vendredi 31 décembre 2021

Dario, Troisième mère

 

Cinq jours déjà... J'en ai encore des frissons. Le syndrome de l'innocent qui vient d'entendre le baillement d'une porte. C'est le fantôme de Dracula. A Casa, Vélizy ou Milan. Une même angoisse phénoménale persiste. L'image infernale imprime sur ma rétine son trauma, son cristal suspirien, laisse mes yeux sur le carreau, chauffe mes sangs à la façon du chat ou de quatre oiseaux maléfiques qui de leurs regards de Giallo me dévisagent depuis les ténèbres d'un Opéra. Peu importe... Hitchcock, Stendhal peuvent toujours courir, espérer, dans la queue, s'interroger "Quelle mouche l'a donc piqué ?" Rien ni personne à mes yeux n'arrive à la cheville de Dario qui fut, allez comprendre, est, sera toujours une troisième mère pour moi.

 

mercredi 29 décembre 2021

Canicule (the Dry)

La dernière image s'il doit en rester une ? Cette pré-séquence d'immolation dans une nature assoiffée et qui reçoit de l'alcool à brûler en guise de rafraîchissement.

Il y a par ailleurs dans ce film de bien belles images notamment vues du ciel, le drone a de belles années devant lui). Ce qui confère au film une atmosphère réussie. The Dry porte d'ailleurs bien son nom. Tout ce qui est à l'écran assèche le regard, les sentiments et le verbe chez le personnage principal. Problème(s) : Tout ici est vu et revu. Souligné et re-souligné. Le gars du coin pas désiré, même soupçonné à tout le moins de mensonges dans son passé revient après la mort suspecte d'un ami d'enfance avec qui il partageait un secret... Eric Bana a le charisme d'une moule frappée d'apoplexie. Quel choix calamiteux pour le premier rôle. Pour le reste, le principe éculé des flash-backs pour construire une enquête parallèle dans le passé n'a rien de très original mais passe encore. C'est surtout la double résolution finale qui a vraiment quelque chose de lourd, de trop explicatif et d'ailleurs de pas très crédible (l'histoire du père violent etc) mais surtout d'artificiel. Bref on peut tranquillement passer son chemin même si l'ambiance, la langueur, l'étuve ressentie apportent à The Dry un certain charme malgré tout.           

lundi 20 décembre 2021

Les ruines


La dernière image s'il n'en reste qu'une ? Pour moi c'est cette jeune femme qui de façon obsessionnelle va traquer les corps étranger sous la peau, son cuir chevelu, dans les reins à coups de lame effilée. Une vision d'horreur réussie avec si peu de choses, et traduisant la folie de nos sociétés occidentales en mission pour condamner le mystère, la mort, pour célébrer l'eugénisme, la pureté dès lors qu'elles sanctifient l'apparence reine, le matériel à tout prix, etc.

Les Ruines est par ailleurs un petit film d'horreur pas dénué d'intérêt, plutôt habile et surtout éprouvant. On sent qu'il est tourné à peu de frais mais comme souvent les "bons crus" (Pas de pétrole mais quelques idées fortes). Le genre de série B horrifique qui ne se refuse pas.

C'est ce qui est appréciable : lorsque sur un sujet donné (l'exploration d'une pyramide, la confrontation avec une plante carnivore géante), le film va consciencieusement éviter les poncifs (exploration souterraine, confrontation avec des populations autochtones anthropophages et sanguinaires), se contente d'explorer la surface (terrasse supérieure) d'une pyramide Maya et de décortiquer avec un souci de réalisme les mécanismes de la peur partagée par ces 5 victimes en gestation.

Evidemment les petits touristes buveurs de Mojitos en bord de piscine restent sourds aux mises en garde des habitants du coin (qui eux savent et connaissent les risques encourus par les explorateurs les plus inconscients). Là encore, petit message sur ce que le tourisme à l'heure du low cost et du air B&B peut donner de plus vidé de sa substance : aucune rencontre avec l'autochtone, on reste entre soi, on boit de l'alcool et on rêve de faire deux trois photos sur une pyramide comme on le ferait dans un cimetière. 

Ce qui séduit, c'est donc ce message subliminal couplé à une volonté d'anti-spectacularisme et d'explorer au maximum les réflexes humains, les situations réalistes, la volonté de se serrer les coudes, d'accepter l'horreur jusqu'au sacrifice ultime... J'aime beaucoup notamment cette prise de parole finale qui révèle les rêves de jeunesse du héros an sens le plus noble du terme (tel est son nom, il rêvait d'être médecin etc.) qui a des accents sincères tout en permettant de faire diversion pour permettre à sa fiancée de se faire la malle.

L'ensemble reste mineur mais comme je le disais, j'en apprécie la fraîcheur, le ton, l'exploitation intelligente d'un huis clos à ciel ouvert.



dimanche 19 décembre 2021

The Lighthouse

 

La dernière image ? Evidemment ce tableau sépuscral de fin, ce corps encore vivant, engourdi et s'offrant à une nuée de mouettes assoiffées de sang humain. Mais travailler dans ces phares du bout du monde n'est -il pas en soi un immense sacrifice ?    

Hommage doit être absolument rendu au travail sur l'image, ce 35mm d'une densité folle, ce noir-et blanc aux matières granuleuses, aux nuances de clair-obscur étirant, étalant son gris nuit à l'infini. De nombreux passages du film confinent à des tableaux d'une puissance sépulcrale rare. Je pense au plan final.  Mémorable. On pense à du Jerzy Skolimowski dans ce qu'il peut accoucher de meilleur à l'image. 

je salue également les 2 acteurs que j'adore et qui ne déçoivent pas que ce soit dans l'épaisseur de leurs silhouettes, leurs expressions, leurs silences ou lorsqu'ils servent dignement de beaux textes littéraires, aux accents lyriques... On pense alors à un huis-clos au sommet sur une scène de théâtre, le sujet s'y prêterait volontiers, et ce duo pourrait y faire des merveilles à coup sûr.

En revanche, la trame et le sujet (comme les intentions ?) sont trop ténus, trop attendus. Chacun cache soigneusement sa folie, son passé, ses envies de meurtre... Chacun peut être une version plus jeune, plus vieille de l'autre, chacun peut vivre seul sur ce morceau de purgatoire et donner vie à l'autre pour se donner l'illusion d'être accompagné... L'enfer y serait l'autre ? La "lumière" révélée serait ce mirage qui de tout temps donne des ailes (celles noires du vautour) à l'opprimé y voyant à tort un salut qui n'est jamais que fantasmé.  La fameuse histoire du patient immobilisé qui envie la position de son voisin de chambre lui racontant tout ce qu'il voit de passionnant par la fenêtre... Ce dernier meurt et lorsque le premier occupe enfin le même lit, il découvre avec horreur que par la fenêtre on ne voyait qu'un mur en face...

Tout est appuyé. L'ensemble est trop léché, pas sympathique pour un sou, et ne nous permet donc pas de nous glisser dans le film aux côtés de ces deux personnages en perdition,  de rentrer dans ce monde éthéré qui reste aux portes de la réalité et se présente davantage comme un long cauchemar émaillé de visions de l'enfer prises dans l'oeil du marin en train de sombrer dans des eaux glacées.

Pour résumer, j'ai trouvé ça bien beau certes mais beaucoup trop froid et surtout pas assez aventureux, audacieux sur le plan narratif. La fin, on l'attend depuis longtemps, on la voit venir et elle arrive comme tout le film nous préparait à la voir débouler. Dommage.                    

Le Rosebud de Steven

      

On a pris ça dans les dents, ma mère et moi, l'effet d'un bon gros crochet, puis le mal de crâne qui ne m'a jamais quitté. Toujours là. C’était en 1941, Papa s'est volatilisé comme un espion après le duel de trop, « Arrête-moi si tu peux » fut son dernier mot, Testament de l'extraterrestre regagnant sans prévenir sa quatrième dimension. Depuis je veux retrouver ce monde perdu, paradis géant, « sugarland » à la couleur pourpre ! Je suis Ryan Lincoln Schindler Jones l’aventurier, le soldat, le capitaine, le « player 1 » prêt à tout pour une nouvelle rencontre, sans esprit de revanche. Sur un pont la nuit, devant le Pentagone, dans un temple au coeur du West Side. Pour percer les secrets d'avant son maudit départ. Peu importe où, je veux que renaisse ce royaume de ses cendres, l'empire de mon soleil ! C’est là ma croisade, ma guerre des mondes, pas besoin de liste, ni de papier, ni de rapport minoritaire, ni d’intelligence artificielle, ni même de terminal. Le graal, le cristal, l’arche perdue, appelez ça comme vous voudrez, m’attend quelque part. A Munich, dans l'Indiana ou sous mes pieds comme chez HG Wells. Personne ne m'arrêtera, je suis le cheval fougueux, une licorne du troisième type, le "friendship trooper" lancé à toute vitesse comme l'Express de minuit. Je le trouverai et croyez-moi, je sauverai l’enfant Steven Fabelmans !

dimanche 5 décembre 2021

La loi de Téhéran


La dernière image ? Si je ne le revois jamais, ce sera certainement cette scène carcérale  où l'accusé revenu d'entre les morts après s'être arrosé le visage d'eau dans les chiottes, en fait profiter une armée de zombies à l'aide d'un tuyau (on est alors dans le genre, presque fantastique, pas loin de L'armée des morts...). 

Sinon, tambour battant... C'est le mot. Comme cette scène d'introduction qui pose habilement les codes d'un genre millénaire. Le film noir. Ou le polar ? Mais social, documentaire, trempé, plongé même dans l'acide du trafic de drogue et de ses victimes collatérales : consommateurs et apprentis sorciers, policiers ripoux, endeuillés, flics de devoir, juges pressés et ex-maîtresse éplorée. Une course dans la ville et hors la bouche, c'est que les mots courent aussi vite que les fuyards de cette emblématique scène introductive qui pour s'élever socialement, qui pour réparer son honneur. Vite fait, bien fait.

Une société où policiers et bandits ont un même code d'honneur ("je ne provoquerais jamais la mort d'un enfant" nous dit l'accusé en larmes), où l'on ramène à la vie un gangster pour mieux lui lire en diagonale ses droits, pour mieux lui rendre la mort après comparution immédiate... Comparution devant la justice, devant sa famille effondrée... Lui-même dit tout, de façon honnête, transparente : "vendre 1 gramme ou une tonne, mon sort aurait été le même...". Dans le même temps, le flic le plus droit qui soit doit faire la preuve qu'il n'a pas dérobé une partie de la dernière prise... Suspicion généralisée, tous dans le même bain, tiraillés par le besoin, de s'extirper de la masse, de s'offrir par cette prise de risque insensée un avenir meilleur, pour soi, mais pour les siens (les enfants envoyés faire leurs études ailleurs) au mépris des codes, de la loi impitoyable de Téhéran.

Evidemment les vrais argentiers de ce business de mort restent invisibles, bien au chaud, planqués. Ils pourront tranquillement continuer de tirer les fils dans l'ombre, pour faire fleurir ce commerce sépulcral. C'est l'intelligence de La loi de Téhéran que de nous le suggérer habilement.  

Je retiens aussi des acteurs fantastiques, plus vrais que nature : ce face à face dans le fourgon est un sommet d'intensité.  

Ce qu'on peut, ce que je peux déplorer, c'est peut-être la deuxième partie, pour le coup très bavarde, et un point de vue trop obsessionnel sur la trajectoire de ce bandit, cette victime (de lui-même) qui en s'humanisant n'efface pas l'intérêt que l'on porte légitimement aux 2 policiers qui auraient mérité selon moi une plus grande attention (leurs familles, leurs objectifs, leurs vraies valeurs, leurs états d'âme...).

Ce qui fait que le final, attendu, n'apporte pas ce supplément d'âme, cette déflagration qui amènent un film à des hauteurs rarement atteintes. On s'y attendait, tout se passe comme prévu et le livre se referme plutôt sagement.

Mais il reste un film à voir parce qu'il tricote sa matière documentaire à l'un de ces genres anoblis : c'est souvent le secret de fabrication des grandes réussites.