samedi 27 avril 2013

Crimewave. Mort sur le grill. Sam Raimi. Les frères Coen. Bruce Campbell

Perle rare. Tourné peu après l'immortel Evil Dead, Crimewave est à la fois le fruit de la vision de Sam Raimi et celui de l'imagination des Frères Coen (qui l'ont écrit).


Et rien que pour cela, il mérite le détour. Hommage potache à l'univers du cartoon, référence amoureusement morbide au film noir, longtemps présenté comme la plus longue course poursuite de l'histoire du cinéma (depuis BullittCrimewave est un ovni jouissif !

Pour finir, une spéciale dédicace à Bruce Campbell dans un rôle de goujat magnifique. Pour ceux qui se rappelleraient : "Je t'invite à manger deux trois olives, bébé ?".

lundi 22 avril 2013

Scanners. Super héros. L'envers du décor.


Je veux rendre hommage à David Cronenberg après avoir vu le faiblard et prévisible Chronicle. Quel rapport me direz-vous ?



C'est que je suis attristé. Scanners, sorti en 1981, met toujours aussi mal à l'aise 30 ans plus tard - malgré les défauts dont on pourrait rediscuter -, de ce fait est de ces films injustement enterrés.

Voilà pourtant une oeuvre qui, longtemps avant Chronicle, explore les dimensions inexplorées des pouvoirs psychiques (télépathie, télékinésie), leurs effrayantes possibilités. A redécouvrir fissa, surtout un duel final et l'incroyable idée qu'elle couve car restant d'une puissance et d'une modernité folle, malgré des effets spéciaux d'un autre temps.

Un film précurseur qui secoue d'autant plus qu'il impressionne par le réalisme de son univers futuriste...

C'est aussi l'air de rien, le premier film de super héros euh... d'anti super-héros, résolument humains, de chair et d'os et de sang, qui n'ont dès lors qu'une vie. Et pour cela, merci David Cronenberg.



mardi 16 avril 2013

Jeff Nichols. Take Shelter. Il y a comme un Bug !


Des débuts prometteurs mais je ne peux m'empêcher de repenser au divin Bug (William Friedkin, 2006) A mini budget film énorme, toujours mieux dans ce sens. Huis clos géographique et mental, sans concession, la schizophrénie rampante y contamine peu à peu le monde extérieur, avec un Shannon divinement inquiétant. William Friedkin is not dead !



Ici, dans Take Shelter, tout semble calculé, millimétré, le bon petit "film de festival", conçu pour épater la galerie. On édulcore, on excuse, on arrondit les angles. à ne jamais vouloir trancher, on finit pas laisser toutes les pistes ouvertes, comme ce dénouement insupportable de faiblesse :

Alors quoi ? ce dépressif tendance schyzo serait visionnaire ? Si vous voyez quelqu'un creuser un abri anti atomique dans son jardin, ne vous moquez pas et n'appelez pas l'asile, car il a tout compris avant tout le monde. Mouais... les détracteurs vous répondront que mais non, c'est génial, en fait on est encore dans une de ses visions, le syndrôme ultime de la vacuité d'un film, d'un réalisateur qui ne se positionnent sur rien.

Décidément un seul conseil, allez voir Bug ! Au moins, vous sentirez quelque chose.

Spring Breakers. Ou comment toucher le fonds (de la piscine)


Je crois utile avant toute chose de voir ou revoir Another day in paradise (Larry ClarkLa balade sauvage (Terence Mallick), The honeymoon killers (Leonard Kastle) - qui abordèrent en leurs temps la thématique d'une jeunesse à la dérive, en mal d'idéaux et de modèles échouant fatalement dans une violence gratuite, aveuglée par de l'amour factice. C'est en les revoyant qu'on réalisera à quel point Spring Breakers est aussi creux et crétin que ses personnages.




L'argument selon lequel le film épouse la vacuité de personnages censés correspondre à une époque ne tient pas une seconde : je rappelle pour commencer que le Spring Break n'est qu'un passage ritualisé vers l'âge adulte comme il en existe dans toutes les sociétés depuis la nuit des temps. Rien de propre à notre époque. Je ne reviens pas sur nos chers bizutages, sur les beuveries organisées que sont les fêtes de la bière, de Bayonne... Tout est comme ici prétexte pour toutes les jeunesses du monde à se "mettre minable", à définitivement sortir de l'enfance... On peut donc participer à ce genre de parades monstrueuses hier comme aujourd'hui sans être réduits aux caricatures que sont ces 4 jeunes femmes (interchangeables et dont la psychologie tient honnêtement sur un ticket de métro, et encore je sus gentil...). 

Le deuxième argument qui veut que le film adopte une forme ouatée mais colorée, pétillante mais informe pour répondre à l'exigence posée par le rêve un flou de ces jeunes filles sans épaisseur, ne tient pas plus longtemps. Ce serait nous raconter par le menu, entre les lignes, que le rêve ultime et commun de ces 4 silhouettes serait d'aller butter le caïd du coin, soit... En termes de démonstration, on est plus très loin de la rédaction d'un élève de 3ème sur les dangers de la drogue et de la violence... Et je m'interroge : combien de filles, de femmes, ont aimé ce film ? Qu'est-ce qu'elles en disent au juste ? Je vois beaucoup de mecs sur les forums s'extasier devant ce ramassis de conneries. Mais de quoi rêvent les gonzesses de cet âge quand elles veulent s'émanciper ? De défonce, de baise... Peut-être. De braver des interdits, plus sûrement... Mais ces derniers prennent des formes multiples, infiniment plus nuancées que la seule et pauvre idée au risque d'enfoncer le clou que Spring Breakers essaye d'avancer (des filles venues faire la teuf se retrouvent embringuées dans des braquages, super !). Pauvre idée qui plus est d'une gigantesque facilité. Parce qu'au final, ce que je ressens derrière ce film c'est le délire d'un mec qui parti sur une idée de départ maigre comme un pitch trouvé un soir de biture s'est contenté de porter à l'écran ce même petit bout d'idée sans jamais rien développer, ou si peu... Ce qui donne aussi aux voix off (tout ça est un jeu video, maman je suis devenue une femme, je m'éclate, etc.) comme aux sons répétitifs d'armes qu'on enclenche, quelque chose de ridicule, d'artificiel, et au final de bêtement premier degré. 

On pourrait d'ailleurs ajouter que le final est d'une moralité pour le moins douteuse... Alors quoi, ces filles en maillots de bains ont buté comme dans un jeu video toute la mafia locale. et le dernier plan, positif, c'est cette voiture sur un bord de mer idyllique, pour raconter quoi au juste de cette épopée ? Qu'elle fut une odyssée merveilleuse ? C'est ce que les lumières et la musique suggèrent en tout cas. Intentions pas claires, pas le moins du monde...

C'est pourquoi je me répète : qu'on ne vienne pas me rétorquer que si Spring breakers est vide, si les dialogues sont pauvres, si l'ensemble est incurablement nullissime, c'est que c'est "fait exprès"... Quand on colle de trop près à son sujet (l'absolue bêtise d'une certaine jeunesse), le risque c'est d'en choper les symptômes. Le réalisateur s'est contaminé tout seul. Mais si ça peut le rassurer., il méprise à ce point ses personnages, les raconte avec si peu d'humour et tellement de prétention, qu'il ne doit pas s'étonner d'avoir accouché d'une bouse.

John Boorman. Cinéaste de l'innocence perdue

Comment je suis devenu cinéphile ? Je suis tombé dedans à 9 ans. Devant Excalibur et je ne remercierai jamais assez John Boorman pour cela.

Avec le recul, rien d'étonnant. Il y a au fil de son oeuvre une réflexion profonde qui se tisse d'elle-même, peut-être inconsciente, sur la magie de l'enfance et l'écueil de ses rêves brisés sur le rivage cynique de l'âge adulte. Les rêveurs contre la vie. Quelques films témoignent de cette dialectique à mes yeux omniprésente :

Point Blank. Le point de non retour.


Au premier regard, Point Blank un film noir formellement innovant, fabuleusement stylisé. Mais se devine par-delà la lisière du genre une réflexion sur la folie du monde moderne, sur les inquiétantes métamorphoses du capitalisme dont on se demande après coup ce qu'il est en train de devenir : Walker au départ est un simple employé, exploité qu'il est par un certain Reese... La façon qu'il a de tirer sur un fil (celui d'une bobine dont on ne verrait jamais le bout) fait émerger cette figure de monstre insaisissable et sans visage. Le plus grand criminel serait donc le système et pas les hommes qui le font tourner. Jolie métaphore..

Point Blank, c'est aussi l'histoire d'un être blessé, s'évertuant un peu vainement à défendre les valeurs qui l'ont porté un temps, pour réparer la double trahison - amicale et amoureuse - dont il a été victime. Sous les mots, derrière le décor, ce point de non retour devient alors perte de l'innocence, moment de bascule où l'on perd cette magie qui nous a fait roi. 

Excalibur


Excalibur est  en cela très proche de Point Blank malgré les apparences. Le roi Arthur est un enfant doté d'un talent pur, d'une capacité d'émerveillement intacte (lorsqu'il sort l'Epée sans efforts, c'est naturellement, parce que c'est alors un être pur). Lancelot incarne la même pureté (fidélité sans faille à son Roi) dans son immaculée armure. La chair, dans sa faiblesse, les conduiront tous deux, vers le déclin, et partant, une fin de l'insouciance, à partir du moment où Arthur réalise qu'il a été trahi par les siens : désillusions en cascade.

Dès lors, toute l'histoire devient celle d'un homme cherchant à retrouver désespérément cette enfance perdue, une flamme égarée... Incarnées tantôt par le Graal, tantôt par l'épée Excalibur, qui seuls, résistent au temps qui passe.

Hope and Glory. La guerre à 7 ans.    


Une évidence. Dans les souvenirs d'enfance évoqués par John Boorman, on ne fait que vivre un peu plus littéralement cette nostalgie d'une époque souillée par la folie des hommes dans un monde dont la magie subsiste à travers le regard d'un enfant. Pour ce qui constituera le fondement de l'univers d'un grand cinéaste.

Delivrance


Au-delà du fait divers revisité, du film d'horreur, on ne peut là encore que ressentir une thématique centrale : la naïveté d'hommes désireux de retrouver une parcelle intacte d'eux-même, intime eden, de découvrir le moogly qui sommeille en eux... L'état sauvage ou l'enfance de l'art.

Je retrouve d'ailleurs dans ce point de départ tous les signes d'une amitié idéalisée, celle de l'enfance comme dans Stand By me (Rob Reiner, 1987) : 4 copains débarrassés du poids des soucis du quotidien, de la tentation de la chair (absence de personnages féminins). Evidemment, leurs rêves pieux vont se heurter à la cruauté du monde adulte là encore, sous les traits de cette famille qui n'a plus rien d'innocent.

La forêt d'Emeraude


Pour ne pas laisser le monde moderne corrompre nos âmes, soyons pareils à ces "invisibles". La forêt amazonienne devenant ici l'enfance et sa magie intacte, de tout temps inviolée mais que des intérêts bassement matériels poussent l'homme moderne à vouloir dévorer à tout prix.. foulant au pied toute moralité, tout sens de la responsabilité et du respect de l'Autre.

Voilà ce qui m'a toujours fasciné en creux dans l'oeuvre de John Boorman. L'omniprésence d'une thématique, celle de l'innocence perdue, qui pourrait se résumer ainsi :

"A expulser les enfants de leurs rêves, les adultes les hébergent dans leurs cauchemars"
Abdel Afef Benotman