vendredi 29 septembre 2023

Faute d'amour. Loveless

La dernière image ? Ces deux parents réunis malgré eux dans une morgue pour identifier le corps de leur fils, mais est-ce leur fils ? Est-ce Alioucha ? Tellement puissant... Ces deux insolubles l'un dans l'autre, dissociables dissemblables, incompatibles qu'on oblige à faire corps et bonne figure le temps d'une identification... 

Je suis un inconditionnel du Leviathan de ce réalisateur surdoué pour la mise en images de ses pensées, de ses envies, de ses messages et qui ensemble touchent en plein coeur. C'est un authentique cinéaste, sa vision transcende le scénario et crée un monde dans lequel on pénètre avec délectation. Les comédiens sont divins, chaque plan vous éclaire, comme de l'intérieur, allume de petites étincelles qui vous donne à réfléchir, à comprendre le monde d'aujourd'hui, sa déliquescence au contact du tout capitaliste, du tout "pour soi"... C'est un peu ce qui emporte les 2 personnages principaux vers le malheur, sans le savoir.    

Ici encore, la force inouïe vient de ce paradoxe qui voit se télescoper l'aspiration collectiviste d'une société avec les petits rêves matériels (de pacotille) des uns et des autres... Lorsqu'il s'agit de mettre en branle les moyens de la communauté pour retrouver le petiot, ça y va de façon organisée mais toutefois déjà glaciale, désincarnée. Sans affect. Mais les deux parents ne sont ils pas également absents à cet amour qui aurait pu tout changer. Chacun mangé par ses propres turpitudes (la lâcheté du père, sa soumission à un système, l'ambition dévorante de la mère d'une dureté sans pareil) jusqu'à cette séquence finale de la femme en extérieur qui fait du surplace sur un tapis de salle... une image qui semble dire... comment en est-on arrive là ? Le monde marche vraiment sur la tête et qui marche sur la tête court à sa perte...

Tout le programme du film est au fond dans son titre (Loveless) et c'est peut être un peu aussi sa limite... Dans sa volonté de faire ressentir la cause du drame, il est un peu froid, distant. Mais il y a tellement de talent chez ce monsieur.