mardi 24 août 2021

Beckett

Curieux ce petit film. Comme j'ai trouvé curieux l'accueil parfois tiédasse, souvent glacial des spectateurs à son arrivée sur Netflix.

Voici pourtant venir un thriller sans prétention. C'est d'ailleurs ce qui m'a plu. Son humilité. Il vient comme il est. Longue mise en route il est vrai, je pense à toutes les scènes d'expositions précédant l'accident. Mais une partie du plaisir à regarder le film est précisément là. Dans le temps qu'il prend à installer son dispositif, son étrange histoire, ses bizarreries, sa touche "européenne". Qui donne le sentiment d'être quelque part entre  Le Fugitif et Frantic. Ici on se dépayse à la Grecque.

Prenez une thématique chère aux blockbusters américains, il est question d'injustice, de chasse à l'homme, de climat paranoïaque. Mettez-y du familier, du quotidien, un héros boudiné, gauche, plus vrai que nature, pris dans l'engrenage d'un deuil impossible, enchaînant des chutes qui ne mettent en rien fin à son insondable culpabilité. Et l'identification devient forte. Enfin pour moi.     

Une fausse lenteur s'empare du film. Ca n'a l'air de rien mais tout s'enchaîne vivement et pourtant chaque scène prend le temps d'installer quelque chose (chaque rencontre, chaque lieu). Il y a la vitesse de ce qui se succède avec force et en même temps de la pesanteur, une forme de gravité bienvenue.

Alors oui, des longueurs il y a (toute l'introduction au couple), des invraisemblances, des lourdeurs (le saut final depuis les hauteurs d'un parking de plein air), des "sorties de route" mais tout ceci est contrebalancé par un goût immodéré pour des scènes de baston anti-spectaculaires ou des séquences qui font surgir la déflagration, le danger de façon simple, sans maniérisme outrancier. 

Dans ce réalisme recherché, dans ce cadre d'abord intime (le couple amoureux en vacances) puis vaste  (la mondialisation à l'oeuvre, les basses manoeuvres politiques, la raison d'Etat qui peut justifier l'assassinat d'un citoyen américain au mauvais endroit au mauvais moment) l'identification devient possible puis les questionnements  : qu'est-ce qu'un passeport américain de nos jours quand ce qui se joue vous dépasse et fait de vous dans le meilleur des cas une monnaie d'échange ?     

Reste cette accumulation de blessures par balles, par chute, pas coups de canif, auxquelles le héros survit miraculeusement et qui interroge sur le caractère sacrificiel, christique (blessures aux pieds, aux mains) de son chemin de croix ?   

Toute cette fuite en avant qui devient quête pour sauver l'enfant kidnappé n'est-elle pas le reflet d'une volonté farouche de racheter ses fautes, sa faute initiale ? De réparer ce qui peut l'être ? Ce qui justifierait l'acharnement à vouloir survivre coûte que coûte... Sorte de mort-vivant jusqu'au-boutiste.

Ou alors, interprétation qui vaut le détour de ma pré ado. : tout ceci n'est qu'un mauvais rêve, qu'une lente agonie entre vie et mort  au moment où il perd connaissance dans la maison éventrée (Les choses de la vie en version thriller). Ce qui expliquerait la longueur de l'introduction dès lors en capacité de nous livrer des clés pour comprendre la suite du film : des personnes déjà entraperçues (l'enfant et la femme), des lieux déjà vus, la place de leur hôtel, le lieu des manifs etc.   

En d'autres termes... Expier sa faute... Pour rouvrir les yeux.

Bref au final,  rien, d'exceptionnel mais une singularité, un je ne sais quoi de différent qui en font le sel et le charme. C'est déjà ça !





 

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