jeudi 4 mai 2023

Beasts of no nation

La dernière image ? Des enfants amusés qui créent avec un squelette de téléviseur... Facile mais efficace. Dans l'ensemble, le travail sur l'image notamment est à saluer par ici.

Là où le film pèche c'est par sa volonté de se tenir scrupuleusement au programme annoncé dès le titre... Devenir pire que des bêtes... Sans boussole... Tout y passe, rien n'est oublié... La famille qui explose, les meurtres injustement perpétrés, l'enfance sacrifiée, les premiers crimes qu'on vous oblige à commettre, le viol subi par le commandant, les drogues qui vous transforment, la faim qui vous tiraille, l'odeur de la mort qui empeste, les copains soutenus à bout de bras et qui meurent en chemin. Ajoutez une voix off lancinante qui parle de Dieu l'oublieux (Charlie Sheen is back) et une petite musique pour attendrir ou faire réfléchir comme dans Platoon, saupoudrez d'un commandant Kurtz un peu monolithique, "idrissElbaïsé" pour essayer de convoquer les fantômes d'Apocalypse now et vous avez la totale. Alors vous sortez de là assommé, le programme a déroulé devant nos yeux ce qu'il avait à donner sans véritable supplément d'âme. Et c'est ce qu'on peut reprocher à ce genre de film qui s'appuie trop à mon sens sur la force de ses images choc, sur "l'exceptionnellement", "l'invraisemblable" de tout ce qui arrive, sur une idée finalement presque publicitaire (au sens d'une image qui se veut accrocheuse en soi et pour soi) et donc trop maigrement incarnée. C'est le risque encouru. Parce qu'on s'est trop ^fait confiance, on s'est trop reposé sur la fausse évidence que filmer des enfants armés, que filmer l'horreur en somme suffiront.

mercredi 3 mai 2023

The descent. La guerre des sexes


Prière de ne pas "dégenrer" !
Le genre masculin par ici ?
Au pire en voie de disparition
Au mieux en pleine déconfiture.
Le seul homme digne de ce nom
Finit transpercé par un tube d'acier
Au bout de quelques minutes.
Tout est dit ! Une référence ?
 Le quatrième homme (Paul Verhoeven)
Et sa veuve noire,
Sharon Stone version zéro,
Avec sa façon cruelle, morbide
De zigouiller ses amants
Les uns après les autres.
Les codes du tout-puissant matriarcat  
Sont les mousquetons visibles
de l'endroit du décor
Lors d'une descente en rappel.
Rarement film d'horreur aura si bien marié
L'efficacité requise (frayeur absolue garantie)
A une vraie réflexion
Sur les phobies les plus répandues :
Peur du noir, du vide, d'étouffer,
De se noyer, d'être dévoré dans l'obscurité...
Neil Marshall distille ses références
Avec parcimonie, intelligence
A mesure que l'on s'enfonce
Dans une grotte sans fonds. 
Un groupe de femmes
Aux allures de commando 
s'engage dans un voyage san retour.
Le survival façon Délivrance
vogue d'un genre l'autre,
Avec des adversaires
D'abord rocheux,
Puis en chair et en os
Mais curieusement déshumanisés.
Ainsi retrouve-t-on dans le désordre
Des clins d'oeil à CarrieEvil Dead,
AlienThe Thing, Zombie,
Massacre à la tronçonneuse :
Jouissif décodage entre les scènes.
Mais que nous raconte le film ?
Des héroïnes se débattent face à
Des "hommes du dessous",
Des "sous-hommes"...
Des femmes sportives, modernes,
Indépendantes sont aux prises
Avec un genre masculin
Dévoyé, hideux, relégué aux oubliettes...
Deux sexes qui plus que jamais
S'éloignent l'un de l'autre
Dans une société qui mue à toute vitesse.
Une guerre de toute éternité
Dont personne ne sort indemne.
Et c'est là une portée allégorique qui sublime le film
A mesure que l'on s'enfonce dans l'horreur...
Ou qu'une héroine s'extraie de la terre
Comme un nouveau-né d'un ventre maternel.



mardi 2 mai 2023

Le trésor de la Sierra Madre


 La dernière image ? Cette tempête (sous deux crânes) de la toute fin, puis les rires, caverneux, nerveux, possédés, qui disent tout de ce que raconte le film et comment la folie vient aux hommes que l'or aveugle, déforme, disloque et leur raison avec...

Je suis heureux de pouvoir parler de ce film que je découvre tardivement. Juste commencer par dire mon admiration devant l'audace pour exploiter les extérieurs (précurseur de la nouvelle vague ?) et les chocs culturels, J'adore par ailleurs John Huston et ai toujours apprécié l'humanité, l'éclectisme que l'on sent jusque dans le choix de ses thèmes, de ses films à chaque fois très différents les uns des autres... Mes préférences allant toujours à mon trio de tête The Asphalt Jungle - Fat City - The man who would be king.

Ce que j'adore ici c'est pour commencer cette recherche de réalisme qui s'inscrit dans la lignée d'un The Lost Patrol (le côté Fordien qui recherche la vérité des grands espaces immobiles écrasés par la chaleur, avec des personnages devenus fous ou dépassés / impuissants face à l'ironie de leur sort) et préfigure d'une certaine façon des chefs d'oeuvre comme le Salaire de la peur qui sort 4 ans plus tard à peine et dans lequel on retrouve (je trouve) énormément des saillies visuelles déjà marquantes ici... L'on sent que ce film a constitué une influence majeure pour dnombre de films jusqu'à La Ballade de Buster Scruggs.

Parmi les idées géniales, Humphrey Bogart à contre-emploi proprement extraordinaire. Le papa Huston également fantastique dans le rôle bonhomme du vieux briscard modérateur avec un solide bon sens et quelques valeurs en or. Puis dans le désordre, ce sont les arbitrages à trois pour éliminer le quatrième venu, les paupières qui veulent tombent mais qui luttent face au frère ennemi qui n'attend qu'une occasion pour savonner la planche... Puis le sort qui s'en mêle lorsque le personnage de Fred Dobbs devenu paranoïaque (joué par Humphrey) finit découpé à la machette... Toute la science là encore du hors champ (comme lorsqu'il essaye d'éliminer son compère de toujours). Puis l'exécution sommaire des bandits de grand chemin rattrapés par le destin une fois de plus... Le film culmine enfin dans une scène finale d'anthologie où la nature reprenant ses droits balaye tout sur son passage... Mémorable, d'une modernité fracassante et une influence majeure de tant de films à suivre.