samedi 30 novembre 2019

La Mule. Clint Eastwood


J'ai bien entendu les critiques... Longueurs, répétitions malvenues... Mais quel est le sujet du film de Clint Eastwood au fond ? C'est le travail, la performance, la répétition des efforts et des jours qui se succèdent, on upgrade l'outil de travail, l'actionnaire est toujours dans un lieu tranquille coupé des réalités et parfois, il a même su garder une forme d'humanité lorsqu'il invite ses "meilleurs éléments" pour les remercier à sa façon... On sait ce qu'on perd, jamais ce qu'on retrouve... C'est ce que le changement brutal de patron et de consignes mettra en lumière.

Quant à cet homme qui n'a pas assez vu sa famille, qui a été si longtemps tellement absent, il s'en rend compte le jour où il revient s'occuper de la mère de ses enfants alors qu'il est bien sûr trop tard et qu'on n'achète pas le temps déjà perdu...

On est en plein dans une réflexion sur le travail et sur ce qui nous fait vivre. Qu'on vende des livres, des cigarettes, des armes ou qu'on fasse passer de la drogue... On est là pour la même chose ; "gagner sa croûte"... Si tout se passe bien, on aura un nouveau téléphone, un nouveau véhicule flambant neuf pour remplacer l'ancien, le cortège  de regards admiratifs des petits jeunes qui préparent la commande, de ceux qui la réceptionnent, les remerciements des copains qu'on peut aider à défaut d'être là tout simplement... Les cadeaux remplacent le temps promis et jamais donné. On se donne l'illusion que cela suffira à nous racheter de nos manques. Et en cela le rythme du film se prête parfaitement à en faire la démonstration. De même que le face-à-face entre le jeune flic et la vieille mule devient un sommet philosophique sur les priorités à ne jamais perdre de vue dans la vie. 

Par ailleurs, ce monsieur "d'un autre temps" qui prend son temps, butine, s'arrête dans le meilleur fast food du Nouveau Mexique, est une divine tortue qui défie les lois du lièvre, du capitalisme de l'accélération permanente, de la ligne droite, de l'encéphalogramme plat.

Le film est donc à dévorer comme cela, comme un joli conte raconté par un sage, un génie que je ne cesserai de défendre jusqu'à mon dernier souffle.