lundi 2 mars 2015

La Vénus à la fourrure. Roman Polanski


La Vénus à la fourrure est le genre de film qui va vieillir comme le bon vin et enterrer sur la durée pas mal de tout ce qui sera sorti la même année. C'est souvent comme ça mais c'est peut-être pas plus mal après tout... D'abord parce que le huis-clos a qu'on le veuille ou non quelque chose d'intemporel et de difficilement périssable. Ajoutons que la mise en scène de Polanski est ce qu'on peut affectueusement appeler de la douce et haute voltige. De la dentelle. Le bougre joue sur du velours, ou de la fourrure si vous préférez. Une forme de toute simplicité mais de toute perfection en émane. Du premier au dernier travelling. Mais il y a surtout dans ce film un caractère universel qui lui vient viscéralement du sujet : la dialectique Homme/Femme envisagée sous les rapports de pouvoir, de domination (entre l'auteur et l'actrice pressentie pour un rôle, entre le rôle sur le papier et le candidat en chair et en os destiné à le servir, entre le désir du réalisateur et l'incarnation de sa muse) ! C'est là que le film fait mouche et devient étourdissant, passionnant sur les doubles sens, sur cette frontière ténue, sans cesse renouvelée entre le texte incarné par les deux comédiens et les vrais sentiments qui percent de ci de là comme le petit jour dans la brume matinale. Sans parler de la réflexion qui s'y joue autour de la mise en abîme d'un projet de création… Mise en abyme par le fait que le texte porté par les deux personnages est déjà une adaptation pour le théâtre d'un roman, que cette adaptation fait elle-même l'objet d'une réadaptation en live (lors de cette répétition improvisée). Mais les deux protagonistes ne sont-ils pas pour finir des objets charnels (dans une adaptation filmique) entre les mains expertes du réalisateur Roman Polanski ? Ce dernier devenant le grand ordonnateur, le seul vrai démiurge… A moins que Polanski ne soit devenu sous les traits d'Amalric cet admirateur, ce spectateur transi, mû par un désir bien palpable pour son actrice, Il devient alors le sujet, le valet en train de regarder se mouvoir l'actrice qui est aussi sa muse dans la vie... Proprement vertigineux. Il est d'ailleurs éminemment question de manipulation et de désir : qui manipule qui ? Le réalisateur manipule-t-il le spectateur que nous sommes ? la comédienne ensorcelle-t-elle le metteur en scène ? Le metteur en scène se joue-t-il de la comédienne dans un jeu pervers de sadisme à peine voilé ? Les incursions successives du réel dans le "jeu" des 2 acteurs émergent peu à peu comme autant d'indices policiers pour nous guider dans une compréhension totale. Mais là encore, le réel est-il vraiment le réel lorsque Wanda s'esclaffe bruyamment "genre" ? Et quels acteurs ! Je suis positivement impressionné par Emmanuelle Seigner complètement fascinante, sensuelle, totale. Une révélation ! Quant à Mathieu Amalric il confirme l'étendue de son talent en incarnant cet homme qui devient peu à peu un enfant à la merci de cette femme, la victime consentante, la proie offerte à cette Vénus qui l'hypnotise littéralement. Ecran Large a bien compris l'ampleur de cette petite bombe humble et discrète au premier abord. "Une œuvre personnelle vertigineuse à la grille de lecture multiple. Emmanuelle Seigner y trouve le rôle d’une vie. Un des tous meilleurs films de Polanski." Idem pour Le Monde : "Dans ce huis clos jubilatoire et antimachiste, Polanski se paye le luxe d'une réflexion étourdissante d'intelligence sur la signification du jeu d'acteur". C'est effectivement fort, c'est très fort et m'est avis que La vénus à la fourrure va s'imposer sur la durée comme une référence. Un classique. Un incontournable.



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