vendredi 31 décembre 2021

Dario, Troisième mère

 

Cinq jours déjà... J'en ai encore des frissons. Le syndrome de l'innocent qui vient d'entendre le baillement d'une porte. C'est le fantôme de Dracula. A Casa, Vélizy ou Milan. Une même angoisse phénoménale persiste. L'image infernale imprime sur ma rétine son trauma, son cristal suspirien, laisse mes yeux sur le carreau, chauffe mes sangs à la façon du chat ou de quatre oiseaux maléfiques qui de leurs regards de Giallo me dévisagent depuis les ténèbres d'un Opéra. Peu importe... Hitchcock, Stendhal peuvent toujours courir, espérer, dans la queue, s'interroger "Quelle mouche l'a donc piqué ?" Rien ni personne à mes yeux n'arrive à la cheville de Dario qui fut, allez comprendre, est, sera toujours une troisième mère pour moi.

 

mercredi 29 décembre 2021

Canicule (the Dry)

La dernière image s'il doit en rester une ? Cette pré-séquence d'immolation dans une nature assoiffée et qui reçoit de l'alcool à brûler en guise de rafraîchissement.

Il y a par ailleurs dans ce film de bien belles images notamment vues du ciel, le drone a de belles années devant lui). Ce qui confère au film une atmosphère réussie. The Dry porte d'ailleurs bien son nom. Tout ce qui est à l'écran assèche le regard, les sentiments et le verbe chez le personnage principal. Problème(s) : Tout ici est vu et revu. Souligné et re-souligné. Le gars du coin pas désiré, même soupçonné à tout le moins de mensonges dans son passé revient après la mort suspecte d'un ami d'enfance avec qui il partageait un secret... Eric Bana a le charisme d'une moule frappée d'apoplexie. Quel choix calamiteux pour le premier rôle. Pour le reste, le principe éculé des flash-backs pour construire une enquête parallèle dans le passé n'a rien de très original mais passe encore. C'est surtout la double résolution finale qui a vraiment quelque chose de lourd, de trop explicatif et d'ailleurs de pas très crédible (l'histoire du père violent etc) mais surtout d'artificiel. Bref on peut tranquillement passer son chemin même si l'ambiance, la langueur, l'étuve ressentie apportent à The Dry un certain charme malgré tout.           

lundi 20 décembre 2021

Les ruines


La dernière image s'il n'en reste qu'une ? Pour moi c'est cette jeune femme qui de façon obsessionnelle va traquer les corps étranger sous la peau, son cuir chevelu, dans les reins à coups de lame effilée. Une vision d'horreur réussie avec si peu de choses, et traduisant la folie de nos sociétés occidentales en mission pour condamner le mystère, la mort, pour célébrer l'eugénisme, la pureté dès lors qu'elles sanctifient l'apparence reine, le matériel à tout prix, etc.

Les Ruines est par ailleurs un petit film d'horreur pas dénué d'intérêt, plutôt habile et surtout éprouvant. On sent qu'il est tourné à peu de frais mais comme souvent les "bons crus" (Pas de pétrole mais quelques idées fortes). Le genre de série B horrifique qui ne se refuse pas.

C'est ce qui est appréciable : lorsque sur un sujet donné (l'exploration d'une pyramide, la confrontation avec une plante carnivore géante), le film va consciencieusement éviter les poncifs (exploration souterraine, confrontation avec des populations autochtones anthropophages et sanguinaires), se contente d'explorer la surface (terrasse supérieure) d'une pyramide Maya et de décortiquer avec un souci de réalisme les mécanismes de la peur partagée par ces 5 victimes en gestation.

Evidemment les petits touristes buveurs de Mojitos en bord de piscine restent sourds aux mises en garde des habitants du coin (qui eux savent et connaissent les risques encourus par les explorateurs les plus inconscients). Là encore, petit message sur ce que le tourisme à l'heure du low cost et du air B&B peut donner de plus vidé de sa substance : aucune rencontre avec l'autochtone, on reste entre soi, on boit de l'alcool et on rêve de faire deux trois photos sur une pyramide comme on le ferait dans un cimetière. 

Ce qui séduit, c'est donc ce message subliminal couplé à une volonté d'anti-spectacularisme et d'explorer au maximum les réflexes humains, les situations réalistes, la volonté de se serrer les coudes, d'accepter l'horreur jusqu'au sacrifice ultime... J'aime beaucoup notamment cette prise de parole finale qui révèle les rêves de jeunesse du héros an sens le plus noble du terme (tel est son nom, il rêvait d'être médecin etc.) qui a des accents sincères tout en permettant de faire diversion pour permettre à sa fiancée de se faire la malle.

L'ensemble reste mineur mais comme je le disais, j'en apprécie la fraîcheur, le ton, l'exploitation intelligente d'un huis clos à ciel ouvert.



dimanche 19 décembre 2021

The Lighthouse

 

La dernière image ? Evidemment ce tableau sépuscral de fin, ce corps encore vivant, engourdi et s'offrant à une nuée de mouettes assoiffées de sang humain. Mais travailler dans ces phares du bout du monde n'est -il pas en soi un immense sacrifice ?    

Hommage doit être absolument rendu au travail sur l'image, ce 35mm d'une densité folle, ce noir-et blanc aux matières granuleuses, aux nuances de clair-obscur étirant, étalant son gris nuit à l'infini. De nombreux passages du film confinent à des tableaux d'une puissance sépulcrale rare. Je pense au plan final.  Mémorable. On pense à du Jerzy Skolimowski dans ce qu'il peut accoucher de meilleur à l'image. 

je salue également les 2 acteurs que j'adore et qui ne déçoivent pas que ce soit dans l'épaisseur de leurs silhouettes, leurs expressions, leurs silences ou lorsqu'ils servent dignement de beaux textes littéraires, aux accents lyriques... On pense alors à un huis-clos au sommet sur une scène de théâtre, le sujet s'y prêterait volontiers, et ce duo pourrait y faire des merveilles à coup sûr.

En revanche, la trame et le sujet (comme les intentions ?) sont trop ténus, trop attendus. Chacun cache soigneusement sa folie, son passé, ses envies de meurtre... Chacun peut être une version plus jeune, plus vieille de l'autre, chacun peut vivre seul sur ce morceau de purgatoire et donner vie à l'autre pour se donner l'illusion d'être accompagné... L'enfer y serait l'autre ? La "lumière" révélée serait ce mirage qui de tout temps donne des ailes (celles noires du vautour) à l'opprimé y voyant à tort un salut qui n'est jamais que fantasmé.  La fameuse histoire du patient immobilisé qui envie la position de son voisin de chambre lui racontant tout ce qu'il voit de passionnant par la fenêtre... Ce dernier meurt et lorsque le premier occupe enfin le même lit, il découvre avec horreur que par la fenêtre on ne voyait qu'un mur en face...

Tout est appuyé. L'ensemble est trop léché, pas sympathique pour un sou, et ne nous permet donc pas de nous glisser dans le film aux côtés de ces deux personnages en perdition,  de rentrer dans ce monde éthéré qui reste aux portes de la réalité et se présente davantage comme un long cauchemar émaillé de visions de l'enfer prises dans l'oeil du marin en train de sombrer dans des eaux glacées.

Pour résumer, j'ai trouvé ça bien beau certes mais beaucoup trop froid et surtout pas assez aventureux, audacieux sur le plan narratif. La fin, on l'attend depuis longtemps, on la voit venir et elle arrive comme tout le film nous préparait à la voir débouler. Dommage.                    

Le Rosebud de Steven

      

On a pris ça dans les dents, ma mère et moi, l'effet d'un bon gros crochet, puis le mal de crâne qui ne m'a jamais quitté. Toujours là. C’était en 1941, Papa s'est volatilisé comme un espion après le duel de trop, « Arrête-moi si tu peux » fut son dernier mot, Testament de l'extraterrestre regagnant sans prévenir sa quatrième dimension. Depuis je veux retrouver ce monde perdu, paradis géant, « sugarland » à la couleur pourpre ! Je suis Ryan Lincoln Schindler Jones l’aventurier, le soldat, le capitaine, le « player 1 » prêt à tout pour une nouvelle rencontre, sans esprit de revanche. Sur un pont la nuit, devant le Pentagone, dans un temple au coeur du West Side. Pour percer les secrets d'avant son maudit départ. Peu importe où, je veux que renaisse ce royaume de ses cendres, l'empire de mon soleil ! C’est là ma croisade, ma guerre des mondes, pas besoin de liste, ni de papier, ni de rapport minoritaire, ni d’intelligence artificielle, ni même de terminal. Le graal, le cristal, l’arche perdue, appelez ça comme vous voudrez, m’attend quelque part. A Munich, dans l'Indiana ou sous mes pieds comme chez HG Wells. Personne ne m'arrêtera, je suis le cheval fougueux, une licorne du troisième type, le "friendship trooper" lancé à toute vitesse comme l'Express de minuit. Je le trouverai et croyez-moi, je sauverai l’enfant Steven Fabelmans !

dimanche 5 décembre 2021

La loi de Téhéran


La dernière image ? Si je ne le revois jamais, ce sera certainement cette scène carcérale  où l'accusé revenu d'entre les morts après s'être arrosé le visage d'eau dans les chiottes, en fait profiter une armée de zombies à l'aide d'un tuyau (on est alors dans le genre, presque fantastique, pas loin de L'armée des morts...). 

Sinon, tambour battant... C'est le mot. Comme cette scène d'introduction qui pose habilement les codes d'un genre millénaire. Le film noir. Ou le polar ? Mais social, documentaire, trempé, plongé même dans l'acide du trafic de drogue et de ses victimes collatérales : consommateurs et apprentis sorciers, policiers ripoux, endeuillés, flics de devoir, juges pressés et ex-maîtresse éplorée. Une course dans la ville et hors la bouche, c'est que les mots courent aussi vite que les fuyards de cette emblématique scène introductive qui pour s'élever socialement, qui pour réparer son honneur. Vite fait, bien fait.

Une société où policiers et bandits ont un même code d'honneur ("je ne provoquerais jamais la mort d'un enfant" nous dit l'accusé en larmes), où l'on ramène à la vie un gangster pour mieux lui lire en diagonale ses droits, pour mieux lui rendre la mort après comparution immédiate... Comparution devant la justice, devant sa famille effondrée... Lui-même dit tout, de façon honnête, transparente : "vendre 1 gramme ou une tonne, mon sort aurait été le même...". Dans le même temps, le flic le plus droit qui soit doit faire la preuve qu'il n'a pas dérobé une partie de la dernière prise... Suspicion généralisée, tous dans le même bain, tiraillés par le besoin, de s'extirper de la masse, de s'offrir par cette prise de risque insensée un avenir meilleur, pour soi, mais pour les siens (les enfants envoyés faire leurs études ailleurs) au mépris des codes, de la loi impitoyable de Téhéran.

Evidemment les vrais argentiers de ce business de mort restent invisibles, bien au chaud, planqués. Ils pourront tranquillement continuer de tirer les fils dans l'ombre, pour faire fleurir ce commerce sépulcral. C'est l'intelligence de La loi de Téhéran que de nous le suggérer habilement.  

Je retiens aussi des acteurs fantastiques, plus vrais que nature : ce face à face dans le fourgon est un sommet d'intensité.  

Ce qu'on peut, ce que je peux déplorer, c'est peut-être la deuxième partie, pour le coup très bavarde, et un point de vue trop obsessionnel sur la trajectoire de ce bandit, cette victime (de lui-même) qui en s'humanisant n'efface pas l'intérêt que l'on porte légitimement aux 2 policiers qui auraient mérité selon moi une plus grande attention (leurs familles, leurs objectifs, leurs vraies valeurs, leurs états d'âme...).

Ce qui fait que le final, attendu, n'apporte pas ce supplément d'âme, cette déflagration qui amènent un film à des hauteurs rarement atteintes. On s'y attendait, tout se passe comme prévu et le livre se referme plutôt sagement.

Mais il reste un film à voir parce qu'il tricote sa matière documentaire à l'un de ces genres anoblis : c'est souvent le secret de fabrication des grandes réussites.

vendredi 26 novembre 2021

Le sommet des Dieux

La dernière image ? Ce sera probablement ce moment suspendu (c'est le cas de le dire) où l'un et l'autre sans se l'avouer savent déjà que pour sauver l'autre, l'un devra faire cadeau de sa vie, de la jeunesse, de son inexpérience... Il y a  quelque chose d'étouffant à ciel ouvert, qui laisse le spectateur impuissant et pleinement conscient comme les 2 personnages de ce qui attend ces derniers.  

Pour le reste, j'ai connu le studio Galande plus fou-fou et l'animation japonaise moins plan-plan.

Peut-être parce qu'en découvrant ce joli Sommet des Dieux, j'ai trop senti la sensibilité française, le regard d'un gars de chez nous, trop respectueux de l'oeuvre originale, trop soigné dans le travail d'adaptation qu'il y mène, même lorsqu'il s'agit d'inventer des couleurs qui ne sont que suggérées dans le Manga.

Alors bien sûr, je retiens de très beaux moments, la mort sacrificielle du jeune homme, la survie inhumaine du Héros dans les Alpes, le final dantesque qui lui permet de racheter ses fautes pour s'oublier vers les sommets, siéger aux côtés des Dieux dont Mallory fait sûrement partie. 

Mais il y a quelque chose de linéaire dans la narration, de tranquille, de pas toujours inspiré, enlevé, c'est tout ce que je peux regretter : Qu'un univers autour d'un sujet pareil (le dépassement de soi, la recherche de ses propres limites, le jeu permanent de cache-cache avec la mort, l'au-delà) accouche d'un objet "raisonnable", presque routinier, prévisible, rationnel, alors qu'une tempête à ces hauteurs, surtout sous un crâne, ne l'est jamais... Dommage !   

mercredi 10 novembre 2021

Orange mécanique : Avertissement pour le citoyen lambda et la société qui l'a façonné

 

La violence ? Consubstantielle à l'humanité
Notre civilisation n'est qu'un vernis sec
qui craque, saute à la moindre contrariété
Le film nous dit qu'à tout prendre, mieux vaut vivre avec
Que de chercher à bousculer l'ordre des choses
Sa démonstration est radicale, fait scandale,
Le dit mieux que personne : peu importe la dose
Le remède est à coup sûr pire que le mal.
L'emprise mentale est au centre du propos 
Preuve en est ce final d'une force inouïe,
Le beau de retour aux oreilles du héros
Réinstalle la violence du monde en lui.
L'on imagine à son sourire ensorcelé
Qu'elle sera à la démesure du temps
De "dénaturation" qu'il aura enduré :
Décuplée, irrépressible, un déferlement !

mercredi 3 novembre 2021

Fisher King. Lettre au Roi Pêcheur

 

Dans cette ville-monde où chacun oublie de lever la tête
Qui est donc cet illuminé que personne ne prend le temps de saluer ?
La notoriété serait un royaume, le conquérir une quête sans fin,
Ta réussite matérielle espérée, attendue, programmée.
Mais à la fin des fins, la seule reconnaissance à laquelle tu aspires
Par laquelle tu inspires, tu respires pleinement,
C'est le sourire bienveillant de celui
Dont tu as précipité la perte n'est-ce pas Jack ?   
"Jack ?
"Forgive me 
Prémonitoire la perspective de ton premier grand rôle
Qui t'incita à déclamer sur tous les tons
"Forgiiiiive me !
 Sans y mettre tout à fait la vibration juste
Le vécu, trop de fausses notes encore.
Toute ta vie Jack, tu as rêvé de quitter ta voix, de prendre corps,
Oubliant que plus tu épaississais ton trait, plus tu te diluais,
T'oubliais, te mentais à toi-même,
   Cherchant dans ton reflet une consistance,
une vérité que tu ne trouverais pas !
Tu es ce Pinocchio qui s'ignore,
ce pantin à la merci de mille désirs infantiles
Alors que tu dois éclore au monde
Comme celui que tu es toi
Et personne d'autre : Jack Lucas.
Un roi nu dans Central Park ou partout ailleurs.
Lorsqu'enfin, Trane emplit tes oreilles, ton âme pour finir,   
Tu peux rouvrir les yeux, adieu péché d'orgueil !
Adieu culpabilité, bonne conseillère,
Dans certaines extrémités, mère de grands destins.
Tu deviens responsable, tu t'effaces pour l'autre,  
Tu affines ton trait, prends en charge les rêves
Un peu fous de ce merveilleux clochebouille.
Votre histoire devient une même histoire.
Elle ouvre des horizons vierges, inexplorés,
sur le message essentiel du film, le seul qui vaille : 
La magie, le rêve, le conte, sont partout autour,
Ils ne dépendent que de nous.
Cette vulgaire coupe rouillée peut être le Graal
Si nos yeux et notre âme consentent à cette merveilleuses idée.
Se foutre à poil dans Central  Park
Ou aux Buttes Chaumont après la fermeture ?
Probablement l'expérience la plus exotique,
Le plus lointain voyage,
La plus folle aventure humaine qui soit dans ce contexte...
Pas besoin de traverser les océans, 
De s'envoler vers l'autre bout du monde, 
D'ambitionner d'en faire le tour pour être heureux,
Et non, bien sûr, tout est là, partout, à chaque instant,  
Il est là le bonheur depuis toujours, sous notre nez,
Ne le laissons pas passer !


dimanche 24 octobre 2021

De mémoire... Que reste-t-il de ces innombrables séances dans une salle obscure ?

De mémoire de cinéphile, j'ai compris ce qui se joue dans ce qu'imprime en vous la salle obscure, j'ai compris ce qui compte après avoir vu un film... Laisser le temps filer, voir le film se décanter, compter les survivants, soupeser ce qu'il en reste quand le processus est achevé. Quelle trace subtile subsistera ? Quel enseignement fondamental vous restera-t-il ?

Allez je me lance... je reprends à dessein des moments de cinéma vécus il y a longtemps dans une salle obscure ou chez moi. j'essaye de restituer ce qu'il en reste... DE MEMOIRE :-)

Alors dans un premier temps, beaucoup de films remontent à la surface, quelques moments d'éternité, mais si on m'assigne le devoir de ne garder qu'un film, qu'une scène, qui se serait emparé de son âme à tout jamais, qui est profondément ce que je suis depuis l'enfance, depuis que je l'ai vu pour la première fois à Abidjan dans une salle obscure, c'est naturellement Excalibur, c'est John Boorman. et mon âme se trouve bien aise tout au fond de ce lac aux côtés d'une Dame. La dame de mon coeur.




vendredi 22 octobre 2021

Pump of the volume 1991

La dernière image ? Christian Slater exultant, Christian Slater devenu la voix, notre voie, celle du Samouraï dont les codes et les valeurs transparaissent à chaque mot.

On dit de certains peuples que l'accord oral, le hochement de tête vaut poignée de main qui vaut tous les contrats du monde.

Les contrats ont été inventés quand la parole s'est vidée de son sens premier. L'oralité a pourtant un jour été un art, une tradition, avec ses règles immuables, ce rapport immanent à Dieu, à tous les Dieux.    

Ce que je garde de Pump Up The Volume, c'est de l'avoir découvert à ma majorité (1991) avec toutes ces musiques qui ont permis une exploration jubilatoire vers des oeuvres, des groupes, des univers très variés. Mouvement qui s'est prolongé par la suite dans une farfouille passionnée aux rayons de la FNAC et autres FURET DU NORD.  

Mais ce qui prédomine ici, ce qui me parlait c'est ce sentiment de liberté, sa voix audible, il est écouté. On l'écoute. le son s'extraie harmonieusement des tréfonds de ses poumons. Freedom of speech mais plus encore, Liberté de dire ce qu'on pense. Sa pensée s'affiche, elle est sur ses lèvres. Jamais je n'ai autant rêvé d'être ce personnage qui n'a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre son rêve et ce qu'il en fait.

Or à 18 ans, on est au carrefour, on ne sait pas encore le prix d'affirmer ce qu'on veut vraiment. Cristian Slater nous montrait le chemin.   



jeudi 21 octobre 2021

Fright Night 1985

La dernière image ? je m'explique. Il y a des films que j'ai vu 100 fois, D'autres que je n'ai vu qu'une fois, peu importe,  dès lors qu'ils ne m'ont pas laissé indifféremment, je préfère vivre avec le souvenir que j'en garde, ce qu'il ont laissé en moi d'indélébile, ce qu'ils m'ont apporté dans ma philosophie pour exister.

Un exemple ? Fright Night. Vu souvent lors de sa sortie. j'ai emmené les parents, les amis, j'adorais cet objet à la fois moderne et truffé de références (De Terence Fisher à Alfred Hitchcock). J'avais même le 33 Tours. Une BOF géniale. Les années 80 dans toute leur splendeur.

Plus le temps séparant le dernier visionnage (vingtaine d'année je dirais) s'épaissit, moins il reste de moments qui s'impriment sur la rétine, alors j'aime l'idée qu'à la fin des fins il reste une image, la quintessence de ce que le film a laissé en moi. Comme enseignement. En saignement. 

Alors si je dois garder une dernière image, c'est ce moment voluptueux qui résonne des échos de Come to me, la sensualité, les premiers émois, la dangerosité de l'éveil à la sexualité, lorsque le "Dracula" d'en face vient mordre au cou la fiancée du héros (Charlie Brewster)... Alors je me rappelle que ce film comme tous les films d'horreur dont les héros sont des adolescents ne fait rien d'autre qu'aborder le sujet du passage à l'âge adulte, de ses métamorphoses, de la prise de conscience que le sentiment d'immortalité qui baigne la jeunesse n'était qu'une illusion.  Une supercherie. Ce que n'est pas le film. Bien au contraire.     






jeudi 2 septembre 2021

Okja


Okja c'est un peu le ET version 2.0 par ces temps de prise en compte de la souffrance animale. La force du film au départ c'est d'ailleurs de rendre plausible cet univers, de susciter chez le spectateur un "c'est possible", ça pourrait bien arriver d'avoir un jour ou l'autre des cochons génétiquement modifiés d'une taille phénoménale, d'une gentillesse confondante (ça c'est moins sûr).

J'aime beaucoup toute la première partie en tout cas le film jusqu'à la fameuse mise en scène médiatisées des retrouvailles entre Okja et sa meilleure amie Mija. Parce que l'intelligence du propos est alors d'être entré par le prisme du conte, par une histoire d'amitié crédible, avant de basculer brutalement dans un monde beaucoup plus cynique. La vraie vie quoi.

J'apprécie la volonté qu'on sent de décrire les membres du front de libération des animaux comme des gens un peu habités, un peu border line, un peu inquiétants, aux motivations qui dans un premier temps restent troubles, équivoques... L'idée par exemple que le "chef" de cette organisation puisse avoir des objectifs pas clairs, des comportements limites (lorsqu'il frappe sur son ami avant de le congédier manu militari). Tout ceci contribue à donner du monde une idée assez juste... Le bien et le mal sont-ils toujours là où on pourrait penser qu'ils se terrent ?

Mais lorsque les masques tombent, que le FLA devient tout gentil, que la grande prêtresse du mal devient méchante, une vraie méchante de Disney, que le docteur Maboul en fait trois fois trop, tout devient binaire, sans aspérités, à la portée d'un tout petit enfant et cela affadit le film et sa portée. Dommage...

Reste un joli conte avec un final que j'aime beaucoup parce que derrière ce moment paisible, cette sérénité retrouvée, on s'attend à tout moment à ce que retentisse une ultime déflagration...

mardi 24 août 2021

Beckett

Curieux ce petit film. Comme j'ai trouvé curieux l'accueil parfois tiédasse, souvent glacial des spectateurs à son arrivée sur Netflix.

Voici pourtant venir un thriller sans prétention. C'est d'ailleurs ce qui m'a plu. Son humilité. Il vient comme il est. Longue mise en route il est vrai, je pense à toutes les scènes d'expositions précédant l'accident. Mais une partie du plaisir à regarder le film est précisément là. Dans le temps qu'il prend à installer son dispositif, son étrange histoire, ses bizarreries, sa touche "européenne". Qui donne le sentiment d'être quelque part entre  Le Fugitif et Frantic. Ici on se dépayse à la Grecque.

Prenez une thématique chère aux blockbusters américains, il est question d'injustice, de chasse à l'homme, de climat paranoïaque. Mettez-y du familier, du quotidien, un héros boudiné, gauche, plus vrai que nature, pris dans l'engrenage d'un deuil impossible, enchaînant des chutes qui ne mettent en rien fin à son insondable culpabilité. Et l'identification devient forte. Enfin pour moi.     

Une fausse lenteur s'empare du film. Ca n'a l'air de rien mais tout s'enchaîne vivement et pourtant chaque scène prend le temps d'installer quelque chose (chaque rencontre, chaque lieu). Il y a la vitesse de ce qui se succède avec force et en même temps de la pesanteur, une forme de gravité bienvenue.

Alors oui, des longueurs il y a (toute l'introduction au couple), des invraisemblances, des lourdeurs (le saut final depuis les hauteurs d'un parking de plein air), des "sorties de route" mais tout ceci est contrebalancé par un goût immodéré pour des scènes de baston anti-spectaculaires ou des séquences qui font surgir la déflagration, le danger de façon simple, sans maniérisme outrancier. 

Dans ce réalisme recherché, dans ce cadre d'abord intime (le couple amoureux en vacances) puis vaste  (la mondialisation à l'oeuvre, les basses manoeuvres politiques, la raison d'Etat qui peut justifier l'assassinat d'un citoyen américain au mauvais endroit au mauvais moment) l'identification devient possible puis les questionnements  : qu'est-ce qu'un passeport américain de nos jours quand ce qui se joue vous dépasse et fait de vous dans le meilleur des cas une monnaie d'échange ?     

Reste cette accumulation de blessures par balles, par chute, pas coups de canif, auxquelles le héros survit miraculeusement et qui interroge sur le caractère sacrificiel, christique (blessures aux pieds, aux mains) de son chemin de croix ?   

Toute cette fuite en avant qui devient quête pour sauver l'enfant kidnappé n'est-elle pas le reflet d'une volonté farouche de racheter ses fautes, sa faute initiale ? De réparer ce qui peut l'être ? Ce qui justifierait l'acharnement à vouloir survivre coûte que coûte... Sorte de mort-vivant jusqu'au-boutiste.

Ou alors, interprétation qui vaut le détour de ma pré ado. : tout ceci n'est qu'un mauvais rêve, qu'une lente agonie entre vie et mort  au moment où il perd connaissance dans la maison éventrée (Les choses de la vie en version thriller). Ce qui expliquerait la longueur de l'introduction dès lors en capacité de nous livrer des clés pour comprendre la suite du film : des personnes déjà entraperçues (l'enfant et la femme), des lieux déjà vus, la place de leur hôtel, le lieu des manifs etc.   

En d'autres termes... Expier sa faute... Pour rouvrir les yeux.

Bref au final,  rien, d'exceptionnel mais une singularité, un je ne sais quoi de différent qui en font le sel et le charme. C'est déjà ça !





 

Mank . Fincher (David et Jack)


Décidément, j'adore Fincher. A quelques déceptions près (Fight Club, The Game) mais qui commencent à dater. J'ai notamment une adoration pour Gone Girl son dernier opus. Et bien voilà qu'il nous revient avec un film qu'on aurait pu imaginer dégoulinant de nostalgie béate, de mélancolie factice pour une époque révolue, idéalisée comme souvent, et bien non ! C'est tout le contraire qui s'opère à l'écran, qui nous saute au visage. Parce que le regard sans concessions de Mank, sorte de paradoxe vivant cette époque, un pied dans le système un pied dehors, irrigue magistralement le film de son esprit caustique, rebelle et désabusé.

Mank est au départ une invitation courtoise, appétissante, à revisiter une époque (l'âge d'or d'Hollywood, du règne sans partage de la MGM jusqu'à l'émergence de la RKO Pictures), à replonger dans un film (et quel film, Citizen Kane), C'est aussi, on le devine dès le générique, un hommage au père disparu (Jack Fincher) et à ce qu'il n'a probablement pas réussi de son vivant (projets de cinéma restés dans ses valises, ou développés par d'autres que lui cf Aviator et la bio de Howard Hugues). Mais Mank est d'après moi surtout l'hommage à toutes celles et tous ceux qui dans l'ombre oeuvrent avec esprit, avec liberté (quelles qu'en soient les conséquences pour leurs parcours de vie, leurs "carrières") avec ce qu'ils sont viscéralement, à faire vivre leur époque, à la raconter, à dépeindre ces milieux aseptisés où l'égo démesuré de certains conduisait à écarter sans le moindre scrupule, piétiner, jusqu'à gommer du générique les fameux "oubliés" dont parle Mank... Car Fincher vient témoigner, nous conter l'envers du décor en rappelant le singulier rôle de l'art (témoigner, raconter avec honnêteté intellectuelle, faire rêver, dénoncer, réhabiliter aussi) et l'exigence de l'artiste qui va avec : rester fidèle à ses convictions, ne pas se compromettre. Sous aucun prétexte.

"Parfois effacés, jamais oubliés" nous murmure-t-il.

Commençons par louer les qualités du film sur un plan purement visuel et technique. Noir et blanc satiné, avec de la matière, du relief. Mise en scène inspirée, aérienne mais puissante. On oublie la complexité de certains mouvements de caméra. Servi par des acteurs formidables (premiers comme seconds rôles), et des dialogues finement ciselés à coup de double sens, à l'image de la personnalité singulière de Mank. 

Quant à la narration, elle épouse naturellement celle de Citizen Kane (puisque c'est sa genèse à l'oeuvre que nous scrutons) mais culmine selon moi dans une scène d'une ambiguïté, d'une profondeur, d'une richesse abyssales. Hearst y livre sans s'en rendre compte toutes les clés, tous les ressorts psychologiques du futur chef-d'oeuvre d'Orson Welles. Raccompagnant Mank jusqu'à la porte de sa forteresse, il lui assène ce cruel monologue en guise d'adieu, qui est la graine, la semence du futur Citizen Kane :

"Est-ce que vous connaissez la parabole du singe du joueur d'orgue de Barbarie ? C'est l'histoire d'un joueur d'orgue mécanique et de son singe savant. Un singe minuscule, arraché à sa jungle natale et qui naturellement est impressionné par les proportions du monde qui l'entoure. Seulement, tous les matins, une dame aimable vient habiller notre ouistiti avec de magnifiques vêtements. Elle lui passe une veste de velours rouge orné de boutons de perle. Elle le couvre d'un élégant Fez carmin à gland de soie. Elle lui enfile des souliers de brocard joliment recourbés à la pointe. Et pour couronner le tout, elle lui attache une boîte à musique étincelante en reliant à son cou une merveilleuse chaîne en or, privilège dont il est le seul à jouir. Ainsi, de ville en ville et à mesure que les numéros se suivent, il finit par se dire "je suis vraiment quelqu'un d'important. Il n'y a qu'à voir cette foule qui patiente sagement pour me voir danser. Et où que j'aille, pense-t-il cette boîte à musique me suit traînant encore ce pauvre homme que tout le monde méprise. Le malheureux mendiant. Il suffit que j'arrête de danser pour qu'il meure de faim. Et si je me mets à danser le voilà condamner à tourner sa manivelle que ça lui plaise ou non "

Naturellement, Hearst vise au coeur. Il entend faire mal. Mank doit comprendre entre les lignes qu'il pense être important mais qu'il n'est au fond qu'un clown, un pitre, un vulgaire amuseur de bas étage qui n'est là que pour divertir les grands de ce monde. Hearst lui susurre que s'il interrompt la musique, Mank ne sera plus rien. Il l'interrompt d'une certaine manière en lui refermant les portes de son monde étouffant et clos mais celui qui autorise alors tous les rêves d'argent, de célébrité, de pouvoir. Une cour, ses rois d'un temps, ses courtisans de passage, où la voix dissonante, le mot sincère sont rabroués, où l'homme franc et lucide se voit pestiféré manu militari. Mais tout ceci n'a qu'en temps et s'envole comme ce bout de papier juste avant l'accident de voiture de Mank. Ce qui reste est autrement plus pérenne, profond, emprunt d'humanisme... L'oeuvre à venir. Mieux, celle qu'on a sous les yeux.

Car Hearst n'a sans le savoir jamais autant livré de lui-même à cet instant-clé. La figure est renversée. Ce petit ouistiti, c'est évidemment lui, le mendiant n'est autre que Mank le mettant quelques temps plus tard divinement en musique. Vertigineux pied de nez. Hearst a tout livré de sa profonde solitude en une confidence maquillée, en une marche funèbre jusqu'à la porte immense de sa "boîte à musique" grandeur nature. La vieille dame de la parabole l'ayant habillé pour ses succès futurs, et bien c'est sa maman choisissant pour lui son avenir doré, remplaçant l'amour maternel par les apparats de l'amour, le bien matériel, misant l'enfant comme un objet, un trophée, une marionnette. Ce faisant, elle choisit à sa place tous les avenirs qui ne s'offriront pas à lui.

Mank se nourrit de ce monologue et démontre plus tard sous sa plume inspirée que la puissance de l'esprit est irréductible lorsqu'il sait rester libre, indompté. Ne se dit-il pas franc-tireur, qualité et défaut que sa femme qui l'aime de toutes ses forces n'a de cesse de lui rappeler la nécessité de faire des compromissions, d'altérer ce trait de caractère, de réfréner ses élans de franchise parfois blessants ? Avec le recul et malgré ce qu'il aura payé de sa santé, de tant de projets avortés, pour sa carrière amputée, Mank démontre que, même désabusé, il aura percé à jour, compris, aimé Hearst d'une amitié vraie, parce qu'ils ont en commun de 2 façons différentes le sens profond de ce qu'est la perte des illusions, de ce que font les rêves, les idéaux lorsqu'ils percutent de plein fouet la réalité. D'où ce récit éclaté, labyrinthique qui fait rejaillir en dernier lieu l'innocence, la candeur perdues de Kane alias Hearst (mais de Mank naturellement au contact de ce monde cruel qu'est le cinéma, incarné dans le présent par le tout-puissant Welles) dans ce qui restera comme l'une des plus fantastiques révélations de l'histoire du 7ème Art.

Si l'on cherche dans la structure même du film des éléments pour se convaincre de ce qu'il y est avant tout question d'exhorter chacune et chacun à rester soi-même quoi qu'il en coûte sur le chemin d'un prétendu succès parsemé d'étoiles comme sur Hollywood Boulevard, il suffit de revenir sur la relation Orson / Mank qui fait revivre à l'écran le duo passé de ce dernier avec Hearst. Même inextricable binôme, l'un ne pouvant exister sans l'autre (l'un est à la scène, à la lumière ce que l'autre est aux coulisses, aux ténèbres de la création la plus pure). Raison pour laquelle il est utile et passionnant de revoir Citizen Kane après avec dévoré Mank. On retrouvera notamment Mank transfiguré sous les traits de l'ami de toujours : Leland. Mais aussi à certains égards dans le personnage de la jeune cantatrice, lorsqu'elle prise au piège de ce château (et lui entre ces 4 murs où il doit produire en un temps record) et qu'elle essaye d'achever son puzzle (le scénario du film ?).   

Evidemment, le talent de Mank est connu à l'époque. Orson Welles est ici dépeint comme un prédateur cherchant à profiter de la position de faiblesse de Mank, alors sur la touche. Il est l'anti-Mank, l'incarnation d'un "monstre" à l'égo surdimensionné qui veut à tout prix attirer la lumière à lui. Par tous les moyens. Sorte de "Louis Cypher" (son arrivée au chevet de Mank à l'hôpital) venant convaincre Faust de lui céder son âme contre un peu de plaisir (purgatoire incarné par cette ferme où cloué au lit Mank est entouré de personnes aux petits soins). Un lieu d'abord dépeint comme une cellule de prison, une geôle (on pense au personnage de James Caan dans Misery et la contrainte qu'il subit pour écrire... produire... répondre au bon vouloir d'un tyran) avec 2 gardiennes de prison et le bras droit du directeur... Houseman qui vient régulièrement procéder à l'inspection de sa cellule (grise). Empêcher toute tentative d'évasion dans tous les sens du terme. Alors l'évasion se fera par la pensée, par la boisson, par la confidence... On est d'abord dans le carcéral, quasiment la prise d'otages puis lentement, par flashbacks successifs, le lieu s'oxygène à nouveau et devient celui de la mémoire, de la création. Plus Mank redevient lui-même, avec ses excès (emportements, alcool), plus son regard redevient acéré, plus son écriture redevient puissante. Sans contraintes. Il est pour finir libéré du fameux fil d'or à la patte de la parabole. De tous les fils d'or. Il exulte.

Dans le même temps, on comprend que la confiance que lui témoignent son petit frère, les femmes autour de lui dans cette chambre forte (et Orson Welles dans une certaine mesure, malgré lui, malgré eux), l'amènent à retrouver foi dans ses capacités. Ce qui lui permettra d'assumer que ce qu'il a écrit est bien de lui et de personne d'autre. Il se sent alors autorisé à demander à Welles de laisser son nom au générique (Quel affront monumental !!!!). "C'est ce que j'ai écrit de meilleur" assène-t-il enfin, fier et prêt s'il le fallait à en découdre. C'est aussi son testament (comme c'est celui de Jack Fincher). Il vient de retrouver sa voie (sa voix dirait la jeune cantatrice dans Citizen Kane).

Tout le film contribue à décortiquer ce mode d'emploi pour renaître de ses cendres, pour réveiller la petite musique de la confiance en soi... Et le plaisir, son corollaire. "All work and no play makes Mank a dull man." Revenir à l'histoire, rien que l'histoire. Respecter son travail. Lui témoigner l'importance qu'il mérite. Mais rester soi-même. Fidèle à ses convictions les plus profondes.  C'est de cela que dépendra la force d'une vision. De ce qu'elle proposera, de ce qu'elle apportera au monde. Dont acte.

Merci Mank. Merci Jack. Et merci David :) 

      

                

jeudi 5 août 2021

Titane (Julia Ducournau). Sa chair est faible !


Dire que tout aurait pu commencer par un accident de toboggan, de pédalo, de saut à la perche  ? Imaginant le film à suivre, j'avais vu venir le navet XXL... Et bien non. C'est pas terrible, c'est même assez raté mais c'est pas la bouse annoncée partout. Un peu de nuance que diable. Ma séance a été plutôt attentive (je n'ai regardé ma montre qu'à 2 reprises). C'est vrai que le film n'est pas aimable, pas plus qu'il n'est fin (il a la grâce épaisse de Lindon à l'écran pour reprendre le bon mot de mon copain Sly). On s'ennuie souvent, on ressent bien trop peu de choses pour les personnages principaux mais tout n'est pas à jeter. Loin de là. Trop de musiques par exemple mais une ambition et un travail sur l'image qui vont avec qu'on peut légitimement saluer. Je pense aussi à quelques séquences réussies (la note d'humour pendant le massacre pour désamorcer, la naissance d'une tendresse entre les 2 personnages principaux, entre leurs 2 solitudes d'abord figées). Et puis les thématiques même confuses qui suscitent l'intérêt (le genre ondoyant, ondulant, l'identité flottante, l'inné ou l'acquis, l'homme et la machine, les effets du temps sur le corps, le baiser pour aimer ou réanimer. L'amour filial, l'amour tout court) avec des saillies visuelles bienvenues, des moments  comme hors du temps, suspendus (la danse de l ex tueuse en série et néo fiston enrubanné sur le camion de pompier). Par ailleurs je trouve que Julia Ducournau a quand même sa propre signature, son univers à elle contrairement à ce que j'ai pu lire (elle ferait du sous-Cronenberg ou du simili-Tsukamoto). Bon mais ça ne fait pas non plus un film abouti et j'en viens à ce qui ne fonctionne pas selon moi. Dans Truismes (Darrieussecq) ou La Mouche (Cronenberg), la puissance du processus de transformation vient de ce qu'elle est organique, presque documentée et qu'elle s'inscrit dans un souci de réalisme et dans un monde qui nous est familier. C'est ce qui fait qu'on peut s'identifier, avoir peur, parce qu'on connaît ce monde qui se reflète à l'écran ou sur la page. C'est le nôtre. Or l'erreur ici je crois est que le monde est volontairement théorisé, abstraitisé (ce lieu interlope de gogo dance sur des voitures à pistons, cette co-location dans un improbable palace rococo, cette caserne de pompiers tout droit sortie du cerveau d'un enfant de 5 ans avec ses Big Jims et ses camions Playmobil grandeur nature...). La rencontre d'un corps en mutation avec des idées et des lieux vidés de leurs substances, sans ancrage ni cohérence fait qu'on finit par ne plus croire à grand chose surtout lorsque le film essaye de remettre des mots et du réalisme dans la bouche (le discours de la mère incrédule à Adrien, Le "Je t'aime" d'Adrien à son père d'adoption, les vains mots du commandant à son équipe) et dans les intentions (le jeune pompier qui s'herculopoirise juste le temps de finir zigouillé ni vu ni connu) de personnages plus efficaces dans pareil contexte quand ils ne disent rien. Tout tombe à plat et c'est bien normal. Puisque rien n'existe. Il aurait fallu que tout l'univers autour soit familier, que même les incroyables invraisemblances (elle passe entre les mailles de tous les filets de la raison et devient le fils du pompier de service par quelques ellipses et tours de passe-passe pour le moins faiblards) soient triturées, confrontées (hallucination collective ?) pour que le spectateur puisse enfin rentrer dans le film. Si 2 monstruosités  sont mises en valeur sur un fonds déjà difforme, rien ne peut ressortir hélas : On est ton sur ton. Le spectateur se coupe du film, l'absence d'un cordon ombilical en cause entre les personnages et le monde qui les a enfantés. En l'état malgré des idées intéressantes, il manque donc à Titane l'essentiel : de la chair. Et en matière d'interrogation sur le vivant, sur la transformation du vivant, c'est quand même le comble !

lundi 12 juillet 2021

Blade Runner. Cantique de la mauvaise herbe


L'univers de Phlip K Dick
Est reconnaissable entre mille.
Y paissent moutons électriques,
Quelques réplicants indociles
Dont l’humanité vous désarme,
Mais saluons le traitement :
Né d'un impact, de son vacarme,
Blade Runner est l'hybride enfant
De la SF et du film noir,
Un retro-futurisme qui
Sécrète son divin nectar !
Dans la mégapole avilie
Un détective privé traîne
Son spleen, sa mauvaise conscience,
Sa parano, autant de chaînes
Nouées de troubles apparences,
Où femmes fatales et brunes,
Parfois blondes mènent la danse 
Jusqu’au climax, quand la rancune
Se fait pardon ou pénitence !
Et voilà le plus vivifiant
On y trouve du Jim Thompson
Du Raymond Chandler, cependant
Le film surprend quand l'heure sonne
De l'épilogue tout en haut
D’une tour chatouillant les cieux
Avec l’extinction d’un robot
Habité, ému, amoureux
De la beauté du monde et qui
Dans un dernier geste fragile
De compassion, d'empathie,
Fait le deuil de son bref exil

Parmi les hommes et devient 

Cet être à l'aura de lumière.

Rick Deckard, lui, demeure éteint,

Agi, étranger aux mystères

De l'âme, corrompu, décadent,     

Oublieux du métal précieux

Dont il est fait mais qui pourtant

Survivra, boudé par les Dieux !

Mauvaise herbe l'humanité

qui résiste à tout, avec morgue

Quand l'être pur est condamné,

périssable. Fabuleux point d'orgue.


 

mardi 8 juin 2021

Le Bon, la Brute et le Truand. Sergio Leone. "Le fils préféré"


Pour honorer le père
Sortir d'un même ventre
Aller au cimetière
S'avancer jusqu'au centre
D'une homérique arène
Faire un voyage au bout
Des lunes Leoniènes
Et saisir tout à coup
Qu'au-delà du western
Tout ici est choral
Eclairant nos lanternes
Sur le lien familial :
Trois frères ennemis
Sont contraints et forcés
A l'ultime défi
Lors d'une âpre veillée
Pour capter l'héritage.
Que faut-il en déduire ? 
Tout revient au plus sage,
Au préféré qui tire
Son épingle du jeu !
Limpide métaphore :
Abel et les envieux,
leurs fâcheries à mort.





 

 

samedi 22 mai 2021

Les plus belles fins de l'Histoire du Cinéma... Life is what happens in between rounds !

La dernière image que je garde d'un film ? C'est parfois le final, ses dernières images, sa conclusion, lorsqu'elle est fantastique.

Fat City de John Huston.

Hommage aux Boxeurs, hommage aux cabossés, hommage aux vivants.

Dans un autre registre, j'aime toujours autant la fin de Breakfast at Tiffany's (Blake Edwards). Sublime !

Sans oublier The Thing.


Voire Sailor & Lula


Pas facile à départager ! Il y faudra un grand chelem à disputer un de ces 4 matins.


Les plus belles entrées en matière... Melancholia se pose là !

 

Il faudra un jour ou l'autre élire les plus belles intros au cinéma. Lars Von Trier se situe très très haut avec Melancholia qui dit beaucoup de ce que la dépression profonde crée chez l'être humain, même le jour le plus heureux qui soit pour lui, mariage, naissance, célébration, reconnaissance, consécration... Si dans votre esprit, la fin du monde est proche, alors rien ne peut de près ou de loin venir réconforter, soulager  votre âme blessée...

Et puis cette musique, Wagner, Tristan et Isolde, c'est évidemment une filiation directe avec John Boorman, avec Excalibur... Alors moi ça me parle direct.

    

mercredi 5 mai 2021

"Beat" Takeshi

A l'époque, je me souviens parfaitement de la tentative réussie de Gérard Depardieu de nous faire (re)découvrir les immenses films de John Cassavetes. L'impression de plonger pour explorer une passe inconnue jusqu'à lors. et de film en film on recolle les pièces du puzzle et l'on s'extasie. Je suis nostalgique de ces virées parfois solitaires dans des salles obscures de la capitale. 

A l'époque, il y a avait eu auparavant la découverte de l'intégralité des Almodovar à l'Entrepôt. Ou l'exploration jouissive des Takeshi Kitano

Ah celui-là... Tout a commencé avec Sonatine, sur les champs. Puis il y eut des moments de grâce infinie vécus devant Hana Bi ou plus tard Zatoïchi.

Takeshi a toujours su marier des genres balisés avec ce qu'il a de plus personnel, intime à donner. En émane une poésie qui n'appartient qu'à lui. Entre candeur enfantine et impardonnable cruauté. Sonatine le raconte mieux que personne.

L'oiseau au plumage de cristal



A l’heure sinistre et creuse, entre chien et loup,
L’asphalte ruisselant un peu après la pluie
D’un soir de canicule, de ceux qui rendent fous
Est le lieu rêvé pour le Giallo des Gialli.

Deux esprits divaguent dans l’impasse aux mirages
Sous la faible lumière d’un vieux réverbère
Qui projette, désunie, les ombres du feuillage :
De vils mots à couvert s’y déclarent la guerre

Sous leurs crânes en feu, agricole est le rhum
Pendant qu’au coin des lèvres, l‘amorphe cigarette
Pour chavirer les sens, pour ensauvager l’homme
Songe à s’embraser contre la flamme violette

Le déclic du briquet lâche son cri trompeur 
Distraie l'attention, une lame alors surgit
De mille obscurités, provoquant la stupeur,
Tandis que l'acier pénètre un coeur assombri

L’être échoue, râle et sang mêlés, sur le bitume
L’éclat vif se survit dans son œil déjà mort
Tandis qu'il s'est ouvert comme un livre posthume
Près du mégot fumant. Toute la ville dort.



mercredi 28 avril 2021

Misery


Alfred Hitchcock aurait chéri

Ce huis-clos, duel infernal

Confrontant idole et groupie :

Ca finit mal en général...

 

Misery c'est un peu Shining

Un écrivain, ce lieu perdu,

Le froid et l'horreur. Stephen King

convoque son propre vécu.


Annie incarne l'addiction

De Paul Sheldon ou Jack Torrance   

Replongeant, cédant au poison

De leurs coupables dépendances.


Il a le teint cireux James Caan.

Son regard vide, ses lèvres molles

Sont le propre du dipsomane

A son plus haut degré d'alcool

 

Dans l'intimité du foyer, 

L'injonction de la muse est sans

Équivoque : l'auteur est sommé

De n'y pas gâcher son talent.


Bien plus qu'un thriller abouti

L'oeuvre se fait donc testament

d'un alcoolique repenti.

On sait le Phénix résilient.

jeudi 22 avril 2021

Seven

 


(S)heaven et son soleil trompeur
Quel épilogue ! Si j’avais su…   
Jamais très loin de Blade Runner,
Sa chute et ses lumières crues


Mais il n'y a pas de hasard 

Tout était là, livré d'emblée :

La ville un pluvieux purgatoire

Et l’enfer déjà familier.

 

John Doe est tueur à ses heures 

Mourir lui importe si peu

Mais qu’est-ce qui lui tient à coeur ?

Corrompre l’âme du vertueux !

  

Hydre noire achevant sa mue,

Il veut honorer son serment

Et tend LE piège, du jamais vu :    

Un colis de chair et de sang

 

Distinguons toujours les effets

De la cause. Dans Seven, la thèse

S'attache bien moins au péché

Qu'à sa lecture, son exégèse !

 

Doutons des écrits : l'ennemi

N'est pas le fautif, l'égaré 

Mais l'interprète qui punit :

Satanés apprentis sorciers !


lundi 12 avril 2021

La Guerre des Mondes. Steven Spielberg. Redevenir Papa

 


Décidément, personne n'est aussi fort que Spielberg pour offrir un aussi grand et beau spectacle (des idées de mise en scène miraculeuses) sans jamais se départir de ses obsessions pour le thème de la famille déchirée.

Ici, le fait que le héros soit un homme divorcé se considérant comme un mauvais père est tout sauf un hasard. Puisque ce qui va lui tomber sur la tête, ou plutôt surgir sous ses pieds, va le mettre devant ses responsabilités de chef de famille pendant le laps de temps que durera la garde de ses enfants, engagé qu'il sera à les ramener en un morceau chez leur mère.

Voilà pourquoi le dernier plan tant conspué pour son côté dégoulinant de bons sentiment, vu sous cet angle, n'est plus aussi mièvre. Il devient l'aboutissement d'une thématique chère à Spielberg, qui se cristallise sous la forme de cette réunion familiale (rêvée par les enfants de divorcés du monde entier). Pas anecdotique non plus si cela arrive au terme d'une mission accomplie par un père un peu paumé, démissionnaire et qui à la faveur de cette guerre des mondes est redevenu le papa protecteur, le "père, ce héros" dans le regard de ses 2 enfants.

samedi 6 mars 2021

Tout en haut à gauche de l'étagère. Stephen Wright et Jim Nisbet.

Un jour que je bossais sur les sorties DVD de StudioCanal et que j'étais allé rencontrer Jean-Pierre Dionnet dans son antre (époque du fantastique La Mélodie du Malheur de Takashi Miike) , j'avais adoré la façon dont il classait ses films sur une haute étagère calée sur tout un pan de son mur... A chaque nouveau visionnage il glissait le DVD à l'endroit qui lui semblait correspondre à la place qu'occupait le film dans son coeur. Ainsi, contrairement au classement des rayons de la FNAC où tu cherches par genre puis par ordre alphabétique, chez Jean-Pierre, il fallait lui emprunter les films que tu n'avais pas encore vus et qui se trouvait tout en haut à gauche, et ne reluquer ceux qui se trouvaient tout en bas à droite que pour comparer vos détestations et connexions possibles (qui se font évidemment sur les accords et les désaccords). Au milieu de l'étagère dormait le ventre mou, souvent de l'académique, du réchauffé, du formaté.

J'y repense souvent. J'ai aussi depuis l'époque mon petit panthéon personnel de livres notamment (comme de musiques ou de films naturellement) que je rêverais de voir un jour adaptés au cinéma...

Aujourd'hui, en voici deux qui trônent en haut à gauche de mon étagère rêvée et qui méritent d'être racontés, lus, et j'espère un jour adaptés ! Par Nicolas Winding Refn, ça aurait de la gueule....     

     GOING NATIVE (ETATS SAUVAGES) Stephen Wright



Le vrai choc de la littérature contemporaine made in US. J'avais aimé, adoré le Bret Easton Ellis d'American Psycho ou de Lunar ParkDenis Johnson et son fabuleux recueil de nouvelles Jesus Son, mais à mes yeux rien ne vaut l'indépassable Going Native, malheureusement trop méconnu.

Le livre de Stephen Wright lie un style singulier inimitable, foisonnant, à une narration en tranches de vie qui les unes avec les autres finissent par composer un Road Movie existentiel, une parabole universelle sur la violence ordinaire.

J'en retiendrai quelques morceaux d'anthologie dont cette rencontre improbable entre deux tueurs en série puis sur le tard une soirée aseptisée qu'organisent dans leur pavillon cossu - agrémenté d'objets d'art primitif beaux sous tous rapports - un couple de bobos américains racontant avec passion leur équipée roots - pas un voyage organisé, très peu pour eux - au coeur de l'Amazonie pour finir par tomber nez à nez avec un portrait de Jack Nicholson. Moments et bouquin d'éternité à découvrir d'urgence !

SOUS LE SIGNE DU RASOIR (Jim Nisbet)


Je ne comprends pas que le chef d'oeuvre de Jim Nisbet n'aie jamais fait l'objet d'une adaptation au cinéma. Du traumatisme originel à la libération finale, un roman désabusé, sombre et cynique, qui sous des faux airs de film noir revisite divinement la notion de "happy end". Un style pas facile mais, passée la barrière de corail, la lecture n'est plus seulement clémente, elle devient ce voyage sans retour sur des terres anxiogènes, rougeâtres mais néanmoins hospitalières.