mardi 30 janvier 2024

Blue Eye SamouraÏ. 7 épisodes et puis...


La dernière image ? Probablement n'importe quel affrontement de la (finalement) fragile Blue Eye Samouraï qui s'en prend plein la gueule et passe plus d'une fois près de la correctionnelle... Etranglée, embrochée, laissée pour morte... C'est d'ailleurs la force de ce film d'animation qui sait créer chez le spectateur la peur, la vraie, pour cette jeune femme comme pour la flamme d'une bougie menacée par le moindre courant d'air. Ici, chaque mise en péril de sa vie peut être fatale. Pour un film de vengeance, on prend donc le contrepied d'un Kill Bill parce que l'on recherche ici le réalisme et la vraisemblance (au moins un temps).

Parmi les points positifs, soulignons l'épaisseur de tous les personnages principaux, on sent que leurs psychés, leurs motivations ont été creusées. Ce qui les rend chacun fort intéressant. L'image est par ailleurs sublime presque durant les 7 premiers épisodes. Notamment ces longs plans cotonneux de paysages poudrés d'une armée de flocons légers, comme suspendus. On pourra regretter quelques incohérences ou manque de crédibilité (les combats et l'épilogue dans la maison close, l'assaut de la forteresse et l'improbable résistance de l'héroïne face à la gravité, accrochée à la paroi, un grand gaillard sur le dos) et le manque de nuances ou de profondeur psychologique du seul vrai méchant (Cowboy et roi de la gâchette "à l'américaine").

Mais l'ensemble est intéressant, digne d'intérêt. C'est pourquoi il est incompréhensible que ce dernier épisode (le 8ème) soit bâclé à ce point, du point de vue de l'écriture comme de l'animation (on sent qu'il n'y avait plus de sous-sous). Epilogue cataclysmique d'une série qui vaut quand même le détour pour tout le reste, tout ce qui vient avant. Mais quel dommage de finir sur une telle impression de sabotage...

dimanche 28 janvier 2024

Anime / Manga : Monster !

La dernière image ? "Astérohache" évidemment. Le Manga explose tout paraît-il. On finit par oublier que ma génération est la première à avoir été abreuvée par les divins Goldorak, Cobra, Chevaliers du Zodiaque ou Ken le Survivant.

Et je ne parle même pas des Candy ou des séries tv telles que X.OR, Sankukaï, Spectroman, tout ce qui fait le lit, l'imaginaire d'une grande partie des oeuvres nippones de l'époque.

De temps en temps je reviens au Manga papier. j'ai beaucoup aimé Récemment Undercurrent et plus loin de nous Vinland Saga.

Et voilà que je me suis mis récemment à Monster (très Seven), Berserk (médiéval sombre, inspiré d'Excalibur je trouve). ou L'attaque des titans. Autant ce dernier me semble bruyant, assez quelconque sur la galerie de personnages et les rebondissements, autant Monster vaut vraiment le détour. Puissamment inquiétant.

samedi 27 janvier 2024

Leviathan

 

Un morceau de bravoure,

de tragédie Grecque

Ou plutôt Ukrainienne

Aux accents bibliques,

où le drame inéluctable,

Fruit amer ou pourri

De la victoire infâme

Du fort sur le faible,

Se noue sournoisement

à l'abri des regards

Mais dans la lumière crue

D'une justice aveuglée,

Aux ordres comme on dit.

La justice des hommes corrompus,

Celle de Dieu n'est pas en reste

Et pour cause,

"la vertu ne se décrète pas,

N'exige aucune contrepartie,

ton chemin de croix sera

Celui de la rédemption"

susurre le croyant à l'incroyant

jusqu'à ce que ce dernier courbe l'échine

et finisse comme ce squelette de baleine

Ou cette épave de bateau...


Ironie du sort, la maison la maison de Kolia

Sera finalement remplacée par une église.

Les écrits saints ne sont-ils pas

Les premiers arguments commerciaux

Pour faire prospérer une foi dont les promoteurs

(les mêmes qui détiennent le pouvoir)

Exploitent sans vergogne la fragilité d'hommes brisés.

Notre héros va payer sans broncher

Pour un crime qu'il n'a pas commis.

L'enfer c'est parfois la religion.


Tout dépend de ce qu'on en fait,

De ce qu'on lui fait dire.

La satire, redoutable arme de Leviathan,

Opère sa critique frontale d'une religion d'Etat,

D'une croyance érigée en cadre dogmatique

Qui va donner bonne conscience au bourreau

Lorsque le moment sera venu d'écraser

Le citoyen comme un vermisseau.

Derrière son ineffable noirceur

Le film réveille les consciences,

Nous ouvre les yeux,

Nous fait réaliser combien les donneurs de leçons,

Les chantres de la morale (religieuse en l'état)

Sont souvent les mauvais payeurs,

Parce que du coté des puissants. 

Jamais des faibles... 


Du côté des influences,

La légende Arthurienne est partout.

Pas que pour ces décors grandioses

Qui finissent par nous convaincre

Que l'homme moderne est né quelque part

Sur les rives de la mer de Barents.

Mais aussi pour le héros Kolia

Cet Arthur de devoir qui ne voit pas Guenièvre

S'amouracher de Lancelot,

Pourtant son premier défenseur,

L'avocat venu de Moscou,

Bien trop occupé qu'il est à préserver

L'unité de son royaume :

La maison héritée de générations,

Les souvenirs, son sang.

Sur cette terre du bout du monde

On l'imagine bien s'écriant

Après le verre de trop

"Une terre, un roi".

Quel rôle pourrait alors jouer son fils,

Mordred alias Roma,

Dans la décomposition du foyer familial ?

Celui d'un adversaire en devenir ?

L'un des responsables indirects

De la tragédie à l'oeuvre ?

Certainement et ces grilles de lecture

Disent d'elles mêmes

Toute la grandeur du sujet,

Des "sujets" du film

Se débattant pour s'arracher au joug

D'un destin malicieux,

Au sens de messager discret,

Invisible du "mal".

Sorte de visiteur du soir indélicat

Et difficile à repousser

Comme lors de cette incursion

Nocturne et menaçante

D'un maire aviné, crapuleux

Dans les retranchements de Kolia.


Leviathan se construit avant tout sur le réel,

Sur des personnages qui existent

Dans une géographie, dans une société,

Sous l'autorité d"une administration

Centralisée, tentaculaire (l'allusion du titre)

Dont les rouages létaux apparaissent rapidement.

C'est alors le cinéma qui vient à notre rencontre,

Le vrai, à l'état brut et qui vous saisit à la gorge

Comme les goulées de Vodka

Coulant dans le gosier de personnages

En sidération devant les coups durs,

Les vents contraires, mais qui tiennent debout,

Coûte que coûte, en essayant modestement

De préserver ce qui subsiste en eux de dignité humaine.

Un peu comme des roseaux qui plieraient sans rompre

Espérant sereinement le jour où le destin aura le bon goût

De déraciner le chêne (le puissant, l'Etat, la religion)

Pour lui ôter un peu de son insolente superbe,

De cette morgue hautaine et insultante

Qu'il étale depuis trop longtemps... 

Lost In Translation. Hommage aux hommes ici assis devant

 


C'est ainsi,

Tout part souvent

D'un temps mort,

D'un ennui latent,

De jour comme de nuit.

Tout commence toujours

Par une absence à l'autre

Et d'abord à soi-même,

A son propre désir.

En cause ? La force de l'habitude,

De l'oubli à l'épreuve de la routine,

La peur de devenir

Ou d'assumer

D'être qui on est.

S'en remettre à l'heureux malentendu,

En attendre tout, 

Pourvu qu'il y soit question de tendresse.

Allez comprendre !

L'incompréhension est bien la langue

De tous les décalages

Entre les deux sexes

A travers le temps

Et les territoires.

De ce décalage naît

La possibilité d'une rencontre :

Celle de deux étoiles filantes

Sur le point d'être aspirées

Dans un trou noir

Aux confins de notre galaxie...

La peur de se louper ?

Langage universel.

mardi 16 janvier 2024

Obsession. Brian De Palma

La dernière image ? Ce long couloir d'aéroport et ces vraies retrouvailles entre un père et la fille qu'il pensait envolée à tout jamais... Emouvant et synthèse déjà des ambitions formelles, du travail sur l'image et le son de De Palma.

Le film est touchant en ce qu'il contient déjà son esprit et ses tics géniaux, lui qui sait comme personne exploiter des lieux, leur donner une coloration particulière, une identité, une épaisseur, tout ce qui contribue à les étirer en les faisant échapper à la morsure du temps.

Malheureusement, dès qu'on est sorti du mystère de cette rencontre, que la magie de dissipe, le film devient assez quelconque. Car ce qui emporte le spectateur ici c'est toute la veine Hitchcokienne de Vertigo à Rebecca (puisque les 2 films sont équitablement cités mais des clins d'oeil au Crime etait presque parfait sont également présents) en gros jusqu'au twist qui en d'autres circonstances aurait été puissant et efficace. Ici, le château de cartes s'effondre. Parce qu'on ne croit guère à cette fille assez remontée contre le père pour désirer sa perte au point de pousser le bouchon jusqu'à le séduire... Pas plus que le destin qui se répète (nouveau chantage dans les mêmes condtions et au même endroit) ne convainc vraiment. Enfin tout le flash back destiné à démontrer que la fille à l'époque fut épargnée est tout aussi lourdingue.

On ne m'enlèvera donc pas que De Palma excelle particulièrement dans Phantom of the paradise, Blow Out, Pulsions, Carrie ou même L'ImpasseObsession met en branle les obsessions de De Palma pour Hitchcock mais il le fait maladroitement (sorte de film brouillon des grands films à venir) et ne fait que rendre hommage, que se courber respectueusement devant l'idole, allant jusquà confier la création du score à Herrmann. On sent encore trop la soumission au Maître. Mais l'émancipation est proche...

lundi 15 janvier 2024

Mission Impossible Dead Reckoning Part 1

La dernière image ? Ce final au coeur d'un train à la verticale. Tout ce passage est réussi et fait honneur à la franchise.

Pour le reste, Je suis assez fan de mémoire de Rogue Nation dont je pense retrospectivement que c'était l'un des plus aboutis de la saga. je dois revoir Fallout qui était pas mal non plus.... 

Ici, malheureusement, deux défauts majeurs entâchent le film. Le premier ? Un manque criant d'identité. Tout contribue à rattacher systématiquement l'univers de MI soit à celui de James Bond (les courses poursuite en voiture italienne notamment et le segment à Venise qui rappelle Casino Royale) soit à celui de Terminator 2 (la femme asiat' presque robotisée au volant d'un monstre lancé à la poursuite - interminable - des héros) ce qui affadit la perception qu'on peut avoir du film au regard de nos attentes. 

Le deuxième défaut vient probablement de la thématique, de cette volonté de mettre face au héros une  intelligence artificielle dont le premier ambassadeur est un personnage qui a tout d'une "entité" lui-même... Insaisissable, portant la mort de façon certaine... Cela contribue à désincarner les figures traditionnelles du genre pour les cantonner à de simples stéréotypes : la robot-tueuse, la mort "élégante", l'amante au regard mélancolique sacrifiée etc etc.

Le programme se déroule donc sans grande aspérité et fait l'effet d'un vide interstellaire qui fait regretter la vision du film après coup. A trop dématérialiser, la substance s'est évaporée toute seule. 

Dire qu'une partie 2 se profile...

dimanche 14 janvier 2024

Hostiles

La dernière image ? Probablement ces plans "panoramas" sur l'immensité avec les montagnes enneigées dans le fonds. Les paysages ici sont assez brillamment immortalisés. Les moments d'intimité sur un riff de banjo au coin du feu ne sont pas en reste.

En revanche, il y a pour commencer dans Hostiles quelques références un peu trop visibles... La séquence d'intro convoque immédiatement La prisonnière du désert... Toute l'odyssée qui suit rappelle également le film de John Ford avec ses propos sur les préjugés et les traumatismes du côté Yankee comme du côté Indien. La séquence finale rappelle aussi True Grit et cette relation femme / homme ou fille / père qui finit à l'issue d'un long voyage par résonner comme le début d'une belle histoire à écrire ou à raconter...

Mais comme pour The Pale Blue Eye affecté des mêmes maux (une certaine vacuité au profit d'images léchées)  le film vaut plus pour son atmosphère, sa plasticité, ses couleurs mais sur l'essentiel, circulez, il y a fort peu à se mettre sous la dent.

D'abord pour un taiseux, voilà un personnage principal qui ne cesse de dire ce qu'on sait déjà (à son ami sur le lit d'hôpital, à la jeune femme en de multiples occasions). Bla bla bla... Par ailleurs cette idée que pour "démontrer" la souffrance d'un personnage (elle ou lui d'ailleurs) il faudrait les faire hurler sur un coucher de soleil en coupant le son est lourdingue au possible...

Enfin si l'on se penche sur le "road movie" spirit, j'ai du mal avec ces déambulations presque paisibles soudain interrompues sans crier gare et n'importe quand par un coup de feu, par l'irruption de silhouettes s'avançant sur l'horizon qui tremble, autant de petits rebondissements qu'on sent bien pratiques pour ouvrir une paarenthèse, ne pas faire avancer l'intrigue mais rajouter à la douleur, faire disparaître un ou deux personnages de plus (qu'on n'a d'ailleurs jamais eu le loisir de vraiment connaître) comme lors de l'affrontement final... C'est lorsqu'on enterre ces personnages que l'on réalise qu'ils n'étaient qu'un prénom, qu'une silhouette (le jeune blanc bec, le vieil indien qui tousse, la femme indienne avec des valeurs, le vieux yankee déprimé, l'ex collègue devenu seriaaaaal killeeeer)... Un château de cartes qui s'écroule au premier soupir.

C'est mince, c'est très mince. Alors reste l'atmosphère, les costumes, les expressions de visage et les paysages.

Sans Filtre (Triangle of sadness)

La dernière image ? Evidemment tout le segment sur le mal de mer en mangeant des mets raffinés où le capitaine acroc aux burgers s'improvise animateur radio sur un campus étudiant - son rêve de toujours ?

Pour le reste, Palme d'or encore incompréhensible (comme à mon sens pour Titane et Parasite qui étaient déjà assez médiocres). Le meilleur est au commencement, la séquence d'intro avec les éphèbes franchement réussie. Toute la scène du restaurant divinement jouée, savoureusement dialoguée. Enfin la croisière assez joussive jusqu'à la tempête. De super idées ici et là et il est appréciable de se dire que la filiation de ce film est plus que jamais du côté de Blake Edwards (The Party) ou Dino Risi (Les Monstres) avec toujours cette idée de nous tendre un miroir plutôt fidèle de notre monde et de ses petites monstruosités. S'agissant de The Party il y a bien plus qu'une inspiration, il en va carrément de la citation à tout va : les toilettes qui débordent, le micro dont le son se répand partout (le syndrôme "birdy nam nam"), la folie qui contamine ce petit monde flottant loin des réalités...

On pourra regretter malgré l'efficacité de cette première moitié de film le manque de crédibilité qui affaiblit toute la deuxième partie : on abandonne les personnages qui un temps nous ont intéressés (le jeune couple mannequin + influençeuse), personne lorsque tout devient chaos n'a le réflexe d'essayer de contacter la terre ferme, la famille, les amis, les clients, les banquiers, personne ne prie son Dieu, tout un pan de possibilités forcément drôles. Tout reste dans l'ordre de la surperficialité sans jamais chercher un peu de crédibilité qui permettrait de rester accroché au récit... D'ailleurs les 2 premières séquences étaient justement réussies parce qu'elles sonnaient vrai. Ces entretiens, ce restaurant... Dès lors que sur le bateau, tout part en sucette (en fait dès lors qu'une cliente impose au personnel de sauter à l'eau, idée marrante mais qui fait décrocher le spectateur parce ça n'arrive jamais un truc pareil).  

Ce qui fait qu'on passe trop vite aux terroristes décrits en passant comme des pieds nickelés (esprit Tintin, idée assez moyenne dans le contexte actuel avec le terroriste survivant sympathique) et encore plus vite sur l'arrivée aux abords d'une île où l'on est presque dans la configuration du début d'un nouveau film. Et là, ça ne fonctionnne absolument plus... On comprend l'idée (de prendre les festivaliers de la haute et les mettre dans une configuration Koh Lanta à devoir faire du feu, tuer un âne à coups de pierre ou nettoyer un poulpe) mais cela reste trop binaire. Par ailleurs, toute l'histoire de la société qui se redéfinit en fonction des mérites des uns et des autres (le matriarcat en marche, la critique sans finesse du capitalisme et de ses méfaits) est tout aussi lourdingue avec le tunnel sur les sempiternels rapports sexuels qui en découlent etc. Très bof et surtout plus crédible du tout... C'est peut-être là que le film aurait gagné à prendre de l'épaisseur, à se dramatiser brutalement en s'intéressant vraiment aux personnages, en les creusant, en fouillant leur humanité...

C'est donc pour finir une vraie déception dont on garde le net sentiment qu'il est davantage un film-sketch, un peu gadget malgré les très bons passages du début par ci par là jusqu'au naufrage... Un auto-sabotage !

lundi 8 janvier 2024

Videodrome. TV Lobotomie !

 

Plus qu'un film d'horreur,

L'ambassadeur itinérant

De ces années qu'on dit Videoclub

De celles qui ne reviendront pas.

Le doudou, le sésame, la boîte de Pandore

De tous les rêves et cauchemars du week-end

Allongés que nous étions sur un clic-clac

Déployé sur l'épaisse moquette

Emmitouflés sous une couette rassurante.

Le début des années 80 était délectable

S'emparait de nous ce sentiment particulier

De s'être passé sous le manteau l'absinthe

Qui chavirerait nos sens jusqu'à la prochaine dose,

Le vendredi suivant !

James Woods s'extrayant de cette masse floue et bleutée

Non pas de l'océan mais d'un vulgaire écran de télé,

C'était la quintessence, l'un des emblèmes de cette époque bénie.

Et au-delà du symbole, de l'affect qui s'y joue,

Des défauts de jeunesse ou du manque de moyens

Dont souffre le film aujourd'hui plus qu'hier,

Videodrome reste une dénonciation frontale

Du poison mortel que peut constituer l'écran, petit ou grand,

Des effets hallucinogènes qu'il peut avoir sur ses sujets,

Comme la drogue dure, comme le gourou mal intentionné...

James Woods c'est évidemment nous absorbé par notre téléphone.

Un personnage principal fasciné par un spectacle

Qui prend rapidement la forme d'un sabbat cruel

La très grande époque de Cronenberg

Où comment entre ses mains expertes

Le poste de télévision devient autel sacrificiel ! 

samedi 6 janvier 2024

Excalibur

 Arthur est un enfant roi.

Joyau de la couronne

Doté d'un talent pur, en somme

La chair tendre et le sang frais

Que nous fumes tous un jour

Et dont nous cherchons trop tard peut-être

A retrouver désespérément

La capacité d'émerveillement fondamentale,

Cette innocence perdue, une flamme égarée...

Incarnées tantôt par le Graal, tantôt par l'épée Excalibur,

Qui seuls, résistent au temps qui passe.

"When you casted it what did you see Perceval ?"

J'ai vu la source originelle

Je suis né devant ce film,

M'y suis donné la vie

Juste avant l'épilogue,

Où depuis l'embarcation

Je me suis reconnu

M'éloignant dans le couchant,

Escorté de corbeaux dévoreurs de pupilles

comme le cinéma s'emparant de mon imaginaire !

La matrice, le point de non retour. Le voici.

Nous étions l'an de grâce 82 à Abidjan.


mercredi 3 janvier 2024

Wake in fright. Ted Kotcheff

 

La dernière image ? Rien de très net. Un arrière-goût, une amertume, L'aprêté d'un voyage immobile au bout de la nuit et le sentiment qu'un peu de The Catcher in the Rye peut avoir germé dans l'esprit du très honorable Ted Kotcheff (First Blood) pour donner vie à cet égarement, ce quasi documentaire aux accents oniriques, sorte de radiographie d'un fait divers (Gerry ? Délivrance ? Texas Chainsaw Massacre ?)  humant bon le coup de chaud et la transe des tourneurs en rond, tirant sa vérité de l'enlisement des hommes, de leurs rictus ensauvagé au moment de s'affaler dans leur merde, de leurs coupables oisivetés dans le couchant, au fond, tout au fond de l'outback ou d'une bouteille de whisky frelaté.

Et c'est toujours un bonheur de retrouver Donald Pleasance affûté, fou à lier, qui promène son tranchant et son génie malaisant tout au long du film avec un je ne sais quoi du Phil Collins diabolique dans le clip Mama de Genesis jusqu'au climax, improbable chasse au Kangourou au coeur de la nuit Australienne. Le genre de ténèbres opaques qui vous avale sans coup férir. 

Un temps réputé perdu à tout jamais, ce film inclassable ne laissera donc personne indifférent. C'est un joyau brut, cauchemar éveillé, lente montée de fièvre qui vous saisit à la gorge et ne vous lâche plus. Son style est littéraire (on pense à Tennessee Williams), puissamment singulier. Son titre, Wake in fright, annonce d'ailleurs fièrement la couleur. Noir c'est noir, par ici. De délivrance, de sommeil, de repos, vous ne trouverez point. Que le soleil brûlant vos rétines, que le sable enrayant la belle machine de vos mémoires et pour finir la frayeur unique, opressante au réveil, de ne pas se souvenir comment la nuit dernière s'est achevée... 


Roadgames (Déviation mortelle). Richard Franklin


La dernière image ? Plusieurs à vrai dire. Ce Richard Franklin a vraiment un truc. Je pourrais retenir la scène autour du feu (très western) dans un lieu perdu sous un arbre. Ou cette séquence d'introduction aux abords d'un motel voire cette exploration patiente et flippante de l'arrière du camion frigorifique. Enfin cette séquence finale qui voit le Dingo rompre son voeu de silence pour sauver son maître...

 Evidemment, le film n'est pas exempt de défauts (nombreux) mais comme souvent (comme avec Dario Argento par exemple) l'inventivité narrrative et visuelle, l'épaisseur du personnage principal, sa bonhomie, l'utilité du Dingo pour rythmer intelligemment ses monologues tout en contant par le menu la solitude d'une vie de routier, tant d'autre éléments viennent rendre la vision de ce film fort utile pour comprendre qu'il y a plus de cinéma ici que dans 95% de la production actuelle de films de genre et car il est vraiment truffé de folles idées (le credo hallucinatoire, les personnages et véhicules récurrents comme lors d'arrêts au pitstop pour une course automobile, tout un combi onirique forcément bienvenu...), de moments suspendus et fortiches qui vous font comrprendre que ce réalisateur est un amoureux sincère d'Hitchcock et qu'il a déjà dans le ventre le futur Link !

A voir en faisant preuve d'indulgence pour ses faiblesses afin d'apprécier totalement ses fulgurances mortelles qui méritent amplement la déviation.

lundi 1 janvier 2024

L'enquête est close. Jacques Tourneur


La dernière image ? Ce trio angoissant sur la lande écossaise. On peut penser à la scène de crime de As bestas même si les tenants et les aboutissants ne sont pas les mêmes.

De nombreuses séquences de ce film restent en mémoire. D'abord cette idée assez géniale d'une enquête qui trouve sa résolution à partir d'un simple sifflotement, d'un petit air Ecossais (autour de la "Bruyère blanche") qui deviendra même l'idée nourricière d'une pièce de théâtre à succès... Il y a derrière tout cela le message subliminal sur la façon dont les idées naissent et inspirent les auteurs... Le processus de création s'en trouve habilement fouillé, décortiqué.

Les diverses rencontres, la relation avec cette jeune femme, tout sonne vrai, avec des personnages humains, pas de méchant, pas de gentil, pas de manichéisme, une véritable psychanalyse post traumatique (la guerre, le deuil) entre les Etats-Unis et la Vieille Angleterre. Les accents sont d'ailleurs fabuleux à décrypter (écossais, anglais, américain, ...).

Jacques Tourneur avait un talent fou, notamment exprimé pour le film de genre bien ballisé, mais il excelle ici dans le genre policier presque d'inspiration journalistique, sans fioritures, avec un goût sûr pour immortaliser des extérieurs (le port, le bateau, la lande...), pour brosser des portraits bien vivants, avec sa maestria habituelle. 

Brefn, un vrai bon cru from RKO Pictures qui mérite amplement le détour.