vendredi 30 janvier 2015

The Nickel Ride. Robert Mulligan


"The business is off. No people, no faces. Things change". Phrase immortelle du héros Coop' dit "l'homme aux clés" (comme aux Lucky Strike entassées dans le tiroir de son bureau) lorsqu'il réalise que les appuis historiques dont il disposait que ce soit du côté de la police ou de la pègre, commencent à se faire de plus en plus discrets. Mais est-ce d'ailleurs vraiment le cas ou ne serait-ce pas plutôt son cerveau qui lui joue des tours ? Se sentant à tort ou à raison menacé, face à la fuite de ses repères d'antan, il se raccroche à la seule chose tangible, son amour. Mais ce faisant, il s'isole inévitablement (la maison au bord du lac, le renforcement de la porte d'entrée, l'achat du fusil de chasse, le coup malheureux porté sur sa compagne...). La paranoïa monte comme le lait sur le feu qu'on voit se consumer dans la cheminée de ce délicieux petit chalet. Chaque accord de Dave Grusin est un accord majeur pour faire monter une sourde angoisse. On repense inévitablement à l'ombre menaçante du prédateur dans le fabuleux The Stalking Moon. Mais la paranoïa de The Nickel Ride ajoute quelque chose d'infernal, de l'ordre de la torture mentale que s'inflige le personnage ou qu'on veut lui faire subir pour l'amener à commettre une erreur fatale... Il y a d'ailleurs cette scène mythique de l'intrusion du cow-boy, fusil à la main, dans le décor champêtre et dont on arrive presque à se demander s'il n'existe pas seulement dans la tête du héros (clin d'oeil en passant à The Other qui jouait subtilement sur la même ambiguïté). Quant à la phrase culte du début sur le "business off", elle dit tout d'un film d'une modernité et d'une incroyable intelligence qui longtemps avant notre ère sinistrée raconte un homme qui perd son travail et cherche à préserver son honneur et sa dignité par tous les moyens disponibles... Et c'est évidemment lorsqu'il va baisser sa garde (face-à-face plein de non-dits avec un étonnant John Hillerman) que le danger refait brutalement surface. La scène finale dans la rue au petit matin est franchement une des grandes fins qu'il m'ait été donné de voir au cinéma (d'ailleurs pas sans rappeler celle de Collateral dans une rame de métro aux aurores). Pour finir, comment Jason Miller n'est pas plus connu qu'il ne l'est ? Il est positivement fabuleux, incroyable dans ce rôle (comme il l'était soit dit en passant dans l'Exorciste). Le rôle de sa vie à n'en point douter. Un grand, vraiment un très grand film noir que ce The Nickel Ride. A redécouvrir d'urgence.

The limits of control. Jim Jarmush


Le titre du film serait-il un aveu ? Jim Jarmush nous ferait-il son petit numéro d'auto-parodie ou d'auto-dérision ? En tout cas, tout est dans le titre qui nous prévient par avance que ce cher Jim Jarmush est en complète roue libre, absolument tout puissant dans ce qu'il sait faire de pire ! Il n'y a plus de pilote dans l'avion ou personne n'ose plus lui dire la vérité... C'est incompréhensible parce que le ridicule ici est partout, De Bankolé ou Murray ne sont même pas dirigés... The Limits of control parle pour lui-même et dit que Jim Jarmush, devenu incontrôlable, a littéralement quitté la terre... Un fiasco intégral. Probablement son plus mauvais film.

jeudi 29 janvier 2015

To live and die in LA. Police Fédérale Los Angeles. William Friedkin

Sacré film que ce To live and die in LA. Evidemment, je suis toujours gêné en le revoyant par la musique bien trop datée "années 80" (ces mêmes tics lourdauds que l'on trouve dans le Scarface de De Palma par exemple). Mais franchement si l'on s'arrange de ces petits tracas sonores, le film est à la fois tranchant et ample, sec et sans concessions, porté par un sens magistral de la mise en scène. Et pas de morale par ici, ça tombe comme des mouches qu'on soit agent secret, personne privée anonyme ou trafiquant pyromane. Quelques moments d'anthologie dont la poursuite de voiture ou la déflagration soudaine et tellement "injuste" du vestiaire. Mais c'est ce que le film nous dit tout bas justement : que la vie est injuste. To live and die in LA concerne tout le monde. Pas de passe-droit en ce bas monde. En le revoyant, je note d'ailleurs à quel point cet esprit nihiliste, ce réalisme presque déprimant ont été une influence centrale pour des séries comme The Shield (on est prêt à tout pour arriver à ses fins, qu'elles soient de nature matérielle, charnelle ou vengeresse) ou même The Wire (les amis allant boire la bière de l'amitié au début, la planque et la filature, le personnage d'avocat véreux peu regardant sur la personnalité de ses clients, les contrats sur la tête d'un témoin potentiel en prison qu'on veut faire taire, les personnages de politiques gravitant autour des personnages principaux comme autant de vautours assoiffés de notoriété ou de richesses matérielles...). Bref un vrai sommet de polar. Pur et dur. Noir et brutal comme la mort.

lundi 26 janvier 2015

Young Adam. David McKenzie


Je garde de Young Adam le souvenir d'une excellente surprise. D'autant plus appréciable que je ne m'attendais pas à grand-chose en m'attaquant à ce petit film noir se déroulant à bord d'une péniche dans les paysages gris, humides et brumeux du Glasgow des années 50. Le corps d'une jeune femme est retrouvé flottant dans un canal, un trio fascinant gravite autour... Un vrai coup de coeur. Franchement, je conseille. Est-il utile de rajouter que c'est pour moi la plus grande performance d'Ewan Mc Gregor (d'ordinaire pas transcendant, plutôt terne) qui aura été rarement aussi sensuel et inquiétant, solaire et mystérieux ? Quant à Tilda Swinton ou Peter Mullan, ils livrent eux aussi une grande performance. Vénéneux, sombre, charnel ! Longtemps après l'avoir vu, je peux certifier une chose ; il me reste quelque chose de ce film.

dimanche 25 janvier 2015

Down by law. Jim Jarmush



La danse hésitante au café du petit matin, le "chasseur du dimanche" attrapant un lapin sans défense ou la scène mémorable de l'insurrection chantée avec "I scream, you scream, we all scream for ice cream". Rien que pour revivre ces moments suspendus d'une grâce infinie, il faut voir et revoir Down by Law. Souvent considéré comme trop lent pour les uns, trop stylisé pour les autres, chez moi le charme agit toujours : ce noir et blanc profond qui donne au film la force de l'expressionnisme allemand, les échos du muet grâce aux fabuleuses mimiques de Benigni, Je me rappelle aussi de ces longs travellings sur une ville qui donne envie de la connaître, d'arpenter ses rues, de respirer le fonds de son air humide, voyage résonnant d'une musique de circonstances, aux accents blues, balade douce-amère. Il y a une magie que Jarmush possédait alors pour nous emmener avec lui dans son univers singulier. Un monde follement incarné par ce trio de pieds nickelés plus humains tu meurs, trois grands Hommes égarés dans le Bayou. Benigni, Waits et Lurie redonnent ses lettres de noblesse au mot Fraternité. Il nous font ressentir la force d'une Amitié quand tout fout le camp. C'est aussi cela Down by law, une ode à l'amitié dans un écrin de road-movie, de fuite en avant qui paradoxalement ne s'étend que sur une poignée de kilomètres, pour mieux s'installer dans la torpeur et le silence de cellules (la prison puis la cabane) où peut alors s'épanouir en de délicieuses parenthèses enchantées l'éloge de la paresse, de la lenteur et du surplace quand ils sont vécus entre copains !

Philomena. Stephen frears


Certains ont reproché au film son côté tire-larmes mais c'est franchement ne pas connaître Stephen Frears ou sous-estimer son talent pour nous raconter des histoires avec simplicité, intelligence et une véritable empathie pour ses personnages. Tout ici est surtout humble et honnête. Le plus court chemin pour être bouleversant. Un enfant en bas âge arraché à sa maman qui fait le voyage 50 ans après sa  naissance pour en retrouver la trace, ça vous déchire le coeur, forcément.... Mais s'il n'y avait que ça ? Ajoutez deux personnages (mention spéciale pour Judy Dench étonnante de vérité) qui sont véritablement écrits. On sent par exemple chez lui une timidité, une capacité à se laisser bouffer par les autres qui nous le rend humain, touchant, fragile. Il existe ! Quant à elle, c'est d'abord une femme meurtrie qui peu à peu va se montrer beaucoup plus combative, drôle qu'elle n'y paraît au premier abord, jusqu'à démontrer une sagesse qui force l'admiration. Philomena est évidemment mineur dans la filmographie de Stephen Frears mais c'est un amour de petit melo qui touche au coeur avec modestie et fraîcheur .

vendredi 23 janvier 2015

Only lovers left alive. Jim Jarmush


Très belle intro en matière, smoothy-psychédelico-rock'n roll, sorte d'enroulement sensuel du spectateur autour d'un 45 tours. Très beau dernier plan et tous les instants "Beat Generation" qui le précèdent à Tanger. J'adore aussi la première dégustation d'un sang d'une cuvée exceptionnelle et l'extase qu'elle provoque chez 3 des personnages principaux. Moments sublimes. Pour le reste, c'est emprunté, bavard, et trop littéralement paraphrasé (les références aux illustres prédécesseurs pour bien faire comprendre que ces dandys se connaissent depuis la nuit des temps - un euphémisme - puis la recherche de carburant par des voies certes civilisées mais néanmoins mercantiles pour bien faire comprendre qu'on est arrivé au temps maudit du Capitalisme où tout s'achète et tout se vend, même ses propres enfants, même son propre sang...). Et puis ces deux personnages ont tout d'ingrats vampires, de bobo snobinards suceurs de sang et qui pètent dans la soie de leurs souvenirs poussiéreux. Guère en prise avec la réalité qui les entoure. Ce qui nous les rend franchement très très peu attachants derrière leurs lunettes fumées. Et je ne parle même pas du scénario trivial et trop prévisible :  la soeur rebelle qu'on voit arriver à des kilomètres à la ronde et qui se lâche sur une sucrerie à visage humain obligeant le couple d'amoureux sans âge à se carapater dans leur planque de Tanger où l'on apprendra le pot-aux-roses de la bouche du vampire incarné par le toujours génial  John Hurt : "dans ces pays-là, évitez les hôpitaux (sic), je suis tombé sur du sang contaminé et je arrrrgh vais passer l'arme à gauche gloups"... Une problématique proche de celle des pastilles pour rendre l'eau buvable... Idée qui peut légitimement agacer. Bref, dans Only lovers left alive, il y a du lourd dans les deux sens du terme : du balaise (comme le personnage incarné divinement par Tilda Swinton) et du lourdaud !

Dead Man. Jim Jarmush


Pour moi le plus grand film de Jarmush. Le plus abouti. C'est que pour une fois, son maniérisme et son goût pour les moments de flottement, apportaient à ce western métaphysique tout ce qu'il y fallait, tout ce qu'il y manquait pour nous ensorceler. Dead Man ne raconte pas autre chose. Sous l'égide d'un passeur chaman, une âme en transit flotte et traverse l'âge des braves sur une terre peuplée de fantômes et d'esprits. je me souviens d'une splendide reconstitution de ces temps bénis du western sur une formidable musique de Neil Young (enregistrant de mémoire dans les conditions du direct). C'est un Jarmush au sommet de son art qui a déniché l'acteur rêvé pour accoucher d'un petit requiem sensationnel. Sensationnel au sens des "sensations" qu'il nous fait ressentir... Nous flottons avec le personnage principal, nous vivons avec lui cette Near Dead Man Experience... 

Broken Flowers. Jim Jarmush


Jarmush a perdu la magie. Soit, Broken Flowers fait du bien aux oreilles (ça pour sûr, vive la musique éthiopienne) mais c'est hélas une sorte de sous Lost in Translation. Curieusement là où Bill Murray irradiait de mystère impénétrable, l'acteur n'est ici plus que posture, mimique et vacuité. Le scénario ne vaut d'ailleurs pas tripette et tout fonctionne sur d'interminables temps suspendus, des absences qu sonnent faux. Une vraie arnaque toute creuse. 

Braindead. Peter Jackson


Comme souvent avec Peter Jackson, le résultat est agréable parce que l'humour potache s'ajoute habilement au gore. On est dans une sorte de Bad Taste 2.0. Le même esprit avec de vrais gros moyens. Mais voilà, ça ne restera pas dans mes annales de l'horreur. Je suis presque plus sensible au côté "à l'arrache" si attachant de Bad Taste quand on pourra reprocher à celui-ci un côté plus lisse, une réalisation soignée mais pour un résultat contenant moins d'aspérités. Bon mais je chipote, c'est pas mal quand même et je retiens quelques moments de vraie drôlerie macabre. Mais de ce point de vue, Sam Raimi vole franchement à des kilomètres au-dessus de Peter Jackson.   

Bad Taste. Peter Jackson


C'est toujours émouvant de mesurer la volonté d'un homme et le chemin parcouru sur le trajet improbable qui mène de Bad Taste à la trilogie du Seigneur des Anneaux. Evidemment Bad Taste n'a pas grand chose à offrir, mais il a l'avantage de creuser une fibre horrifico-humoristique qui permet de désamorcer le gore le plus gerbant par des accents satyriques bienvenus, histoire d'alléger l'ensemble et de dégonfler habilement la baudruche. Des extraterrestres viennent choper de l'humain pour alimenter leurs chaînes intergalactiques de Fast-food. Vous avez dit malbouffe ? Voilà, on ne pouvait que se réjouir de cet esprit malsain dans un film sacrément malodorant. Esprit que l'on retrouvera peu après dans le fort sympathique Feebles puis surtout dans Braindead. On notera aussi  dans Bad taste l'ambiance sympathique d'un film amateur tourné entre potes ainsi que la mise en valeur de jolis paysages Néo-Zélandais chers au coeur de son réalisateur. J'ajoute pour la forme qu'on pense côté influences à L'invasion des Profanateurs de sépulture). Bref, Bad Taste est une série Z fauchée mais parsemée d'idée ingénieuses et qui préfigure un joli talent à éclore...

mercredi 21 janvier 2015

Ruggles of Red Gap. Leo Mc Carey


Toujours un bonheur de redécouvrir une de ces merveilleuses comédies dont Leo Mc Carey avait le secret. Un bijou de fantaisie caustique de très haut vol mais qui reste et restera ce qu'il est, ce qu'il a toujours été : un grand divertissement, ce qui s'est fait de mieux en matière de "cinéma de boulevard" pour le dire autrement. Je préférerai toujours personnellement Laughton dans son rôle de divin Suspect chez Siodmak. Mais voilà, Ruggles of Red Gap reste une bien belle comédie à découvrir.

mardi 20 janvier 2015

An Affair to remember. Elle et lui. Leo Mc Carey


Je ne suis pas fana de Mélo mais puisqu'il s'agit d'un des tous meilleurs de l'histoire du cinéma, je ne peux que le conseiller. Rarement j'ai autant été emporté par une histoire d'amour. Rarement j'ai autant versé de larmes sans que le film ne m'y ait lourdement invité comme c'est souvent le cas. Ici le mélo, c'est du cristal qui glisse sur du velours. Et je ne parle même pas du sens exceptionnel de la mise en scène de Leo Mc Carey ni du jeu total de ces deux acteurs (le couple mythique Cary Grant / Deborah Kerr) transis d'amour comme vous le serez à leur égard. A voir ou revoir sans la moindre modération.



L'année de tous les dangers. Peter Weir.


Signée Peter Weir, voilà une de ces belles réussites au souffle épique dans laquelle Mel Gibson apparaissait tellement plus fragile que dans ce rôle de Mad Max qui à tout jamais lui collera à la peau. Tout commence et tout finit à Djakarta où tout a l'air tranquille jusqu'à ce que la guerre civile nous éclate au visage, nous aspire avec elle sur un air mélodramatique de Vangelis. et voilà que des émeutes plus vraies que nature à l'émotion vraie suscitée par une situation aussi folle et incontrôlable, le film réussit dans sa tentative de nous émouvoir tout en nous dépaysant. Très immersif avec un fabuleux trio d'ateurs : Sigouney Weaver, Mel Gibson et la fabuleuse Linda Hunt.

lundi 19 janvier 2015

Les fils de l'Homme. Alfonso Cuaron


Alfonso Cuaron bien avant Gravity nous gratifiait de ce film d'anticipation bluffant sur le plan de la mise en scène (complètement unique et puissamment efficace) comme du fonds. Une atmosphère à la fois futuriste et familière (beaucoup de choses en commun avec notre monde en décrépitude), de fin de monde qui ne coïnciderait qu'avec l'extinction de notre espèce (les hommes ne parviennent plus à se reproduire jusqu'à ce que... miracle, une sortie de "Marie" enceinte par hasard n'émerge du chaos et que Clive Owen, Joseph de pacotille et de circonstances se voit incarner son précieux garde du corps. C'est brillant, immersif et franchement passionnant. Un des grands films de SF de ces 30 dernières années.. 

dimanche 18 janvier 2015

Insomnia. Christopher Nolan


La bonne période de Christopher Nolan. Film qui est un remake mais qui n'en est pas moins une petite réussite, D'abord et avant tout pour ce face-à-face improbable. Un Robin Williams qui n'a jamais été aussi inquiétant (et à la fois innocent) face à à un Al Pacino dans l'un de ses derniers vrais grands rôles de flic pourri, ambigu jusqu'à la moelle et prêt à tout pour faire accuser le meurtrier y compris de ses propres crimes... Un autre personnage rend le film hypnotique et fascinant c'est le jour qui s'infiltre partout, s'insinue dans chaque petite zone d'ombre, empêchant le sommeil du juste de se trouver, faisant poindre dans l'iris rougi du héros des mirages, peut-être des souvenirs qui continuent de le torturer... Très bon, Climat puissamment singulier. Le seul défaut de mémoire, c'était du côté de la mise en scène qui à mon sens manquait d'ampleur (notamment la première séquence dans le brouillard). Mais franchement, c'est aussi ce qu'on peut appeler l'art de chipoter...

jeudi 15 janvier 2015

L'amour est un crime parfait. Les frères Larrieu


Amalric est rarement aussi bluffant que dans ce rôle d'érotomane porté équitablement sur les lettres et sur la chair fraîche de jeunes étudiantes. Ce film possède grâce à lui une sensualité contagieuse, lorgnant parfois du côté de L'Homme qui aimait les femmes (Truffaut), parfois de celui de A serious man (les frères Coen) tant l'ahurissement du héros devant la dislocation de ses idéaux semble l'amener à chercher malgré lui des solutions tantôt du côté de la littérature tantôt dans l'extase d'une bonne tranche de cul. Toute cette mise en place, ce flottement grisant est vraiment fort et nous attache irrémédiablement au film. Le problème surgit quand la réalisation se cherche de l'artifice (fouiller de façon trop littérale dans le passé du personnage principal, ses absences rationnellement expliquées, de vrais meurtres ayant eu lieu...) obligeant le film et ses personnages "à dire leur vérité" tuant hélas toute la magie ensorcelante qui en émanait... C'est d'autant plus paradoxal et dommage que l'une des dernières pensées du héros est justement "la vérité en amour est-elle possible ou souhaitable ?".  Mais j'ai la réponse, moi : 100 fois non. C'est la meilleure façon de se tirer une balle dans le pied. Les Cahiers du cinéma résument bien ce sentiment de gâchis que nous laisse le film sur son tempo conclusif : "Film trop brouillé dans son développement et explicatif dans son dénouement pour pouvoir distiller un quelconque venin". Mais encore une fois toute la première partie est assez grisante, notamment ces plans nocturnes dans la montagne enneigée et cette empathie que l'on ressent fortement pour cet homme esclave de son désir et rapidement dépassé par les femmes...

My Beautiful Laundrette. Stephen Frears


Grand film de Stephen Frears qui démontrait avec ce Beautiful Laundrette qu'il n'avait rien à envier à Ken Loach côté peinture sociale de la réalité de ces années 80. Le plus fort c'est que Frears assume des références cinématographiques qui viennent forcément à l'esprit et donnent une colonne vertébrale au film et un fort intérêt narratif. Je pense à West Side Story ou Romeo et Juliette mais avec deux garçons dans les rôles titres. Vous avez dit subversif ? Frears s'attaque ainsi fort intelligemment à toutes ces idées reçues qui ont toujours la vie dure en temps de crise : clichés s'agissant de la difficulté des minorités dites visibles à s'intégrer (ce jeune Pakistanais cherchant sa place parmi les Anglais en ouvrant sa "own private laundry"). Préjugés à propos de la capacité au courage et aux sentiments amoureux qu'on prête alors si peu aux homosexuels (cette belle relation qui est avant tout une grande et déchirante histoire d'amour et de courage)... Partout où il peut le faire, Stephen Frears met les pieds dans le plat et nous laisse remués comme après un séjour dans un lave-linge sans jamais se départir d'un humour salvateur. My Beautiful Laundrette est pour toutes ces raisons une des plus grandes réussites d'un réalisateur de génie dont l'éclectisme est la preuve la plus évidente. On notera aussi que c'est le film qui révéla au monde Daniel Day Lewis !

mardi 13 janvier 2015

La main sur le berceau. Curtis Hanson



Curtis Hanson aime Hitchcock et le prouve avec ce suspense diabolique. Une famille bien sous tous rapports se retrouve aux prises avec une nounou qui ne recule devant rien lorsqu'il s'agit d'arriver cruellement à ses fins... Bon petit thriller, bonne petite série B où chacun s'identifiera, sursautera, s'indignera et tremblera pour ce couple pris au piège par une femme fatale au visage angélique. A noter une autre jolie réussite dans la filmo de Curtis Hanson : 8 Mile très inspiré, reprenant le divin schéma d'un Rocky mais où les coups portés le sont avec des slams. LA Confidential est pas mal mais vraiment trop lisse et plat si l'on a lu et aimé  James Ellroy.

lundi 12 janvier 2015

White Dog. Samuel Fuller


Le chien blanc serait-il la métaphore la mieux choisie pour décrire ces esprits fragiles, ces innocentes oies blanches victimes de trafiquants d'âmes, de vendeurs de haine à la sauvette... Naît-on violent, haineux, raciste ou le devient-on ? Puis, quand le mal est fait, toute rédemption est-elle encore chose possible ? A défaut de rédemption, une rémission est-elle envisageable ? Des questions maintes fois soulevées chez Stanley Kubrick dans des films bien plus amples, bien plus forts que celui-ci. Car regardons les choses en face, White Dog (Dressé pour tuer) n'est pas un grand film (alors qu'il est un grand livre, qui plus est d'un grand auteur : Romain Gary). il n'est pas non plus très sympathique, il souffre de mille défauts liés aux stigmates de l'époque à laquelle il est tourné (early eighties), lié à son statut assumé de série B assez quelconque côté traitement visuel, Oui mais voilà, c'est Samuel Fuller aux commandes et le sujet de White Dog passionne car sur le plan métaphorique il n'a guère à envier aux grandes réflexions philosophiques sur la violence innée ou acquise, sur la civilisation, simple vernis ou instinct grégaire pensé par les hommes, sur l'endoctrinement, manifestation de la loi du plus fort déjà présente dans la nature ou perversion 100% made in l'Homme... Un film qui dérange et fait réfléchir. Rien que pour cela, il faut le redécouvrir.    

Memento. Christopher Nolan


Je ne me base que sur le souvenir de la première et seule séance au cinéma en 2001. Il faudra donc sûrement que je le revois pour affiner voire réévaluer cette première impression. Toujours est-il que je fus bluffé par ce petit casse-tête ingénieux, surprenant et finalement assez profond dans le sens où la forme y rejoignait divinement le fond. Memento faisait soudain émerger cette figure d'anti-héros (presque christique), de martyr paranoïaque répandant la mort sans l'avoir vraiment voulu dans un premier temps, avant de reprendre la main pour mettre un terme définitif à son cauchemar. Un héros intimement persuadé d'être dans le vrai parce que croyant aveuglément à "ses écrits saints", ces petites injonctions mystiques recouvrant son épiderme comme une peau de chagrin et qui l'autorisaient à ne plus se rappeler, en d'autres termes à ne plus penser par lui-même... C'est pour cela qu'au-delà de l'intelligence et de l'efficacité de Memento comme exercice de style, se dessinait en arrière-plan une belle charge (peut-être inconsciente) contre toutes les formes d'embrigadement de l'esprit humain. Terriblement d'actualité.

A nous la victoire ! John Huston


Quand on a 10 ans, c'est le genre de film que tu kiffes à tous les coups. Les gentils vont battre les méchants au terme d'un match de foot qui leur restitue le statut d'hommes libres. Architecture d'un Rocky de masse (à noter d'ailleurs une musique de Bill Conti) ou d'un Karaté Kid avec l'esprit d'équipe en plus, A nous la victoire ! est le film rêvé pour tous ces enfants désireux d'aller en découdre pour de vrai juste après la projo sur le terrain vague d'à côté. En plus, on apprend plein de choses, qu'il y a eu une guerre mondiale et que les méchants c'était les nazis et que les gentils de toutes origines sont sacrément doués pour le Mother Soccer, j'ai nommé le Football. Voilà, c'est super à 10 ans mais sûrement foireux et trop manichéen quand tu le revois 30 ans plus tard (même en ayant lu sur la jaquette John Huston, Michael Caine, Max Von Sydow ou Sylvester Stallone et le grand Pelé). Restent les effluves de souvenirs qui remontent avec jubilation, et rien que pour ça, je suis content de m'y être replongé quelques secondes. 10 ans est décidément un très bel âge.

vendredi 9 janvier 2015

The Hit. Stephen Frears


Film noir comme le suggère l'affiche ? Film de Gangster comme nous l'indique le pitch ? Un mafieux ayant dénoncé des ex-complices se retrouve avec la mort aux trousses, une mort fine, élégante sous les traits juvéniles de Tim Roth. Ou tiendrait-on avec The Hit un puissant road movie comme la structure même du film nous le murmure ? Le film de Frears est tout cela mais retenons avant tout un très grand film, tourné avec peu de moyens, destiné de mémoire à une exploitation télévisuelle mais qui contient tellement de cinéma qu'il est aujourd'hui à juste titre considéré comme un petit joyau brut à montrer dans toutes les écoles de cinéma, à faire découvrir encore et encore. Un exercice de style de haut vol et plus encore une leçon magistrale de rythme, de construction narrative de mise en scène de direction d'acteurs... Et quel casting !!! John Hurt, Terence Stamp, Tim Roth... Il faut franchement le voir ou le revoir. Une bonne grosse claque.

Escape from Los Angeles. John Carpenter


Le film qui lorsque je l'ai découvert en 1997 dans un cinéma Mozambicain a fait remonter comme une grande nostalgie des premières armes de ce héros fabuleux mais déjà rouillé, perclus d'arthrose... Et quel cast pour les cinéphiles : Peter Fonda, Cliff Robertson, Stacy Keach (inoubliable dans Fat City), Pam Grier, Steve Buscemi. J'aime tellement Carpenter, j'ai tellement d'affection pour son cinéma que je ne serai évidemment pas objectif. Mais quoi qu'il en soit, malgré les innombrables défauts que chacun pourra légitimement y trouver, rien que pour cette dénonciation sans partage d'un puritatisme US qui sclérose, étouffe toute une société, rien que pour ce parfum de Saudade qui flotte sur le film, il faut le voir... Sympathique, attachant honnête, et puis on parle de Snake merde !     

jeudi 8 janvier 2015

Escape from New-York. John Carpenter



Au cinéma à l'époque ça claquait sévère... Il a vieilli c'est sûr mais quel bonheur de retrouver Kurt Russell dans le rôle de sa vie (l''immortel Snake Plissken), mais aussi Lee Van Cleef, Donald Pleasance, Harry Dean StantonErnest Borgnine ou Isaac Hayes. Comme souvent chez Carpenter, des miracles se produisent grâce à des moyens dérisoires mais de grandes idées de mise en scène. C'est ce que j'aime le plus, quand on sait intelligemment compenser le manque d'argent par de l'inventivité à tout va. Saluons aussi une intrigue minimaliste (le héros privé d'antidote est jeté sans armes dans la fosse aux serpents chargé qu'il est de ramener vivant le président des Etats-Unis en un temps record) mais diablement visionnaire (les prisons surpeuplées finissent par obliger les autorités américaines à transformer Manhattan en véritable zone de non droit, gigantesque mitard à ciel ouvert). Ajoutez une atmosphère incomparable rendue possible via un score aussi simple que mémorable. Mais je retiendrai par dessus tout un ton irrévérencieux, anticonformiste, limite (n)anar, le genre de vent de liberté réjouissant comme en faisait souffler sur l'hexagone jusqu'à hier matin un certain Charlie Hebdo. L'air de rien. Escape from New-York est ce genre de film, de ceux qui vous rappellent combien la liberté est un bien précieux, jamais acquis, et qu'il faut aller défendre crânement à chaque nouvelle aube... Et plus profondément libre et d'aucune chapelle que Snake Plissken, sincèrement, je ne vois pas...   

mercredi 7 janvier 2015

Carrie. Brian De Palma


Il faut lire le bouquin de Stephen King sur la création et l'écriture où il explique comment lui est venue l'idée de Carrie, un jour qu'il était préposé au nettoyage des douches des filles dans un lycée... Enorme sur la façon dont le cerveau d'un créateur à partir de petits détails croustillants de sa vie va soudain échafauder de somptueuses cathédrales ! Brian De Palma a parfaitement saisi le parfum de mort qui rôde à l'adolescence quand la puberté est là, que les règles arrivent pour les filles, les poils et l'acné pour les garçons, et que l'enfance n'et déjà plus qu'un vieux souvenir froissé. Le film ne dit pas autre chose et ajoute à la réflexion le fait (incontestable) que la cruauté à cet âge pas facile à traverser dépasse en termes d'intensité et de stratagèmes l'imagination et tout ce dont l'Homme est capable en temps de guerre... C'est dire ! Voilà au fond pourquoi Carrie est un des sommets de la filmographie de Brian De Palma  : un film de guerre camouflé qui nous parle de l'âge où la mort est la plus palpable, l'adolescence. Trop fort !

mardi 6 janvier 2015

Dementia 13. Francis Ford Coppola



J'ai ma petite théorie sur les (très) grands. Ils se sont un jour ou l'autre frottés à des genres dits mineurs. Souvent, très souvent, ils ont donc démontré cette capacité d'empathie et/ou d'ouverture d'esprit, ce qu'on appelle aussi plus prosaïquement de l'humilité, terreau propice à faire grandir un talent. Après avoir tutoyé les sommets, Coppola a su récemment revenir à ses premières amours en tournant à l'énergie, à l'imagination galopante (Twixt, Tetro). Tout sauf un hasard. Rappelons-nous que longtemps avant Le Parrain, Apocalypse Now, Conversation Secrète il faisait justement ses armes dans un exercice de style horrifique divertissant, fauché mais au demeurant sympathique Dementia 13. Alors bien sûr le scénario n'est pas au niveau, même le film ne va pas chercher loin mais l'on comprend mieux en le revoyant que l'amour pour le cinéma chez Coppola est un amour inconditionnel qui va des séries Z de la Hammer aux grand classiques hollywoodiens. C'est avant tout ça la force d'un (très) grand : son éclectisme. Etant entendu une fois de plus que les plus grands se sont très souvent essayés à ces genres déconsidérés par la critique et pourtant dans lesquels se fourbissent, se sont fourbies et se fourbiront les armes cinématographiques les plus belles ma bonne Dame !

The List of Adrian Messenger. John Huston


Enquête policière à la Agatha Christie avec un point de départ plus qu'appétissant. Juste avant de passer l'arme à gauche, Adrian Messenger éveille la curiosité d'un homme autour d'une mystérieuse liste de personnalités... Au cours de l'enquête, on découvrira que des accidents sont à l'origine de la mort de ces derniers.. Hasard, Coïncidence ? Bref du mystère et l'envie d'en savoir plus... Mais hélas le Dernier de la Liste en restera aux pures (pires) intentions. Inoffensif, pas efficace pour un sou... Le problème d'un petit objet ludique et sans prétention où les promesses ne sont hélas suivies d'aucun engagement fort et profond. On sent aussi et très fort que John Huston est surtout venu se taper une bonne tranche de rire avec sa bande de potes à la compagnie probablement pas si désagréable (George C Scott, Kirk Douglas, Tony Curtis, Robert Mitchum, Burt Lancaster, Frank Sinatra)... Au fond, une sorte de Ocean's 6 avec un Océan au sens de vaste et morne plaine.            

lundi 5 janvier 2015

Promenade avec l'amour et la mort. John Huston


Bon je reconnais que le film (vu au cinéma) se laisse un peu aller par moments, on sent d'ailleurs l'influence des drogues vivifiantes (ou pas) de la fin des années 60. Et oui, 69 année érotique et des tourments adolescents... Comme souvent chez Huston, le génie vient quand même de ce que sur un sujet comme la guerre de 100 ans il consacre plus d'énergie à dépeindre l'humanité vacillante de ces jeunes amoureux à la recherche de repères pour exister, pour grandir qu'au conflit et ses sempiternelles batailles... L'humanité est une fois de plus ce qui passionne notre grand John Huston. alors oui, des faiblesses il y a et pas qu'un peu, soit, de longueurs malvenues les film est parsemé, un manque de tenue côté narratif aussi mais nous retiendrons surtout de bien beaux moments lyriques et désespérés... Avec une Angelica Huston toute jeune, toute fraîche, toute abandonnée... Une vraie curiosité tournée sous amphets, comme en apesanteur. Pas inutile cette promenade avec l'amour et la mort. 

dimanche 4 janvier 2015

Unbreakable. Incassable. Night M. Shymalan


En m'amusant à re-parcourir la filmographie de M Night Shymalan, je m'aperçois que Signs était époustouflant jusqu'à une chute complètement ratée, comme bâclée (l'irruption du ridicule avec l'apparition d'extraterrestres qui auraient dû rester invisibles pour continuer de nourrir l'imaginaire du spectateur). Vraie faute de goût à mon sens. Je me rappelle aussi que Le Village souffrait des mêmes défauts à l'heure de la révélation de ce petit microcosme où l'on effrayait pour mieux dissuader les siens de prendre la tangente, pour mieux embrigader en somme. Tout ce qui viendra ensuite est hélas à l'avenant, Phénomènes compris malgré quelques beaux passages bien flippants,.. et même si j'aime le Sixième Sens ce dernier ne fonctionnait vraiment que sur un twist final qui de fait en affadit le re-visionnage. S'il faut donc retenir un film pour moi, et bien ce sera Unbreakable aka Incassable qui n'est pas qu'une leçon hallucinante de mise en scène, c'est surtout le "prequel" rêvé de l'aventure d'un Super-Héros n'ayant jamais existé.... En soi, voilà déjà une idée complètement dingue. Si vous y ajoutez la façon magique dont M Night Shymalan ausculte la genèse de cette opposition (qui fait souvent le sel de ce genre d'épopée) en découvrant peu à peu ce que la nature a généreusement donné à l'un (le Super-Héros) et méchamment confisqué à l'autre (le Super-Vilain), vous n'êtes pas loin d'obtenir une réflexion philosophique profonde sur l'origine de mythes comme celui des Dieux Grecs de l'Antiquité et la façon subtile dont il sont probablement nés de la simple observation du monde (par essence injuste) qui nous entoure...

Pandorum


Ouïe ! Toujours se méfier du film de SF qui essaye de te refaire le coup d'Alien (des héros sortis d'une léthargie longue de combien déjà ? Et pas le fait d'un baiser, évidemment)  mais aussi de Cube (les personnages qui oublient ce qu'ils sont venus faire là) enfin de The Descent (pour la gueule des monstres baveux)... Sans parler du film qui ajoute la présence d'une vielle gloire venue cachetonner (Denis Quaid). J'ai commencé à le mater et je confirme, il faut parfois écouter ses intuitions. A contourner !

vendredi 2 janvier 2015

The Ryan Initiative. Kenneth Branagh


Pine fait pour moi partie de ces acteurs " têtes de veau, regard bovin" qui ne font guère rêver... Rendez-nous Bruce Willis, des Messieurs-tout-le-monde avec un regard malicieux ! Ici en plus de ce cast tout en lourdeur (Kevin Costner et Kenneth Branagh  pas mieux, comme deux momies des années  90 décongelées pour l'occasion) le film est cruellement balisé, prévisible, froid, même pas fin côté mise en scène...Bref un truc vaguement quelconque qui ne mérite sincèrement pas qu'on s'y attarde.