samedi 21 mai 2022

Benedetta. Paul Verhoeven

La dernière image ? L'échange entre Benedetta et le Nonce qui venant d'être poignardé à plusieurs reprises gît au sol et demande ce qu'elle aura vu pour lui après ce monde terrestre... Paradis ose-t-il espérer ? Elle acquiesce mais il conclut dans un dernier soupir  "Jusqu'au bout tu auras menti"...

Le film a ses fantastiques moments comme celui--ci. Mais il est hélas inégal. Le talent inné pour la mise en scène de Paul Verhoeven n'est guère mis à profit par exemple et c'est fort dommage parce qu'il y avait je crois un enjeu esthétique et de cadrage à ne pas louper sur la façon de retranscrire cette époque en  s'inspirant par exemple de tableaux de Maîtres. Le traitement de l'image est pour tout dire assez quelconque. 

En revanche, je retrouve avec bonheur des thématiques centrales chez Verhoeven : religion et sexualité, Corps et esprit, recherche de pouvoir et de domination, mythe de la femme fatale qui donne et prend les vies...  A certains égards la nonne saphique blonde platine va d'ailleurs rappeler la Sharon Stone de Basic instinct (déjà une relation amoureuse avec une complice et maîtresse ?) ou la veuve noire du Quatrième Homme.  L'époque convoque aussi La Chair et le sang. et de chair et de sang, il est fichtrement question ici. De chair, de sang et de croyance aveugle. De celles qui peuvent faire advenir des miracles ou des mirages pour mieux asseoir une domination  sans partage sur Autrui dont la crédulité crève ici les yeux... De même que le film nous raconte utilement que la femme de tout temps a su prendre le pouvoir quand le moment l'exigeait, quand l'heure était venue, propice. 

Le film n'est pas miraculeux mais il est comme toujours avec ce réalisateur intéressante matière à réflexion salutaire sur le lavage des cerveaux, l'opportunisme, la prestidigitation qui fait du passage d'une comète le moment rêvé pour rendre terrestre, familière, la folie la plus douce. Je retiens aussi quelques saillies visuelles vraiment réussies : ces rencontres fantasmées de Benedetta avec un Jésus davantage Chipppendale assoiffé de sang que fils de Dieu. Toute la séquence finale également qui s'achève par le meurtre en place publique du Nonce.

De très grands moments donc ponctués d'une poignée de longs creux un peu quelconques. 

jeudi 12 mai 2022

La guerre des mondes. Mon père, ce héros


Tout Spielberg est là !

Mise en scène inventive,

Des idées miraculeuses,

Des trains fantôme

Aux allures de boule de feu

Déchirent la brume du petit matin,

Un lit de dépouilles s'étire, macabre,

Sur le fleuve trop tranquille,

Et l'obsession bien vivante

Pour le thème de la famille déchirée

Irradie, partout, tout le temps.

Suis-je un bon père ?

Question qui taraude le héros...

Ce qui lui tombe sur la tête,

Ou plutôt surgit sous ses pieds,

Le met face à ses responsabilités.

Un chef de famille qui se cherche

Le temps incertain d'une garde,

Engagé qu'il est à ramener

Ses deux morpions en un morceau

Chez leur chère maman...

Voilà pourquoi le dernier plan

tant conspué pour son côté mièvre,

Devient un aboutissement thématique :

La réunion familiale,

Rêve ultime des enfants

De parents divorcés

Du monde entierMission accomplie

Par un père d’abord paumé,

Démissionnaire et qui à la faveur de

Cette Guerre des mondes redevient

Le papa protecteur, le Père, ce héros

Dans le regard de ses 2 marmots.



lundi 9 mai 2022

Collateral. L'oeuvre au noir

 

Quelle plus belle tirade ?

Quelle plus belle mort ?

Quelle plus belle fin ?

Tom se projette, se raconte,

Nous raconte, nous autres,

Toi, moi, lui, elle,

Nous qui prendrons demain le métro

La gueule enfarinée, la tête basse

Sans même remarquer

Le macchabée juste à côté.

C'est qu'on nous cause ici du travail

Celui qui avilit, celui qui enchaîne,

Ses effets collatéraux sur celles et ceux

Qui en dépendent pour vivre :

Une femme ne compte pas ses heures

Prisonnière d’une tour de verre,

D’un piège de cristal,

Alors qu’elle pourrait être chez elle

Bien au chaud dans ses draps douillets.

Elle est d’emblée cet être dédié

Corps et âme à sa tâche

A l’heure où d’autres dorment

Du sommeil du bienheureux. 

Et ce chauffeur de taxi

Subit tout autant son sort

En attendant mieux...

Créer sa propre entreprise ?

Allez soyons fous,

Location de limousine !

Le troisième larron

Est tueur à gages.

Sans scrupules

Mais sans illusions.

Jusqu'au boutiste, il remplit

Toujours ses contrats.

Subtil trio nocturne « au travail »

Qui donne à ce thriller crépusculaire

Sa dimension allégorique surpuissante.

L'apparition d’un coyote dans les phares ?

Les visions poétiques d’un Wolfen

Sous les yeux ravis de ces

2 personnages masculins

En quête de hauteur (dans ce monde de brutes).

Leur relation ? Ambigüe, emprunte de respect,

D’admiration lorsque le tueur désenchanté

Reconnaît au chauffeur le courage

D'avoir su, contrairement à lui, 

Briser ses chaînes en volant 

Au secours de la working girl,

prenant ainsi son destin en main

Pour ne pas finir écrabouillé

Comme ces dépouilles anonymes

Qu’on retrouve au petit matin dans le métro….

Un très grand thriller autour des ravages

De la grande ville sur l’individu 

Venu y chercher son salut…



dimanche 8 mai 2022

Ode à Joe. David Gordon Green


Etouffer à ciel ouvert

Le long d'une voie ferrée.

Rendre irrespirable le grand air.

Aucun coup de hache,

Aucun délicieux poison,

Rien n'y fera.

L'Amérique profonde

Se succède à elle-même

Comme les fantômes qui la hantent.

Insondable humanité dans un décor immuable.

Le temps venu des éternels recommencements.

Aux chairs lacérées sur un visage

Répondent les coups secs au canif

Dans le poitrail du daim

Lesté comme un sac de boxe.

Le règne animal.

Au son effrayant du crâne brisé

Répond la morsure fatale

D'un chien gros comme un bison.

Au diable la morale.

Chacun la sienne par ici.

On fait ce qu'on peut

Avec ce qu'on a.

Le temps semble s'être arrêté.

Le paternel frappe, humilie,

Avant d'amuser le fiston

D'un pas rouillé de break dance

Tentative dérisoire de transmettre

Enfin quelque chose, de redevenir 

Quelques instants gracieux

La figure rassurante

Du bon père de famille. 

"Donne moi ton fric, je te dissoudrai,

Donne moi ton sang, je t’absoudrai."

Chaque personnage commet l’irréparable

Franchit allègrement toute frontière morale

Au péril de sa vie, de celles des autres

Avant d’avoir un geste d’empathie

(Une main sur un crâne en morceaux)

Un mot tendre (tu es mon frère ?)

Ou le bon goût de se supprimer…

Nicolas Cage redevient Sailor

Ses tatouages, sa silhouette affinée,

Son aigle fièrement porté dans le dos

Sont là pour en témoigner

Après une trop longue vie carcérale,

Orphelin de son passé,

En quête d'oubli mais pas de rédemption.

J'ai d'ailleurs espéré en vain

Sur ce pont éclairé par la lune

Qu'il susurre enfin au flic quelque chose

Au sujet de Lula et chacun,

Emu aux larmes, aurait compris...



samedi 7 mai 2022

Mourir peut attendre


 La dernière image ? La cale d'un bateau, les eaux qui s'y engouffrent. Les adieux de Bond à son collègue et ami. Jolie scène bien claustro. Mais déjà, on sent l'univers de Bond bien trop "Tintinisé"...  

Sinon ? Mourir peut attendre... Le voir peut attendre aussi... C'est raté. Pas le pire opus mais l'ADN de Bond s'est perdu en route... Ce qui est un comble. Car le vrai problème n'est pas la longueur interminable de cette énième aventure ni l'intrigue pour le moins foireuse (autour d'un ADN ciblé par un poison mortel), ni le méchant qui est objectivement faiblard... Le problème central vient précisément de cette tendance installée depuis maintenant des décennies pour tout "bisounourssiser"... James Bond se découvre l'envie d'être papa, l'envie d'une vie bien tranquille à jouer les dimanches matin au Uno avec sa fille de 5 ans... Et cette obsession pour donner à Bond des sentiments mielleux finit par le tuer littéralement (d'ailleurs c'est ce qui arrive).