dimanche 30 juin 2019

Ready Player One. Steven Spielberg


C'est mon côté torturé quand il s'agit de dire pourquoi on aime (ou pas) un film ; d'abord un point capital : le film m'a dans l'ensemble touché, ému parce qu'il semblait s'adresser au jeune passionné que j'étais début des années 80 enfermé dans mes jeux, mes films, mon monde imaginaire, passant ma vie dans mes videoclubs de Casablanca puis de Vélizy. C'est vrai que cette séquence finale dans le repaire (les script doctors parlent de caverne où l'on doit s'affronter avec la bêêêête, la personnification de ses peurs les plus enfouies) est un lieu absolument quelconque à première vue, une chambre d'enfant, mais s'en dégage une plénitude, une mélancolie, quelque chose de magique... On sent que c'est là que s'est forgé le génie du créateur, capable de transformer son réel en matériau divin... Un alchimiste en capacité de donner vie par sa seule pensée à la pierre philosophale. Une caverne d'Ali Baba recelant mille trésors et nous amenant à cette conclusion limpide : rien ne se crée, tout se transforme. Spielberg l'affirme et le démontre. A travers ses petits secrets d'alcôve révélés, ses failles sentimentales, apparaissent les raisons qui l'ont poussé à devenir le créateur qu'il est. C'est cela qui bouleverse tant. Sorte de climax d'une oeuvre testamentaire sur le mode vivant, léger, tout ce qui permet et facilite la transmission... Il est alors vraiment question de transmettre. Ce que l'Art a de plus profond à nous offrir. Sa propre expérience, son regard singulier sur le monde qui tend à devenir un enseignement universel. L'"Easter Egg" n'est rien d'autre. Le graal est cette coupe rouillée si notre imagination et notre capacité d'émerveillement intacte y consentent, comme Jack Lucas y parvient dans Fisher King ou Perceval dans Excalibur. D'ailleurs, les références évidentes ici à Excalibur - le nom du héros, Parsival, puis l'invocation du talisman (Anarrr Anssratt urssat besret dorien diembé) - ne laissent aucun doute sur la nature du message que Spielberg nous fait passer.

Evidemment ce qui m'aura moins plu à première vue c'est au niveau de ce qui se trame (un peu trop vite, un peu trop facilement) dans le "monde réel" du film, la facilité avec laquelle les héros "en chair et en os" viennent de toute la planète se retrouver en un battement de cil dans cette ville de Columbus qui ressemble fort en 2042 au nombril du monde... Facilité avec laquelle ils pénètrent dans le bunker de IOI, dans le bureau de Nolan Sorrento, facilité avec laquelle Wade Watts grille son identité ou repère le post it (BO55man69), facilité avec laquelle tous ces jeunes héros (réunis à la fin en deux trois raccourcis avec l'aide d'une poignée d'avions et autant d'heures de vol) manie avec une dextérité folle le kung Fu lorsqu'ils affrontent la femme en charge des basses besognes d'IOI. Parmi eux un enfant de 11 ans ? Où sont leurs parents ? Qu'on pensent-ils ? Questions légitimes qui demandent des explorations complémentaires... Mais j'y reviendrai.

Pendant ce temps, la quête du graal à travers les 3 énigmes à résoudre se révèle éclairante. Parce qu'elle explore cette idée simple qu'il faut s'extraire du monde, de son vacarme et de ses lois capitalistiques pour toucher au bonheur, à la vérité peut-être, qu'il faut retrouver son innocence. Cela passe simplement par le fait de refuser de s'engager sur la ligne de départ pour une course à l'échalote à l'argent qu'on amoncelle, qu'on amoncelle, jusqu'à plus soif. Une simple marche arrière ? Voir le monde par en-dessous vous en livre soudain une vision beaucoup plus poétique ? Celle de l'humilité. Oui mais il faut pour cela rentrer dans le cerveau du créateur d'un jeu (matérialisée par la résolution de la deuxième énigme), comprendre les raisons profondes qui l'amène à traiter un sujet (est-ce l'embrigadement de longues années de la fille de Stanley Kubrick dans un mouvement sectaire qui autorisa dans son cerveau de créateur à penser la première partie "lavage de cerveau" de Full Metal Jacket ou le cercle secret de Eyes Wide Shut ?). Et toute la partie consacrée à l'immersion dans Shining est en cela emblématique. Quel plus grand casse-tête cinématographique que Shining ? Qui s'affranchit du livre dont il est l'adaptation pour parler du processus de création artistique et de ce qu'il entraîne comme conséquences désastreuses sur la famille du créateur dans la vraie vie (je n'ai pas dit le monde réel)... Il suffit aussi de revoir Room 237 (au demeurant pas terrible) pour se convaincre que ce choix est tout sauf anodin.

Ces différentes énigmes que se coltine le héros dans le film sont de tels accès vers de nouveaux niveaux que je ne peux pas ne pas m'imaginer que le film recèle lui-même un mystère qui m'échappe encore... Comme si nous devions par nous-même voir et revoir le film pour mener notre propre enquête afin de localiser le passage secret qui mènerait vers une nouvelle façon de le comprendre et de l'aimer. C'est le génie de l'auteur que de savoir donner à son oeuvre suffisamment de respiration, de clés et de zones d'ombre pour que le spectateur puisse se l'approprier ou tout au moins y trouver sa place.

Serait-ce à dire que Ready Player One est aussi complexe que Shining, potentiellement sujet à de multiples analyses ? C'est ce que j'aime à penser. C'est pourquoi j'ai fait comme pour Mulholland Drive, The Shining, 2001 A space odyssey, Eyes Wide Shut ou Only God Forgives... Je l'ai revu avec mon regard d'enfant émerveillé pour chercher ce fameux passage secret et voilà ce que j'ai trouvé :

Tout est donné d'emblée sur la ligne de départ. Le film s'intitule Ready Player One. Le personnage principal se nomme Wade Watts. La carte de jeu c'est comme dans les différents épisodes de GTA, une ville. En l'occurence Colombus. La tante de Wade s'appelle Alice (Un prénom prédestiné ?). En rentrant dans le film, on est rentré dans le jeu. Une ville monde. Un REAL WORLD auquel s'agrège l'OASIS, le fameux MMORPG où se mèneront les différentes quêtes. Qui dirait entre nous MONDE REEL pour désigner la réalité ? Non REAL WORLD est le parfait nom d'un jeu qui par essence doit faire cohabiter une monde ressemblant au nôtre (certaines scènes clés - dont la libération d'Artemis - viennent d'ailleurs nous montrer que les deux univers sont étrangement entrelacés, peuvent se superposer l'un l'autre). Dans le REAL WORLD, pas d'armes à feu. Si comme dans la scène finale vous en brandissez une dans la foule, la police ne tardera pas conformément au principe GTA à vous éliminer du jeu. Ce faisant, le personnage d'un enfant de 11 ans peut vivre dans ce monde, les jeunes héros peuvent faire du Kung Fu, peuvent décrypter un post it sur le fauteuil de Nolan Sorrento (clin d'oeil du créateur du jeu pour le joueur que nous sommes ou avons été,  post it comme on en utilisait au XXe siècle, surtout pas en 2042), peuvent rentrer comme dans du beurre dans sa forteresse... Le REAL WORLD où personne ne dort jamais est le monde dans lequel l'univers narratif du jeu se développe. L'OASIS est celui où l'on va régulièrement chercher les clés pour gagner. Le REAL WORLD est le fameux niveau où il n'y a pas de règles a priori. Tous les choix sont possibles et vous construisent comme dans SIM CITY.

La finalité étant de faire comprendre que le pouvoir qu'offre l'empire d'Halliday n'est rien comparé à la capacité d'avoir compris toute l"émotion, les souffrances et les échecs qui l'avaient amené à devenir le créateur qu'il est devenu.      



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