samedi 30 décembre 2023

Breakfast at Tiffany's. Blake Edwards

La dernière image ? Audrey Hepburn. Son petit minois. Sortant de ce taxi sous une pluie battante pour retrouver le chat de son coeur.

L'une des grandes séquences de fin sur grand écran. Merci Blake Edwards

L'amour, le romantisme, plus forts que tout.

Le cinéma plus fort que la vie. Moon River forever, Henri Mancini. Tout était là.    


   

jeudi 28 décembre 2023

Chinatown. Roman Polanski

La dernière image ? Evidemment ce plan de fin secoué d'un interminable coup de Klaxon qui glace les sangs tant il est annonciateur du pire... Fantastique séquence finale qui marque à tout jamais les esprits.

Que dire sinon que Dashiell Hammett, Jim Thomson ou Raymond Chandler ont trouvé à qui parler dans ce chef d'oeuvre qui ne singe pas (comme trop souvent) mais réinvente le genre et le mythe du détective privé en lui donnant assez de chair (celle du nez en particulier), de cynisme (ce Jake Gittes prêt à tout pour percer chaque secret tombé suer son chemin) et de sentiments malgré tout : je pense à son regard trouble quand il reçoit de la bouche du personnage divin de Faye Dunaway enfin la vérité sur sa soeur / fille et qu"il comprend confusément le malheur qu'il cause aux femmes qu'il a essayé de protéger en vain. Explication en filigranne de sa distance et de ses froids calculs...

Que de séquences mémorables où de l'intime familial à la sphère politique (gestion de l'eau aux alentours de Los Angeles), Polanski sait comme personne nous faire passer de l'infiniment petit à l'infiniment grand (dans tous les sens du terme) sans jamais changer de repère / paradygme. Tout ici est à la fois quantique (les effets infinitésimaux des actes posés par les personnages sur eux-mêmes) et gravitationnel (la gravité, le poids du destin, de cette culpabilité sur les épaules des différents personnages émaillant le récit).

Polanski à son meilleur !

Et quel score ! Jerry Goldsmith was here.



lundi 25 décembre 2023

L'Atalante. Jean Vigo

 

La dernière image ? ces plans brûlants, à l'emporte pièce, sur la nuque offerte de Dita Parlo. Quasi caméra portée, aussi vivante que les personnages, aussi enlevée que le cadre toujours surprenant, constamment renversant.

C'est ce qui me frappe en découvrant L'Atalante sur le tard : sa modernté, sa liberté aussi, le sentiment que Jean Vigo a ce truc en plus dans le fond de l'oeil, de l'âme, des deux, pour enchanter chaque plan, pour livrer des instants de grâce suspendus.

Son regard fait beaucoup. C'est un peu la nouvelle vague avant l'heure. Des acteurs habités (Michel Simon fantastique dont on perçoit qu'il improvise souvent avec le génie qu'on lui connaît), une caméra qui danse autour, beaucoup d'extérieurs divinement filmés, un poète éclairé à la baguette qui livre des moments d'anthologie : la course éperdue sur le sable, le bal et son côté Raymond Quesneau période Zazie dans le métro, l'arrivée dans le brouillard sur Paris, les déambulations éthyliques de Jules, l'intérieur cosy constellé de chats, la recherche de l'être aimé sous l'eau... 

Une vraie claque surtout lorsqu'on réalise que l'Atalante n'est qu'un premier long métrage réalisé avec trois bouts de ficelle (peu de moyens, cela se voit) mais par un authentique génie en 1934 !!!   



La femme au portrait. Fritz Lang


La dernière image ? Cette femme de la séquence finale qui vient demander du feu et retrospectivement le héros qui s'exclame "non merci", sorti de son cauchemar il y a si peu et conscient du risque qu'il court à lier relation avec cette inconnue face au portrait qui pourtant le fascinait tellement.

Fritz Lang raconte par le menu la façon dont les histoires qu'il crée lui viennent... Du réel. Toujours. Un tableau dans la rue, une anecdote sur les effet sd ela Valéeriane, un fait divers, le visage bonhomme de l'homme du vestiaire, le portier de nuit et sa silhouette élancée...   

Le film commence de façon très classique avec ce dérapage incontrôlé dans l'appartement de la jeune femme dont le héros s'éprend. Après coup, on comprend que tout ce qui s'exprime ici est psychanalytique (la peur de franchir la ligne rouge de son désir, la crainte de tomber nez à nez avec le mari ou l'amant en furie, la culpabilité née de ce qu'on imagine être la réaction de sa femme et de ses enfants en découvrant la duperie du père de famille).

Puis l'engrenage se met en place et dès le lendemain matin, nous entrons par le menu sur tout ce qui menace la tranquillité et la santé mentale du héros. On pense alors à Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon lorsqu'il est malgré lui contraint de revenir sur les lieux de ses méfaits... L'adultère, le meurtre, la dissimulation...  

L'iirruption du maître chanteur vient rajouter une couche au drame inexorable qui se met en place.

Et tout ce temps, il n'était pourtant question que de cinéma onirique, avec ses plans énigmatiques sur des tables de chevet où le téléphone décroché sonne inlassablement dans le vide (la passion par exemple d'un David Lynch dans ses futurs films non moins oniriques).

Le fameux gros plan sur le visage d'Edward G Robinson enfoncé dans un fauteuil qui passe imperceptiblement de son intérieur au salon impersonnel d'un l'hôtel de luxe est proprement génial.

Voilà donc un film qui l'air de rien a essaimé bien au-delà de ce qu'on peut en imaginer. Un certain cinéma mental est peut-être né avec ce film de Fritz Lang.


dimanche 24 décembre 2023

L'étrange noël de Monsieur Jack


La dernière image ? Ce baiser de fin entre Miss Frankenstein et ce cher M Jack qui nous prouve par le menu que l'enfer est décidément pavé des meilleures intentions.

Petit chef d'oeuvre (on oublie que même si l'univers est charnellement celui de Tim Burton c'est à Henry Selick que l'on doit cette petite meveille). Horreur ? Fantasy ? Comédie musicale ? Animation ? Conte de Noël ? Et bien c'est un peu tout cela en mêm temps. Sorte de trait d'union génial entre Beetlejuice, Les noces funèbres ou Edward aux mains d'argent.

L'esprit de Noël est parfaitement restitué. Il n'est au fond (on le comprend aisément) jamais là que pour mettre du baume aux coeurs, faire oublier que c'est l'univers sombre de Jack qui mène toujours le monde. L'envie de donner du rêve n'est légitime et nécessaire que pour conjurer le sort et parce que l'intuition la plus répandue nous rappelle à l'évidence : la maladie et la mort sont partout, l'existence y mène tout droit... Malgré cela, on peut essayer de rêver, d'être heureux le temps d'une nuit magique et même, allez soyons fous, de tomber amoureux. C'est tout ce qu'on peut se souhaiter. Good night Jack !

samedi 23 décembre 2023

French Connection. William Friedkin

 

La dernière image ? Cette course en bout de quai, ce jeu du chat et de la souris dans le métro Newyorkais. Popeye (Gene Hackman) finit floué par la petite souris française, la roublardise du cerveau Marseillais qui finira d'ailleurs par retomber sur ses pattes une énième fois lors du chapitre final. La poudre d'escampette. Encore et encore.

Je confesse avoir mis beaucoup trop de temps pour découvrir French connection qui fait objectivement toujours un effet boeuf aujourd'hui. Il est évident que toute une floppée de longs métrages potérieurs et série TV (The Wire) s'en sont terriblement inspirés. Aucun doute. L'idée d'un duo de flics à la vie dissolue par une enquête qui les ronge, ce concept de l'ultrra réalisme, caméra à l'épaule (Popeye, on l'a dans le nez, on est avec lui, viscéralement). qui rend New-York plus vraie que nature.

Il est partout l'héritage de ce film qui aura été une sacrée claque et une référence centrale du polar réaliste, presque documentaire. Sensationnel.

Et puis il y a cette séquence finale à l'atmosphère lugubre dans ce lieu abandonné, presqu'hanté, qui rappelle davantage l'épilogue d'un film d'horreur, la fameuse caverne où s'affronter au "monstre". Avec des fortunes diverses.

Chapeau Friedkin !

Le jour se lève. Marcel Carné


La dernière image ? Ce dernier face à face Berry / Gabin déclencheur de l'irréparable et qui pour y parvenir atteint de sommets d'intensité. Evidemment les dialogues de Prévert y sont pour quelque chose. Mais Gabin avait avoué à plusieurs reprsies ne pouvoir perdre ses moyens que face à ce monstre sacré qu'était Jules Berry... Il confessait pouvoir s'arrêrer pendant une scène pour le regarder jouer. Il était comme au spectacle. Mais je crois que cette éxigence ici posée par le génie de Berry ne fait justement que transcender le jeu de Gabin et leur interaction dans ce derner chapitre.

Le film a peut-être vieilli mais le mécanisme (flash-back) était novateur et précurseur de ce qu'exploitera notamment Welles dans Citizen Kane 2 ans plus tard. Et puis d'autres moments clés reviennent en mémoire comme ce long regard de Gabin sur le petit jour naissant à travers une vitre brisée. Comme son long monologue de fin (brillant) ou ce dernier plan très Lynchien de cet appartement : le corps du héros gît sous un rideau de fumée dans le plus pur esprit Red Room.

Dire qu'en quelques mois Carné aura tourné Quai des Brumes, Hôtel du Nord et ce fantastique Le jour se lève.
  

L'homme sans passé. Aki Kaurismaki

La dernière image ? Ce plan en parfaite plongée, tentative d'immortaliser à la nuit tombée et par au-dessus un futur ex homme invisible ayant pris les eaux et le sang de toute part sous un masque de protection pour soudeur, paisible dormeur du val verdoyant d'un parc d'Helsinki.

Ici, les couleurs, le détachement, l'élégance des personnages, les rondeurs de l'univers, l'utilisation toujours à propos de la musique, les influences nord américaines tout droit venues des sixties... Tout est absolument aimable. J'aime beaucoup Kaurismaki en cela. Et il me rappelle d'ailleurs énormément (c'est leur génération) Jim Jarmush. Deux frères siamois de style et d'influences.

La thématique est par ailleurs magnifiquement déployée tant le film sait redonner aux "sans culottes", à l'inactif, à l'imprévu toutes leurs valeurs cardinales, comme une étincelle, un feu de joie pour célébrer un nouveau départ une fois le malheur oublié, conjuré.

Au final, ce qui peut retenir un peu le bonheur ressenti, c'est cette économie du geste, cette retenue du sentiment, ce besoin d'installer le retour de l'amour dans l'immobile, dans la mécanique d'une forme de cinéma muet parfois, dans le sens donné à du détail visuel, à tous ces maniérismes qui peuvent finir par laisser le spectateur à distance de ce personnage principal pourtant si attachant.

C'est pourquoi je garde de ce festival de Cannes 2002 une franche préférence au Pianiste. Oeuvre majeure, marquante du 7ème art par un Polanski des grandes heures.  L'homme sans passé est beau, il est touchant, mais un tantinet froid et maniéré.      

lundi 4 décembre 2023

Evil Dead Rise


La dernière image ? Le carnage initial qui fait idéalement le lien avec l'univers de Sam Raimi des 2 premiers opus. Avant de revenir (comme pour Predator d'ailleurs entre le 1 et le 2) vers les mondes suburbains d'aujourd'hui, de nos chères villes à saturation de pollution, d'agitation, de dépressions en tout genre.

J'apprécie pour commencer la volonté de faire exister cette famille. La mère courage qui gère toute seule la floppée de marmots plus vivants tu meurs. et la soeurette qui paye pas de mine, qui revient chercher du réconfort dans cette tour assez flippante des bas-quartiers. Où l'on sent que les travaux de copro ont pris du retard. Déjà cette volonté de de pas partir sur l'étenelle bande de sihouettes adolescentes interchangeables a du bon.

Par ailleurs, si l'on prend le temps de prêter attention, les références et citations sont innombrables et finement amenées. On n'est clairement plus dans l'esprit "potache" d'un Evil Dead 2 (sauf lors de la scène du partking souterrain) et l'on va chercher des clins d'oeil à tout un tas de films, depuis l'Exorciste jusqu'à The Thing. en passant par l'Ascenseur ou Shining.

Il y a aussi d'appréciable la peur et le suspense savamment distillés au corus de transformations progressives, par étapes qui contribuent intelligemment à préparer le bouquet final.

Reste que l'ensemble manque un peu de grain, de relief, c'est peut-être un peu trop léché, le film victime d'effets spéciaux calibrés... Par ailleurs ce treblement de terre et la présence d'une platine 33 tours arrivent vraiment comme de cheveux sur la soupe... Mais bon... 

Le positif l'emporte quand même pour moi sur le négatif parce que tout bon fan de ce genre en sortira convaincu que ce réalisateur est aussi un fin connaisseur. Son film recèle vraiment nombre de petits messages codés (jusque dans certains mouvements de caméra) que seuls ses pairs sauront décrypter.

mercredi 22 novembre 2023

Dheepan. La comédie romantique ultime

 

Une déflagration finale

Née d'un coup de foudre

En guise de sacrifice, le signe

Sans calcul, sans retour,

Que voici la comédie romantique ultime.

Voulez-vous des preuves ?

Happy end, bonheur conjugal

Et cerise sur le gâteau

Un beau bambin à la clé.

Le genre de dénouement

Qui fleure bon celui de Taxi Driver

Tout va mal finir, c'est sûr,

la folie du personnage principal

Le perdra forcément,

L'entraînera par le fond...

Et puis non ! Parce qu'il croit

Suffisamment fort à cette jeune femme, 

A leur histoire, à l'histoire du film…

C'est que Dheepan opère une vivisection en live

De "trois personnages en quête d'acteurs".

Au delà d'un sujet d'actualité brûlant

- l'intégration du nouveau venu dans une enclave,

pays dans le pays  -, l'entrée en matière nous familiarise

avec trois acteurs se cherchant, apprenant

Leur nouveau texte, incarnant

Les rôles respectifs qu'on leur assigne…

Le spectateur s'identifie d'autant mieux  

Que tous trois deviennent ses yeux, ses "deep eyes". 

Et comme souvent dans pareille situation,

La magie n'opère que lorsqu'ils finiront

Par y croire eux-même, lorsque de leurs tréfonds

L'amour surgira tout seul du genre tout-puissant,

Matriciel. Enseignement sacré. Tout est là.

S'enrouler à 3 autour d'un même thème,

Y faire naître du sentiment malgré 
 
l'austérité, le déracinement,

La discrétion et la pudeur.

Juste de quoi étouffer l'émotion

Assez longtemps pour qu'émerge

des ténèbres le bouquet final

Démentiel, organique,

Un feu d'artifices surgi des tripes,

Vécu de l'intérieur, à fleur de peau,

Au niveau quantique de nos poils dressés !

mercredi 15 novembre 2023

Brazil 1985. L'évasion ? Un art de vivre

 

Brazil, déploie tes ailes
Envole-nous,
Vole-moi dans les plumes,
Extraie de nos matières
Le fragile de l'argile
A ta manière, enjouée,
A ta façon, agile,
Les échos mélancoliques
A l'étouffée, de nos Bossas.
Ton baiser sur ma joue ?
Un battement de cils pour m'évader.
Rêveur aux anges, m'immergeant,
Me laissant porter sous ton zèle,
Ou comment échapper aux griffes
De ces vies "prospectus"
Par ta vision tendre et chaude,
Ode à la résistance, sur un mode vivace,
Face au monstre invisible, implacable
Tapi au coin de chaque petite rue 
De la grande cité étouffante :
Boa constrictor qui fait les yeux doux
Pour mieux nous réduire au silence éternel.

lundi 13 novembre 2023

The Killer. David Fincher. Son nom est personne


La dernière image ? Le divin face à face Fassbinder / Swinton dans un restaurant cossu où ne subsistent que le superflu, les apparences, les plaisirs de la table pour oublier, de petits expédients de circonstances dans un cadre aussi fastueux que glacial. Sorte de purgatoire avant l'heure. Qui juge ? Qui est jugé ? Fabuleux moment où chacun devient le miroir de l'autre, où la mort imminente de l'un préfigure déjà celle à venir de l'autre, où l'un fait siennes les pensées de l'autre, où l'Ours de l'histoire (le destin) sussure au chasseur devenu chassé : "Il n'y a pas de fumée sans feu, tout ce qui arrive, ne l'aurais-tu pas un peu cherché après tout ?"

The Killer comme souvent avec Fincher est en avance sur son temps. Il prend les devants et à rebours  un genre immortalisé par Melville dans Le Samouraï. Point Blank et Boorman ne sont pas loin non plus d'ailleurs avec un Lee Marvin tirant le fil d'Ariane pour remonter jusqu'à sa cible éparpillée sur le globe dans un mouvement artistique qui tend vers l'abstration, l'immatériel, l'écume d'une idée de vengeance. Transfiguration géniale de la lutte des classes où l'ouvrier revanchard découvre que l'exploitant n'a pas forcément de visage dans une société de la dématérialisation, de l'internationalisation, de la  mondialisation, de la bulle spéculative prête à chaque nouvelle seconde à éclater au bord des lèvres d'un tueur silencieux. Qui parle si peu. Qui pense si fort. Aussi fort que ses petits rituels censés conjurer le sort.

Ce qui fait mouche avec Fincher c'est cette certitude que le "killer" n'est pas qu'une série B bien troussée (trois ou quatre séquences déjà mémorables : l'introduction, le combat dans la pénombre, le restaurant, toute la séquence finale sans un coup de feu - résilience quand tu nous tiens). The Killer est une métaphore filée de la génération start-up avide de gros sous, de ces "killers in the corp" prêts à nous vendre du vent pour se remplir les poches... En France, dans les années 80, on avait déjà coutume de dire, "lui là, c'est un killer"... Valeur cardinale ! Comme si être un tueur et gagner beaucoup d'argent valaient mieux que d'avoir une colonne vertébrale, des valeurs, un cadre moral. Mais dans The Killer comme dans les affaires, pas de sentiments, loi du marché, les paradis fiscaux qui prévalent, qui font rêver, pas d'autre ancrage ici que le cloud, des miles en veux-tu en voilà dans tous les rêves jusqu'à rendre jalouse une hôtesse d'accueil de l'aéroport. Au programme ? Désincarcération, décorporation jusqu'au 77ème étage avec vue imprenable sur un nombril, chacun ici est seul, vit collé serré avec ses écrans, son chauffeur, ses places attitrées dans les beaux restaurants, ses voix de (ré)confort au bout de la ligne.... Le tout technologique boucle l'âme, libère l'égo pour une déconnexion progressive de chacune et chacun avec le réel... Et dans ce chaos millimétré, le personnage incarné par Fassbinder qui campe si bien l'obsolescence, l'absence à soi (ces paroles répétées a l'envi pour exécuter mécaniquement son programme de nettoyage), l'appât du gain sans jamais essayer de comprendre pourquoi il fait ce qu'il fait, commence à comprendre enfin une fois son heure passée, une fois l'erreur commise, dès que le grain de sable enraye sa belle machine. Il retrouve alors une forme d'enracinement, d'étincelle d'humanité, dès lors qu'il prend l'engagement (viscéral) auprès du frère de sa compagne de casser le cycle infernal à l'oeuvre. Cycle qui s'achèvera d'ailleurs sans la moindre effusion de sang. 

Ainsi, de déchets en postiches, de poubelles (nuimériques ou pas) en fausses identités, d'hacking en irruption bien physique dans une propriété cossue de Los Angeles, The Killer démontre comment le capitalisme a vidé de sa substance l'interaction fondamentale des êtres entre eux. C'est ainsi que la valeur d'une parole (cette promesse finale de la cheville ouvrière au grand patron) prend toute sa force car une poignée de main, un mot, un regard, valent signature en bas d'un contrat virtuel entre deux hommes qui se voient, s'écoutent et se comprennent enfin. L'obéissance s'est faite autonomie, la routine  de sang est devenu prise de conscience ouvrant la voie à de nouvelles habitudes. Sans coup de feu. Un engagement commun pacifique dont il ne reste aucune autre trace que ce dont nous, le spectateur, avons été les témoins privilégiés.

Il s'agit donc pour finir de revenir à l'essentiel. L'interaction de deux humains réinjectant le temps d'un échange au sommet d'une tour un peu d'humanité, dans ce monde arctique, désossé, où chacun finit par ne plus savoir qui est l'autre, quel est son nom, où plus personne ne sait où il habite, d'où il vient, ce qui le porte, quel est au fond le sens de sa présence au monde...

La forme et la narration, coupantes comme du rasoir, sans fioritures, brillantes, permettent à l'instar d'Un tueur sur la route (James Ellroy) d'entrer opportunément dans les pensées de ce tueur à gages. Opération rendue possible par cette séquence d'introduction qui ne fait pas que rendre brillamment hommage à Fenêtre sur cour  d'Hitchcock, qui éclaire notre monde où nous sommes tous à la merci d'un regard, d'une caméra, d'un hacker, d'une balle perdue... Nous sommes bien dans sa tête, écoutant sa musique, pour mieux entrer non pas en empathie (quoi que) mais en résonnance, en intelligence avec tout ce que la problématique de The Killer met en branle par la suite, pour lui, ses valeurs (quelles sont-elles ?) et la finalité supposée du capitalisme : pour mieux amasser, effaçons l'Homme, notre trace, qui sait  ?            

dimanche 5 novembre 2023

Le gouffre aux chimères


La dernière image ? Kirk Douglas s'élevant dans les airs pour rejoindre la sommet de sa pyramide rêvée et déclarer solennellement que la fête (The Big Carnival) est finie !

Tout est dans cette séquence qui prouve à quel point le génie s'exprime pleinement quand la forme (la mise en scène, le choix des comédiens) et le fonds (l'histoire, le découpage, le scénario) se répondent divinement.

Le Gouffre aux Chimères est un chef d'oeuvre d'une intelligence rare, il est surtout précurseur de cette prémonition de Wharol expliquant l'époque qui venait, la malédiction du quart d'heure de célébrité, l'emballement médiatique autour d'un évènement aussitôt chassé par un autre... Le désert puis Woodstock puis le désert... Et le Léo qu'on affame, qu'on maintient sous respirateur artificiel le temps que les "likes" aient atteint le sommet attendu... Quelle modernité !

Le portrait de ce journaliste à la recherche du scoop ultime et prêt à tout pour l'obtenir, trouvant dans le shériff un allié de circonstances pour en faire le Roi d'un jour. manipulant la future veuve qui doit rester éplorée pour le bien de "sa" narration, faisant à la pointe de sa plume la pluie et le beau temps, est d'un cynisme, d'une clairvoyance, d'une puissance sans pareil. C'est aussi au vitriol le miroir tendu à une Amérique peu ragoûtante qui risque, à mépriser toute morale, de finir par réveiller la colère des esprits du lieu qu'elle a profané.

lundi 23 octobre 2023

Elser, un homme ordinaire


La dernière image ? La première séquence évidemment. Cette souffrance physique, la respiration hachée, les genoux et les jointures des mains en sang. L'extraction d'un long processus qui peut être celui de l'artiste, sculpteur du chaos, à l'oeuvre. Cette séquence est à l'image de ce qu'aurait dû être tout le film, une sorte d'Invitation au supplice Nabokovien. Le Nazisme convoquant les codes des univers noirs et totalitaires de Kafka dans lequel luttterait un personnage éclairé, visionnaire.

C'est pourquoi la construction du film rappelle davantage celui d'un téléfilm sans aspérités, porté par un acteur un peu informe au visage trop gentillet. Ordinaire oui mais cet homme l'était-il ? Absolument pas. Il était libre et indivisible par la pensée qui unifie, corsète.

Le fait de démarrer après l'attentat raté met d'ores et déjà dans une narration trop linéaire et peu palpitante. Dommage.

Les allers retours temporels hasardeux ne rendent d'ailleurs pas justice à ce qu'aurait dû ce long métrage : une plongée âpre, silencieuse dans le jus de la liberté, dans l'obsession inaliénable d'un utopiste, le croisement de l'idée et du réalisé. Les grandes théories à l'épreuve du réel. La vitalité de chaque instant tendue vers un objectif. Ce trou qu'il faut inlassablement creuser.

Je crois sincèrement pour avoir travaillé sur un projet autour d'Elser que la quintescence, le coeur du film ne bat vraiment que durant cette année de préparation dans ce lieu vidé de ses habitants à la nuit tombée. C'est là que vit le film. Que son intérêt supérieur réside.

dimanche 22 octobre 2023

L'armée des ombres

La dernière image ? Evidemment cette course et une voix off sur les ressources à trouver en soi pour repartir à chaque nouvelle aube, prendre un nouvel élan, courir, s'échapper... Fabuleuse idée, fantastique mise en scène.

L'arme numéro 1 de Melville c'est d'ailleurs vraiment ça, c'est le style. Il a une élégance, un art de raconter par l'image, les regards, les sons, une forme de minimalisme, le hors champs. Tout y est cinéma..

 Le cinéma, l'image redeviennent ensemble à la fois les véhicules et le coeur du message à faire passer.

Ce que l'on retient aussi c'est l'hommage sincère aux anonymes, celles et ceux qui font et ne parlent pas... Qui agissent plutôt qu'ils ne parlent / tergiversent. D'où la force de la voix off plaquée sur des visages fermés, déterminés. 

Pendant que les politiques impriment la pellicule, occupent les ondes, prennent la lumière sois le maquillage, les ombres, les vraies, s'agitent en coulisse pour libérer toute une nation, faisant silencieusement sacrifice de leurs peaux.

Les vrais héros sont toujours là, tapis dans l'ombre des coulisses de l'héroïsme, du patriotisme le plus pur.

Des moines-soldats prêts à mourir pour la liberté.


jeudi 12 octobre 2023

Indiana Jones. Cadran de la destinée

 

La denière image ? Cette entrée en matière, Indiana Jones retrouvé, mes chères années 80 de retour sous mes yeux. Autant la technologie s'était révélée foireuse pour The Irishman (De Niro et Pesci complètement statufiés, sans expression) autant Harrison Ford donne de l'espoir à tous les futurs octogénaires (s'ils ont cette chance) car dans sa forme actuelle comme dans son retour à la quarantaine, il est toujorus aussi facétieux, l'enfance de l'art baigne cet acteur qui nous rajeunit avec lui, qui rend heureux.

Sinon de très bonnes idées dont ce retour à l'époque d'Archimède (voulu par ce dernier) et la tentation d'Indie d'y rester pour toujours, pour changer peut-être le cours de l'histoire... Mais on ne m'enlèvera pas que même si Mangold a du talent (j'adore Copland), il n'est pas Spielberg et cet énième opus ne cesse de me faire ressentir cette curieuse impression qu'on reprend sagement les ingrédients qui ont fait le succès de la Saga sans finalement jamais prendre un vrai risque (sa mort, une vraie mélancolie, ....).  Le programme attendu défile et on sort content, sans plus.

lundi 2 octobre 2023

Babylon


 La dernière image ? Un éléphant s'invite à la fête... The Party, Blake Edwards, seraient-il convoqués ? 

Qu'il est loin le temps de Good Morning Babylonia, fresque historique foisonnante pas exempte de gros défauts mais qui contenait nombre de moments gradioses, mémorables, et du lyrisme, du beau lyrisme... 

Que ce Babylon en comparaison est mauvais, dit tout de la vacuité de l'époque (la nôtre en l'occurence)  ! Un mal de tête ambulant où chaque acteur cabotine comme jamais, en fait de tonnes, où chaque séquence singe la précédente : montée d'adrénalise puis ça vomit, ça s'évanouit, ça tombe dans une piscine etc etc.

Non, passez votre chemin, le cinéma, le vrai doit se retourner dans sa tombe en voyant ça.       

vendredi 29 septembre 2023

Faute d'amour. Loveless

La dernière image ? Ces deux parents réunis malgré eux dans une morgue pour identifier le corps de leur fils, mais est-ce leur fils ? Est-ce Alioucha ? Tellement puissant... Ces deux insolubles l'un dans l'autre, dissociables dissemblables, incompatibles qu'on oblige à faire corps et bonne figure le temps d'une identification... 

Je suis un inconditionnel du Leviathan de ce réalisateur surdoué pour la mise en images de ses pensées, de ses envies, de ses messages et qui ensemble touchent en plein coeur. C'est un authentique cinéaste, sa vision transcende le scénario et crée un monde dans lequel on pénètre avec délectation. Les comédiens sont divins, chaque plan vous éclaire, comme de l'intérieur, allume de petites étincelles qui vous donne à réfléchir, à comprendre le monde d'aujourd'hui, sa déliquescence au contact du tout capitaliste, du tout "pour soi"... C'est un peu ce qui emporte les 2 personnages principaux vers le malheur, sans le savoir.    

Ici encore, la force inouïe vient de ce paradoxe qui voit se télescoper l'aspiration collectiviste d'une société avec les petits rêves matériels (de pacotille) des uns et des autres... Lorsqu'il s'agit de mettre en branle les moyens de la communauté pour retrouver le petiot, ça y va de façon organisée mais toutefois déjà glaciale, désincarnée. Sans affect. Mais les deux parents ne sont ils pas également absents à cet amour qui aurait pu tout changer. Chacun mangé par ses propres turpitudes (la lâcheté du père, sa soumission à un système, l'ambition dévorante de la mère d'une dureté sans pareil) jusqu'à cette séquence finale de la femme en extérieur qui fait du surplace sur un tapis de salle... une image qui semble dire... comment en est-on arrive là ? Le monde marche vraiment sur la tête et qui marche sur la tête court à sa perte...

Tout le programme du film est au fond dans son titre (Loveless) et c'est peut être un peu aussi sa limite... Dans sa volonté de faire ressentir la cause du drame, il est un peu froid, distant. Mais il y a tellement de talent chez ce monsieur.

samedi 19 août 2023

Nope


La dernière image ? Ce que je pourrais sauver ? Probablement cette séquence de dérapage fatal d'un Chimpanzé à la vue d'un ballon qui éclate... Sur un plateau de télévision. Quelques réminiscences de grands moments signés Richard Franklin (Link) ou George A Romero (Incidents de parcours). J'aurais pu également retenir ce moment à la nuit tombée dans le centre équestre : des garnements y campent des Aliens facétieux. Joli moment d'angoisse.

Pour le reste, ce film est un naufrage. Le pire de son réalisateur. Pour une première raison toute simple :  Rien n'existe. On ne croit à rien. Ni à ces personnages dont rien ne nous permet de croire qu'ils sont à la vie ce qu'ils disent être (on reverra The Rider pour comprendre ce qui crédibilise une passion et un métier, l'ancrage d'un personnage dans sa géographie). Ils ne sont que des pancartes, ces bonshommes sacs poubelle articulés par le vent. Lui n'exprime rien, pas une seconde. Elle gesticule et s'exprime comme une nana de la grande ville. Le décor n'existe pas davantage. Sorte de théâtre à ciel ouvert, sans vie, sans odeur, sans rien. Alors quand vient le moment de faire émerger des sentiments (la peur, la mélancolie, l'amour) de moments et de personnages en carton-pâte, évidemment rien ne se passe, rien n'émerge si ce n'est du ridicule ici et là... Les messages qui sont censés êtres passés deviennent lourdingues : pseudo réflexion sur l'image ou la création (l'étron volant, ce serait le réal et les héros ses personnages ?), la société du spectacle, l'audimat et le scoop à tout prix, la malbouffe (ce personnage en plastoque qui provoque la mort du sphincter spatial) voire déconcertants de puérilité. Puisque le matériau lui-même n'existe pas (je pense à cette soucoupe volante qui joue à cache cache derrière les nuages, sacrément plus convaincante même dans La soupe aux choux) .

On cherche à comprendre mais y a t-il quelque chose à comprendre ? Ce frère et cette soeur qui vivent dans cette ferme ne connaissent personne... Juste un ex enfant star traumatisé (par un singe devenu fou) et un installateur Amazon soucieux de sa note sur l'application... C'est tout ! Pas de famille, pas d'amis,  pas de fournisseur, pas de client, pas de banquier, pas d'interaction avec le vaste monde ? C'est à l'image du chapitrage qui ne présente pas le moindre intérêt. Une facilité dans l'interruption de séquences en faisant se succéder le silence et un plan noir à des hurlements. Tout ici est factice. Revoyons Signs par exemple qui malgré ses défauts recelait une profondeur, une noirceur totalement absentes ici. Et qui abordait pleinement le thème du deuil.  Et je n'évoque même pas Rencontre du Troisième type...  

Bref, difficile de faire pire que ce truc égotique (on sent que ce réalisateur s'adore), bavard, boursouflé, navrant de stupidité à l'image des dialogues d'une pauvreté incommensurable ou d'un scénario d'une ineptie confondante.q

Je vois pourtant que les critiques s'en sont donné à coeur joie, ont plébiscité... Un tel aveuglement collectif face à un trouduc de l'espace interroge. Les aurait-il avalé tout crus, leur raison avec ? Moi ça ne m'amène qu'une réflexion : où va le monde ?

mardi 8 août 2023

Greenland

La dernière image ? Cette lutte sur un bas côté de la grand route pour la survie entre hommes devenus bêtes...  Alors le silence qui suit l'inommable est appréciable, il suscite la réflexion. L'introspection. 

Mais voilà pour l'essentiel un film benêt, prévisible, qui file les atmosphères de fin de monde avec une légèreté déconcertante... Chaque segment est interrompu par une chiée de météores, un tremblement dans la carlingue du petit coucou, une baston à mort parmi les convives à l'arrière d'un camion de transport de marchandises... Parfois on est dans La guerre des Mondes, parfois dans un film sur les émeutes de L.A, parfois dans La Guerre du feu, parfois dans un film catastrophe (2012), parfois dans un film de Zombies (ou presque). Mais rien n'appartient jamais vraiment à Greenland, rien ne semble être à l'écran par et pour le film qui ne vit hélas que d'emprunts. A proscrire donc. pas une miette ici ne viendra nourrir nos petits neurones. Tout est vu et revu ailleurs, malaxé, digéré, re-craché sans effort louable.

      

vendredi 4 août 2023

Crazy Bear

La dernière image ? Cette fliquette et son enbonpoint, dure au mal, dont le brancard retombe comme la fameuse tartine beurrée du mauvais côté sur le bitume qu'on imagine rêche et agressif à l'issue d'une course poursuite gag et gore avec un ours paré pour gagner le tour de France. Le genre de moment appréciable et enlevé malgré le côté horrifique.

Mais c'est une ligne de crête fragile, un cap difficile à tenir sur la distance que de prôner humour et gore. Peter Jackson ou Sam Raimi y ont excellé mais il y a plus d'appelés que d'élus. On voit bien l'envie derrière le fait divers de 1985 (l'ours avait simplement fait une overdose) de réhabiliter les séries Z d'antan mais cela reste pour commencer trop "propret" : les effets speciaux nuisent gravement a la santé du régime proposé. En pareille tentative, plus le fim est fauché, mieux ça vaut et ça doit se sentir. Par ailleurs le scénario est trop décousu (groupes de personnages et géographie façon puzzle, tout part vraiment dans tous les sens mais sans véritable harmonie) et ne permet pas de rentrer pleinement dans la narration. On reste en perpétuel observateur extérieur qui va lâcher ici ou là un sourire, sans plus... Une des références auxquelles on pense,  Cujo, fonctionnait par exemple sur la tension palpable et le huis clos génial d'une petite ferme. Et le résultat détonnait. Est-ce qu'il n'aurait donc pas fallu ici tout faire à l'économie et avec le plus grand sérieux ? Je pose la question. 

lundi 31 juillet 2023

Limbo

La dernière image ? Essentiellement ces décors vraiments dingues (qui est le chef déco ? Un génie). Ces lieux habités, vivants, agités par le vent, les éléments, donnent à se replonger ave délice dans des univers à la Tsukamoto, à la Philip K Dick (Blade Runner est palpable dans les plans vus du ciel sur la ville). On pense aussi à Brazil ou Seven... Des images frappent et restent, notamment le déluge de la fin sur une ville-dépotoir à ciel ouvert au plus fort de la tempête.

Pour le reste, la narration est bien trop négligée. Récit incongru, mal fagoté dans ses rebondissements improbables, dans la façon de retrouver le coupable... Faiblard, téléphoné. Le coupable étant par ailleurs désigné comme l'étranger, le laissé pour compte, le marginal. Cliché quand tu nous tiens. Un "méchant" qui d'ailleurs est quelconque, au visage tellement lisse, qu'il n'inspire aucune peur... Sorte de Jean Reno du moyen orient sans la moindre expression. Les deux flics sont aussi un peu ballots, expédiés, malgré la psychologie légèrement plus travaillée sur le senior (sa femme sur un lit d'hôpital par la faute de la future femme martyre)... De l'à peu près à tous les étages. C'est donc un bien beau gâchis qui frise même le ridicule à chaque poursuite ou combat lorsqu'il s'éternise en longueur avec souvent des moments clés (un pistolet perdu que le tueur retrouve comme qui rigole) invraisemblables et des réactions (la toute fin et la recherche par le flic d'expérience de la jeune fille sans même crier une fois son prénom ???!!!) en dépit de tout bon sens ! Tout est tiré à gros traits. Poussé à son paroxysme, saturé. C'est rageant parce que la peinture noir et blanc de ce Hong Kong fantasmé vaut le détour.

lundi 24 juillet 2023

The whale


La dernière image ? Rien de spécial. Juste cette ambiance caverneuse qui donne le sentiment qu'on a passé du temps dans l appartement irrespirable de l'une des victimes expiatoires de Seven, celle qui finit la tête dans son plat de fayots. Vous vous rappelez ?

Darren Aronosfky, j'en attendais beaucoup ! Pi a quelques chose de singulier même s'il est truffé de défauts mais il est l'hommage sincère de Manhattan à Eraserhead et Brazil. Des images restent et le film témoigne d'un vrai talent derrière la caméra. Requiem for a dream tourné en partie à Brighton Beach est une réussite. Sa plus grande à ce jour. Même si le film est là encore un chemin de croix qu'on n'emprunte pas facilement deux fois.

Puis c'est le début de la dégringolade. Comme s'il avait fait le tour en deux films... The Whale ne déroge pas à la régle. Huis-clos minimaliste, crasseux, qui se centre sur un acteur parti pêcher l'oscar. Miroir fidèle de la trajectoire d'un Wrestler. Déjà taillé pour glorifier l'acteur derrière le personnage.. Bref un film où tout est trop lugubre, trop glauque, trop pouilleux, trop crado. trop Glurps... Trop c'est trop. Et il y manque l'essentiel. Ce qu'on veut raconter autour. Point de départ ? Point de chute ? On filme les derniers jours de la Baleine, la réconciliation avec sa fille et puis hop... Au paradis ! Maigre programme.

dimanche 23 juillet 2023

The Fabelmans


La dernière image ? Ce délectable, cet interminable dérushage (des images d'un week-end comme les autres) qui respire la passion totale n'ayant pas d'autre finalité que de radiographier la vérité vraie des sentiments, des rêves de chacun... Un regard d'amour mais pour dire ces choses, l'artiste écrit, filme, prend des pincettes, des détours, utilise des biais divins, des échappatoires qui sont des raccourcis. D'un coeur de fiston vers un coeur de maman. Des expédients qui sont finalement des révélateurs. Un éclairage cru sur la manipulation du réel par Sammy/Steven qui finit par raconter ses vies rêvées. Façon de créer le lien le plus intime qui soit entre une mère et son fils (via le secret coupable qu'ils partageront) mais aussi entre le réalisateur et son spectateur. Belle mise en abyme. 

Je reverrai The Fabelmans dans de meilleures conditions (vu dans un vol pour Montreal) mais j'ai quelques réserves sur la deuxième partie après le déménagement vers la Côte Ouest. Bien sûr elle est l'occasion de créer le décalage utile qui rend au cinéma toute sa magie, ses lettres de noblesse. Un repère inamovible pour Sammy/Steven, le remède absolu pour vaincre le jet lag et les vents contraires. Moyen ultime pour lui de communiquer avec le monde extérieur. On le comprend vite, cette relation ambivalente avec deux têtes de lards, deux grands dadais agressifs lui permet aussi de recréer en démiurge lors d'un mémorable film de fin d'année les avatars de son père et de son beau-père. Tout part toujours d'une blessure narcissique jamais refermée. Une vie et une trentaine de films n'y suffiront pas. Il peut ainsi déifier le premier (père de carte postale) pour réaliser le rêve secret de ramener le désir dans le regard de l'amoureuse d'antan (symboliquement sa propre mère). Rabibocher ses parents comme on recolle l'un à l'autre deux bouts de pellicule. Il amène par ailleurs habilement cette figure de père à se révolter, à frapper le concurrent (l'autre andouille), symboliquement pour sauver son honneur, défendre sa famille et à travers elle les rêves de Sammy/Steven les plus secrètement enfouis. Mais cette partie "lycée" encore une fois reste à mon goût un ton en dessous du premier segment qui lui emporte tout sur son passage. 

Car enfin que cette entrée en matière secoue l'âme. Par-delà les appartenances ethniques, religieuses, géographiques, sociales, le 7ème art entre dans vos nuits comme ce train de Sous le plus grand chapiteau du monde. Spielberg révèle que son amour pour le cinéma est né avec une peur primale qu'il lui a fallu exorciser par la suite. Pour moi ce fut Excalibur et sa séquence cauchemardesque sous la branche d'un arbre mort. J'avais 10 ans.

L'émotion "de ça" comme on dit au Cameroun c'est déjà un cadeau sensationnel parce qu'intime, parce que personnel à un point qu'on n'imagine pas... Donner un tel morceau de soi, c'est qu'on est prêt à quitter ce monde sans peur. Ni reproche. 

On est apaisé, on a pardonné à ses parents. A sa maman évidemment ! Un personnage de femme flamboyante, artiste, inaliénable, qui rappelle tellement la Gena Rowlands d'une femme sous influence. Elle illumine deux moments sublimes : le défi lancé à la tornade, quitte à mettre en danger la vie de ses enfants. Et une danse lascive dans les phares de la voiture familiale. Son oncle viendra d'ailleurs révéler plus tard lors d'une séquence saisissante de deuil au jeune héros que sa mère a gâché ce don qui peut éclairer le monde mais qui peut aussi tout brûler autour...  La malédiction des artistes, ajoute t-il. Et toute cette progression narrative vers la séquence du camping est un sommet d'intensité dramatique. Une maman offre à son fils les moyens de réaliser son rêve en même temps que l'arme fatale pour la "démasquer". Le cinéma, arme à double tranchant, permet à son fils de découvrir le pot-aux-roses. Séquence géniale où le jeune cinéaste en herbe découvre qu'avec les mêmes rushes, il peut raconter au choix une comédie familiale ou un thriller paranoïaque façon Blow up. La vérité est toujours dans l'oeil du créateur. Il réalise même qu'il peut influencer le réel.

Génie de Spielberg qui nous explique comment le requin invisible des Dents de la mer c'était évidemment la cristallisation de ces faux semblants, l'adultère honteux, tout ce qui se joue sous la surface et qu'on ne voit que lorsqu'on veut enfin ouvrir les yeux... Comment AI convoque ce moment du secret partagé avec sa maman qui les unit de façon singulière. Le désir de revivre encore et encore ce lien si fort est exalté par la scène finale du robot qui retrouve sa maman le temps d'une journée. De même qu'ET reprend cette idée d'un endroit de la chambre d'un enfant où se cache un secret qu'il va partager avec sa mère. Comment Minority Report retourne sur les terres du camping pour en décoder les images (ce fameux dérushage) et empêcher qui sait l'inacceptable (la séparation de ses parents) de se produire... Dans Duel, le camion lancé comme un bolide face à une petite voiture fluette ? Evidemment c'est ici la scène cathartique du crash du film de Cecil B De Mille pour réécrire l'histoire et inverser les rôles. Mais ne peut-on pas y voir également la menace physique, brutale, incarnée par les "Goliaths" / caïds du lycée que seule la ruse de "David" pourra déjouer (les subterfuges du jeune Sammy/Steven arrivant en Californie et utilisant ses talents pour éviter les collisions fatales et mettre tout le monde dans sa poche) ? La guerre des mondes replonge ici et là dans ces moments d'exploration dangereuse d'une ville ravagée pour aller au plus près de la tornade, comprendre son mystère... Quant à Indiana Jones c'est l'occasion de manier l'humour, la distance, pour défier la fatalité (scène matricielle de l'accident train /voiture). L'univers fantastique et mystèrieux du cirque, le frisson d'un train fantôme, des numéros d'éléphants, de serpents, de scorpions, tout ce qui fascine l'enfant et se déplace depuis l'antre d'un chapiteau (le plus grand du monde) jusqu'aux sous-bois d'une jungle hostile, mais vécu par les yeux d'un héros à toute épreuve... Quant à Rencontre du troisième type c'est naturellement le cinéma comme clé/boussole qui va permettre au jeune Sammy de dévérouiller toutes les portes, d'être accepté par les autres. Une langue (la musique dans le film) qui va lui permettre de se faire comprendre, d'entrer dans tous les mondes, toutes les sociétés, s'y faire adouber.

Le final et l'échange avec John Ford (savoureux David Lynch auquel Spielberg a été inspiré de faire appel) dit finalement tout ou presque. Le cinéma c'est affaire de regard porté sur les choses jamais des choses elles-mêmes. Où est l'horizon ? Plus il est inattendu, décalé, plus la séquence sera intéressante. Entre les lignes, plus il y a un auteur derrière la caméra plus l'offrande de sa vision sera belle.     

Merci pour ce dévoilement intime (j'ai pensé parfois à Truffaut, Allen, Coppola et Zemeckis) de ce qui anime depuis toujours Spielberg et qui éclaire son génie ainsi que la genèse de tant de ses belles nuits américaines.

jeudi 4 mai 2023

Beasts of no nation

La dernière image ? Des enfants amusés qui créent avec un squelette de téléviseur... Facile mais efficace. Dans l'ensemble, le travail sur l'image notamment est à saluer par ici.

Là où le film pèche c'est par sa volonté de se tenir scrupuleusement au programme annoncé dès le titre... Devenir pire que des bêtes... Sans boussole... Tout y passe, rien n'est oublié... La famille qui explose, les meurtres injustement perpétrés, l'enfance sacrifiée, les premiers crimes qu'on vous oblige à commettre, le viol subi par le commandant, les drogues qui vous transforment, la faim qui vous tiraille, l'odeur de la mort qui empeste, les copains soutenus à bout de bras et qui meurent en chemin. Ajoutez une voix off lancinante qui parle de Dieu l'oublieux (Charlie Sheen is back) et une petite musique pour attendrir ou faire réfléchir comme dans Platoon, saupoudrez d'un commandant Kurtz un peu monolithique, "idrissElbaïsé" pour essayer de convoquer les fantômes d'Apocalypse now et vous avez la totale. Alors vous sortez de là assommé, le programme a déroulé devant nos yeux ce qu'il avait à donner sans véritable supplément d'âme. Et c'est ce qu'on peut reprocher à ce genre de film qui s'appuie trop à mon sens sur la force de ses images choc, sur "l'exceptionnellement", "l'invraisemblable" de tout ce qui arrive, sur une idée finalement presque publicitaire (au sens d'une image qui se veut accrocheuse en soi et pour soi) et donc trop maigrement incarnée. C'est le risque encouru. Parce qu'on s'est trop ^fait confiance, on s'est trop reposé sur la fausse évidence que filmer des enfants armés, que filmer l'horreur en somme suffiront.

mercredi 3 mai 2023

The descent. La guerre des sexes


Prière de ne pas "dégenrer" !
Le genre masculin par ici ?
Au pire en voie de disparition
Au mieux en pleine déconfiture.
Le seul homme digne de ce nom
Finit transpercé par un tube d'acier
Au bout de quelques minutes.
Tout est dit ! Une référence ?
 Le quatrième homme (Paul Verhoeven)
Et sa veuve noire,
Sharon Stone version zéro,
Avec sa façon cruelle, morbide
De zigouiller ses amants
Les uns après les autres.
Les codes du tout-puissant matriarcat  
Sont les mousquetons visibles
de l'endroit du décor
Lors d'une descente en rappel.
Rarement film d'horreur aura si bien marié
L'efficacité requise (frayeur absolue garantie)
A une vraie réflexion
Sur les phobies les plus répandues :
Peur du noir, du vide, d'étouffer,
De se noyer, d'être dévoré dans l'obscurité...
Neil Marshall distille ses références
Avec parcimonie, intelligence
A mesure que l'on s'enfonce
Dans une grotte sans fonds. 
Un groupe de femmes
Aux allures de commando 
s'engage dans un voyage san retour.
Le survival façon Délivrance
vogue d'un genre l'autre,
Avec des adversaires
D'abord rocheux,
Puis en chair et en os
Mais curieusement déshumanisés.
Ainsi retrouve-t-on dans le désordre
Des clins d'oeil à CarrieEvil Dead,
AlienThe Thing, Zombie,
Massacre à la tronçonneuse :
Jouissif décodage entre les scènes.
Mais que nous raconte le film ?
Des héroïnes se débattent face à
Des "hommes du dessous",
Des "sous-hommes"...
Des femmes sportives, modernes,
Indépendantes sont aux prises
Avec un genre masculin
Dévoyé, hideux, relégué aux oubliettes...
Deux sexes qui plus que jamais
S'éloignent l'un de l'autre
Dans une société qui mue à toute vitesse.
Une guerre de toute éternité
Dont personne ne sort indemne.
Et c'est là une portée allégorique qui sublime le film
A mesure que l'on s'enfonce dans l'horreur...
Ou qu'une héroine s'extraie de la terre
Comme un nouveau-né d'un ventre maternel.



mardi 2 mai 2023

Le trésor de la Sierra Madre


 La dernière image ? Cette tempête (sous deux crânes) de la toute fin, puis les rires, caverneux, nerveux, possédés, qui disent tout de ce que raconte le film et comment la folie vient aux hommes que l'or aveugle, déforme, disloque et leur raison avec...

Je suis heureux de pouvoir parler de ce film que je découvre tardivement. Juste commencer par dire mon admiration devant l'audace pour exploiter les extérieurs (précurseur de la nouvelle vague ?) et les chocs culturels, J'adore par ailleurs John Huston et ai toujours apprécié l'humanité, l'éclectisme que l'on sent jusque dans le choix de ses thèmes, de ses films à chaque fois très différents les uns des autres... Mes préférences allant toujours à mon trio de tête The Asphalt Jungle - Fat City - The man who would be king.

Ce que j'adore ici c'est pour commencer cette recherche de réalisme qui s'inscrit dans la lignée d'un The Lost Patrol (le côté Fordien qui recherche la vérité des grands espaces immobiles écrasés par la chaleur, avec des personnages devenus fous ou dépassés / impuissants face à l'ironie de leur sort) et préfigure d'une certaine façon des chefs d'oeuvre comme le Salaire de la peur qui sort 4 ans plus tard à peine et dans lequel on retrouve (je trouve) énormément des saillies visuelles déjà marquantes ici... L'on sent que ce film a constitué une influence majeure pour dnombre de films jusqu'à La Ballade de Buster Scruggs.

Parmi les idées géniales, Humphrey Bogart à contre-emploi proprement extraordinaire. Le papa Huston également fantastique dans le rôle bonhomme du vieux briscard modérateur avec un solide bon sens et quelques valeurs en or. Puis dans le désordre, ce sont les arbitrages à trois pour éliminer le quatrième venu, les paupières qui veulent tombent mais qui luttent face au frère ennemi qui n'attend qu'une occasion pour savonner la planche... Puis le sort qui s'en mêle lorsque le personnage de Fred Dobbs devenu paranoïaque (joué par Humphrey) finit découpé à la machette... Toute la science là encore du hors champ (comme lorsqu'il essaye d'éliminer son compère de toujours). Puis l'exécution sommaire des bandits de grand chemin rattrapés par le destin une fois de plus... Le film culmine enfin dans une scène finale d'anthologie où la nature reprenant ses droits balaye tout sur son passage... Mémorable, d'une modernité fracassante et une influence majeure de tant de films à suivre.

   

      



dimanche 9 avril 2023

Alien ou la survie de l'espèce

Lors de chaque naissance, la façon
Dont le mystère de la vie nous apparaît
Soulève une question fondamentale :
L'amas joliment animé de cellules vivaces
S'éjectant de lui-même comme d'une photocopieuse 3D
Est-il indépendant du moteur qui l'a fabriqué ?
Utilise-t-il les enveloppes corporelles,
les êtres vivants pour se maintenir "en vie",
pour se survivre à lui-même ?
Autrement dit, ne sommes-nous que
des "véhicules", des transmetteurs ?
Le secret d'un chef-d'oeuvre se niche
Dans l'inconscient collectif
Sans qu'on sache vraiment
Ce qui nous y subjugue si profondément, 
Ce qui nous y terrifie autant.
Il y a bien sûr dans Alien du génie à revendre :
L'idée d'un huis-clos spatial et l'invisible menace
Qui pèse sur les personnages et le spectateur,
L'univers puissamment singulier,
La navette aux allures de plate-forme pétrolière en perdition
Qui crée le sentiment d'une interminable gestation
En son ventre clos et humide.
La lenteur paradoxalement délectable
Du score de Jerry Goldsmith est donc voulue 
Mais l'idée fondamentale
Inconsciente, presqu'abstraite,
C'est la sexualisation du conflit à l'oeuvre
la féminisation de l'horreur.
Avec d'un côté l'héroïne, Sigourney Weather,
Qui symboliquement porte et donne la vie.
Et un monstre de l'autre,
Qui campe cette vie changeante, protéiforme,
Entrant et sortant d'un corps
Quand bon lui semble et qui prolifère
Sans passer par les voies naturelles : 
Avant de devenir l'Alien
Avec sa gueule de pistolet à essence
Le monstre est une chenille-papillon
Sorte d'araignée collante, obligeant des hommes
A une soumission totale et silencieuse,
Dans le respect d'un rite sacré :
Le cunilingus spatial qui seul permettra à la vie d'éclore
(contre nature de notre point de vue)
Dans leurs ventres stériles,
Provoquant au passage leurs morts.
On regarde alors Des utérus et des hommes.
Puis se précise le combat suprême :
la figure de la femme grande et forte,
garante de la sauvegarde de l'espèce
(elle est celle qui met au monde)
se dresse face à cette autre forme de vie, déviante.
Qui à certains égards s'incarne tout autant
dans le personnage du robot que dans celui de l'Alien.
L'affrontement devient donc sous nos yeux
une lutte à mort pour sauver le genre humain...
Une idée qui sera développée plus avant dans Aliens
où Sigourney devenue mère
(la petite orpheline lui octroie ce statut)
Affronte une autre reine mère
dans un final hautement allégorique.
2 mères, 2 façons de mettre au monde,
de donner la vie, face à face.
C'est pourtant bien la mort
qu'elles s'apprêtent à se donner.
Voilà donc le secret d'un chef-d'oeuvre.
Quand The Descent évoque de façon souterraine
La guerre des sexes dans une société
Déboussolée, sans repères,
Alien ne traite en filigrane que d'un sujet :
La survie de l'espèce Entre les mains
Pas si fragiles d'une femme.
Inoubliable Alien dont l'affiche originelle
- cet oeuf, la vie - prend tout son sens.