lundi 30 mars 2015

Closed Circuit


Ca démarre pas si mal (premier plan tragique et fort dans l'esprit "Terrorism will be televised"), l'ambiance thriller politique est plutôt bien installée ensuite mais plusieurs difficultés se posent là : d'abord deux acteurs principaux assez ternes et s'agissant d'elle pas vraiment crédible dans ce rôle. Par ailleurs, c'est tellement prévisible (les alliés qui s'avèrent peu dignes de confiance et pour cause, le MI6 est partout…) qu'on a l'impression d'être revenu dans un cinéma des années 80 ou 90 sur le plan de l'histoire et de la narration. Ensuite, il semble que tous les noeuds possiblement passionnants de l'histoire qui auraient mérité toute l'attention des scénaristes sont balayés (le cynisme d'une institution, les passe-droits, la raison d'Etat, les tentatives d'assassinat grossièrement expédiées,…) pour ne laisser qu'un squelette d'histoire, qu'un ersatz de thriller. Dommage. Trop light pour marquer les esprits malgré un dernier beau plan sur la Tamise.        

Rollerball. John Mc Tiernan


On sent bien que le film a été saucissonné, retouché, rafistolé par les producteurs probablement à la grande incompréhension / tristesse / colère de John Mc Tiernan. Reconnaissons par ailleurs que l'acteur principal manque cruellement de charisme, que Jean Reno frise sérieusement le ridicule, mais je ne sais pas pourquoi malgré ce ratage évident, il y a une énergie folle et communicative qui culminent dans deux séquences étonnantes : l'introduction assez bluffante, et celle de la poursuite filmée en infra-rouge qui dépote en plus de fasciner sur le plan visuel. Moralité : Même trahi, même massacré (à l'instar de son avatar sanglant de la fin du film), il y a toujours quelque chose de bon et de beau à aller picorer dans la petite boutique de John Mc Tiernan !

dimanche 29 mars 2015

The Driver


Une vraie découverte que ce The Driver ! Franchement, j'en attendais pas forcément beaucoup sur la seule base de la bande-annonce et de l'affiche… Mais il faut y aller, plutôt deux fois qu'une... Tout est juste, tout y est fort, ça commence piano et de façon balisée c'est vrai mais faut s'accrocher parce que ça monte en puissance comme dans les meilleurs Ken Loach (My Name is Joe auquel on pense beaucoup). J'ai aussi pensé au Nicolas Winding Refn de la trilogie Pusher, par moments, c'est dire. Bon mais le truc vit tout seul et sacrément bien. Le contexte familial d'abord est puissant (la relation à l'absence d'un fils perdu mais bien vivant, idée géniale), l'acteur, improbable croisement de Liam Neeson et de Terence Stamp donne vie un personnage principal passionnant parce que plus vrai que nature, lâche et menteur un temps, allant toujours à la facilité (un homme, un vrai quoi) mais ayant deux, trois valeurs fondamentales, de celles qui vous préservent par temps de cauchemar. Sa femme, sa fille , son collègue et son patron, les deux flics, tous donne le La, divinement. Souvent les dialogues et les réactions des personnages nous font dire "putaing ce que ça sonne vrai". Ces anglais, décidément, ont quelque chose de plus que les autres pour raconter de vraies grandes histoires. Un peu court tout de même ces 4 épisodes, mais sacrément prometteur.

jeudi 26 mars 2015

Modus Anomali. Le réveil de la proie


J'ai toujours eu de la sympathie pour les petites séries B horrifiques aussi fauchées qu'inventives mais là franchement… Difficile de m'extasier. Pour commencer, il n'y a rien d'aussi insupportable qu'un acteur qui fronce crânement le sourcil en s'interrogeant "Faut que je comprenne ce que je fais là" puis qui ajoute pour nous éviter le chapitre suggestif (évidemment trop intelligent et raffiné à mettre en branle) "mais je ne sais pas qui je suis en fait, je suis am-né-si-queux...". On imagine que pour une envie de pisser il nous aurait gratifié d'un "Trouver des toilettes vite, c'est que ma pauvre vessie est pleine". L'autre problème et de taille c'est l'invraisemblance qui tient lieu de programme d'un bout à l'autre du film : ces ados courant silencieusement vers des pièges mortels ou arrosant d'essence un coffre sans même hurler leur rage contre leur tortionnaire coincé à l'intérieur ou juste demander des nouvelles de leur pôpô... On imagine bien que c'est pour maintenir le mystère faussement intact jusqu'à la deuxième partie qui pour le coup (quand on a pigé la mécanique, ce qui arrive assez vite) ressemble à un commentaire (pas audio) pour spectateurs imbéciles… Et puis franchement quel passe-temps compliqué tout de même à mieux y réfléchir, dire que ce tordu amateur de sensations fortes aurait pu se prendre le même kif en faisant du tricot ou du polo… La malédiction. Pourquoi faire simple quand on peut faire n'importe quoi ? Le seul très joli passage à retenir c'est ce délicieux travelling en voiture à travers bois, la discussion tranquille au téléphone du tueur avec femme et enfant jusqu'à tomber sur une nouvelle famille... Mais c'est vraiment le seul truc poétique à sauver. Ca n'aurait tenu qu'à moi, j'en aurais fait un super court métrage où le gars meurt étouffé dans son vomi (ça aurait lui lui arriver sur le dos et sous la terre) dès la première seconde du film ou à la limite, il se serait sorti du piège initial pour finir cramé dans le coffre 5 minutes plus tard et c'était suffisant. D'ailleurs outre le côté putassier d'un objet qui se veut d'abord vendeur (mix improbable entre Saw pour le jeu sadique, Blair Witch 2 pour le volet video, Evil Dead pour la maison dans les bois, Predator pour les pièges et le survival-like dans la jungle…), il y a surtout un côté ultra malsain et complaisant lors des scènes de tueries qui au lieu d'épater donnent la gerbe tout simplement… Parce que soudain, elles ne sont plus du coup raccords avec l'esprit censément second degré, irrévérencieux et ultra-référencé de ce qui se voulait avant tout j'imagine un exercice de style malin… Bref Modus Anomali est souvent de mauvais goût, et surtout pas crédible un instant… En modus Foutage de gueule pour reprendre le titre étrangement accrocheur.

mercredi 25 mars 2015

Dallas Buyers Club


Dans Dallas Buyers Club, les deux acteurs principaux sont tellement époustouflants, si criants de vérité qu'il faut évidemment le voir. Le revers de la médaille, c'est qu'ils finissent par étouffer la matière du film, une matière trop attendue et consensuelle pour vraiment exister : "un homme condamné se fout de la mort, brûle la vie par les deux bouts de la chandelle, et ne se résigne pas devant la prétendue expertise/autorité de sommités médicales de son Etat sur le traitement qui convient pour soigner voire guérir les malades … Ni Dieu, ni Maître, il se fait donc faire son propre jugement, sa propre expérience pour essayer de survivre parce que merde, il aime trop la vie… Ce faisant il va aider ses semblables (d'autres malades) et faire de belles rencontres qui vont l'amener à voir la vie sous un nouveau jour, plus tolérant". Pour prendre une image, le film est un de ces taureaux musculeux, au potentiel dévastateur, mais fatigués, impressionnants mais bien trop timides quand il s'agit de rentrer dans l'arène. Dès lors, par contraste, on finit par ne plus voir que le Rodeo Man sur dos, montrant ses biscottos, agitant son chapeau, soignant son petit numéro d'acrobate… Le genre de film dont on reparle 20 ans après en commençant par "oulala, il faut le voir, une performance hallucinante d'acteurs" puis "ça parlait de quoi déjà le film ???" enfin "Aaaaah oui du Sida"… Anecdotique.     

mardi 24 mars 2015

Dance of the Dead


Une bonne idée que ce Teen Movie zombificateur. L'improbable grand écart entre Pretty in Pink et La Nuit des morts-vivants agrémenté de l'humour sanglant et méchamment enfantin des Gremlins et voilà-ty pas qu'on obtient ce petit Dance of the Dead sans prétention et divertissant. Ca va pas chercher loin à part une riche idée au milieu qui veut que la musique redonne subitement aux morts-vivants, le tempo, le sens vital du rythme, un déhanché macabre… A mon avis les 12/13 ans vont se régaler ! Au-delà, esprits régressifs ne pas s'abstenir. On se marre et c'est bien l'essentiel.

Les Gazelles


Ca a le mérite d'être sympathique et souvent drôle (à l'image de Camille Chamoux vraiment craquante et attachante en célibattante) surtout parce que ça sent le vécu de cette nouvelle génération de Gazelles qui se veulent indestructibles en apparence et tellement fragiles et fondantes à l'intérieur ! Bon mais c'est aussi la limite de l'exercice. On en a tellement eu récemment de films sur le thème Girl Power, des séries TV avec des personnages féminins hauts en couleur qu'on se sent du coup en droit d'attendre beaucoup plus côté scénario. Or, sortis des atermoiements de l'héroïne après chaque nouvelle nuit foireuse en compagnie d'une aventure d'un soir, ne restera pas grand chose de l'histoire (heureuse pas heureuse ? déprimée par déprimée ?) à l'image de cette dernière soirée arrosée, prétexte idéal pour finir sur une note faussement gaie, mais surtout vraiment plate. Dommage, ces super nanas auraient effectivement mérité un peu plus d'égard, d'attention et d'affection et ce dès l'écriture !

Le Dahlia Noir. Brian De Palma


Il est important de rappeler pour commencer que Le Dahlia Noir avait probablement moins vocation à se montrer fidèle au roman de James Ellroy que d'être le jouissif prétexte à re-créer le cinéma qui fit de De Palma un cinéphile amoureux puis un immense réalisateur. Cela évitera les déceptions légitimes qu'on pourra exprimer en le découvrant. Pour Ellroy il y a le livre. Pour De Palma voyez le film. Parce qu'on replonge avec bonheur dans de grands films noirs comme Le Grand Sommeil (la complexité de l'intrigue à tiroirs), Assurance sur la mort (le triangle amoureux, la maison de Lee et Kay), Nous avons gagné ce soir (la rencontre des 2 héros lors d'un combat de boxe truqué), Sunset Boulevard (le personnage de la mère cintrée du personnage divinement campé par Hilary Swank), Le facteur sonne toujours deux fois (l'adultère et la trahison omniprésents), Double énigme (la ressemblance troublante entre 2 femmes), et toute la veine htchcokienne avec ce segment central autour d'un escalier massif. Je ne comprends pas non plus les critiques à l'égard des 2 acteurs principaux parce qu'on y trouvera là encore la recherche ludique et mélancolique de la silhouette de Kirk Douglas (la carrure, la blondeur, la rage, la fossette) d'un coté, de Brando ou du Richard Gere de Cotton Club de l'autre. Alors oui les obsessions de De Palma amènent le film au bord de l'auto-parodie à certains moments, mais ce qui l'emporte après tout c'est son amour communicatif pour ce cinéma des années 40 / 50, c'est cette mélancolie sourde qui émane de l'ensemble et rien que pour cela, je souscris malgré des défauts assez criants faut bien reconnaître.

lundi 23 mars 2015

Dark Touch. Marina De Van


Dark Touch, c'est un peu le Carrie de la causalité, de l'explication rationnelle qui hélas tue toute magie et appauvrit tout… Là où De Palma et King nous racontent la violence et la cruauté propres à la jeunesse, à toutes les jeunesses, la magie noire et inexplicable qui en émane, De Van limite d'abord son propos et son univers à celui de la pédophilie et de la maltraitante comme pour nous dire que "diantre les enfants s'ils ont des pathologies c'est souvent à cause de la mauvaise éducation et des traitements pô biens qu'ils ont reçus"… Un peu binaire. On va dire que ça manque de hauteur de point de vue. II y a dès lors dans Dark Touch ce côté Hulk parce que les pouvoirs de la jeune fille ne se déclenchent que lorsqu'elle pleure (qu'on la fait souffrir pour le dire autrement), et parfois à bon escient comme  dans cette séquence nocturne où elle intervient pour sauver deux enfants de l'influence néfaste de leur mère (chez qui il n'y vraiment rien à sauver)… Et ça pleure, et ça pleure, et ça te produit des sons d'acouphènes à tout va et pour tout dire ça ne fonctionne pas terrible, mais pas terrible du tout. Le pire c'est cet épilogue où la jeune Neve devient carrément apprentie gourou pour mieux laver les cerveaux de tous les autres enfants du coin… Et ça se termine alors un peu comme dans le Village des Damnés ou Les démons du mais… Gloubi Boulga sans queue ni tête qui culmine avec une scène de baignoire puis de table apprêtée absolument ridicule. Un sommet. Nous voilà revenu à l'âge de Damien La Malédiction. Plus d'excuses, plus de prétextes, On nous raconte que Neve est bel et bien le mal incarné et plus l'enfant traumatisé du début… Entre l'enfant maltraité et la fille du Diable y avait quand même la place pour faire un truc bien, enfin mieux que ce résultat Grand Guignolesque ! On reviendra pour un scénario digne de ce nom.

You're Next


You're Next est un fort sympathique défouloir. L'idée marrante est de commencer avec l'idée de marier Funny Games avec le principe du Slasher. Pour ça il faut naturellement une famille réunie dans une demeure isolée. La réalisateur ajoute habilement une entrée en matière qui n'est pas sans rappeler le fameux Festen… et ses petits guerres intestines. Le déroulement apporte ensuite son lot de révélations à la façon de la trilogie Scream pour l'hémoglobine, les poursuites, les masques et l'humour décapant. En revanche je ne trouve pas les meurtres d'une grande inventivité à la longue. Ce que je préfère au final, c'est ce personnage de jeune fille ayant été élevée parmi ce qu'on a coutume d'appeler des survivalistes… Ca lui donne un côté scout border line assez réjouissant - Façon de nous dire entre les lignes que les "écolo-puristes' sont de putains de Serial killers en puissance. On la reverrait bientôt dans une suite la petite héroïne que ça ne me dérangerait pas ;)

dimanche 22 mars 2015

Le Seigneur des Anneaux. Ralph Bakshi


Evidemment inabouti, assurément bâclé, certainement massacré par des producteurs peu inspirés, Le Seigneur des Anneaux version Ralph Bakshi n'en contient pas moins de grands moments (que la technique novatrice de l'époque permet d'obtenir notamment pour dépeindre ces "messagers de la mort" montés sur des chevaux pas moins effrayants) qui restent gravés dans ma mémoire. Il sera resté sans lendemain mais franchement malgré les ratés scénaristiques et esthétiques évidents, je ne peux m'empêcher de trouver que Bakshi avait su saisir et restituer par instant le vrai parfum de la trilogie de Tolkien quand Peter Jackson aura lui accouché d'un univers bien trop polissé, plan plan, tiédasse et bien trop gonflé aux effets spéciaux… La version du créateur de Fritz the Cat est donc une curiosité loin d'être dispensable. 

La Cour de Babel


Un bien joli docu, sympathique, rafraîchissant et par-dessus tout réconfortant sur la capacité intacte de la République à accueillir, intégrer, assimiler tout en respectant les différences et spécificités de chacune et de chacun. Le titre est pour le coup bien choisi. Ca arrive de partout et ça s'intègre l'air de rien. En plus, c'est un peu l'âge des possibles, plus des enfants pas encore des adultes, beaucoup de projets d'avenir qui se dessinent déjà. Un travail invisible est à l'oeil. On s'y sent bien, le rythme est agréable, la caméra discrète et pas intrusive, la musique parfaitement bien synchrone et choisie. Et il y a ce final qui déchire le coeur et arrache de grosses larmes. Forcément. Bon mais rien non plus de révolutionnaire ! On pourra bien sûr d'un côté saluer la simplicité et la modestie de l'ensemble mais rien de choquant à ce qu'on trouve de l'autre à La cour de Babel un je ne sais quoi de ces tranches de vie singulières, dures certes, mais sommes toutes assez quelconques… Comme un parfum de trivialité, la petite ritournelle du tout venant. 

Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu ?



C'est un chouia plus drôle quand commence enfin le segment autour de Charles et de sa famille venue de République de Côte d'Ivoire (le père est notamment très drôle) au rythme de Seka, seka, seka, seka, seka… Pour le reste, tout ce qui vient avant, c'est franchement indigent, caricatural et pas vraiment drôle… Voire pas du tout. Mais l'intention reste louable (une ode sincère aux différences et à la tolérance) et le coupé décalé final m'a fait du bien aux oreilles comme les quelques incursions chaleureuses à Abidjan ! 

samedi 21 mars 2015

Les Chiens de paille. Sam Peckinpah


Pas vu depuis ma jeunesse… Souvenir pas facile, douloureux… Mais j'avais aimé. Il a sûrement vieilli. Mais je me rappelle surtout d'une discussion récente avec un détracteur qui fustigeait la misogynie de Peckinpah (selon lui la femme est décrite comme trop ambiguë et provocante au regard de son ami d'enfance revenu la courtiser) et le caractère extrémiste du film (une morale lorgnant du côté de ceux qui ont décidé de faire eux-mêmes la justice)… Je dois le revoir mais j'ai toujours pensé au contraire que le propos du film était à l'exact opposé de cette appréciation. Pour moi, le film raconte plutôt comment la bête féroce (l'envie, la haine et la violence, et partant toute déflagration fatale…) est tapie en chacun de nous, qu'on soit inculte, sauvageon, rétif à la vie en communauté ou "bien sous tous rapports" avec des années d'études derrière soi et une bonne culture de la vie en cité. Ici, de la ville, on est rapidement ramené à l'âge de pierre, à la loi du talion, aux règles régissant le monde animal lorsqu'il s'agit de survie bestiale et de défense de territoire. Pied à pied, oeil pour oeil !

vendredi 20 mars 2015

Non Stop


Non Stop n'est pas complètement nul, à vrai dire ce côté "qui est qui ?" au sein de l'avion pour démasquer le coupable est  toujours efficace parce qu'on veut savoir, surtout lorsqu'on ajoute une dimension paranoïaque où le personnage principal apparaît rapidement comme le principal suspect… Bon mais il ne faudra pas chercher beaucoup de crédibilité à tout cela, pas plus que de force au mobile ridicule pour mener à bien cette entreprise de destruction. La deuxième partie est nettement plus faible avec un enchaînement de moments mécaniquement attendus et donc objectivement chiants… Mais pour l'ambiance joliment claustro de la première heure, on pourra se détendre...

Ca commence aujourd'hui. Bertrand Tavernier


Puissamment généreux, Ca commence aujourd'hui est une vraie claque parce que cinéma social oui mais il a aussi l'intensité d'une fiction ch'nord, happé qu'on est avec le personnage dans cette réalité brute qui épouse les contours d'une histoire écrite sans jamais trahir la force documentaire. Beau ! Intense ! Renversant. 

mercredi 18 mars 2015

Spotless


Bof, bof… Le gros souci avec Spotless c'est de sentir dès le premier épisode le cahier des charges auquel les scénaristes ont du se plier pour créer l'univers : on voudrait SVP un truc à mi-chemin entre True détective (le générique lorgne de ce côté), Breaking Bad (le binôme en combi dans une cave et qui se retrouvent embringués dans un univers qui n'est pas le leur), Dexter (le spécialiste des scènes de crime) et même… Utopia pour la musique et les cotés décalés (la stylisation du couple de clients / tueurs au début)… Evidemment, à trop vouloir fabriquer des séries à coups de stats, de fichiers Excel, de briefs guidés par l'audience et rien que l'audience (reprendre tous les éléments forts et saillants d'autres séries phares ces dernières années), on est sûr d'une chose, c'est d'obtenir un truc qui sonne faux de bout en bout, sans âme… Du patchwork décousu et sans la moindre force d'attraction. Le titre Spotless dit cyniquement tout de résultat obtenu : cette série ne laisse aucune trace digne d'intérêt après son passage.          

dimanche 15 mars 2015

Aimer, Boire et Chanter. Alain Resnais


Aimer, boire et chanter est un dernier film qui au fond résume parfaitement la fraîcheur, la jeunesse, l'humilité, l'audace d'un réalisateur qui jusqu'au bout n'aura cessé d'explorer son Art en s'amusant, comme un enfant émerveillé, de travailler autour des passerelles qui mènent du théâtre au cinéma, autour des zones d'ombre qui stimulent l'imagination et nécessairement du hors champ. Ce qui dans le cas présent se matérialise, prend les traits inconnus d'un personnage invisible… Alors bien sûr, on pourra ne pas aimer, ne pas chanter devant un film qui reste austère et engoncé pour certains dans une forme de dogme à l'écran, mais j'ai personnellement été emporté par la justesse du jeu des acteurs, par ces décors tour à tour scènes de théâtre, planches à dessin, où les couleurs gaies du printemps prédominent en toutes circonstances. Un joli pied de nez à celles et ceux qui pensaient peut-être encore que la vieillesse est un naufrage… S'agissant du corps peut-être, l'esprit lui est immortel  !          

Promenade avec le petit garçon, l'infirmière, le musicos', l'instit', le gendarme, le couteau suisse, le taxidermiste, le limonadier, la gendarmette, Le père alcoolisé, la mère nauséeuse, les 2 jumelles et l'ex cambrioleur


Le petit garçon et l'infirmière


Victor est un petit garçon perdu dans la montagne. Parlant peu et jamais à bon escient, il atterrit dans l’appartement d'un immeuble HLM où crèche Julie, jeune infirmière voûtée tristounette et voûtée. Julie n’a qu’une voisine de pallier (insupportablement caricaturale au demeurant) et travaille visiblement trop peu pour être une bonne infirmière ou pas assez pour être tout à fait honnête Elle prend parfois le bus mais on ne sait jamais vraiment où elle se rend. Elle se trouve enfin avoir miraculeusement survécu à l'agression d’un tueur en série (taxidermiste à ses heures). Lui en reste d'ailleurs pour preuves quelques vilaines cicatrices sur le ventre.

Hasard du destin, elle a repris l’appartement d’une nana, Adèle, qui le jour de son mariage a connu le malheur de perdre son futur époux, Simon, un gars du coin, musicien de son état. Pas de bol, franchement. Maudit le HLM de montagne !

Le musicos', l'instit' et le gendarme

Simon est donc mort dans un mystérieux accident, mais il réapparaît puis re-meurt, raccourci par Thomas, le mari de son "ex future épouse" (vous suivez toujours ?), un gendarme qui se dit « gendarme mais pas intellectuel », insultant au passage tous les gendarmes en chair ou pas, c'est que le Thomas est radicalement neuneu, son uniforme n'est évidemment pour rien dans son incurable bêtise - une expression de visage en tout et pour tout, bouche entrouverte, râle revenu du fond des âges, le regard vide d'un poisson contaminé par le grand air. Il aura d'ailleurs passé sa courte existence à foutre des caméras partout dans ce trou du cul du monde où personne ne va bosser à part lui et sa gonzesse Adèle (qui s'occupe d'enfants à la médiathèque quand elle n’est pas en RTT).


Mais revenons à nos revenants : après avoir zigouillé Simon, Thomas assiste impuissant à la résurrection de ce dernier et juge alors plus utile, plus logique aussi, pour en finir une bonne fois d’enfermer le re-ressucité à double tour dans une cellule de prison. Ubuesque sommet d'intelligence. Un fantôme derrière les barreaux.

Le couteau suisse, le taxidermiste et le limonadier 

Je ne suis pourtant pas encore au bout de mes peines. Non content de re-revenir à la vie, Simon commence à se taper des bouts de lui-même comme il boufferait ses crottes de nez. Puis son appétit devient sexuel et prend pour cible une serveuse/voyante/prostu (opinel de circonstances dans cette région française limitrophe de la Suisse) qui est la preuve vivante (mais l’est-elle vraiment,  vivante ?) qu’on peut trouver un boulot de serveuse et une piaule au-dessus du bar du patron après 2 minutes sans passer un entretien, ni même à la casserole. Voilà qui redonne de l'espoir.


Mais de nouvelles coïncidences rappliquent : elle a été embauchée par le frère du tueur en série (vous vous rappelez ?) : lui est bien portant et plutôt sympathique mais il vit comme son frère à la montagne. Un enseignement de plus : il faut toujours se méfier des montagnards, 
des gens de la campagne,  surtout s’ils sont taxidermistes, secs et noueux, Les gros limonadiers sont par nature, comme les routiers ou les conducteurs de Twingo, plus sympathiques.

Le "couteau suisse" a commis la bêtise, comme Julie l’infirmière avant elle, d’emprunter des tunnels obscurs sentant la pisse, où le tueur taxidermiste prend un malin plaisir à redéfinir son territoire encore et encore.

Ah et j'oubliais, elle voit des trucs utiles sur l'avenir ou le passé quand on la baise. Ce qui en d’autres lieux et temps,convenons-en, eut fait d’elle le parfait alibi pour un viol collectif assumé. J'imagine l'amoncellement d’adolescents boutonneux au cheveu gras éructant, s'excusant bruyamment pour ce désir exprimé de rétablir le contact avec des aïeux disparus trop tôt.

L'infirmière, la gendarmette et le petit garçon 

Le frère du tueur en série se trouve d'ailleurs (waow, que ce tout petit monde est tout petit) être le sauveur de la jeune infirmière Julie qui, depuis, s'est amourachée du petit Victor et réconciliée (sorte de parabole autour du mariage pour tous) avec sa maîtresse de l’époque, une gendarmette prompte à la moindre bagarre mais visiblement fatiguée de son boulot de gendarme, éprise qu’elle est de liberté, d'assumer le rôle du chef de famille au sein du couple (le flingue à la ceinture, la main sur le volant, gros symboles) et de prendre enfin la belle route du barrage pas une pas 2 mais 3 fois sans jamais se poser la question du pourquoi de cette route qui tourne en rond et ne va nulle part. Comme cette série.

Le père alcoolisé, la mère nauséeuse, les 2 jumelles et l'ex cambrioleur 

Le couteau suisse a pendant tout ce temps accroché à son tableau de chasse le père alcoolisé de 2 jumelles dont la "désormais plus grande" découvre subitement une étrange cicatrice dans le dos qui disparaît sans explication et n’éveille pas la moindre curiosité chez ses proches.


De son côté, la mère des jumelles et sa constante expression de nausée (face à une vie qui la prend de vitesse de toute part 8 épisodes durant) s’est diablement rapprochée d’un ex-cambrioleur reconverti dans la bonne parole chrétienne (à base de « Tu peux compter sur moi » déclamé en boucle). L'air jamais clair, le regard fuyant, il se trouve aussi être le responsable de la mort de Victor, le jeune garçon énervant du début.


La boucle maigrichonne, invraisemblable et pas nerveuse pour un sou est ainsi bouclée. Entre nous, il était temps.

mercredi 11 mars 2015

Noé. Darren Aronofsky


Oulala que c'est laid d'emtrée ! A se demander si c'est fait exprès ??? Des débuts calamiteux - et il n'y a pas que l'image qui chagrine, tout fait étrangement toc, vidé de substance (divine ou pas). Je dis ça mais ça ne s'arrange guère par la suite avec une intrigue qui sombre vite dans du mystico-biblico-lourdingue et un côté patchwork qui fait passer Noé de The Fountain (pour son côté kitsch et éthéré) au Seigneur des Anneaux (les veilleurs exterminant des populations entières se jetant dans leurs filets, enfin zigouillant tout ce qui vient)… Heureusement quand le déluge arrive, il y a enfin quelque chose de fort qui se joue dans les entrailles de cette arche (on y est curieusement comme dans le ventre d'une baleine) avec ce croyant de Noé devenu fou dangereux, rappelant même par moments, lorsqu'il est de dos, la silhouette inquiétante d'un leatherface ! Faut dire qu'Aronofsky en a du talent personne ne prétendra le contraire mais ses quelques inspirations sur la deuxième partie du film ne suffiront pas à sauver du désastre Noé, un truc au final étrangement informe, calamiteux, bien souvent ridicule (les combats de la fin)… Trop c'est trop, même si on vous dit c'est écrit dans la Bible.

Dans la cour. Pierre Salvadori


Après coup, j'y vois comme un Leaving Las Vegas mais dans une version toute parisienne ! ! ! C'est en tout cas certainement le meilleur film de Salvadori. Si charmant, so tragique, tellement vrai sur les dépressifs lourds. Un petit florilège des critiques salle qui résume tout le bien que je pense que ce beau mélo à la tonalité douce-amère livré avec panache et intelligence dans une cour d'immeuble débordant de mélancolie douce : "Chronique tendre sur le mal-être, les fêlures du quotidien. Dans la cour passe du rire aux larmes avec une aisance de tous les instants en s’appuyant sur des comédiens d’une humanité formidable… Un film infiniment aimable. Miroir de notre époque angoissée, ronde joliment désuète de nos solitudes contemporaines, Dans la cour a la politesse du désespoir : celle de l’un de nos meilleurs dialoguistes et directeurs d’acteurs. Salvadori se plaît à filmer des scènes complexes où l'apparente légèreté est sans cesse contredite par le mal-être, réel, des deux personnages principaux. En résulte l'impression troublante de se noyer le sourire aux lèvres" C'est juste. Car comme ils sont touchants ces deux tourtereaux à s'égosiller, à chercher l'harmonie ou la paix des braves ou quand tout fout le camp !

dimanche 8 mars 2015

Adrénaline


La fin des années 80 marque l'époque des tentatives de renouveau de l'horreur à la française… Parmi les plutôt bonnes surprises de l'époque on retiendra Baby Blood ou Les Prédateurs de la nuit. Adrénaline fait plutôt partie des loupés parce qu'il a surtout les sempiternels défauts du film à sketches : bien trop inégal, plutôt fauché dans l'ensemble, mais restent tout de même quelques jolis moments dont le segment autour de la maison piégée… Et puis l'intention de créer un objet horrifique français en cette fin d'es années 80 reste naturellement louable et sympathique en soi… 

Ponyo sur la falaise. Miyazaki


Au risque d'écorcher un peu le mythe Miyazaki, Ponyo sur la falaise contient  bien sûr de très beaux et poétiques moments (la féérie sous-marine, la brusque montée des eaux, la délicieuse relation Susuke-Ponyo à l'épreuve du réel, des souffrances de la vie) mais il y a aussi pas mal de flottements notamment sur la deuxième partie du film (des longueurs sur la balade en barque pour retrouver Lisa) et je trouve qu'une faiblesse tient particulièrement dans la description des parents de Ponyo (la fée passe encore, mais le père aux boucles d'oreille… Un personnage pas très impressionnant, qui manque de charisme ou de quelque chose de plus fort en tout cas). Mais bon Ponyo sur la falaise reste une jolie fable aquatique et sub-aquatique sur une belle relation entre un enfant de 5 ans et son poisson rouge.

samedi 7 mars 2015

Arrivederci Amore Ciao. Michele Soavi


Ah si si si, l'un des grands films de l'année 2006. Très franchement, Arrivederci Amorce Ciao est un joyau de noirceur, de cynisme tellement sous-estimé (le film comme le réalisateur Michele Soavi), a été tellement peu diffusé depuis sa sortie qu'il faut le défendre encore et encore ! Retors ou tortueux, cruellement d'actualité ou cruel tout court, amoral ou immoral, tellement vrai sur la nature humaine ? Toutes les questions trouvent leurs réponses dans cette déclaration d'amour unilatéralement équivoque : Arrivederci Amore Ciao ! ! ! Petit florilège des critiques inspirées de l'époque "Opéra de la décadence, de danse de mort, de constat de fin d'un monde et de dissolution générale des principes qui l'avaient fait tenir debout" (Avoiralire.com). "Film étrange, sinueux, tordu, déroutant, presque malade, qui autopsie le mal sous toutes ses formes" (Cinelive). "Au total, le sidérant mélange des genres cousu de citations, le rythme qui ne mollit jamais, la bande-son rétro de variété italienne et un joli casting disent ingénieusement comme l'époque est devenue folle, et avec elle, les hommes" (Mad Movies). Film de chevet assurément !

vendredi 6 mars 2015

All is lost. J.C. Chandor


Je crois que le meilleur dans All is Lost restera cette scène d'ouverture fleurant bon le fantastique : le héros se réveille dans un bateau à l'arrêt, éventré, et comme amoureusement blotti contre un container. Je retiendrai aussi deux séquences spectaculaires de tempête (l'une à bord dudit bateau, l'autre à bord d'un radeau de survie) vraiment flippantes et réalistes. Ainsi que ces quelques beaux plans sur le monde du silence vus par en-dessous. Le reste pose problème sur ce que veut nous raconter le film. Car une fois qu'on a compris le message, la métaphore autour de l'inéluctable à l'oeuvre dans nos vies, sur cette vieillesse qui serait un naufrage contre lequel on ne peut faire que rafistoler, rassembler ses forces, se remobiliser avec des moyens dérisoires (un tube de colle contre la monstrueuse voie d'eau en pleine tempête), il ne reste plus grand chose de All is Lost. On a envie d'ajouter "So what ?" en exergue du titre. D'abord parce qu'en jouant la fibre métaphorique, le réalisateur attache finalement peu d'importance à la déchéance physique du personnage principal, si décisive dans un film d'ailleurs nettement plus poétique de Robert Zemeckis sur le même thème, j'ai nommé Seul au Monde. Robert Redford reste étrangement passif, n'évolue guère physiquement, pas même une barbe de 2 jours ??? Du coup il y a quelque chose de l'ordre du surplace, d'une linéarité voulue, de l'enchaînement des évènements (le beau temps puis la tempête, l'avarie puis la réparation puis l'avarie, le bateau puis le radeau, la quête d'eau douce puis la pêche, puis le feu…) d'une fatalité qui stérilise le film, qui le dessert objectivement. C'est comme le silence (recherché, travaillé aux entournures) du personnage principal. Il ne rend là encore pas service au film. Beaucoup de gens invectiveraient le ciel, parleraient seuls, déborderaient, échapperaient à leur propre contrôle (dans des situations aussi extrêmes), autant d'éléments susceptibles d'épicer le film tout en nous le rendant attachant. Mais la narration, en raison de cette "absence voulue" de mots, semble terriblement programmatique (centrée sur les petites actions dérisoires du héros), tristoune et de ce fait peu palpitante. On dit que la parole libère, et bien son absence handicape curieusement le film. Bon et que dire de ce plan final (un corps s'enfonce au ralenti en direction des profondeurs abyssales…). Il ne fait que confirmer mon impression plus que mitigée. C'est maladroit et on frôle le ridicule quand le héros se rebiffe depuis le fond de l'océan dans le genre "J'ai vu de la lumière, je suis remonté". C'est pourquoi All is lost est pour finir plutôt amer à voir !

Jack et la mécanique du coeur


D'aspect visuel on sent déjà les problèmes à venir : cet univers est hélas bien trop pompé sur celui d'un Tim Burton, difficilement égalable en matière de mélange d'enfance de morbide et de baroque. Jack et la mécanique du coeur souffre par ailleurs d'un trop plein de musiques. Se positionner comme une comédie musicale part certainement d'un bon sentiment mais ça hache le rythme, ça use le spectateur plus que ça ne l'entraîne dans une montée progressive et harmonieuse des sentiments suscités. Et puis bien trop de voix familières par ici, c'est peut-être le plus embêtant : il est très gênant de reconnaître les voix énervantes d'Olivia Ruiz ou de Grand Corps Malade. parce que ça tue toute magie et fait disparaître les personnages à l'écran derrière ces voix bien trop typées. Bref, Jack et la mécanique du coeur a quelque chose de bancal et de réchauffé pour les raisons évoquées. Il échoue également à trouver la bonne tonalité : il n'est ni terrible pour les enfants (bien trop glauque) ni pour les grands (bien trop niaiseux)… On peut contourner.

jeudi 5 mars 2015

Homeboy. Mickey Rourke


Jolie tentative de la part de Mickey Rourke de se pencher sur le destin d'un boxeur loser, porté sur l'alcool et l'auto-destruction. Homeboy est une sorte d'anti Rocky (celui-là même qui avait au contraire et malgré la silhouette "quelconque" de Monsieur-Tout-Le-Monde quelque chose d'héroïque et d'admirable). Ce qui n'est guère le cas ici puisqu'on se penche sur la gueule cassée du boxeur envoyé faire des combats comme on lance des bouts de barbaque sur l'convoyeur d'un abattoir... La scène finale - un ring en plein air balayé par la pluie - est un beau souvenir mais ne sauve hélas pas le film de l'anecdotique, de la tiédeur d'une mise en scène maladroite et manquant de punch... Même si encore une fois on sent un Mickey Rourke totalement investi autour d'un projet personnel et mûri de longue date qui manifestement lui tenait à coeur. Dommage, on avait envie d'applaudir !

lundi 2 mars 2015

La Vénus à la fourrure. Roman Polanski


La Vénus à la fourrure est le genre de film qui va vieillir comme le bon vin et enterrer sur la durée pas mal de tout ce qui sera sorti la même année. C'est souvent comme ça mais c'est peut-être pas plus mal après tout... D'abord parce que le huis-clos a qu'on le veuille ou non quelque chose d'intemporel et de difficilement périssable. Ajoutons que la mise en scène de Polanski est ce qu'on peut affectueusement appeler de la douce et haute voltige. De la dentelle. Le bougre joue sur du velours, ou de la fourrure si vous préférez. Une forme de toute simplicité mais de toute perfection en émane. Du premier au dernier travelling. Mais il y a surtout dans ce film un caractère universel qui lui vient viscéralement du sujet : la dialectique Homme/Femme envisagée sous les rapports de pouvoir, de domination (entre l'auteur et l'actrice pressentie pour un rôle, entre le rôle sur le papier et le candidat en chair et en os destiné à le servir, entre le désir du réalisateur et l'incarnation de sa muse) ! C'est là que le film fait mouche et devient étourdissant, passionnant sur les doubles sens, sur cette frontière ténue, sans cesse renouvelée entre le texte incarné par les deux comédiens et les vrais sentiments qui percent de ci de là comme le petit jour dans la brume matinale. Sans parler de la réflexion qui s'y joue autour de la mise en abîme d'un projet de création… Mise en abyme par le fait que le texte porté par les deux personnages est déjà une adaptation pour le théâtre d'un roman, que cette adaptation fait elle-même l'objet d'une réadaptation en live (lors de cette répétition improvisée). Mais les deux protagonistes ne sont-ils pas pour finir des objets charnels (dans une adaptation filmique) entre les mains expertes du réalisateur Roman Polanski ? Ce dernier devenant le grand ordonnateur, le seul vrai démiurge… A moins que Polanski ne soit devenu sous les traits d'Amalric cet admirateur, ce spectateur transi, mû par un désir bien palpable pour son actrice, Il devient alors le sujet, le valet en train de regarder se mouvoir l'actrice qui est aussi sa muse dans la vie... Proprement vertigineux. Il est d'ailleurs éminemment question de manipulation et de désir : qui manipule qui ? Le réalisateur manipule-t-il le spectateur que nous sommes ? la comédienne ensorcelle-t-elle le metteur en scène ? Le metteur en scène se joue-t-il de la comédienne dans un jeu pervers de sadisme à peine voilé ? Les incursions successives du réel dans le "jeu" des 2 acteurs émergent peu à peu comme autant d'indices policiers pour nous guider dans une compréhension totale. Mais là encore, le réel est-il vraiment le réel lorsque Wanda s'esclaffe bruyamment "genre" ? Et quels acteurs ! Je suis positivement impressionné par Emmanuelle Seigner complètement fascinante, sensuelle, totale. Une révélation ! Quant à Mathieu Amalric il confirme l'étendue de son talent en incarnant cet homme qui devient peu à peu un enfant à la merci de cette femme, la victime consentante, la proie offerte à cette Vénus qui l'hypnotise littéralement. Ecran Large a bien compris l'ampleur de cette petite bombe humble et discrète au premier abord. "Une œuvre personnelle vertigineuse à la grille de lecture multiple. Emmanuelle Seigner y trouve le rôle d’une vie. Un des tous meilleurs films de Polanski." Idem pour Le Monde : "Dans ce huis clos jubilatoire et antimachiste, Polanski se paye le luxe d'une réflexion étourdissante d'intelligence sur la signification du jeu d'acteur". C'est effectivement fort, c'est très fort et m'est avis que La vénus à la fourrure va s'imposer sur la durée comme une référence. Un classique. Un incontournable.



Je suis le seigneur du château. Régis Wargnier


Je suis le Seigneur du château est un film qui gagne à être connu. Il n'est certes pas exempt de défauts, de longueurs, de la prétention propre à ces films qui se disent d'ÔÔÔÔteur (comme d'autres vont au théÂÂÂtre), il n'en reste pas moins une jolie fable sur l'enfance, sur la cruauté de l'enfance plus exactement, sur la façon dont le monde adulte vient déteindre immanquablement (la lutte des classes n'est jamais loin) sur l'innocence de ces deux petits héros de poche qui se disputent un royaume, jusqu'à leur dernier souffle... La frontière entre la cruauté du jeu et le drame de la vraie vie devient alors floue et les enjeux vitaux. Mais ce qui emporte tout le même le morceau c'est la poésie macabre de cet univers singulier,

3615 code Père Noël. René Manzor


On pourra reprocher beaucoup de choses à René Manzor, notamment d'avoir commis Le Passage (ce nanar avec Delon et mis en musique par Lalanne) mais au moins il aura essayé, il se sera essayé au film de genre à une époque où le cinéma français en proposait si peu... Et rien que pour ça, 3615 Code Père Noêl peut encore valoir le détour malgré ses innombrables défauts. Il y avait de l'idée... Sorte de Maman j'ai raté l'avion mais sans l'humour et avec la touche de terreur qui va bien. Rien de génial mais une curiosité. Et puis la preuve s'il en fallait une qu'un jour, bien avant internet il y eut ce qu'on appelait alors le Minitel. 

dimanche 1 mars 2015

Un château en Italie. Valeria Bruni-Tedeschi


Jolie surprise que ce Château en Italie. Le film est vraiment attachant par des aspects éminemment sensibles : la scène de l'évanouissement du frère, puis sa mort, inéluctable entouré des femmes de sa vie, trois femmes résolument au bord de la crise de nerfs. Mais l'humour et le décalage ne sont justement jamais en reste, je pense à cette rencontre avec la mère de Louis Garrel complètement à l'ouest et qui explique les détails croustillants de la naissance de son fils. Je pense aussi à la scène ubuesque de l'insémination et de l'échange des bracelets ou de celle de l'Eglise avec Omar Sharif. Tous ces moments sont autant de petits miracles de justesse. Et puis au fond, cet aspect autobiographique du journal intime que revêt le film (reproche qui lui est souvent fait) n'est pas un problème, au contraire. Par sa cohérence, par sa justesse, par sa folie douce, cet ancrage dans du vécu donne quelque chose d'universel au destin de ces femmes aux ressources insoupçonnées malgré un sacré pet au casque. Bref ça fonctionne, c'est souvent drôle. Valeria Bruni-Tedeschi a décidément un vrai talent et pour raconter des histoires et pour les incarner !