samedi 27 janvier 2024

Leviathan

 

Un morceau de bravoure,

de tragédie Grecque

Ou plutôt Ukrainienne

Aux accents bibliques,

où le drame inéluctable,

Fruit amer ou pourri

De la victoire infâme

Du fort sur le faible,

Se noue sournoisement

à l'abri des regards

Mais dans la lumière crue

D'une justice aveuglée,

Aux ordres comme on dit.

La justice des hommes corrompus,

Celle de Dieu n'est pas en reste

Et pour cause,

"la vertu ne se décrète pas,

N'exige aucune contrepartie,

ton chemin de croix sera

Celui de la rédemption"

susurre le croyant à l'incroyant

jusqu'à ce que ce dernier courbe l'échine

et finisse comme ce squelette de baleine

Ou cette épave de bateau...


Ironie du sort, la maison la maison de Kolia

Sera finalement remplacée par une église.

Les écrits saints ne sont-ils pas

Les premiers arguments commerciaux

Pour faire prospérer une foi dont les promoteurs

(les mêmes qui détiennent le pouvoir)

Exploitent sans vergogne la fragilité d'hommes brisés.

Notre héros va payer sans broncher

Pour un crime qu'il n'a pas commis.

L'enfer c'est parfois la religion.


Tout dépend de ce qu'on en fait,

De ce qu'on lui fait dire.

La satire, redoutable arme de Leviathan,

Opère sa critique frontale d'une religion d'Etat,

D'une croyance érigée en cadre dogmatique

Qui va donner bonne conscience au bourreau

Lorsque le moment sera venu d'écraser

Le citoyen comme un vermisseau.

Derrière son ineffable noirceur

Le film réveille les consciences,

Nous ouvre les yeux,

Nous fait réaliser combien les donneurs de leçons,

Les chantres de la morale (religieuse en l'état)

Sont souvent les mauvais payeurs,

Parce que du coté des puissants. 

Jamais des faibles... 


Du côté des influences,

La légende Arthurienne est partout.

Pas que pour ces décors grandioses

Qui finissent par nous convaincre

Que l'homme moderne est né quelque part

Sur les rives de la mer de Barents.

Mais aussi pour le héros Kolia

Cet Arthur de devoir qui ne voit pas Guenièvre

S'amouracher de Lancelot,

Pourtant son premier défenseur,

L'avocat venu de Moscou,

Bien trop occupé qu'il est à préserver

L'unité de son royaume :

La maison héritée de générations,

Les souvenirs, son sang.

Sur cette terre du bout du monde

On l'imagine bien s'écriant

Après le verre de trop

"Une terre, un roi".

Quel rôle pourrait alors jouer son fils,

Mordred alias Roma,

Dans la décomposition du foyer familial ?

Celui d'un adversaire en devenir ?

L'un des responsables indirects

De la tragédie à l'oeuvre ?

Certainement et ces grilles de lecture

Disent d'elles mêmes

Toute la grandeur du sujet,

Des "sujets" du film

Se débattant pour s'arracher au joug

D'un destin malicieux,

Au sens de messager discret,

Invisible du "mal".

Sorte de visiteur du soir indélicat

Et difficile à repousser

Comme lors de cette incursion

Nocturne et menaçante

D'un maire aviné, crapuleux

Dans les retranchements de Kolia.


Leviathan se construit avant tout sur le réel,

Sur des personnages qui existent

Dans une géographie, dans une société,

Sous l'autorité d"une administration

Centralisée, tentaculaire (l'allusion du titre)

Dont les rouages létaux apparaissent rapidement.

C'est alors le cinéma qui vient à notre rencontre,

Le vrai, à l'état brut et qui vous saisit à la gorge

Comme les goulées de Vodka

Coulant dans le gosier de personnages

En sidération devant les coups durs,

Les vents contraires, mais qui tiennent debout,

Coûte que coûte, en essayant modestement

De préserver ce qui subsiste en eux de dignité humaine.

Un peu comme des roseaux qui plieraient sans rompre

Espérant sereinement le jour où le destin aura le bon goût

De déraciner le chêne (le puissant, l'Etat, la religion)

Pour lui ôter un peu de son insolente superbe,

De cette morgue hautaine et insultante

Qu'il étale depuis trop longtemps... 

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