mardi 25 juin 2019

Downsizing


Franchement, l'entrée en matière est délicieuse. Ce mélange entre une société aseptisée. molletonnée, toute froide et clinique d'un côté. Les préoccupations organiques, rasage de sourcil, arrachage de plombs, épilation complète, sécrétions corporelles, lavage d'estomac de l'autre. Ca pose le film et sa problématique. Que sont nos rêves et nos idéaux face à ce qu'on ne maîtrise pas. Un corps qui nous lâche, une dépression qui nous vainc, une envie de vomir, un cancer qui nous gagne. Alors que faire face à la nature et son mystère, que faire à part se sentir tout petit, petit, petit en continuant à faire comme avant ?

La première partie jusqu'à miniaturisation complète est d'ailleurs fort réussie, explorant non sans astuce, la traduction concrète d'une volonté politique, scientifique et économique sans faille (et pour cause il est aussi question de faire de l'argent) de participer aux efforts pour sauver la Terre face à la surpopulation et la dangereuse pollution de cette dernière. Des options qui se trouvent légitimées par la décision de réduire la taille de nos sociétés humaines.

Rapidement l'on s'aperçoit que la matérialisation ce nouveau monde s'inspire de l'adage qui veut qu'on ne doit pas confondre "vacances et immigration". Et oui, ce fameux monde idyllique se révèle aussi injuste et toc qu'il s'est longtemps présenté comme un eden pour lilliputiens. Cela commence par la marche arrière de la femme du héros qui le laisse continuer son aventure tout seul... Puis le "petit homme" réalise que sa vie même en version rikiki paradis est toujours pesante, lisse, morne, sans éclat. C'est alors qu'à mon sens le film dérape , fait une sortie de route et lâche son spectateur... Il devient prosaïque, métaphore trop littérale de toute expatriation d'un américain ou d'un européen dans les pays émergents. Tu déménages. T'as un sacré pouvoir d achat. Ta copine est restée au pays. Ton voisin fait de grosses fêtes entre expats et exploite les gens démunis, handicapés (on pense aux mutilés de guerre dans certains pays d'Afrique). C'est paradoxalement la limite de l'exercice. Cela crée une confusion des genres malvenue. Ca affadit et le propos et le film.

L'homme qui rétrécit ou Chérie j ai rétréci les gosses sont des réussites parce qu'ils transforment une minuscule araignée en monstre préhistorique ou un simple coin de pelouse en forêt amazonienne truffée de pièges tout droit sortis de King Kong ou d"Indiana Jones. En cela, ils remplissent parfaitement leur fonction de faire s'évader avec le quotidien sans nécessité de tenir un discours politique. Le discours se fond idéalement dans cette transformation du quotidien sans avoir besoin d'y ajouter un sous-titre ou une voix off. Le fait d'aborder Downsizing sous cet angle double (le fantastique et la question écologique du moment) est périlleux parce qu'il finit par se ranger du côté du discours un peu creux en oubliant le frisson, la fiction, l'imaginaire, en éludant l'incident qui va légitimement susciter l'intérêt du spectateur. Exemple : un rat, un ver ou des fourmis ont réussi a s'introduire dans la ville surprotégée. Chouette, qu'est-ce qu'il adviendra de cette communauté menacée ? Comment ce monde peut-il évoluer sans interagir avec le monde que nous connaissons ??? Comment un homme de taille normale n'aurait-t-il pas le projet diabolique ou l'envie meurtrière de venir piétiner tout ce beau monde un soir d'absence à lui-même ? Et qu'advient-il des humains de taille normale ? Le héros n'aurait-il pu avoir l'idée de s'évader pour retrouver sa femme ? La reconquérir malgré la différence de taille ? Bref du cinéma, de la poésie dont le film est dépourvu... Le cerveau humain ne peut pas l'accepter comme il ne peut accepter que sur ce lac ne surgira jamais la moindre sardine devenue gigantesque mettant ainsi en péril la frêle embarcation ? Cette volonté de rester coûte que coûte dans les clous du message à passer à travers d'interminables causeries finit par enfermer le spectacle dans un propos fumeux, théorique, qui personnellement a fini par me lasser.

En revanche, sympathique est la pirouette finale qui stigmatise le côté sectaire et intolérant des Vegans et autres écolo-mondialistes (naturellement blancs, sur-éduqués et européens) et nous rend sympathiques l'inconscient voisin expat du héros et les classes oubliées de ce monde en décrépitude (incarnées par la fiancée du personnage joué par Matt Damon). Eux continueront vaille que vaille à se tenir les coudes sans oublier de brûler la vie par les deux bouts.

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