vendredi 22 avril 2022

Le cas Richard Jewell

La dernière image ? Le moment où Richard Jewell, à force de gentillesse excessive, finit par briser la glace, laisse éclater sa colère, se rebiffe... L'avocat lui dit alors quelque chose comme "Ca y est tu es prêt pour affronter la tempête". Très fort sur ce que ce que raconte le film... La bienveillance, le dévouement, sont toujours méprisés, écrasés, hachés menus... La société est ainsi faite. On ne valorise dans les médias que "le miroir" de ce qui a amené les journalistes vedettes là ou ils sont : le cynisme, la froideur, le calcul, l'ambition personnelle. 

Ce n'est pas mon film préféré du grand Clint mais je suis touché par le message sans équivoque. Ce qui fait douter la justice, les médias d'un homme, les rumeurs infondées, tout ce qui entraîne la calomnie et l'opprobre autour de cette personne simple, monsieur tout le monde, pas beau, apparemment limité (Tout ce que déteste la société du spectacle) mais ayant sauvé des vies, vient de tout ce qui précisément chez lui façonne l'ouvrage secret de l'héroïsme... Les fondations qui permettent son acte de bravoure trouvent leur sens dans une empathie rigoriste, un sens de la communauté que permet la discipline, l'ordre, un esprit obsessionnel, le sens du détail, la non compromission avec la bien-pensance... L'homme pense bon ce qu'il pense bon. Rien d'autre. Le rêve brisé d'entrer dans la police est-il une graine de plus ? Ou plutôt son idée fixe pour l'éthique, le droit chemin ? Toujours est-il que cette oie est bien trop blanche pour les  medias... Dès lors, son parcours de vie devient chaotique. La société se charge d'en faire un bouc émissaire (son physique également en cause ? Evidemment, il ne rentre pas dans les "bonnes" cases). Les épreuves que narrent le film s'articulent autour cette opposition "je ne rentre pas dans les cases mais j'ai sauvé des vies, j'ai des valeurs" face à  "je rentre dans les canons de beauté / je pense à moi / je cherche le scoop et la fortune / je n'ai aucun scrupule" du couple défaillant justice / police. Le profil atypique avec de vraies valeurs et l'héroïsme au coeur face à l'individualisme forcené fondu dans le moule d'une société du spectacle...

Et rien que pour cela, Le cas Richard Jewell, même s'il reste pour moi un film assez mineur de Clint Eastwood, a comme souvent beaucoup à nous donner d'essentiel.

jeudi 21 avril 2022

La nuée


 La dernière image ? Une scène sur un lac, sous une embarcation retournée. Très réussi, très prenant. Très claustro. On peut imaginer dessous, on devine, on crée en pensée... même si rapidement la scène extérieure nous est offerte évaporant au passage la magie de ce moment.   

Le film social peut s'allier, s'adosser parfois au film d'horreur pour accoucher de grandes oeuvres... J'en suis persuadé. 

Mais ici il y a curieusement quelque chose qui ne prend pas. Les petits hics s'accumulent rapidement... De façon trop mathématique. Lisible.  Une goutte de sang = une deuxième tente, un évanouissement = un début de folie meurtrière. Un scooter = une piqûre de bonne conscience... On va trop vite en besogne...

La jeune fille est trop remontée contre sa mère. Et cette dernière est profondément antipathique, ce qui nuit gravement au plaisir que peut éprouver le spectateur. Trop de pistes et de personnages secondaires délaissés à tort (le copain de la jeune fille, son jeune frère, les rivaux moqueurs du lycée, le gars qui rachète les farines à la gente dame)...

Les coutures du scénario sont également excessivement visibles : la jeune fille pète les plombs pour permette à la scène de dévoration de la chèvre d'advenir. Le vieil homme à la fin qui arrive un peu par hasard pour passer le plat vers la scène finale, le copain met le feu en deux temps trois mouvements s'intégrant à son tour comme un de ces éléments pivots de la narration . 

Globalement, le personnage principal ne suscite que du "bien fait pour ta gueule"... Faut dire qu'elle a de la suite dans les idées pour faire n'importe quoi : la scène du chien, franchement ridicule, comme celle de l'arbre de la chèvre qu'elle veut découper à la tronçonneuse, tout aussi ratée... Elle donne ainsi raison à sa fille pourtant tout aussi agressive par poussées éruptives.

Bref de bonnes intentions certes (le film social, presque documentaire trempé dans le film de genre) mais  un message téléphoné (ici on se saigne mais au vrai sens du terme, on devient le christ, on donne son sang, on y laisse sa peau ou presque...) et un développement prévisible autour de quelques enjeux maigres et trop peu de personnages.

Je crois qu'il manque aussi ce que Spielberg fait si bien dans ET (mère célibataire avec deux enfants à la campagne comme ici) : faire infuser la façon dont une histoire privée, individuelle, vient s'entrechoquer avec la communauté, la ville proche, le monde extérieur, nos sociétés...  Dans ET l'armée s'intéresse de près à ce visiteur .. pourquoi pas les Big Pharma ici ?  Les Oiseaux poussaient le fantastique jusqu'aux frontières du cauchemar sans jamais chercher à "expliquer"... On filme l'inexplicable et l'on reste bouche bée. Mais soudainement le monde extérieur était contaminé à son tour, il était devenu infréquentable. Irrespirable. C'est cela qui était passionnant. Ce mouvement du particulier vers le général, presque l'abstraction. C'est ce qui manque cruellement ici. 

mercredi 20 avril 2022

Midnight Cowboy

La dernière image ? Ce bus, ce bus, ce final, la toux, l'amitié, les rêves brisés, l'illusion perdue... et une BOF. La BOF. 

Parmi les divines Bandes Originales, celles qu'on peut mettre à portée de main sur son étagère, il y a forcément Midnight Cowboy... Fantastique. L'une des plus grandes de l'histoire du cinéma !

Illusions perdues

La dernière image ? Le piège qui se referme sur le personnage principal et sa jeune protégée (amoureuse) lors d'un cruel épilogue sur une scène de théâtre. Tout est brillamment amené. 

Qu'est ce que j' ai aimé ! Guy Debord et sa société du spectacle est pleinement là, s'étale fidèlement sous nos yeux. 

On pourrait reprocher au film de trop raconter la société d'aujourd'hui à travers l'oeuvre Balzacienne, mais je trouve au contraire qu'il ne fait que dire une chose : quelles que soient les époques, aussi lointaines nous semblent-elles, les mêmes enjeux se répètent à l'infini. L'aristocratie de sang est remplacée par celle de la bourgeoisie, des artistes, des médias...

On veut éditer mais déjà le "buzz" est recherché, le conflit sur la place publique, le scandale, l'odeur du sang propice au succès de librairie. D'imprimerie en l'état. 

Etre acteur alors c'est être passé par les bonnes institutions... Avoir été une "fille de rien" vous condamne irrémédiablement.

Le jeune acteur est fabuleux dans sa transformation progressive. Tous les acteurs sont épatants. Voilà un grand film que tout porte à aimer aujourd'hui comme demain ou hier (il aurait pu sortir dans les années 70 sans rougir face à la production d'alors).

Je ne l'ai pourtant pas vu dans de bonnes conditions (l'avion) mais je ne l'ai pas quitté d'un regard, et il m'a nourri. Quand j'y repense je reprends le livre de Debord et m'y replonge avec délice. Tout était là, tout est là, tout sera là. Rien ne change. D'ailleurs, rien ne se transforme. Décidément !            

First Cow


La dernière image ? Ces moments fragiles où le succès se dessine à la force des convictions. Un client puis deux puis la file indienne pour déguster de fantastiques beignets "comme ceux de Londres"...   

A revoir probablement dans de meilleures conditions (je l'ai vu dans l'avion qui m'amenait à Abidjan ce 11 avril 2022) mais globalement, qu'est-ce que je me suis fait ch... devant First Cow.

La lenteur n'est pas vertu cardinale sauf pour les films d'auteur... Je ne sais pas d'où vient cette certitude... Prendre son temps est parfois le stigmate de ces réalisateurs paresseux qui se regardent filmer avec pensent-ils ampleur, cherchant à embrasser le tout au terme d'un interminable travelling... Pour moi on tombe souvent à côté. On décroche même. C'était mon cas dans cet avion. 

Pas inintéressant je le conçois mais toute l'odyssée de ces pionniers entrepreneurs à succès, précurseurs des futurs grands capitalistes made in US, tourne bien trop court pour commencer. Il y aurait eu une matière extraordinaire à disséquer les rouages ou les coulisses d'une success story à l'Américaine (bien avant les Mc Do puis les GAFA)...

J'adore l'idée d'aller chercher dans le western "autre chose", comme le firent avec des fortunes diverses Quintet, Mondwest ou surtout Mc Cabe & Mrs Miller, le génial Mc Cabe & Mrs Miller qui va précisément creuser du côté de cette veine capitaliste où l'on cherche fortune en forant des galeries comme en distrayant les travailleurs (le divertissement déjà) où en exploitant ses terres. Evidemment de grosses sociétés à l'époque ne lésinent pas sur les horreurs (embaucher un tueur à gages)  pour spolier les biens des "honnêtes gens"...

Ici  on reste à mon sens trop à la surface immobile des choses... Les enjeux sont faiblards. L'amitié de ces deux zigotos, pieds nickelés de circonstances, peu emballante, On ne met jamais le doigt dans l'engrenage, une vraie pièce dans la machine pour voir jusqu'où peut nous porter cette idée fixe pour faire de l'"argent" frais avec une vache. A peine ont-ils commencé leur aventure qu'ils prennent la fuite... Les banditos...  Aussitôt arrivés aussitôt repartis mais tout en fainéantise. Curieux film dont on ne garde finalement que peu de choses.

lundi 18 avril 2022

Old. Night M Shyamalan


 La dernière image ? J'adore ce moment à la nuit tombée où la famille se retrouve sur le sable près d'un feu de bois. 4 silhouettes sans âge. La vieillesse filmée comme une courte maladie. La vue baisse, on se rigidifie et hop sans crier gare on tombe à la renverse dans le sable tiède. Passage particulièrement  émouvant sur le deuil que les enfants pressentent dès leur plus jeune âge.

M Night Shyamalan a son petit rôle dans Old et rappelle en cela à quel point il rend ici hommage par cette auto-citation à Alfred Hitchcock présente. Ce Old ferait d'ailleurs un épisode rêvée d'une nouvelle génération de ces séries (on pense aussi à La quatrième dimension).

Je sens également sa cinéphile si forte et toute la mise en route sur cette plage écrasée de soleil me rappelle immédiatement Meurtre au Soleil et ces films de John Guillermin ayant adapté brillamment Agatha Christie. Toute la séquence nocturne des coups de couteau m'a remis en mémoire un épisode traumatisant de House of Horror (série TV mythique de la Hammer). On pense aussi à L'homme qui rétrécit avec ce concours de circonstances (un bateau, un brouillard étrange) qui fait subir au héros une transformation physique inattendue...

Le final est réussi, efficace et j'aime beaucoup le fait que ce n'est qu'en retombant en enfance (je vais retrouver le message codé du petit garçon de l'hôtel juste après avoir fait un château de sable) que les survivants trouvent la solution au drame qui les étreint. Toute la conclusion est en cela vraiment au niveau comme l'est la mise en scène follement inventive comme toujours avec Night M Shyalaman jamais aussi fort que pour suggérer, manier la caméra subjective, opérer des tourbillons circulaires avec... Un maestro sans en avoir l'air. Inspiration et légèreté.

Reste que le coeur du film fait hélas trop "grand guignol" (la multiplication des surprises, rebondissements et situations individuelles et familiales ubuesques)... Il y a un côté "trop c'est trop"... le film ne redevient intéressant qu'à la nuit tombée lorsqu'on ne se concentre plus que sur les 4 membres de la famille qui nous intéressait le plus... Il y a par ailleurs trop d'incohérences sur les effets du temps. S'il s'accélère, alors les cheveux, les ongles doivent partir en sucette rapidement. Et quid de la faim ? Pour se maintenir en vie il faut se nourrir beaucoup plus souvent si le métabolisme est boosté... Or rien de tout ce la n'est abordé. Dommage.

On peut donc regretter que le film, inégal, laisse ce goût d'inachevé et l'impression d'avoir eu sous les yeux un produit bien ficelé mais une série B somme toute un peu bâclée vers son milieu. alors que la thématique et le lieu (la mort et l'illusion qu'on la conjure / repousse dans ces hôtels de luxe,  ces lieux idylliques de bord de mer) portaient vraiment le film vers des sommets d'intensité, des réflexions philosophiques passionnantes pour le spectateur.

Je garde donc une impression mitigée mais beaucoup de positif et l'intuition que le temps seul me dira si Old vieillit bien comme à vrai dire je le pressens... 

 

       

Sans un bruit 2


La dernière image ? Ce bébé dans un landau de fortune (une valise éventrée) qui a besoin d'oxygène pour survivre dans un lieu qui en est privé. Ou comment étouffer avec les personnages principaux. Claustro et prenant.       

Le premier opus était navrant de connerie faut bien avouer.

Ici on est bien mieux quand même. Déjà toute la séquence d'introduction bien construite pose idéalement les bases de ce basculement d'une vie normale vers l'inconcevable au cours d'une partie de  Base Ball dans un petit village des Appalaches.

La narration est menée tambour battant. L'ambiance "friche industrielle" où se réfugient les survivants est plutôt bien filmée, son atmosphère bien restituée. La psychologie des personnages est également abordée avec soin. On flippe aussi comme dans cette séquence autour du piège à loup. 

Reste un ensemble trop sage (tout est attendu), on file bien trop vite vers le dénouement qu'on sent venir (l'épopée de la jeune fille et du protecteur révélé bien trop brève... un train abandonné, un port, un île et basta). On sent bien que tout se jouera dans la fameuse station radio émettrice, caisse de résonance des tortures sonores pour l'Alien en vadrouille, toujours solitaire.

Par ailleurs quelques idées binaires vers la fin : les méchants sur le port, les gentils sur l'île. Qu'est-ce qui les différencie vraiment ? et puis les bestioles ne sauraient pas nager ? Première nouvelle... Aucune communication de survivants sur les ondes à ce sujet... Juste une chanson en guise de message codé...  Bref sympathique suite, bien mieux réussie (c'était pas compliqué) mais tout ceci reste très oubliable.   

 

vendredi 8 avril 2022

Birdy. Allan Parker

 La dernière image ? Cette folle échappée de l'oiseau qui revient au bercail sans se douter un instant de ce qui l'attend... Un "choc des familles". Métaphore filée de tout ce raconte par ailleurs le film. Nos enfants sacrifiés qui reviennent du front changés à jamais.

Mais il y a surtout cette séquence finale à vous arracher des larmes, ce déclenchement profond d'un retour à la vie par le truchement de l'amitié, des souvenirs qui reviennent tout doucement à la surface...

Grand film dans tous les cas. L'un de ceux qu'on oublie lorsqu'on évoque le genre film de guerre. Et pourtant il a tout à fait sa place aux côté des Jardins de pierreNé un 4 juillet et tous les autres.   



jeudi 7 avril 2022

Sailor & Lula. Wild at heart. 1991


La dernière image ? Ce mégot. L'attentat du début. Dans les escaliers. Echange de regards. Souffrance. Cette rage qui s'exprime. La liberté. Le souffle. La voix. This is the symbol of my individuality.  

La BOF occupe une place importantissime dans ma relation au cinéma. Dans toutes ces traversées, incursions fantastiques dans le sublime, un voyage sans retour vers des contrées familières et inconnues, l'une d'elles qui me marque à tout jamais c'est celle pareille à nulle autre de mon cher et tendre Wild at Heart.

Quoi de plus beau que ce final, tendre, éblouissant dans un film qui fait aussi la part belle aux fantaisies horrifiques et à l'humour décapant du grand, de l'immense David Lynch.

Parmi les refuges vers lesquels j'aime lorgner à la recherche de l'apaisement, heureux à l'idée de me nicher tout en douceur dans ses petits recoins, il y a ce film, ce monde, cette rêverie dont Nicolas Cage est une incarnation phénoménale.