dimanche 17 mars 2024

Le règne animal


 La dernière image ? J'adore ce moment où le Papa attend son fils avec l'envie d'avoir une explication. Il a découvert le pot aux roses, lui court après, le ratrappe, ensemble ils tombent au sol, Papa étreint son fiston et le rassure.. Très beau moment  et il y en a d'autres du même tonneau. Dans l'ensemble, la relation père-fils avec la figure absente de la mère (deuil métaphorique et réel à la fois qu'il faut traverser ensemble) est touchante, va droit au coeur. Ceci est rendu possible grâce à ce jeune acteur Paul Kircher vraiment doué. Romain Duris est bien aussi mais on l'a déjà vu comme ça, nerveux, jouant la carte de l'humour (ses rires à la ronde, ses cris dans la nuit) teinté d'une forme de désespoir.      

Pour cette relation et l'univers toujours cinégénique des merveilleuses Landes, le film (j'avais déjà aimé Les Combattants) vaut le détour.

Maintenant si l'on creuse un peu... J'ai quelques griefs malgré la sympathie générale que m'inspirent ce réalisateur et son film.

Commençons par la fin. Je n'ai pas été convaincu par cet épilogue. Le papa est enfin résolu à laisser son fiston voler de ses propres ailes. So what ? Il va s'installer à 800 mètres dans un nid maousse créé par un homme oiseau ?  Mais rien n'est réglé ! D'abord son fils est-il vraiment d'accord ? Peut-être pas... Lui a-t-il vraiment demandé son avis ? Pas vraiment. Toute leur relation parle justement de cette ill communication, de l'humilité du rôle de parent. Ensuite on imagine bien dans la droite lignée des premiers "ratissages" en régle effectués par la police quelques temps plus tôt que le fiston finira bientôt atrappé voire pire... tué ? Si une fois sa transformation achevée on le trouvait par exemple à tourner autour de quelques poulaillers du côté de Lit-et-mixe. D'ailleurs voilà une question jamais abordée : Qu'est-ce qu'ils mangeront ? S'entredévoreront-ils ? La chaîne alimentaire se remet-elle en place ?

C'est le deuxième point qui pose problème : ces créatures sont vécues comme fondamentalement humaines et qui le restent par delà leurs mutations. Comme ayant, comme gardant des notions du bien et du mal... Elles ne font du mal que parce que l'homme est méchant (la blessure involontaire infligée à un camarade vicieux qui manie les ultra sons comme d'autres la trique). Cet angélisme est agaçant. Les animaux sont par principe sympas, semblent vivre en communauté, en toute quiétude... Le problème ce ne serait pas eux ce seraient les hommes nous dit-on entre les lignes... On rejoue en cela toute la cosmologie des super-héros (tant de films déjà sur le sujet des mutants) qui sont vécus comme différents et haïs par le genre humain donc obligés de vivre cachés etc. Je pense aussi à La forme de l'eau qui abordait avec la même ambition le sujet de la différence, de l'exclusion, des appétits aiguisés de quelques puissants ici ou là pour cette chose déviante et ses potentialités sur un plan commercial...  

J'ajoute sur le genre qu'il y a des précédents... Evidemment Manimal dans les années 80 mais plus près de nous la série Sweet Tooth. Et ça me fait penser justement que ce film m'évoque finalement plus le pilote d'une série qu'un véritable long métrage. D'abord parce que cette fin comme je le disais reste assez ouverte. Ensuite parce qu'un personnage comme la fliquette ne mène (en l'état) nulle part. Une fausse piste qui nous laisse penser qu'elle peut mener quelque part et puis rien... Evidemment enfin l'absence d'explication sur ce phénomène laisse légitimement à penser que peut-être nous sera révélé un jour la façon dont tout ceci a commencé... Voilà donc un pilote sympa d'une série qui pourrait être une Sweet Tooth à la française, à la Landaise.   

Pour finir et c'est peut-être ce qui me gène le plus le film s'empare d'un genre (le fantastique) pour filer une métaphore somme toute classique sur des thématiques éternelles. Comme d'un prétexte en somme.  L'absence de la mère, de son corps rappelle ces deuils impossibles à faire lorsqu'un proche est porté disparu mais dont on ne sait dire avec certitude s'il est encore de ce monde ou pas. Par ailleurs ces métamorphoses chez le fiston sont évidemment le reflet direct de ces tranformations adolescentes (croissance, poils qui poussent, dents de lait qui tombent, désir physique qui s'éveille). Leur rapport toujours juste à la cruauté (entre eux, concurrence en jeu en vue des premiers émois) à la mort (celle de l'enfant qu'ils ont été). La scène de la découverte des dents rappelle par exemple la fameuse confrontation où le parent demande des explications à l'enfant après avoir découvert que ce dernier fume... La séparation finale évoque le départ de l'enfant du foyer familial.  Un deuil parmi d'autres. Bref je regrette pour ces raisons un matériau finalement un peu trivial et un genre utilisé comme pretexte.

Mais je garde au film ma sympathie pour sa poésie, son couple père fils un peu perdu mais si touchant. Par les temps qui courent, un film qui fait du bien. 

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