dimanche 8 mai 2022

Ode à Joe. David Gordon Green


Etouffer à ciel ouvert

Le long d'une voie ferrée.

Rendre irrespirable le grand air.

Aucun coup de hache,

Aucun délicieux poison,

Rien n'y fera.

L'Amérique profonde

Se succède à elle-même

Comme les fantômes qui la hantent.

Insondable humanité dans un décor immuable.

Le temps venu des éternels recommencements.

Aux chairs lacérées sur un visage

Répondent les coups secs au canif

Dans le poitrail du daim

Lesté comme un sac de boxe.

Le règne animal.

Au son effrayant du crâne brisé

Répond la morsure fatale

D'un chien gros comme un bison.

Au diable la morale.

Chacun la sienne par ici.

On fait ce qu'on peut

Avec ce qu'on a.

Le temps semble s'être arrêté.

Le paternel frappe, humilie,

Avant d'amuser le fiston

D'un pas rouillé de break dance

Tentative dérisoire de transmettre

Enfin quelque chose, de redevenir 

Quelques instants gracieux

La figure rassurante

Du bon père de famille. 

"Donne moi ton fric, je te dissoudrai,

Donne moi ton sang, je t’absoudrai."

Chaque personnage commet l’irréparable

Franchit allègrement toute frontière morale

Au péril de sa vie, de celles des autres

Avant d’avoir un geste d’empathie

(Une main sur un crâne en morceaux)

Un mot tendre (tu es mon frère ?)

Ou le bon goût de se supprimer…

Nicolas Cage redevient Sailor

Ses tatouages, sa silhouette affinée,

Son aigle fièrement porté dans le dos

Sont là pour en témoigner

Après une trop longue vie carcérale,

Orphelin de son passé,

En quête d'oubli mais pas de rédemption.

J'ai d'ailleurs espéré en vain

Sur ce pont éclairé par la lune

Qu'il susurre enfin au flic quelque chose

Au sujet de Lula et chacun,

Emu aux larmes, aurait compris...



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