dimanche 9 avril 2023

Alien ou la survie de l'espèce

Lors de chaque naissance, la façon
Dont le mystère de la vie nous apparaît
Soulève une question fondamentale :
L'amas joliment animé de cellules vivaces
S'éjectant de lui-même comme d'une photocopieuse 3D
Est-il indépendant du moteur qui l'a fabriqué ?
Utilise-t-il les enveloppes corporelles,
les êtres vivants pour se maintenir "en vie",
pour se survivre à lui-même ?
Autrement dit, ne sommes-nous que
des "véhicules", des transmetteurs ?
Le secret d'un chef-d'oeuvre se niche
Dans l'inconscient collectif
Sans qu'on sache vraiment
Ce qui nous y subjugue si profondément, 
Ce qui nous y terrifie autant.
Il y a bien sûr dans Alien du génie à revendre :
L'idée d'un huis-clos spatial et l'invisible menace
Qui pèse sur les personnages et le spectateur,
L'univers puissamment singulier,
La navette aux allures de plate-forme pétrolière en perdition
Qui crée le sentiment d'une interminable gestation
En son ventre clos et humide.
La lenteur paradoxalement délectable
Du score de Jerry Goldsmith est donc voulue 
Mais l'idée fondamentale
Inconsciente, presqu'abstraite,
C'est la sexualisation du conflit à l'oeuvre
la féminisation de l'horreur.
Avec d'un côté l'héroïne, Sigourney Weather,
Qui symboliquement porte et donne la vie.
Et un monstre de l'autre,
Qui campe cette vie changeante, protéiforme,
Entrant et sortant d'un corps
Quand bon lui semble et qui prolifère
Sans passer par les voies naturelles : 
Avant de devenir l'Alien
Avec sa gueule de pistolet à essence
Le monstre est une chenille-papillon
Sorte d'araignée collante, obligeant des hommes
A une soumission totale et silencieuse,
Dans le respect d'un rite sacré :
Le cunilingus spatial qui seul permettra à la vie d'éclore
(contre nature de notre point de vue)
Dans leurs ventres stériles,
Provoquant au passage leurs morts.
On regarde alors Des utérus et des hommes.
Puis se précise le combat suprême :
la figure de la femme grande et forte,
garante de la sauvegarde de l'espèce
(elle est celle qui met au monde)
se dresse face à cette autre forme de vie, déviante.
Qui à certains égards s'incarne tout autant
dans le personnage du robot que dans celui de l'Alien.
L'affrontement devient donc sous nos yeux
une lutte à mort pour sauver le genre humain...
Une idée qui sera développée plus avant dans Aliens
où Sigourney devenue mère
(la petite orpheline lui octroie ce statut)
Affronte une autre reine mère
dans un final hautement allégorique.
2 mères, 2 façons de mettre au monde,
de donner la vie, face à face.
C'est pourtant bien la mort
qu'elles s'apprêtent à se donner.
Voilà donc le secret d'un chef-d'oeuvre.
Quand The Descent évoque de façon souterraine
La guerre des sexes dans une société
Déboussolée, sans repères,
Alien ne traite en filigrane que d'un sujet :
La survie de l'espèce Entre les mains
Pas si fragiles d'une femme.
Inoubliable Alien dont l'affiche originelle
- cet oeuf, la vie - prend tout son sens.


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