vendredi 6 mars 2015

All is lost. J.C. Chandor


Je crois que le meilleur dans All is Lost restera cette scène d'ouverture fleurant bon le fantastique : le héros se réveille dans un bateau à l'arrêt, éventré, et comme amoureusement blotti contre un container. Je retiendrai aussi deux séquences spectaculaires de tempête (l'une à bord dudit bateau, l'autre à bord d'un radeau de survie) vraiment flippantes et réalistes. Ainsi que ces quelques beaux plans sur le monde du silence vus par en-dessous. Le reste pose problème sur ce que veut nous raconter le film. Car une fois qu'on a compris le message, la métaphore autour de l'inéluctable à l'oeuvre dans nos vies, sur cette vieillesse qui serait un naufrage contre lequel on ne peut faire que rafistoler, rassembler ses forces, se remobiliser avec des moyens dérisoires (un tube de colle contre la monstrueuse voie d'eau en pleine tempête), il ne reste plus grand chose de All is Lost. On a envie d'ajouter "So what ?" en exergue du titre. D'abord parce qu'en jouant la fibre métaphorique, le réalisateur attache finalement peu d'importance à la déchéance physique du personnage principal, si décisive dans un film d'ailleurs nettement plus poétique de Robert Zemeckis sur le même thème, j'ai nommé Seul au Monde. Robert Redford reste étrangement passif, n'évolue guère physiquement, pas même une barbe de 2 jours ??? Du coup il y a quelque chose de l'ordre du surplace, d'une linéarité voulue, de l'enchaînement des évènements (le beau temps puis la tempête, l'avarie puis la réparation puis l'avarie, le bateau puis le radeau, la quête d'eau douce puis la pêche, puis le feu…) d'une fatalité qui stérilise le film, qui le dessert objectivement. C'est comme le silence (recherché, travaillé aux entournures) du personnage principal. Il ne rend là encore pas service au film. Beaucoup de gens invectiveraient le ciel, parleraient seuls, déborderaient, échapperaient à leur propre contrôle (dans des situations aussi extrêmes), autant d'éléments susceptibles d'épicer le film tout en nous le rendant attachant. Mais la narration, en raison de cette "absence voulue" de mots, semble terriblement programmatique (centrée sur les petites actions dérisoires du héros), tristoune et de ce fait peu palpitante. On dit que la parole libère, et bien son absence handicape curieusement le film. Bon et que dire de ce plan final (un corps s'enfonce au ralenti en direction des profondeurs abyssales…). Il ne fait que confirmer mon impression plus que mitigée. C'est maladroit et on frôle le ridicule quand le héros se rebiffe depuis le fond de l'océan dans le genre "J'ai vu de la lumière, je suis remonté". C'est pourquoi All is lost est pour finir plutôt amer à voir !

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