vendredi 14 juin 2019

Paranoïa. Soderbergh


Soderbergh nous a bien eu. Il avait promis qu'on ne l'y reprendrait plus et le revoilà avec un petit thriller bien troussé, tourné à peu de frais (un i Phone, imaginez !) et dont l'inventivité joyeuse et permanente vient avantageusement pimenter une narration déjà fort audacieuse. Le résultat est tout sauf mineur.

Le cadre posé d'entrée puis en guise d'épilogue dit déjà beaucoup de la thèse défendue. Soderbergh y dépeint à dessein l'impitoyable monde du travail de notre époque récente (post 30 glorieuses) où pour réussir, pour tenir, il faut accepter de s'entasser dans des open spaces comme sur des plages trop petites en été et souvent, vive la promiscuité, de se corrompre. Voire d'y laisser son âme.  L'excellente série jamais achevée Profit ne disait pas autre chose : pour faire son trou dans une entreprise, faut avoir une case en moins ou être un authentique psychopathe... En tout cas pas un doux rêveur. Témoin cette séquence introductive aux discours ambigus : l'héroïne et son patron, le tout-puissant, lui proposant une première mission à ses côtés dans un bel hôtel... On y convoque intelligemment les figures récentes de "MeToo",  des femmes sans défense trouvent le soutien de l'opinion face à un genre masculin archi dominant dans une société supposément patriarcale. Cela crée le climat propice à baigner le film dans une paranoïa trouble, sorte de poison lent qui agit dès les premiers instants. Et pourtant, l'on s'aperçoit rapidement qu'elle a des ressources l'héroïne, elle sait dire non, elle sait décider ce qui est bon pour elle-même le soir venu au comptoir d'un café où le désir s'exprime par des regards puis des impératifs sans équivoque.

Passée l'exposition d'un personnage déjà complexe, le film élude les raisons exactes pour lesquelles cette jeune héroïne parfois imprévisible, voire carrément violente, va se retrouver internée en moins de deux contre sa volonté... On la croit un temps folle, puis rapidement, l'explication est là. Non non elle est tout ce qu'il y a de plus normal, sauf que pour s'en sortir elle va devoir s'adapter à son persécuteur, le contre-manipuler, faire assassiner une autre patiente et le zigouiller tranquillou (il semble qu'elle ait fait ça toute da vie) .. Pour nous faire retomber sur nos pattes. En fait elle était vraiment aussi dingue que lui dès le départ ;)

Puis c'est la fin, brillante, c'est bien senti sur l'époque d'aujourd'hui, sur le capitalisme et ses effets secondaires sur les patients que nous sommes tous. D'où cet épilogue qui repart d'où l'on est entré dans le film. Elle est devenue grande patronne d'une de ces sociétés du CAC 40 et on sait bien ce qui l'a amené jusque là... Cette folie si bien contenue en société.

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