son époque, plaisant à son auditoire privilégié, aux CSP+, à ceux qui travaillent, aux diplômés, aux publicitaires d'aujourd'hui. Car chacun d'entre eux finira par y trouver un raffinement confinant à une forme de noblesse, y verra de l'espoir et l'humanité derrière des postures pourtant cyniques et froides au premier abord... Parce que c'est ce qu'on retiendra au final... Que derrière des gars sans foi ni loi, sans colonne vertébrale, et sous le veston, il y a quand même un petit coeur qui bat, des questions profondes même lorsqu'elles ne sont d'effleurées et donc de l'humanité à revendre pour rassurer tout ce beau monde... Revendre, rassurer ? Rassurer pour mieux vendre ? Tiens donc, quels que soient les détours, tous les chemins mènent à Mad Men.


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