jeudi 31 décembre 2020

Le Voyeur (Peeping Tom)

 

Il traquait la peur
Jusqu’à l’obsession
Hérita d’un nom
« Papa du Slasher »

D’un long regard flou
Fardé de passion
Lewis était fou 
De ses punitions

Car en tout voyeur
Captant l’innommable
Qu’il veut rendre aimable
Sommeille un tueur

Il n’y a pas, Dame,
L’ombre d’un témoin 
Quand Mark vole une âme 
De son œil en coin

Lardé du fin mot
L’écran fuit la neige
Son triste manège
Et s’offre au bourreau

Le plan achevé
L’Idole, sans détour 
Est ressuscitée
Comme au premier jour

Fenêtre sur Cour

L’éblouissement
Du petit matin
Suspendit le temps 
M’aspira sans fin
Sous les arrondis
du téléviseur,
Témoin perverti
De toute langueur 

Comme un chef d’orchestre
Délaissant sa vie
Pauvrement terrestre 
Pour celle d’autrui
J’entre par la vue,
Spectateur assis,
Et reste à l’affût
Guettant l’inédit.

Le building m’effeuille
De sa vue plongeante 
Brèche en trompe-l’oeil
Qui soudain me hante.
Sans un mouvement
Pas sans volonté
Je vis le moment
Démiurge incarné.

Mon esprit s‘agite
Ajuste la mire
Cherche l’insolite :
Enfin le désir
Vole à tire d’aile
Jusqu’au vaisseau-mère,
Mon ventre éternel,
Y raréfie l’air.

En prophétisant
Les sombres ravages
Du petit écran,
Son culte pas sage,
Rear Window fait sens
Et touche en plein coeur 
Par la fulgurance
De mille lueurs. 

Hitch traque l’immonde,
L’indicible horreur
Le crime à la ronde !
Tout grand créateur
Joue avec nos nerfs
Use de ses tours
Noyés de mystère
Pour ravir l’amour.



dimanche 31 mai 2020

Splendor in the Grass. "Are you happy ? I guess so". Splendide finale. Paris 2012


Certains films vous marquent à vie. Certains épilogues encore plus. Mon copain Philippe (on en a passé des heures sur 2 ou 3 beaux projets qui verront peut-être le jour sait-on jamais) m'a fait découvrir beaucoup de réalisateurs (Robert Mulligan notamment) et films dont le sublime Splendor in the grass (Elia Kazan. 1961)

Je ne résiste jamais à l"idée d'organiser un jour prochain un tournoi planétaire faisant s''affronter les plus belles fins de l'histoire du cinéma façon Grand Chelem. Avec des têtes de séries et tout et tout... Décision moitié "au vote public" moitié jury mondial façon Cannes. Dans le désordre, il y aurait ce final. Dans un autre genre, il y aura toujours Excalibur ou The Thing. C'est comme ça. C'est plus fort que moi.




       

Pusher II (2004) "With Blood on My Hands" - Scène finale

The Thing "Why Don't We Wait Here, See What Happens ..."

dimanche 12 avril 2020

Handman's Tale. La servante écarlate


La Servante écarlate commence par intriguer... Surprenante entrée en matière dans un monde en apparence familier qui rappelle quelque chose comme le mariage improbable de l'Âge de Cristal (pour la société futuriste restreignant les libertés, séquestrant une partie de la population / classe d'âge en l'occurence) et la Petite maison dans la prairie (pour le couvre-chef, la tenue Ingalsienne, la vision rétrograde de ce monde préservé des assauts du temps qui passe, des changements, le passéisme de l'Amérique "Blanche"des premières heures qui voudrait se succéder à elle-même pour les siècles des siècles en oubliant le massacre des amérindiens). Mélange étrange et qui pour tout dire dérange assez vite. Evidemment pas très aimable comme univers, mais surtout pas forcément crédible cette accumulation de strates et de rôles dévolus comme dans une fourmilière... Par ailleurs l'alternance mécanique du passé vers le présent (comme en écho sur l'affiche divisée en 2 parties) finit par lasser comme ne convainc pas davantage les apartés / pensées façon Fleabag (or dans Fleabag c'est tranchant drôle, en mettant intelligemment le spectateur dans la confidence... Ce n'est pas le cas ici, on vient juste éclairer sur la lucidité et les projets du personnage principal). Donc série intrigante mais dispensable de mon point de vue.

samedi 28 mars 2020

Chernobyl


Titanic est une réussite parce que malgré le sujet (une catastrophe, un fait divers ayant vraiment eu lieu), James Cameron réussit la prouesse de tisser autour du drame inéluctable un conte universel, le bateau devenant métaphore de la société de l'époque (mais de tous temps) avec ses parvenus, ses laissés pour compte, ses passe-droits, ses histoires d'amour empêchées par la fatalité, ses musiciens qui jouent leur partition jusqu'au bout du bout pour divertir le peuple (le spectacle quoi, la télévision...) alors que le bateau s'enfonce dans les eaux glacées... Bref tout est sublimé par la vision d'un auteur.

Chernobyl est sombre, glauque, reconstitue de façon soignée une époque, un drame, mais à mon goût ne dépasse jamais le statut du document-fiction, de l'objet créé pour expliquer point par point ce qui s'est produit, ce qu'il est advenu de ces gens sacrifiés les uns après les autres pour sauver l'humanité toute entière... Les personnages deviennent des archétypes qui ne sont là que pour "passer les plats", délivrer des messages, expliquer, décrypter... Chose que des documentaires ont parfaitement réussi par ailleurs... Or le rôle de la fiction est justement de s'adosser au réel pour raconter autre chose, pour sublimer son récit. Chernobyl ne dépasse jamais sa fonction de "documenter" les engrenages et la chronologie de l'horreur. C'est pour cela que j'en suis sorti comme j' y étais entré : un peu plus éclairé, mais pas transporté ni même transformé, juste un peu écoeuré par l'amoncellement d'effets réalistes pour bien décrire les effets de l'irradiation sur les chairs fraîches. Maigre ambition.

  

jeudi 26 mars 2020

Le Daim



Quel talent ce Quentin Dupieux. Il arrive souvent à m'embarquer dans ses univers en apparence triviaux, loufoques ou sans profondeur. En apparence seulement. Il est ici question de folie ordinaire, d'obsolescence des êtres comme des objets (caméscope, téléviseur, blouson en daim, homme à la dérive...). L'un se faisant l'écho, le cri de l'autre. "Les hommes et les choses" mis au ban de l'époque, du temps qui passe et qui remplace tout. Parlons d'ailleurs des hommes : Jean Dujardin que j'aime rarement au cinéma (registre humoristique OSS 117 mis à part) est à l"image de sa partenaire, épatant d'inquiétante bonhommie... Il parvient à rester en permanence sur ce fil ténu qui fait qu'on lui garde une sympathie, qu'on le trouve barré mais attachant dans le fond, qu'on lui pardonnerait presque son penchant pour le crime sanglant auquel inéluctablement il se destine...

La progression "ubuesque" de la narration vers un carnage total ne passe curieusement pas si mal. Gageure donc de faire passer la pilule (pourtant énorme) sans perdre le spectateur. Pour tout cela, le film vaut le détour, mérite d'exister et existe vraiment. Comme ses personnages déglingués.

En revanche, la chute est je trouve à la fois téléphonée et bâclée ou expédiée... Trop à la hâte, Je suis resté sur ma faim. C'est rageant parce que j'en voulais plus, de cette romance cabossée, de cette balade carnassière pour deux âmes paumées... dans ces contrées reculées ou notre cher Daim qui fut à la mode durant l'hiver 1986 se rebiffe et son propriétaire avec le temps d'un film et de remiser aux oubliettes tous les autres blousons portés ou ayant été portés un jour. Personnellement, je serais Quentin Dupieux, je développerais une série TV autour de cet univers et de ces 2 acteurs qui m'ont mis l'eau à la bouche.  

mercredi 25 mars 2020

Les Misérables


Le film a ses qualités (nombreuses) que je ne lui renie pas. Notamment cette volonté louable et qu'on sent rapidement de vouloir se tenir éloigné de tout manichéisme, de rendre à chacun, policier, enfant livré à lui-même par la faute de parents trop absents, petit commerçant impliqué ou maire du cru sollicité par sa communauté, un peu de sa divine complexité.

D'ailleurs le trio de flics ne dit pas autre chose en donnant de la Police ces 3 visages dissemblables  qui cohabitent, se supportent, essayent de préserver une cohérence dans les décisions prises malgré des trajectoires opposées (leurs histoires personnelles), des valeurs irréconciliables (pragmatisme / idéalisme), des expériences si différentes (Province/Paris/Banlieue)...

En revanche, je trouve que d'un point de vue cinématographique le film ne se hisse jamais au niveau de ce que fut par exemple La Haine (je parle d'écriture, de recherche visuelle, de mise en scène, de poétisation par le cinéma d'un sujet social brûlant) ou plus récemment Dheepan (qui lui s'appuie intelligemment sur le film "de Banlieue" pour y faire naître ou en extraire une oeuvre de fiction renversante et assez unique avec le choc des cultures comme révélateurs)... Il suffit d'ailleurs dans chacun des cas de se rappeler comment l'on rentre dans le film. Images d'archives d'émeutes sur "Burning and Looting" pour La Haine, un atroce charnier de l'autre bout du monde dans Dheepan, deux façons d'afficher par quel biais l'on va fictionner le réel... Des ambitions légitimes qui se contentent dans Les Misérables  de montrer une nation à l'unisson un jour de victoire en Coupe du Monde... Assez light tout de même. Et comme point d'entrée dans le film et comme idéal de destin commun...

Par ailleurs, les éléments narratifs (galerie de personnages, élément déclencheur "le vol d'un lionceau" dans un zoo) sont intéressants et suffisamment riches pour lancer les bases d'une série TV, mais on peut légitimement avoir le sentiment que des séries comme Engrenages ont déjà beaucoup dépoussiéré le genre/les sous-genres depuis une dizaine d'année.

Enfin et c'est le plus gênant, le scénario est souvent trop lisible... L'enfant et son drône dont on devine rapidement que pourra être son rôle par la suite, le gaz lacrymogène dans des yeux qui amène à l'erreur coupable du policier. Trop lisible ou trop outrancier.  Comme cette idée agaçante que les règles ici ne seraient pas les mêmes que celles de la République... On laisse entendre que des jeunes peuvent s'échapper quand des policiers viennent les contrôler quand rien absolument rien ne peut le légitimer ou le laisser comprendre... On laisse entendre qu'ils peuvent agir en meute et lyncher un groupe de policier sans avoir à l'esprit que ces derniers sont vraiment armés...  Le film (le réalisateur) a pourtant le droit de prendre position sur des sujets aussi limpides. Je ne trouve aucun intérêt à décrire ces comportements irresponsables sans jamais porter sur un groupe de "décérébrés" en action un regard lucide.

Pour finir, cette étrange tentative de transformer un jeune métis en une sorte de héros mystique cagoulé sorti de je ne sais quel Manga post apocalyptique pose vraiment question sur les intentions du réalisateur... Quel est le but recherché ? D'autant que je n'ai personnellement pas cru un instant à l'émergence de cette figure presque christique que tous les jeunes suivraient aveuglément jusqu'à l'impensable... Quand l'impensable se produit, c'est hélas le groupe, la masse qui prend le pas sur l'individu, jamais le pseudo "héros" qui pense et entraîne derrière lui des hordes de fidèles "en mission"... Pour qui ? Pour quoi ?