mardi 19 juillet 2022

Triple 9

La dernière image ? Un ascenseur... Le silence... Coupable ? Une gêne palpable. Deux personnages à la limite... On se jauge... Quelque chose menace, on sait déjà quoi, mais la question demeure : comment l'éviter ?

L'ensemble reste assez "convenu" mais je retiens la nervosité, la sécheresse de la mise en scène. Une économie d'effets parfois... Pas inintéressant (sorte de pseudo Infernal Affairs sous testostérone qu'on aurait croisé avec le lyrisme, le classicisme aussi de Heat) et on s'inquiète pour ces 2 puis pour ce personnage principal pris dans l'essoreuse du Triple 9 destiné à libérer de l'espace vital pour les intentions les moins louables de 2 flics ripoux... Pas fou, fou mais terriblement efficace et mené tambour battant.



lundi 18 juillet 2022

Promising young woman


La dernière image ? Ce feu de la Saint-Jean au petit jour... Deux copains bourrés, une main qui dépasse du brasier... Sentiment de malaise et d'injustice... Un de ces moments de cinéma qui marquent durablement par la violence inouïe du propos. Une injustice se doublant d'une autre... mais heureusement le destin, sous les traits d'un plume bienveillante, veille.

Sinon voici une petite série B bien troussée comme je les aime. Cela veut dire bien écrite, qui ne paye pas de mine et qui fait tout de même passer quelques messages bien sentis. Evidemment ça surfe sur le mouvement ME TOO et je n'apprécie que modérément le final un peu trop cynique, un peu trop "Girly Nation" repoussant par principe toute réconciliation possible des deux sexes par le fil ténu de la comédie romantique (si bien entamée).

Mais sorti de là, c'est intelligemment mené, bien joué (formidables acteurs) et souvent percutant.

Franchement pas de refus par les temps qui courent.

  


vendredi 1 juillet 2022

Annette

La dernière image ? Le démarrage. la scène, le stand up, la répartie, le mystère de ce personnage qui fait rire mais ombre, qui n'est pas forcément drôle... ambigu, intéressant.

Dans l'ensemble, je retrouve une forme de mélancolie pas désagréable, quelque chose de fort qui survit à l'enchaînement des roucoulades, de ces chanteries pas fantastiques, plutôt répétitives voire manquant de puissance évocative / métaphorique, trop littéral peut-être... Je ne déteste pas l'idée de cette poupée, de cet enfant / objet qui fera l'admiration de ses parents... Mais l'ensemble est finalement indigeste et surtout l'on s'interroge sur  la nécessité de transformer le personnage masculin en psychopathe avec des motivations pour le moins troubles... jamais élucidées. Simple hommage çà des films comme Soupçons ? On ne voit pas bien où le film veut en venir... reste de vrais moments de cinéma; Mais quelque jours après l'avoir eu, il ne m'en reste pas grand chose... Etrange sensation d'avoir eu un film jetable entre les mains.    

samedi 21 mai 2022

Benedetta. Paul Verhoeven

La dernière image ? L'échange entre Benedetta et le Nonce qui venant d'être poignardé à plusieurs reprises gît au sol et demande ce qu'elle aura vu pour lui après ce monde terrestre... Paradis ose-t-il espérer ? Elle acquiesce mais il conclut dans un dernier soupir  "Jusqu'au bout tu auras menti"...

Le film a ses fantastiques moments comme celui--ci. Mais il est hélas inégal. Le talent inné pour la mise en scène de Paul Verhoeven n'est guère mis à profit par exemple et c'est fort dommage parce qu'il y avait je crois un enjeu esthétique et de cadrage à ne pas louper sur la façon de retranscrire cette époque en  s'inspirant par exemple de tableaux de Maîtres. Le traitement de l'image est pour tout dire assez quelconque. 

En revanche, je retrouve avec bonheur des thématiques centrales chez Verhoeven : religion et sexualité, Corps et esprit, recherche de pouvoir et de domination, mythe de la femme fatale qui donne et prend les vies...  A certains égards la nonne saphique blonde platine va d'ailleurs rappeler la Sharon Stone de Basic instinct (déjà une relation amoureuse avec une complice et maîtresse ?) ou la veuve noire du Quatrième Homme.  L'époque convoque aussi La Chair et le sang. et de chair et de sang, il est fichtrement question ici. De chair, de sang et de croyance aveugle. De celles qui peuvent faire advenir des miracles ou des mirages pour mieux asseoir une domination  sans partage sur Autrui dont la crédulité crève ici les yeux... De même que le film nous raconte utilement que la femme de tout temps a su prendre le pouvoir quand le moment l'exigeait, quand l'heure était venue, propice. 

Le film n'est pas miraculeux mais il est comme toujours avec ce réalisateur intéressante matière à réflexion salutaire sur le lavage des cerveaux, l'opportunisme, la prestidigitation qui fait du passage d'une comète le moment rêvé pour rendre terrestre, familière, la folie la plus douce. Je retiens aussi quelques saillies visuelles vraiment réussies : ces rencontres fantasmées de Benedetta avec un Jésus davantage Chipppendale assoiffé de sang que fils de Dieu. Toute la séquence finale également qui s'achève par le meurtre en place publique du Nonce.

De très grands moments donc ponctués d'une poignée de longs creux un peu quelconques. 

jeudi 12 mai 2022

La guerre des mondes. Mon père, ce héros


Tout Spielberg est là !

Mise en scène inventive,

Des idées miraculeuses,

Des trains fantôme

Aux allures de boule de feu

Déchirent la brume du petit matin,

Un lit de dépouilles s'étire, macabre,

Sur le fleuve trop tranquille,

Et l'obsession bien vivante

Pour le thème de la famille déchirée

Irradie, partout, tout le temps.

Suis-je un bon père ?

Question qui taraude le héros...

Ce qui lui tombe sur la tête,

Ou plutôt surgit sous ses pieds,

Le met face à ses responsabilités.

Un chef de famille qui se cherche

Le temps incertain d'une garde,

Engagé qu'il est à ramener

Ses deux morpions en un morceau

Chez leur chère maman...

Voilà pourquoi le dernier plan

tant conspué pour son côté mièvre,

Devient un aboutissement thématique :

La réunion familiale,

Rêve ultime des enfants

De parents divorcés

Du monde entierMission accomplie

Par un père d’abord paumé,

Démissionnaire et qui à la faveur de

Cette Guerre des mondes redevient

Le papa protecteur, le Père, ce héros

Dans le regard de ses 2 marmots.



lundi 9 mai 2022

Collateral. L'oeuvre au noir

 

Quelle plus belle tirade ?

Quelle plus belle mort ?

Quelle plus belle fin ?

Tom se projette, se raconte,

Nous raconte, nous autres,

Toi, moi, lui, elle,

Nous qui prendrons demain le métro

La gueule enfarinée, la tête basse

Sans même remarquer

Le macchabée juste à côté.

C'est qu'on nous cause ici du travail

Celui qui avilit, celui qui enchaîne,

Ses effets collatéraux sur celles et ceux

Qui en dépendent pour vivre :

Une femme ne compte pas ses heures

Prisonnière d’une tour de verre,

D’un piège de cristal,

Alors qu’elle pourrait être chez elle

Bien au chaud dans ses draps douillets.

Elle est d’emblée cet être dédié

Corps et âme à sa tâche

A l’heure où d’autres dorment

Du sommeil du bienheureux. 

Et ce chauffeur de taxi

Subit tout autant son sort

En attendant mieux...

Créer sa propre entreprise ?

Allez soyons fous,

Location de limousine !

Le troisième larron

Est tueur à gages.

Sans scrupules

Mais sans illusions.

Jusqu'au boutiste, il remplit

Toujours ses contrats.

Subtil trio nocturne « au travail »

Qui donne à ce thriller crépusculaire

Sa dimension allégorique surpuissante.

L'apparition d’un coyote dans les phares ?

Les visions poétiques d’un Wolfen

Sous les yeux ravis de ces

2 personnages masculins

En quête de hauteur (dans ce monde de brutes).

Leur relation ? Ambigüe, emprunte de respect,

D’admiration lorsque le tueur désenchanté

Reconnaît au chauffeur le courage

D'avoir su, contrairement à lui, 

Briser ses chaînes en volant 

Au secours de la working girl,

prenant ainsi son destin en main

Pour ne pas finir écrabouillé

Comme ces dépouilles anonymes

Qu’on retrouve au petit matin dans le métro….

Un très grand thriller autour des ravages

De la grande ville sur l’individu 

Venu y chercher son salut…



dimanche 8 mai 2022

Ode à Joe. David Gordon Green


Etouffer à ciel ouvert

Le long d'une voie ferrée.

Rendre irrespirable le grand air.

Aucun coup de hache,

Aucun délicieux poison,

Rien n'y fera.

L'Amérique profonde

Se succède à elle-même

Comme les fantômes qui la hantent.

Insondable humanité dans un décor immuable.

Le temps venu des éternels recommencements.

Aux chairs lacérées sur un visage

Répondent les coups secs au canif

Dans le poitrail du daim

Lesté comme un sac de boxe.

Le règne animal.

Au son effrayant du crâne brisé

Répond la morsure fatale

D'un chien gros comme un bison.

Au diable la morale.

Chacun la sienne par ici.

On fait ce qu'on peut

Avec ce qu'on a.

Le temps semble s'être arrêté.

Le paternel frappe, humilie,

Avant d'amuser le fiston

D'un pas rouillé de break dance

Tentative dérisoire de transmettre

Enfin quelque chose, de redevenir 

Quelques instants gracieux

La figure rassurante

Du bon père de famille. 

"Donne moi ton fric, je te dissoudrai,

Donne moi ton sang, je t’absoudrai."

Chaque personnage commet l’irréparable

Franchit allègrement toute frontière morale

Au péril de sa vie, de celles des autres

Avant d’avoir un geste d’empathie

(Une main sur un crâne en morceaux)

Un mot tendre (tu es mon frère ?)

Ou le bon goût de se supprimer…

Nicolas Cage redevient Sailor

Ses tatouages, sa silhouette affinée,

Son aigle fièrement porté dans le dos

Sont là pour en témoigner

Après une trop longue vie carcérale,

Orphelin de son passé,

En quête d'oubli mais pas de rédemption.

J'ai d'ailleurs espéré en vain

Sur ce pont éclairé par la lune

Qu'il susurre enfin au flic quelque chose

Au sujet de Lula et chacun,

Emu aux larmes, aurait compris...



samedi 7 mai 2022

Mourir peut attendre


 La dernière image ? La cale d'un bateau, les eaux qui s'y engouffrent. Les adieux de Bond à son collègue et ami. Jolie scène bien claustro. Mais déjà, on sent l'univers de Bond bien trop "Tintinisé"...  

Sinon ? Mourir peut attendre... Le voir peut attendre aussi... C'est raté. Pas le pire opus mais l'ADN de Bond s'est perdu en route... Ce qui est un comble. Car le vrai problème n'est pas la longueur interminable de cette énième aventure ni l'intrigue pour le moins foireuse (autour d'un ADN ciblé par un poison mortel), ni le méchant qui est objectivement faiblard... Le problème central vient précisément de cette tendance installée depuis maintenant des décennies pour tout "bisounourssiser"... James Bond se découvre l'envie d'être papa, l'envie d'une vie bien tranquille à jouer les dimanches matin au Uno avec sa fille de 5 ans... Et cette obsession pour donner à Bond des sentiments mielleux finit par le tuer littéralement (d'ailleurs c'est ce qui arrive).  

vendredi 22 avril 2022

Le cas Richard Jewell

La dernière image ? Le moment où Richard Jewell, à force de gentillesse excessive, finit par briser la glace, laisse éclater sa colère, se rebiffe... L'avocat lui dit alors quelque chose comme "Ca y est tu es prêt pour affronter la tempête". Très fort sur ce que ce que raconte le film... La bienveillance, le dévouement, sont toujours méprisés, écrasés, hachés menus... La société est ainsi faite. On ne valorise dans les médias que "le miroir" de ce qui a amené les journalistes vedettes là ou ils sont : le cynisme, la froideur, le calcul, l'ambition personnelle. 

Ce n'est pas mon film préféré du grand Clint mais je suis touché par le message sans équivoque. Ce qui fait douter la justice, les médias d'un homme, les rumeurs infondées, tout ce qui entraîne la calomnie et l'opprobre autour de cette personne simple, monsieur tout le monde, pas beau, apparemment limité (Tout ce que déteste la société du spectacle) mais ayant sauvé des vies, vient de tout ce qui précisément chez lui façonne l'ouvrage secret de l'héroïsme... Les fondations qui permettent son acte de bravoure trouvent leur sens dans une empathie rigoriste, un sens de la communauté que permet la discipline, l'ordre, un esprit obsessionnel, le sens du détail, la non compromission avec la bien-pensance... L'homme pense bon ce qu'il pense bon. Rien d'autre. Le rêve brisé d'entrer dans la police est-il une graine de plus ? Ou plutôt son idée fixe pour l'éthique, le droit chemin ? Toujours est-il que cette oie est bien trop blanche pour les  medias... Dès lors, son parcours de vie devient chaotique. La société se charge d'en faire un bouc émissaire (son physique également en cause ? Evidemment, il ne rentre pas dans les "bonnes" cases). Les épreuves que narrent le film s'articulent autour cette opposition "je ne rentre pas dans les cases mais j'ai sauvé des vies, j'ai des valeurs" face à  "je rentre dans les canons de beauté / je pense à moi / je cherche le scoop et la fortune / je n'ai aucun scrupule" du couple défaillant justice / police. Le profil atypique avec de vraies valeurs et l'héroïsme au coeur face à l'individualisme forcené fondu dans le moule d'une société du spectacle...

Et rien que pour cela, Le cas Richard Jewell, même s'il reste pour moi un film assez mineur de Clint Eastwood, a comme souvent beaucoup à nous donner d'essentiel.

jeudi 21 avril 2022

La nuée


 La dernière image ? Une scène sur un lac, sous une embarcation retournée. Très réussi, très prenant. Très claustro. On peut imaginer dessous, on devine, on crée en pensée... même si rapidement la scène extérieure nous est offerte évaporant au passage la magie de ce moment.   

Le film social peut s'allier, s'adosser parfois au film d'horreur pour accoucher de grandes oeuvres... J'en suis persuadé. 

Mais ici il y a curieusement quelque chose qui ne prend pas. Les petits hics s'accumulent rapidement... De façon trop mathématique. Lisible.  Une goutte de sang = une deuxième tente, un évanouissement = un début de folie meurtrière. Un scooter = une piqûre de bonne conscience... On va trop vite en besogne...

La jeune fille est trop remontée contre sa mère. Et cette dernière est profondément antipathique, ce qui nuit gravement au plaisir que peut éprouver le spectateur. Trop de pistes et de personnages secondaires délaissés à tort (le copain de la jeune fille, son jeune frère, les rivaux moqueurs du lycée, le gars qui rachète les farines à la gente dame)...

Les coutures du scénario sont également excessivement visibles : la jeune fille pète les plombs pour permette à la scène de dévoration de la chèvre d'advenir. Le vieil homme à la fin qui arrive un peu par hasard pour passer le plat vers la scène finale, le copain met le feu en deux temps trois mouvements s'intégrant à son tour comme un de ces éléments pivots de la narration . 

Globalement, le personnage principal ne suscite que du "bien fait pour ta gueule"... Faut dire qu'elle a de la suite dans les idées pour faire n'importe quoi : la scène du chien, franchement ridicule, comme celle de l'arbre de la chèvre qu'elle veut découper à la tronçonneuse, tout aussi ratée... Elle donne ainsi raison à sa fille pourtant tout aussi agressive par poussées éruptives.

Bref de bonnes intentions certes (le film social, presque documentaire trempé dans le film de genre) mais  un message téléphoné (ici on se saigne mais au vrai sens du terme, on devient le christ, on donne son sang, on y laisse sa peau ou presque...) et un développement prévisible autour de quelques enjeux maigres et trop peu de personnages.

Je crois qu'il manque aussi ce que Spielberg fait si bien dans ET (mère célibataire avec deux enfants à la campagne comme ici) : faire infuser la façon dont une histoire privée, individuelle, vient s'entrechoquer avec la communauté, la ville proche, le monde extérieur, nos sociétés...  Dans ET l'armée s'intéresse de près à ce visiteur .. pourquoi pas les Big Pharma ici ?  Les Oiseaux poussaient le fantastique jusqu'aux frontières du cauchemar sans jamais chercher à "expliquer"... On filme l'inexplicable et l'on reste bouche bée. Mais soudainement le monde extérieur était contaminé à son tour, il était devenu infréquentable. Irrespirable. C'est cela qui était passionnant. Ce mouvement du particulier vers le général, presque l'abstraction. C'est ce qui manque cruellement ici. 

mercredi 20 avril 2022

Midnight Cowboy

La dernière image ? Ce bus, ce bus, ce final, la toux, l'amitié, les rêves brisés, l'illusion perdue... et une BOF. La BOF. 

Parmi les divines Bandes Originales, celles qu'on peut mettre à portée de main sur son étagère, il y a forcément Midnight Cowboy... Fantastique. L'une des plus grandes de l'histoire du cinéma !

Illusions perdues

La dernière image ? Le piège qui se referme sur le personnage principal et sa jeune protégée (amoureuse) lors d'un cruel épilogue sur une scène de théâtre. Tout est brillamment amené. 

Qu'est ce que j' ai aimé ! Guy Debord et sa société du spectacle est pleinement là, s'étale fidèlement sous nos yeux. 

On pourrait reprocher au film de trop raconter la société d'aujourd'hui à travers l'oeuvre Balzacienne, mais je trouve au contraire qu'il ne fait que dire une chose : quelles que soient les époques, aussi lointaines nous semblent-elles, les mêmes enjeux se répètent à l'infini. L'aristocratie de sang est remplacée par celle de la bourgeoisie, des artistes, des médias...

On veut éditer mais déjà le "buzz" est recherché, le conflit sur la place publique, le scandale, l'odeur du sang propice au succès de librairie. D'imprimerie en l'état. 

Etre acteur alors c'est être passé par les bonnes institutions... Avoir été une "fille de rien" vous condamne irrémédiablement.

Le jeune acteur est fabuleux dans sa transformation progressive. Tous les acteurs sont épatants. Voilà un grand film que tout porte à aimer aujourd'hui comme demain ou hier (il aurait pu sortir dans les années 70 sans rougir face à la production d'alors).

Je ne l'ai pourtant pas vu dans de bonnes conditions (l'avion) mais je ne l'ai pas quitté d'un regard, et il m'a nourri. Quand j'y repense je reprends le livre de Debord et m'y replonge avec délice. Tout était là, tout est là, tout sera là. Rien ne change. D'ailleurs, rien ne se transforme. Décidément !            

First Cow


La dernière image ? Ces moments fragiles où le succès se dessine à la force des convictions. Un client puis deux puis la file indienne pour déguster de fantastiques beignets "comme ceux de Londres"...   

A revoir probablement dans de meilleures conditions (je l'ai vu dans l'avion qui m'amenait à Abidjan ce 11 avril 2022) mais globalement, qu'est-ce que je me suis fait ch... devant First Cow.

La lenteur n'est pas vertu cardinale sauf pour les films d'auteur... Je ne sais pas d'où vient cette certitude... Prendre son temps est parfois le stigmate de ces réalisateurs paresseux qui se regardent filmer avec pensent-ils ampleur, cherchant à embrasser le tout au terme d'un interminable travelling... Pour moi on tombe souvent à côté. On décroche même. C'était mon cas dans cet avion. 

Pas inintéressant je le conçois mais toute l'odyssée de ces pionniers entrepreneurs à succès, précurseurs des futurs grands capitalistes made in US, tourne bien trop court pour commencer. Il y aurait eu une matière extraordinaire à disséquer les rouages ou les coulisses d'une success story à l'Américaine (bien avant les Mc Do puis les GAFA)...

J'adore l'idée d'aller chercher dans le western "autre chose", comme le firent avec des fortunes diverses Quintet, Mondwest ou surtout Mc Cabe & Mrs Miller, le génial Mc Cabe & Mrs Miller qui va précisément creuser du côté de cette veine capitaliste où l'on cherche fortune en forant des galeries comme en distrayant les travailleurs (le divertissement déjà) où en exploitant ses terres. Evidemment de grosses sociétés à l'époque ne lésinent pas sur les horreurs (embaucher un tueur à gages)  pour spolier les biens des "honnêtes gens"...

Ici  on reste à mon sens trop à la surface immobile des choses... Les enjeux sont faiblards. L'amitié de ces deux zigotos, pieds nickelés de circonstances, peu emballante, On ne met jamais le doigt dans l'engrenage, une vraie pièce dans la machine pour voir jusqu'où peut nous porter cette idée fixe pour faire de l'"argent" frais avec une vache. A peine ont-ils commencé leur aventure qu'ils prennent la fuite... Les banditos...  Aussitôt arrivés aussitôt repartis mais tout en fainéantise. Curieux film dont on ne garde finalement que peu de choses.

lundi 18 avril 2022

Old. Night M Shyamalan


 La dernière image ? J'adore ce moment à la nuit tombée où la famille se retrouve sur le sable près d'un feu de bois. 4 silhouettes sans âge. La vieillesse filmée comme une courte maladie. La vue baisse, on se rigidifie et hop sans crier gare on tombe à la renverse dans le sable tiède. Passage particulièrement  émouvant sur le deuil que les enfants pressentent dès leur plus jeune âge.

M Night Shyamalan a son petit rôle dans Old et rappelle en cela à quel point il rend ici hommage par cette auto-citation à Alfred Hitchcock présente. Ce Old ferait d'ailleurs un épisode rêvée d'une nouvelle génération de ces séries (on pense aussi à La quatrième dimension).

Je sens également sa cinéphile si forte et toute la mise en route sur cette plage écrasée de soleil me rappelle immédiatement Meurtre au Soleil et ces films de John Guillermin ayant adapté brillamment Agatha Christie. Toute la séquence nocturne des coups de couteau m'a remis en mémoire un épisode traumatisant de House of Horror (série TV mythique de la Hammer). On pense aussi à L'homme qui rétrécit avec ce concours de circonstances (un bateau, un brouillard étrange) qui fait subir au héros une transformation physique inattendue...

Le final est réussi, efficace et j'aime beaucoup le fait que ce n'est qu'en retombant en enfance (je vais retrouver le message codé du petit garçon de l'hôtel juste après avoir fait un château de sable) que les survivants trouvent la solution au drame qui les étreint. Toute la conclusion est en cela vraiment au niveau comme l'est la mise en scène follement inventive comme toujours avec Night M Shyalaman jamais aussi fort que pour suggérer, manier la caméra subjective, opérer des tourbillons circulaires avec... Un maestro sans en avoir l'air. Inspiration et légèreté.

Reste que le coeur du film fait hélas trop "grand guignol" (la multiplication des surprises, rebondissements et situations individuelles et familiales ubuesques)... Il y a un côté "trop c'est trop"... le film ne redevient intéressant qu'à la nuit tombée lorsqu'on ne se concentre plus que sur les 4 membres de la famille qui nous intéressait le plus... Il y a par ailleurs trop d'incohérences sur les effets du temps. S'il s'accélère, alors les cheveux, les ongles doivent partir en sucette rapidement. Et quid de la faim ? Pour se maintenir en vie il faut se nourrir beaucoup plus souvent si le métabolisme est boosté... Or rien de tout ce la n'est abordé. Dommage.

On peut donc regretter que le film, inégal, laisse ce goût d'inachevé et l'impression d'avoir eu sous les yeux un produit bien ficelé mais une série B somme toute un peu bâclée vers son milieu. alors que la thématique et le lieu (la mort et l'illusion qu'on la conjure / repousse dans ces hôtels de luxe,  ces lieux idylliques de bord de mer) portaient vraiment le film vers des sommets d'intensité, des réflexions philosophiques passionnantes pour le spectateur.

Je garde donc une impression mitigée mais beaucoup de positif et l'intuition que le temps seul me dira si Old vieillit bien comme à vrai dire je le pressens... 

 

       

Sans un bruit 2


La dernière image ? Ce bébé dans un landau de fortune (une valise éventrée) qui a besoin d'oxygène pour survivre dans un lieu qui en est privé. Ou comment étouffer avec les personnages principaux. Claustro et prenant.       

Le premier opus était navrant de connerie faut bien avouer.

Ici on est bien mieux quand même. Déjà toute la séquence d'introduction bien construite pose idéalement les bases de ce basculement d'une vie normale vers l'inconcevable au cours d'une partie de  Base Ball dans un petit village des Appalaches.

La narration est menée tambour battant. L'ambiance "friche industrielle" où se réfugient les survivants est plutôt bien filmée, son atmosphère bien restituée. La psychologie des personnages est également abordée avec soin. On flippe aussi comme dans cette séquence autour du piège à loup. 

Reste un ensemble trop sage (tout est attendu), on file bien trop vite vers le dénouement qu'on sent venir (l'épopée de la jeune fille et du protecteur révélé bien trop brève... un train abandonné, un port, un île et basta). On sent bien que tout se jouera dans la fameuse station radio émettrice, caisse de résonance des tortures sonores pour l'Alien en vadrouille, toujours solitaire.

Par ailleurs quelques idées binaires vers la fin : les méchants sur le port, les gentils sur l'île. Qu'est-ce qui les différencie vraiment ? et puis les bestioles ne sauraient pas nager ? Première nouvelle... Aucune communication de survivants sur les ondes à ce sujet... Juste une chanson en guise de message codé...  Bref sympathique suite, bien mieux réussie (c'était pas compliqué) mais tout ceci reste très oubliable.   

 

vendredi 8 avril 2022

Birdy. Allan Parker

 La dernière image ? Cette folle échappée de l'oiseau qui revient au bercail sans se douter un instant de ce qui l'attend... Un "choc des familles". Métaphore filée de tout ce raconte par ailleurs le film. Nos enfants sacrifiés qui reviennent du front changés à jamais.

Mais il y a surtout cette séquence finale à vous arracher des larmes, ce déclenchement profond d'un retour à la vie par le truchement de l'amitié, des souvenirs qui reviennent tout doucement à la surface...

Grand film dans tous les cas. L'un de ceux qu'on oublie lorsqu'on évoque le genre film de guerre. Et pourtant il a tout à fait sa place aux côté des Jardins de pierreNé un 4 juillet et tous les autres.   



jeudi 7 avril 2022

Sailor & Lula. Wild at heart. 1991


La dernière image ? Ce mégot. L'attentat du début. Dans les escaliers. Echange de regards. Souffrance. Cette rage qui s'exprime. La liberté. Le souffle. La voix. This is the symbol of my individuality.  

La BOF occupe une place importantissime dans ma relation au cinéma. Dans toutes ces traversées, incursions fantastiques dans le sublime, un voyage sans retour vers des contrées familières et inconnues, l'une d'elles qui me marque à tout jamais c'est celle pareille à nulle autre de mon cher et tendre Wild at Heart.

Quoi de plus beau que ce final, tendre, éblouissant dans un film qui fait aussi la part belle aux fantaisies horrifiques et à l'humour décapant du grand, de l'immense David Lynch.

Parmi les refuges vers lesquels j'aime lorgner à la recherche de l'apaisement, heureux à l'idée de me nicher tout en douceur dans ses petits recoins, il y a ce film, ce monde, cette rêverie dont Nicolas Cage est une incarnation phénoménale.



mercredi 30 mars 2022

Green Inferno

La dernière image ? Le plat de résistance du film. Méchoui aux odeurs qu'on devint familières et ouvrant l'appétit.. Faut dire qu'il y a ici à manger pour un régiment... Les méfaits de l'occident, empire de la consommation, sur nos petits corps boudinés. Le message est clair. 

Pour le reste, on rêverait d'un vrai hommage à Deodato... Les seventies déjà... Les tenues vestimentaires... Pas de portable. La musique d'ascenseur. Un retour vers ce passé des videoclubs, de ses rayons interdits... Du coup, on aurait rêvé d'un film à la fois gore et allons-y carrément référencé, érotique voir "Snuffmovique" sur les bords (extraits de péloche retrouvée dans la forêt... Est-ce un film  ? Est-ce la réalité ? Toute la sève de Cannibal Holocaust se concentre sur ses 10 dernières minutes de folie qui créent le trouble sur la nature même de l'objet filmique qu'on est en train de dévorer des yeux). Mais pour rendre un hommage sincère, il aurait fallu tout cela. Or le machin est trop calibré pour faire mouche... On va plutôt chercher du côté Koh Lanta (les bouffes ignobles) et on agrémente de touches d'humour foireux (elle a la tourista et s'excuse...). Bref hautement dispensable malgré une très grosse scène vraiment gore assez réussie vers le milieu du film.

je crois aussi que dans ce genre d'aventures, on doit sentir comme chez Herzog ou Coppola, la folie du tournage venant déteindre sur la pellicule et sur le déroulement des aventures à l'écran. Ce qu'on ne parvient évidemment jamais à ressentir ici. Trop de distance, de cynisme, de  mécanique du spectacle à l'oeuvre... Dommage !         

jeudi 10 mars 2022

Massacre à la tronçonneuse 2022

 

La dernière image ? Difficile à dire mais je crois que je retiendrai longtemps cette entrée dans le bus de Leatherface comme le "payzouze" du coin s'invitant dans une discothèque triant sur le volet ses clients bobos sur des critères purement vestimentaires. C'est un vrai moment de cinéma : le choc des familles et l'étonnement qu'on lit dans les regards de convives pensant d'abord à un spectacle, un happening...     

Bon... Je regrette toutes les figures imposées qui font dire "Mouais..." : l'éternel fourgon de la police qui n'arrivera pas à destination, la fameuse survivante du premier opus qui revient armée d'une détermination sans faille si ce n'est sa folie sans pareil. Les multiples tentatives avortées de prendre la fuite (le bus, le 4*4, la voiture de la scène finale...). Mais passons... Beaucoup d'idées en revanche sont intéressantes et habilement exploitées. Il y a celle de l'héroïne planquée sous le lit condamnée à garder le silence face à l'horreur absolue. Toute sa lutte pour la survie sous le plancher de la maison est également puissamment mise en scène. Séquence qui culmine avec de belles notes d'humour et ces litres de m... se déversant sur son visage.

Sa soeur traumatisée par une fusillade dans son lycée, riche idée pareillement... Elle qui décide de vaincre ses démons et de ne plus prendre la fuite (sur les bons conseils de la mamie survivante).

J'aime beaucoup aussi l'improbable confrontation du tueur au masque de chair avec une flopée de bobos sirotant du pétillant dans un bus discothèque... Idée forte très bien exploitée dans une ambiance claustro avec ce qu'il faut de distance, d'imagination, d'humour  dans la façon dont les meurtres sont perpétrés.

Tout cela pour dire que ce film n'est pas qu'un film de commande de plus. On sent un regard, une tendresse sincère pour le film de Tobe Hooper et puis des intentions louables malgré quelques passages obligés. A voir donc pour les amateurs. Ce film d'horreur est loin d'être quelconque. Il en a dans le ventre et quelques images ne nous quitteront plus.  



 

jeudi 17 février 2022

Cry Macho

La dernière image ? Ces trois silhouettes s'éloignant de dos sur une route Mexicaine perdue. Un vieil homme, un poussin tombé du nid et au milieu un coq alerte, sûr de lui...   

Tout est dans le titre. Ce macho capable de sentiments... Mais qu'est-ce qu'un macho ? le film interroge finement, intelligemment entre les lignes sur le féminisme d'aujourd'hui, son sectarisme, la féminisation rêvée de nos sociétés, la perte de repère du masculin accusé peut-être à tort d'être à l'origine de tous les maux de nos sociétés modernes... La violence, les injustices, le réchauffement climatique. Ne dit-on pas que "la folie des hommes" est la cause de tous nos malheurs ?   

Tout est dans les 3 personnages principaux. Trois mâles. Un homme d'âge mûr, un jeune homme en quête de modèle et un coq de combat. Le coq ? Quoi d'autre qu'un mâle dominant trouvant sa place aux côtés d'autres mâles. Ici, le masculin se cherche une place, un rôle, une utilité, c'est une évidence... 

Tout est dans le choix de l'époque. Pourquoi choisir la fin des années 70 ? Une période post-libération sexuelle. Les femmes prennent alors leur indépendance. Le corps doit exulter. Les modèles traditionnels ont vécu. La famille à l'ancienne, c'est fini. Les femmes sont-elles opprimées ? On ne le dirait pas... Elle sont déjà puissantes, font autorité. Le schéma culturel de l'hacienda a même toutes les apparences d'un matriarcat. Les derniers vrais Cowboys  eux sont sur le départ (à l'époque, John Wayne entre dans ses 70 ans) mais ils résistent. Peut-être parce qu'ils ont encore des choses à transmettre. Ce fameux "masculin" à travers eux.

Tout est dans le choix d'un personnage vieillissant qui vous raconte forcément que le masculin ce sont avant tout des repères, un esprit, jamais une force coercitive... On a tendance à confondre la testostérone, la domination physique qui va avec et le masculin comme pôle d'équilibre pour les générations d'après nous, comme socle de valeurs à transmettre. 

Tout est enfin dans cette histoire d'amour touchante. Tout peut recommencer tout peu renaître même le temps d'un claquement de doigts... Famille recomposée où l homme retrouve naturellement sa place. Son utilité. 

Le féminisme rappelle que le féminin serait en péril ? Ici le danger est surtout incarné par cette mère omnipotente qui veut jouer tous les rôles, s'entourer de toutes les figures d'hommes (et de pères ?) possibles. Pour combler ce qu'elle n'apporte pas. Ce qu'elle ne sait pas apporter. Par définition. Elle incarne ce pouvoir despotique unilatéral. Le danger nous dit Clint est là, dans ce déséquilibre au sein d'un foyer et de ce qui construit nos enfants... Si l'on bannit le masculin pour ne garder que le féminin, si l'on rompt cet équilibre naturel,  le risque est grand de perdre un peu de l'essentiel dans ce qui nous construira. Preuve en est cette rencontre entre deux veuvages qui donne naissance à du vertueux. De l'amour. 

Cry Macho n'est pas le plus grand film de Clint Eastwood certes (pas mal de défauts) mais il est attachant et à l'instar de La Mule il est une fable fort intéressante sur les valeurs qui se transmettent par le féminin oui mais par le masculin et pas forcément par les liens du sang... Une fable douce-amère dont on peut toujours tirer de beaux enseignements pour soi spectateur. Une fable dont le titre pourrait être : le vieil homme, le coq et l'orphelin...      

mercredi 16 février 2022

Dune

La dernière image ? Les séquences de télépathie meurtrière dans la libellule qui permettent au fils et à sa mère de s'en sortir alors qu'ils sont pris au piège... Ce passage est assez saisissant et réussi. Ou comment retourner l'esprit de ses adversaires contre eux-mêmes.      

Le cinéma de Denis Villeneuve ne m'a jamais convaincu et ça ne commencera pas avec Dune. Ici tout est normalement question de faire ressentir, de créer une connexion (une forme de télépathie ?) entre le spectateur et l'univers du film comme entre une mère et son fils, comme entre le présent du héros et son futur en gestation... Mais ce miracle hélas n'arrive jamais. Exemple emblématique :  des visions précoces du héros à sa première rencontre avec sa femme des sables, le spectateur que je suis reste de glace et la fameuse rencontre lorsqu'elle finit par avoir lieu accouche d'une souris... Un comble !

Il y a probablement une première raison à cela qui dédouane le réalisateur : l'oeuvre originale qui est selon moi "datée". Je pense à ces pratiques familières d'un autre temps comme ces textes lus par des orateurs sur des parchemins (mais que vient faire le papier dans un monde où technologie et télépathie sont à leur apogée ?). Je pense aussi à ces pactes scellés par des sceaux à la cire.... Mélange pas heureux d'époques et de coutumes... L'oeuvre est par ailleurs prise un peu trop au pied de la lettre par Denis Villeneuve. Car l'impression qui domine est de voir se déployer à l'écran une sorte de pseudo Lawrence d'Arabie (L'aristo de service devient l'élu et le chef d'une horde de bédouins, de touaregs prêts à donner leur vie face à l'envahisseur) luttant pour des opprimés dans une métaphore filée bien lourde. Les épices (ressources naturelles dont regorgent les sols de cette planète) font l'objet des convoitises de multinationales obsédées par le profit se faisant du blé sur le dos et les vies de ces malheureux autochtones. D'où mon constat sans appel : Dune a irrémédiablement vieilli. Lynch était d'ailleurs malgré un résultat décevant parvenu à mettre son grain de folie, son univers bien à lui dans l'adaptation de Dune quand Denis Villeneuve n'apporte aucune magie personnelle et se contente d'exposer de façon très scolaire. D'où une forme léthargique et monochrome (j'avais le souvenir de couleurs et de contrastes beaucoup plus vifs et tranchés chez Lynch), avec la curieuse impression d'entrer dans un monde en 2 dimensions : une histoire qui se déroule de façon prévisible. Aucun développement de ce genre initiatique ne nous est d'ailleurs épargné : Le combat d'intronisation dans la horde des sables pauvrement filmé.  Impossible de rêver, de s'évader... Revoyons Brazil toutes affaires cessantes. La matière du film devrait être une matière à rêver. Tout ici est pourtant étrangement linéaire, démonstratif, explicatif, bavard, je retrouve au passage les incommensurables défauts d'un Game of Thrones où ça bavassait interminablement pour peaufiner des trahisons en escadrille...

Le côté grandiose et complexe (seulement en apparence) de toutes ces manigances au sommet finit éparpillé comme un château de cartes par le déclenchement d'une guerre à travers la seule trouvaille scénaristique qu'ait trouvé l'auteur : une simple menace sur la vie de la femme du médecin de famille... Difficile de faire plus trivial. Faut le faire quand on voit de quelle façon la peur et la fidélité sont par exemple testées sur le héros, mises à l'épreuve, lorsque sa main glisse dans une boîte étrange, réceptacle de toutes les peurs... Ils sont tous télépathes mais le coup de l'odieux chantage, personne ne l'a vu venir... Bref tout est trop fragile sur le plan de l'intrigue et trop platement apprêté, exposé à l'écran.. Je m'attendais à rêver, Et bien le rêve on l'attendra... 

Bac Nord

La dernière image ? Cette progression, dans un sanctuaire aux allures de ruche, enchevêtrement de capsules par une succession de trous dans les cloisons qui permet aux policiers de rejoindre le coeur de la planque. Belle séquence. Réussie.

Un certain cinéma français croit depuis longtemps (d'où lui vient cette conviction ?) que la puissance du spectacle va passer par des excès, des regards vides, des hurlements, des postillons s'échappant furieusement d'une bouche déformée, par des coups de tête ou de poings dans les murs à se faire péter les jointures, puis par des lèvres rendues molles sous l'effet de puissants anxiolytiques... La preuve par le visible ? C'est une erreur. Ici tout le dernier segment carcéral joue vraiment là-dessus et franchement c'est too much. Beaucoup de bruit pour rien.

Par ailleurs, il faut se rappeler que début des années 2000 (2002  exactement), HBO nous livrait The Shield... Quelques coéquipiers jouent avec le feu, l'éthique, la hiérarchie, s'affranchit des règles pour faire le bien tout en se rinçant au passage... Au moins, leur ambiguïté à l'époque était salutaire, assumée et rendait les personnages intéressants, trempés dans ce clair-obscur qui nous fait réfléchir sur nos propre actes et douter de nous mêmes, de nos valeurs et ce qu'on est prêt à faire ou pas pour les défendre ... En France il faut attendre 20 ans pour voir un truc à l'écriture bancale (l'intrigue tient sur une demi-page), aux dialogues lourdingues, voir le jour... Avec en plus contrairement à son modèle de référence des personnages trop gentillets dans leurs convictions pour ne pas se dire que le film défend une thèse : aucune bavure ou méchanceté, juste un vrai sens du devoir contrecarré par les ambitions d'une hiérarchie qui vous lâche à la première embuscade...

j'ajoute que 2 personnages sur 3 sont à peine ébauchés : vous avez le beau gosse qui fume des joints et dont l'indic est une bonne copine... Le deuxième qui est un peu plus inquiet pour lui et sa famille depuis qu'il est papa... Quant au troisième, on ne sait même pas où il vit... 4 personnages (en incluant la femme du deuxième) et puis c'est tout. Une petite fête après la saisie de drogues et ensuite la punition... Un dernier message à l'écran pour dire que ce qu'on vient de voir est une histoire vraie. Ca fait bien peu au final... Trop peu.

   

samedi 12 février 2022

The Father

`

La dernière image ? Franchement aucune en particulier... Je trouve ce film d'autant plus navrant qu'il est pourvu des meilleures intentions. Mais cela n'excuse rien. Sans âme, sans vision. La preuve qu'il faut un auteur, un réalisateur, un regard derrière la caméra. Amour qui n'était pas exempt de petits défauts parvenait à rendre le huis-clos fascinant ... Haneke a toujours quelque chose à dire, et il a un regard. Ici, c'est le néant.

Peut-être ce texte a-t-il un sens au théâtre, peut-être que la direction artistique apporte quelque chose de particulier, de fort sur les planches dans une confrontation directe avec l'acteur couvant de son jeu la maladie du souvenir, récitant sur le bout des doigts l'amnésie, le trou de mémoire ? Mais au cinéma, il y faut du cinéma. Or il n'y a pas de cinéma ici. De simples champs / contrechamps, aucun point de vue. Un caméra posée, des acteurs qui jouent leur texte et l'on récite visuellement le scénario. La petite musique est insupportable. On reste totalement extérieur à ce que vit cet homme. Pourtant on voit ce qu'il voit ... Des visages qui changent, des lieux qui se confondent... Des souvenirs de son autre fille victime d'un accident... Mais rien de rien... A part ici ou là un petit message subliminal  sur cet infirmier qui le maltraiterait ? Pour le reste, tout ce qu'on essaye de raconter, Lynch le fait divinement dans tous ses films (l'inconscient, la mémoire fissurée) et ces derniers respirent le cinéma, sont le cinéma...

Dans un autre genre mais sur un traitement finalement très proche, je trouve le Je veux juste en finir de Kauffman malgré ses défauts bien plus intéressant, bien plus profond.   

dimanche 6 février 2022

La ballade de Buster Scruggs

La dernière image ? Forcément ce moment de flottement. Le personnage campé par  Liam Neeson vient de jeter une grosse pierre dans la rivière en contrebas et croise en revenant le regard de son ex poule aux oeufs d'or... Il en sourit gêné. Moment d'une force extraordinaire.

Les frères Coen sont justement à mes yeux de plus en plus forts. Il y a ici un souffle, une hauteur de vue, une fantastique osmose entre la forme (sublime travail sur l'image, le son, le cadre, le rythme, le jeu des acteurs) et le fonds, le message à délivrer. Or, s'agissant de message, l'esprit de cette ballade de Buster Scruggs dépasse le cadre du film à sketches censé rendre hommage aux westerns de toutes époques, c'est un recueil de fables. Il était une fable dans l'Ouest, voilà le titre rêvé de ce morceau d'anthologie "en 6 coups". Procédons fable par fable...    


La ballade de Buster Scruggs

Ce petit chef d'oeuvre ramassé sur l'essentiel n'atteint pas des sommets que dans le traitement de l'image, dans le rythme, dans l'interprétation... Il va puiser ses racines dans les tréfonds de ce qu'on a adoré du genre... Le duel. Le moment de vérité où s'éprouve l'immortalité. L'invincibilité. Mais la règle est la même pour tous les hommes. Un jour ou l'autre, vous tombez sur plus fort que vous, au poker, au chant... Il y a d'ailleurs dans cette première fable quelque chose de profond qui raconte les temps immémoriaux qui virent naître la Folk de ces histoires vécues, racontées dans les saloons de ces villes champignons. des morceaux de bravoure rapportés et qui devinrent des ballades. L'âme des Etats-Unis s'y reflète à coup sûr comme s'y contemplent en pensée autant de paysages flamboyants où il ne pleut jamais.

Par ici, un petit gringalet bavard peut vous clouer le bec en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "Pas besoin de compter". Buster Scruggs semble se nourrir du respect qu'on lui manque en permanence lorsqu'on écorche son nom ou son surnom. "Je suis un pied tendre ? Vous allez voir ce que vous allez voir". Mais lorsqu'un joueur d'harmonica sorti de nulle part, lui fait baisser sa garde à coups de flatteries. vante ses immenses qualités, il ne voit pas venir le danger... Comme dans Le lièvre et la Tortue, Buster Scruggs s'enivre de ses victoires récentes, passées. Il est ce lièvre qui vient de faire un trop long somme. Qui s'est cru trop fort. Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers... D'ailleurs son adversaire tire pendant la réponse de Buster Scruggs juste après avoir lâché "Veux-tu que je compte". Il est ce renard faisant lâcher au Corbeau Scruggs son fromage, son statut, dont il s'empare. Mais n'est-ce pas la loi du Poker ? savoir cacher son jeu jusqu'à dernier moment ? La rapidité avec laquelle le duel accouche d'un vainqueur est d'ailleurs un clin d'oeil génial aux interminables préliminaires des scènes finales chez Sergio Leone.      

Moralité ? Méfiez-vous des apparences. Qui est fort, qui est faible ? Le viril ou l'asperge ? Le taiseux ou le bavard ? Le dépravé ou le vertueux ? Et surtout sachez rester humble en toutes circonstances, gardez l'oeil ouvert (et le bon).


Près d'Algodones

L'harmonica de la fin du premier volet fait idéalement le lien avec le début de cette seconde fable. Le début rappelle de ce fait étrangement la séquence inaugurale d'Il était une fois dans l'Ouest dans une petite gare perdue au milieu de nulle part. Il est ici question d'une banque. Là encore le travail sur l'image et celui sur le son sont prodigieux. 

L'on prolonge habilement la morale de la première fable. "Ne sous-estimez jamais votre adversaire" nous murmure le conteur. Ce petit banquier sans défense n'est pas celui que vous croyez. Il a l'air normal dans son petit costume mais c'est en fait un cinglé complet. Il est ce David psychotique débordant d'idées et de ressources (les armes dissimulées sous le comptoir, les récipients en cuivre pour dévier les balles...) pour abattre Goliath.

Et méfiez-vous car la justice par ici, en ces temps reculés, se donne sans prévenir, sans réfléchir, sans vérifier. Elle est aussi expéditive que le coup de feu parti sans prévenir de la première fable. Personne ne prendra le temps d'analyser, de comprendre. Le personnage principal est rapidement dépassé. 

La fable dit aussi merveilleusement que ce qui est une chance aujourd'hui peut précipiter votre perte demain. Exemple avec ce cheval, ce fidèle compagnon complètement amorphe. Dans la scène inaugurale il ne moufte pas quand les coups de feu pleuvent autour du puits. Un canasson sous anxiolytique. Même chose lors de la pendaison expédiée sous l'arbre du jugement... Mais cette fois, son apathie, sa mollesse devient une aubaine, une chance inouïe pour son cavalier. qui peut ainsi s'en sortir miraculeusement. Mais évidemment, dès qu'il s'agit de décamper face à la patrouille lancée aux trousses d'un voleur de bétail, on devine que la chance est devenue malédiction. D'abord confié à la justice par le petit banquier (et donc épargné) puis sauvé par l'arrivée impromptue des Comanches, il bénéficie d'un troisième coup du destin avec le gardien de troupeau en apparence plein de bonnes intentions à son égard... Mais la fable rappelle brutalement, avec ironie, qu'il ne faut pas trop "tirer sur la corde", ne pas trop compter sur sa chance... Chacun a un intérêt à faire ce qu'il fait. Le gardien de bétail n'est peut-être pas le sauveur qu'on imaginait. C'est alors que le destin revient cruellement frapper à la porte du supplicié.

Je fais ici une parenthèse sur tout le segment de la première pendaison qui aurait fait l'objet d'un épisode probablement extraordinaire chez Alfred Hitchcock présente (je repense à l'épisode avec le serpent ou celui avec le pistolet chargé entre les mains d'un enfant... une idée étirée de façon géniale pour un suspense étouffant).            

S'agissant de la placidité du héros, ce dernier m'a étrangement rappelé The Barberl'homme qui n'était pas là. C'est le sentiment qui domine : le destin se charge de tout et lui est balloté, sans réaction. Il est spectateur. Il n'anticipe rien. Dans ce deuxième volet, on est d'ailleurs encore chez Sergio Leone et l'on pense à ces pendaisons avortées de justesse dans Le bon, la brute et le truand... Touco en mauvaise posture et rêvant d'une intervention divine... Ne compter que sur les autres... Est-ce bien raisonnable ? Ici le personnage est peut-être tellement sûr de s'en sortir une fois de plus (n'adresse-t-il pas un génial "Première fois ?" à son voisin de planche de salut ?) qu'il a le temps de plonger dans le regard d'une jeune femme dans la foule et d'y projeter des aventures charnelles pour après-demain... 

Moralité ? La chance va et vient... Le destin est imprévisible. Il revient toujours frapper au moment le plus improbable. Soyez sûr de vos forces (bien choisir sa monture) avant de jouer avec le feu. Evaluez bien vos risques. 


Ticket repas

Cette fable est celle qui m'a le plus emballé. Je crois n'avoir jamais trouvé Liam Neeson aussi génial. Il est phénoménal. Qu'il parle, qu'il reste silencieux, il peut chanter éméché au coin du feu, observer avec gourmandise, sourire avec roublardise, il est immense... Le sourire d'un affairiste. D'un producteur de ciné ? D'un capitaliste en tout cas.

Car ici des tréfonds de l'âme humaine remonte un message philosophique, métaphysique, d'une puissance rare. L'hiver est là, peu généreuse est la terre. Le froid s'installe et les petites gens parties chercher fortune à l'entrée des mines du bout du monde, attendent le divertissement du vendredi soir. Comme nous devant Sébastien c'est fou.  Aujourd'hui la télévision. Hier le cinéma, avant-hier le théâtre. Etre au spectacle. Un spectacle qui remue l'âme au rythme des vers de Shakespeare ou de passages bibliques. Un spectacle sacré qui nourrit les âmes. leur permet de s'évader, se rassurer en découvrant cet homme tronc, sans âge, qui souffre à leur place, invoque les Dieux, les réenracine dans la grande Histoire. Il est ce qu'est chaque artiste, la catharsis des douleurs humaines, il est le Christ qui doit mourir pour les hommes, pour les libérer de leur peines immenses. 

Mais le génie ne paye plus comme avant... Il faut bien apporter à l'exploitant ce dont il a besoin. De l'alcool, des filles de joie, de quoi nourrir ses chevaux et remplir son ventre. Parenthèse : j'adore ce moment dans la maison close où l'acteur toujours sur scène se retrouve dans une chambre dos tourné à la scène / au lit. Il n'est alors plus le spectacle que pour moi qui regarde le film. Vertigineux.          

Cet homme tronc sur scène est un irremplaçable comédien. Il n'y en pas deux comme lui... Or tout ce que raconte cette fable c'est que le capitalisme vient aussi détruire ce que fut le spectacle, l'Art, ce qu'il avait de sanctuarisé. Un beau jour, la loi du marché s'en mêle, vous mettez en concurrence Louis Jouvet et un vulgaire poulet... Derrière cette démonstration, il est aisé de voir la machine en route (le poulet est une calculette vivante) qui va remplacer l'homme pour des raisons purement mercantiles, à la recherche de la  rentabilité. On y perd l'imperfection sacrée de l'homme pour des recettes garanties sur le papier. D'ailleurs ce remplacement de Hamlet par un numéro de cirque fait aussi penser de nos jours à la toute puissance sur le petit écran des jeux, des divertissements qui abêtissent au lieu de donner à réfléchir (Oubliés l'incarnation, la culture, le fonds)... La culture du chiffre est partout.

La séquence finale est fantastique, elle pose les prémisses de ce qui se prépare on l'imagine... L'acteur génial (métaphoriquement cet albatros dont les ailes invisibles permettent à son prochain de rêver, de comprendre le monde) devra puiser dans ses ressources à la recherche de l'idée pour trouver un moyen de s'évader (mais comment fera-t-il ?) ou celui de se débarrasser de son concurrent, un poulet de malheur. A coup de dents ? L'expression sur les visages des deux protagonistes lorsque Liam Neeson revient vers la caravane après avoir jeté d'un pont une pierre faisant à peu près le poids de son compagnon de route (qui serait évidemment incapable de nager) est un moment d'anthologie. Inoubliable. D'une intolérable cruauté. Personnellement je m'attendais à ce que Liam Neeson glisse et disparaisse dans les eaux glacées de la rivière laissant derrière lui les deux rivaux face à face dans cette caravane de l'horreur.                     

Je décèle pour finir dans cette histoire un regard passionnant sur la tendance actuelle de l'Homme occidental à se renier, à accorder plus d'importance à la protection de la vie animale (ses chats, ses chiens, protéger toutes les espèces... ) qu'à son prochain qui continue à mourir de faim ici et là sur la planète.   

Moralité ? Ne mettez pas du mercantile partout. N'oubliez surtout jamais qui nous sommes. Chaque homme est une parcelle de l'humanité. "A part of the world". Oubliez cela et vous faites entrer le loup dans la bergerie. Nous pourrions bien dès lors un jour y laisser notre âme...


Gorge dorée

Par ici, la nature est toute puissante. Elle nous précède. Les décors sont soudain plus familiers. C'est la campagne printanière et hospitalière de La petite maison dans la prairie. Sauf qu'il n'y a pas de maison par ici. Un orpailleur inspiré, avec assez d'expérience pour provoquer le destin, pense avoir repéré le filon de rêve. Il est vieux mais il a tout son temps. Il a l'air colérique mais il est méthodique. Il parle au ciel, à Monsieur Pépite à la nuit tombée comme un original, mais il a parfaitement les pieds sur terre, Il sait où il va, il sait ce qu'il fait. Pour réussir dans son entreprise, seul le temps, l'observation, la pratique, en un mot l'expérience fera toute la différence. L'homme sait aussi qu'il est peu de choses. Il a des valeurs, il respecte l'oiseau lorsqu'il ne lui subtilise qu'un oeuf en le remerciant.

Chaque trou fait écho à celui qu'on lui fera et qui ne lui touchera "rien d'important" pour reprendre ses mots. Faisant écho à l'or qu'il convoite. Seule chose importante à ses yeux.

Et de convoitise, il est évidemment question ici. Toute cette passion, cette science, cette énergie, ce courage, investis dans cette entreprise individuelle se trouvent menacés par un blanc bec qui n'a aucune notion de ce que c'est que la passion d'une vie, un sacerdoce. Il espère bien profiter de l'aubaine et du fruit de travail de l'orpailleur mais c'est mal connaître le vieil l'homme, la connaissance intime de son propre corps. Le jeune avorton va faire les frais de son inexpérience de la vie... 

La fosse étant évidemment le tombeau rêvé pour l'impudent, l'homme trop léger, pas assez scrupuleux...  C'est aussi le repaire de la bête, du fauve prêt à tout pour protéger son bien, ses petits, son or ! Le jeune puceau n'a évidemment aucune chance de s'en sortir. Car s'il y a une vertu que possède le vieil homme outre une volonté, une détermination hors normes, c'est la patience... Comme il sait le faire pour attendre le bon moment, la fameuse pépite d'une taille suffisante à ses yeux. Un monstre de patience.

Moralité ? On n'apprend pas au vieux singe, qui plus est un moine soldat, à faire la grimace...


La fille qui fut sonnée  

La plus longue fable, la plus construite, autour de personnages sacrément écrits, de leurs histoires personnelles. C'est le souffle des transhumances qui passe sur ces caravanes traversant les Etats-Unis d'un bout à l'autre. Passionnant morceau d'histoire. La jeune femme veut sauver son honneur et respecter l'engagement de son margoulin de frère.

Billy va vouloir trouver une solution, muni des intentions les plus louables. Mais Billy a le coeur tendre, des valeurs nobles, il est touchant et ne sait pas se montrer impitoyable lorsqu'il doit abattre le chien... Problème. le chien deviendra le grain de sable à l'origine du drame final.

Même sentence lorsqu'Arthur si taiseux d'ordinaire va à l'essentiel en expliquant sans détour à la jeune femme ce qui l'attend si les indiens venaient à prendre le dessus lors de l'attaque. Il ne se doute pas un instant que ses intentions (là encore nobles) auront des conséquence désastreuses.

Parenthèse sur Arthur : On imagine tellement John Wayne dans ce rôle... Hommage ? 

Evidemment, lorsqu'il revient accompagné du chien, il ne sait pas ce qu'il doit dire à Billy... Billy croira-t-il à son histoire ? Arthur ne voyant pas (dans l'esprit de Billy) d'un si mauvais oeil la mort de la jeune femme dès lors qu'elle permet in fine à son acolyte de rester à ses côtés...      

Moralité : L'enfer est décidément pavé des meilleures intentions. 


Les restes mortels

La plus cauchemardesque des fables. Dante est passé par là. Je pense au Septième sceau ou à  Jules Berry dans Les visiteurs du soir... Terriblement métaphorique, Ces deux chasseurs de primes peuvent rappeler des émissaires de Lucifer.  Ils sont là face à trois personnages qui semblent avoir quelques crimes sur la conscience sur le chemin vers le purgatoire (Fort Morgan) : le trappeur évoque une relation avec une femme qui s'est curieusement volatilisée, il considère les hommes comme des animaux. Des furets. Or il est trappeur, tout est dit... La veuve qui s'ignore et semble ne pas vouloir évoquer la mort de son mari, elle en parle au passé puis au présent, a probablement quelque chose à cacher. Enfin le joueur de Poker français qui évoque le jeu, son vice, des dettes de jeu qui sait envers Cipolsky ?  Tous trois sont potentiellement des cibles pour les 2 faucheurs de vie assis en face et qui attendent peut-être le bon moment pou les estourbir au détour d'une ballade distrayante (Ballad for the fallen ?).

Ce qui explique que tous les éléments de la fable (la ville de Fort Morgan, l'hôtel, le cocher qui ne s'arrête jamais à la nuit tombée) rappellent furieusement des histoires horrifiques où le Diable (un cavalier sans tête ?) vient se glisser dans vos draps pour vous ôter subrepticement la vie. Faustien, Freudien. Effrayant.

Moralité ? Mieux vaut avoir la conscience tranquille quand vient le jour ou plutôt le soir du jugement dernier...