mercredi 31 décembre 2014

Zulu. Jérôme Salle


Un tel sujet aurait mérité de mettre au premier plan la réflexion sociale et politique autour des séquelles de l'Apartheid sur l'Afrique du Sud d'aujourd'hui ce qui aurait au fond donné une réflexion sur toute société humaine en proie aux inégalités de couleur ou de classe sociale... Jérôme Salle n'exploite hélas que le sensationnalisme de séquences censément choc où tout finit inévitablement par faire réchauffé, pas bien spontané. Même le cri des cochons affamés, même les mères assassinées, mêmes les enfants émasculés, mêmes les mines défaites des deux acteurs principaux sous des litres de sang finissent par faire téléphoné. D'ailleurs à propos de réchauffé, tout est prévisible du blanc alcoolo fana de "petites" et mauvais père au flic noir issu des Townships et traumatisé depuis l'enfance (psychologiquement et physiquement, allons-y chargeons les boeufs) mais dont le seul petit salut tient dans la Mama dont on devine rapidement que le beau chant dominical s'arrêtera tôt ou tard pour transformer son fils unique en un vengeur aveugle. Sans parler du petit blanc à la tête de victime dont on sent dès la première scène avec sa copine guérissant du cancer que le pauv' gars va y  passer dans quelques minutes tout au plus... Bref tout ça n'est pas bien fin, trop prévisible, ce qui constitue  une forme subtile de crime sur un sujet pareil qui recelait pourtant de grandes idées à faire passer... On retiendra quand même cette poursuite au ralenti, une mort lente, dans les sables éternels du désert. Cette fin-là est forte, faut bien reconnaître.       

lundi 29 décembre 2014

Videodrome. David Cronenberg


Videodrome, plus qu'un film d'horreur, est le symbole flamboyant de ces années Videoclub qui, hélas, ne reviendront plus. Ô comme je me souviens de cet épais boîtier plastique, sésame de tous les rêves et cauchemars du week-end allongés que nous étions sur un clic-clac déployé sur une moquette épaisse et emmitouflés sous une couette rassurante. La pré-adolescence de ce début des années 80 était délectable quand s'emparait de chacun d'entre nous ce sentiment particulier de s'être passé sous le manteau l'absinthe qui chavirerait nos sens jusqu'à la prochaine dose, le vendredi suivant. Et bien voilà, James Woods s'extrayant de cette masse floue et bleutée non pas de l'océan mais d'un vulgaire écran de télé, c'était la quintessence, l'un des emblèmes de cette époque bénie. Et au-delà du symbole, de l'affect qui s'y joue, des défauts de jeunesse ou du manque de moyens dont souffre le film aujourd'hui plus qu'hier, Videodrome reste une des dénonciations les plus frontales qui soient du poison mortel que peut constituer la télévision, des effets hallucinogènes qu'elle peut avoir sur ses sujets, comme la drogue dure, comme le gourou mal intentionné... On est qui plus est dans la plus pure mise en abyme du spectateur qui subit des images sans trop comprendre ce qui l'y fascine autant puisque James Woods c'est évidemment nous devant l'écran. Un personnage principal fasciné par un spectacle qui prend rapidement la forme d'un sabbat cruel comme dans Salo ou les 120 jours de Sodome. La grande époque, la très grande époque de Cronenberg où comment entre ses mains expertes le poste de télévision devient autel sacrificiel ! 

dimanche 28 décembre 2014

History of Violence. David Cronenberg


Pour moi le bon titre c'était History of Lie... Ca disait plus du film et du ressenti chez le critique enfumé. Au-delà de la nature violente du héros (et par contamination des autres personnages du film, dont la famille, noyau tendre et censé en être préservé), il est ici surtout question d'un pseudo secret de polichinelle autour de la schizophrénie du personnage principal qui ne tient pas très longtemps et déboule sur l'invraisemblable mensonge dont il rend inévitablement complice sa femme (complicité qui culmine avec une belle scène de sexe sauvage et puissant dans les escaliers de la maison familiale). Sinon, je trouve en le revoyant que ce film a surtout bénéficié du syndrome "Ca a l'air calibré mais en fait c'est profond". Alors que c'est absolument le contraire. On prête beaucoup de qualités et de profondeur à History of Violence qui n'en méritait pas tant. Exemple : toute la fin et la confrontation avec le frère (fort bien campé par William Hurt) a quelque chose de volontairement parodique (Le Parrain version cocaïnée) qui n'honore pas les prétendues réflexions par ailleurs suscitées jusque là. Avec cette violence figurative assumée, le film fait involontairement l'apologie d'une violence (montrée et débridée) qu'il aurait dû au contraire passer son temps à condamner sèchement. Pour tout dire, c'est quand même pas mal (belle scène finale autour d'une table où le silence et le péché semblent être devenus l'ordinaire pour cette famille) mais rien de franchement transcendant. History of Violence reste donc ce qu'il a toujours été : une série B efficace, un petit thriller sans l'envergure qu'on voudrait bien lui prêter. Avec en plus le mauvais goût de prendre un malin plaisir à montrer une violence qu'il aurait dû suggérer (comme par exemple dans la scène des escaliers). La véritable violence de l'Histoire se manifeste dans ses coursives. Jamais dans la lumière.

Une époque formidable. Gérard Jugnot


Une de ces comédies sociales marquantes du début des années 90. Gérard Jugnot s'entoure d'une  pléiade d'acteurs inspirés pour nous offrir cette jolie réflexion sur la précarité à nos portes, la mouise à portée de chacun, Aux nantis aveuglés par l'orgueil, "Plus dure sera la chute" nous dit Jugnot sauf à retrouver ces valeurs qui nous ont fui lorsque le matérialisme a lentement mais sûrement pris possession de nos cerveaux. Une Epoque formidable, c'est cela, la célébration des valeurs retrouvées, de la simplicité d'une société solidaire, ragaillardie, qui n'a pas le sou mais des idées et beaucoup de coeur... Comme Jugnot avec ce film.      

Eaux Profondes. Michel Deville


De la passion au jeu amoureux, du jeu amoureux à la manipulation puis à la cruauté, enfin de la cruauté à la perversion puis fatalement à l'irréparable... Il n'y a souvent qu'un pas que le couple Michel Deville / Patricia Highsmith franchit allègrement sur un île qui de promesses n'offre que du cauchemar bien vivant. Le traitement distancié du film, le jeu épuré des acteurs, tout ici convient parfaitement à épouser cette fable insulaire qui nous dit que l'amour n'est souvent hélas qu'affaire de rapports de domination, de propriété, d'amour propre, de bas instincts et de blessure narcissique... Mais le film dit finalement beaucoup plus : il démontre que si vous ajoutez à ce programme cauchemardesque l'irresponsabilité de parents (figeant leur enfant dans la posture du spectateur obligé, impuissant de leurs déchirements adultes), c'est alors souvent au pire que vous vous préparez sans vraiment le savoir...    

samedi 27 décembre 2014

Raphaël ou le débauché. Michel Deville


Extraordinaire ! Cruel, désarmant, sublime, porté par un Maurice Ronet qui tient là son plus grand rôle à n'en point douter. Dans l'esprit ce sont les Liaisons Dangereuses mais là où ce dernier jouait divinement la carte du blockbuster suave et intelligent (casting, image flamboyante, rebondissements efficaces) il y a quelque chose ici de tellement plus sombre et paradoxalement de bien plus drôle (de verbe haut le film regorge) ce qui finit par accoucher d'un véritable chef-d'oeuvre. Sorte d'oeuvre totale sur l'amour qui ne serait donc que guerre de position, subtil jeu d'attrape-nigaud pour qui veut sans risque dévorer sa proie, pour qui veut au contraire, luxe suprême, offrir son coeur désarmé en laissant toute force l'abandonner... Il faut à tout prix se plonger ou se replonger dans les élucubrations frivoles de ce débauché. qu'on n'oubliera jamais.   

Tandem. Patrice Leconte


Une des grandes réussites de Leconte. Le duo Rochefort / Jugnot fait des merveilles dans une tonalité douce-amère. Le coeur des années 80 sert de cadre attachant à ces deux particules élémentaires (on pense à Extension du domaine de la lutte avant l'heure) qui se perdent entre centres commerciaux encore verts et parkings en bordure de nationale à la recherche de nouveaux repères comme autant de têtes de gondoles rassurantes émergeant d'un interminable dédale de rayons. On sent déjà la crise pointer le bout de son nez, s'infiltrer comme le sable dans les beaux rouages de nos vies post trente glorieuses. Tandem est pour tout cela une bien beau témoignage, poignant, drôle d'une époque tout sauf rêvée... En cela, il parvient à faire sourire et serrer les coeurs dans la même seconde.

vendredi 26 décembre 2014

Ridicule. Patrice Leconte


Très bon film de Leconte illustrant combien les mots font bien plus mal que les armes les plus létales. La cour du Roi, les amuseurs en première ligne et le premier camouflet en public qui peut être fatal.... A redécouvrir. Brillant exercice de maniement de la langue de Molière

mercredi 24 décembre 2014

The Last Hunt. La Dernière Chasse. Richard Brooks


Un western assez quelconque de Richard Brooks parce que fondé sur une opposition bien trop classique entre deux amis de chasse que tout oppose et dont le film ne fera au fil du récit qu'aggraver le fossé en termes de valeurs. Reste une belle idée très originale de fin qui rappellera pour les fins connaisseurs celle de Day of the Outlaw. Juste pour le piment de cette fin inattendue, on peut s'accrocher...

mardi 23 décembre 2014

L'Homme Sauvage. The Stalking Moon. Robert Mulligan


Gregory Peck n'aura jamais été aussi grand que dans To Kill a Mockinbird. Ici, dans The Stalking Moon, il manque honnêtement de charisme mais volontaire ou pas, cette fragilité n'est pas si gênante car elle renforce et fait la part belle à l'invisible ennemi. La vedette est justement ce personnage dont chacun parle, que chacun craint plus que tout et dont l'absence aux yeux rend la menace encore plus grande. Pour ce climat assez singulier - fleurant bon le fantastique - The Stalking Moon est un western angoissant qu'il faut voir sans attendre. Longtemps avant les Dents de la mer Robert Mulligan avait compris que le monstre n'est jamais aussi effrayant que lorsqu'il demeure une légende, tant qu'on privilégie pour le spectateur la suggestion à la démonstration... Un bien beau western au climat horrifique.      

lundi 22 décembre 2014

Woodstock. Michael Wadleigh


Le lion Joe Cocker est mort ce soir. Alors je ne saurais trop encourager quiconque voudrait redécouvrir cette fabuleuse parenthèse enchantée de se plonger fissa dans ce Woodstock assez unique made in Michael Wadleigh qui longtemps avant 24 inventa le split screen. Ce soir il s'agit hélas plutôt de Spleen Screen. Mais puisqu'il en reste quelque chose...


Voilà ce que j'ai écrit il n'y a pas si longtemps en apprenant que Richie Havens.nous avait aussi quitté.

"Il est mort un lundi le soleil. Celui qui est entré dans nos nuits avant les autres et sans prévenir. Alors qu'on dormait peut-être. D'un rayon ravageur, d'un souffle de vie dans la fraîcheur du petit matin. Et qui soudain, sans vraiment le savoir, nous illumina."

Vous êtes plus seuls les gars !




vendredi 19 décembre 2014

L'homme aux poings de fer. RZA


Je vois bien l'idée. Mélanger l'univers de la Shaw Brothers avec l'esprit Gangsta du rap US d'aujourd'hui, faire se croiser les sabres et le destin exceptionnel de l'esclave fraîchement affranchi, sorte de Django qui se serait trompé de film... Oui mais ça ne donne rien. Le mariage ne prend jamais et pire dans une tonalité qui reste très asiatique la magie vient souvent d'un réglage des chorégraphies et combats au millimètre. Or entre caméra qui bouge et raccords complètement hasardeux, le film échoue même de ce côté là. Ce qui fait qu'il n'y à mon sens absolument rien à sauver si ce n'est cette maigre idée de départ jamais exploitée même une demi seconde. A éviter.      

Semi-Pro


Les critiques me semblent très dures avec cette petite comédie sans prétention aucune et dont l'atout principal est la fraîcheur. Ca ne joue pas un instant le cynisme ou la satire mais plutôt sur la franche camaraderie, l'amitié sincère et l'honnêteté. Les personnages un peu gauches sont tous attachants et ça rappelle de loin en loin l'épopée rigolote des Harlem Globe Trotters dans ce dessin-animé qui nous a bercé il y a quelque décennies. On sent d'ailleurs une forme de nostalgie derrière le rire. Rien d'exceptionnel mais pas désagréable loin de là.   

mercredi 17 décembre 2014

Daddy's Deadly Darling aka Pigs. Marc Lawrence


Si vous aimez les cochons, les films d'horreur US fauchés, les meurtres en série, le mauvais goût (on est quand même très loin de John Waters je rassure les puristes) il faut se procurer ce Pigs alias Daddy's Deadly Darling. Ayant été préposé à 10 ans au listing des nouveautés d'un Club video à Casablanca, j'ai pu regarder ce truc plutôt dérangeant et pas sympathique mais qui ne faisait pas franchement peur même à 10 ans (enfin j'imagine puisque je ne l'ai jamais revu depuis). Il y avait de mémoire tous les poncifs du genre : une jeune femme violée à répétition par son père se venge et l'assassine puis essaye de se reconstruire dans une ferme au milieu de nulle part. Une ferme infestée de cochons (métaphore filée de l'image qu'elle se sera probablement forgée du genre masculin au contact de son ordure de papa) où elle n'aura de cesse, incapable de dominer ses pulsions de meurtre,  de zigouiller, raccourcir, émasculer, évider tout ce qui ressemble de près ou de loin à du genre masculin  pour finir, cerise sur le gâteau, par en donner les restes à bouffer aux cochons. La boucle en tire-bouchon est tout bonnement bouclée. Etrange curiosité donc. Sûrement très mauvais sur le plan cinématographique, mais on lui trouvera probablement quelques qualités (c'est le visuel de l'édition du 35ème anniversaire tout de même qui figure dans le présent article) dont une fonction d'exutoire pour bien rigoler entre amis du genre masculin, enfin j'imagine ! Après tout, Pigs ne serait-il donc pas une sorte de Kill Bill psychanalytique trash avant l'heure ? 

mardi 16 décembre 2014

Stryker


Sous Mad Max nullissime et fauché qui reste à voir pour rigoler entre amis ! Parce que quand on a eu droit à du Georges Miller version Mel Gibson tout jeune dans le désert australien, ce Stryker vous fait l'effet d'un Canada Dry, il y a tout sauf l'essentiel mais avec l'humour involontaire en plus. Et je précise pour finir que j'en parle parce que j'ai vu ce film au cinéma à Bayonne ou Biarritz dans les années 80 et qu'il m'en reste un furieux souvenir : sur l'écran, une femme prisonnière des méchants appelle au secours en hurlant "Lâchez moi !". Au même moment dans la salle, deux jeunes femmes hilares s'égosillent et reprennent en coeur... "Léchez-moi !!!" Grand souvenir gêné. Mais grand souvenir.

lundi 15 décembre 2014

Silent Hill 2 : Révélation 3D


Entre nous la seule révélation elle est dans le titre et le 3 de 3D ça pourrait être la note sur 2 millions, quoi que le 2 de deuxième opus me semble encore plus conforme à ce qu'est ce ratage total. D'abord, sur l'essentiel j'aurais rarement vu un film d'horreur qui foutait si peu les jetons. Assez dommage quand on y pense. Ce serait comme une bière sans mousse ou du coca sans bulles voyez... Une actrice principale avec le charisme d'un père Noêl sans barbe, sans bonnet, sans traîneau, sans rennes, sans cadeau, bourré, en slip kangourou et à des milliers de kilomètres de la première cheminée explorable (je dis ça parce c'est Noël dans 9 jours).  Bref, tellement mal foutu, tellement mauvais qu'on en est finalement presque gêné pour les acteurs et le réalisateur... C'est dire comme le spectacle laisse sans voix euh.. sans bouche. C'est encore plus fort !

dimanche 14 décembre 2014

Open Water


Très bon petit film d'horreur écrit, tenu, qui fait le max avec un minimum de moyens. Une diabolique  mécanique du Survival en eaux troubles mais pire... infestées de requins. Et comme souvent dans ce genre horrifique quand il fait des merveilles, c'est la suggestion qui est le moteur des peurs ancestrales comme l'angoisse d'être dans un environnement qui n'est pas le nôtre entourés de prédateurs qu'on ne voit pas ! Je ne reviens pas sur les scènes d'exposition (l'arrivée sur site, les échanges de banalités sur le bateau) qui desservent objectivement le film par leur faiblesse. Mais dès que les conditions du drame, du fait divers, sont réunies, on obtient un suspense subtilement construit car ne souffrant que de peu de temps morts. Des moments dont on se souvient longtemps après la séance comme la tempête ou le final qui laisse espérer une issue heureuse après une lente agonie où chacun a trompé la mort en mâchant du chewing-gum, en s'amusant de l'heureux dénouement qu'on attend sans trop espérer... Enfin, l'héroïne se laisse avaler par l'immensité, aspirée par des eaux redevenues dociles et muettes. Beau, flippant, efficace !

vendredi 12 décembre 2014

Les Chemins de la liberté. Peter Weir


Et pourtant Dieu sait que je l’aime Peter Weir mais là non je peux pas décemment le défendre. Mon cher Peter s’est fourvoyé notamment en raison d’une mise en scène trop plate. Côté intrigue il y a tous les poncifs et passages obligés du Survival qui se respecte (serpent, glaces, désert, loups, soif...) mais enchaînés comme mamie nous tricoterait un pull pour l'hiver. Lentement, sagement, patiemment, sans passion, pour tuer le temps, quoi... On a le sentiment de faire du surplace avec des candidats de Koh Lanta transportés d’un paysage glacial et enneigé à un décor rocailleux et sec… Et l'introspection revendiquée pour éviter le spectaculaire et se recentrer sur les personnages n'amène guère que des tranches de vie toutes molles elles aussi, sans relief, du bavardage au coin du feu, rien de plus mais rien de moins. Les Cahiers du Cinéma enfoncent le clou « Weir s'est confit dans l'académisme et malgré quelques demi-réveils, son oeuvre ne dessine plus qu'un sarcophage de regrets. » Les Inrocks confirment « faussement physique, le film fait du surplace, avec pour seul bagage une approche bien légère du combat pour la liberté, certes basée sur des faits réels (la bonne excuse) mais invalidée par un sens de l'expérience quasi nul. ». Pour résumer l’état du spectateur, l’éternité c’est long surtout vers la fin !

jeudi 11 décembre 2014

Zabriskie Point. Michelangelo Antonioni


Si je voulais résumer en étant taquin, je dirais qu'avec Zabriskie PointPink Floyd a révolutionné le Clip Video avec une durée hors normes d' une heure 49 et un réalisateur en vogue pour le faire. Mais si j'en parle c'est que j'aime bien. C’est vraiment parce que c’est Antonioni, que c’est Pink Floyd aux oreilles, et surtout qu’il y a deux ou trois incroyables morceaux de bravoure cinématographiques : le cœur du film avec la montée aérienne du désir, une danse lascive de séduction par le petit objet volant tournoyant dans des décors d'une beauté grandiose pour mieux hypnotiser sa proie, une voiture perdue dans le désert Mojave. Puis l’amour à 20 ans sur des tumulus de désir à éclore, parce qu'ils sont jeunes, qu'ils sont beaux, qu'ils sentent bon la poussière chaude. Moment qui culmine dans des visions sensuelles et orgiaques sous un soleil miséricordieux. Enfin je retiens les derniers plans sublimés par la musique de Pink Floyd juste après les explosions à répétition (qui elles énervent plus qu’autre chose). Sinon pour dire vrai, tout le début est franchement bancal : la trivialité des échanges entre étudiants pseudo révolutionnaires dans une salle de classe puis les échanges de coups de feu, moyennement filmés, pas terriblement amenés. Tout le reste qui s’étire en longueur de façon invraisemblable. Des plans qui ne se tiennent pas et n’en finissent plus. Et une intrigue globalement d’une naïveté confondante, qui peine à nous porter avec elle, faute de scénario. Je crois qu’en mixant le beau et fabuleusement terrien Badlands avec ce psychédélique et aérien Zabriskie Point, y aurait eu matière à accoucher d’un sublime objet. Mais en l’état celui-ci se résumera aux 2 ou 3 moments d’anthologie cités ci-dessus C’est déjà pas mal vous me direz ! 

mercredi 10 décembre 2014

The Immigrant. James Gray


Les Cahiers du Cinéma résument parfaitement : "d’où vient qu’en dépit des trésors de mise en scène que le cinéaste déploie pour servir son récit (…) celui-ci ne déborde jamais, intéresse sans bouleverser ? C’est le grand paradoxe de "The Immigrant" : la forme, pensée pour l’effusion, est irréprochable et souvent brillante, mais n’en jaillit qu’un spectacle étouffé et distant". James Gray s’est pris pour le roi du Mélo, mais non le roi du Mélo irradiant est et restera Douglas Sirk. Que Gray reste sur ce qu’il sait faire d’ailleurs plutôt bien, le film noir. éventuellement le film sentimental sans fonds historique comme dans Two Lovers. Ici tout est plat, sans relief, avec un Joachim Phoaenix comme toujours très bien mais une Marion Cotillard assez transparente par rapport aux rôles puissants qu’elle avait su délivrer notamment chez Audiard… Gray fait grincer le sourire, pleurnicher dans les chaumières, il y a les violons qu'on devine bien souvent en arrière-plan sonore et tout est finalement aussi mièvre, docile que millimétré. Le spectacle en devient inévitablement soporifique.

mardi 9 décembre 2014

Cruising. La Chasse. William Friedkin


Fredkin et Pacino qui tâtent du thriller dans les milieux gay US au début des années 80, Ca promettait bigrement ! Et bien pas grand chose au final. Côté intrigue, C'est plan-plan au possible. Un flic consciencieux voire obsédé commence à confondre sens du devoir et pulsions les moins avouables alors qu'il est aux basques d'un tueur en série. C'est surtout très daté côté anthropologie des boîtes homos de cette période charnière (au charme suranné) où le cuir était roi ! Juste avant l'émergence sur la scène internationale du virus tue-l'amour qui va soudain faire baisser la température dans ces temples masculins du plaisir charnel de plusieurs degrés. En dehors du témoignage d'une certaine époque (la fin du disco) et de certaines moeurs (the roraring eighties), rien de trépidant à signaler, même pas le scénario, même pas la mise en scène de Friedkin, même pas l'interprétation de Pacino. Moyen moyen tout ça.

lundi 8 décembre 2014

Le Manoir de la Terreur. Andrea Bianchi


Vu au cinéma dans les années 80 à Biarritz. Franchement quelconque voire ridicule. Rien en tout cas qui ne soit resté gravé dans ma mémoire à part peut-être l'incursion angoissante d'un pseudo spéléo-archéologue frappadingue dans une grotte non loin du manoir. Egalement une musique jazzy pas dégueulasse de mémoire. Après la libération involontaire des zombies, ça déroule sans génie aucun. Seule mention pour les décors gothiques du lieu (l'architecture du château peut rappeler les grandes heures de la Hammer) et un final qui rejouait habilement les peurs primales de l'enfance à travers un subtil jeu de cache-cache. L'héroïne ou le héros qui se cachait dans un tonneau (ou un truc dans le genre) priant pour ne pas être découverte par des zombies apprêtés pour la messe. Voilà ce que je sauverais du film. Pour le reste, c'est franchement mauvais. Il faut rester sur Lucio Fulci sans hésiter.

dimanche 7 décembre 2014

Spéciale Première. Billy Wilder


Les trente premières minutes sont assez phénoménales. Jusqu'au premier rebondissement dans le bureau du psychanalyste à l'accent allemand.. Bon mais passe encore car ça permet de lancer l'épisode "Chasse à l'homme" par des journalistes sans vergogne. En revanche, l'arrivée dans le bureau de presse du fugitif marque le début d'un enlisement qui ressemble fort à du théâtre de boulevard. Tout y est jusque dans les clichés les moins fins... C'est dommage, tout le début était si fabuleux. Je dis ça; Spéciale Première reste un très bon film qui nous parle sans chichis de la peine de mort, d'une certaine presse et de sa capacité à pousser une prostituée au suicide (autre excès littéral et qui me semble manquer de finesse). Spéciale Première mérite donc le détour. Il fait passer des messages, les dialogues restent savoureux, et le duo Lemmon / Matthau fait des merveilles.. On regrettera juste cette lourdeur théâtrale et cet immobilisme du coeur du film tous deux liés en partie à ce que le film s'inspire d'une pièce de théâtre à succès.

De l'autre côté du Périph



Dans les années 80, De l'autre côté  du périph' se serait appelé Les Ripoux avec Michel Leeb et Isaac de Bancolé. C'est aussi ringard que ça. On sent bien l'envie sincère de rendre hommage au polar à la Belmondo (clins d'oeil au Professionnel ou à des acteurs emblématiques de l'époque avec celui qui joue Chaligny notamment). Le Flic de Bervely Hills est également cité, forcément ! Mais c'est un humour tout plat, tout dépassé dans un film pas très bien mis en scène et porté par un scénario quelconque (pour rester gentil).... Bref, quelques dialogues font mouche mais l'ensemble reste bien beauf et trop eighties, La course poursuite de la fin notamment, quelle purge ! A tout prendre, mieux vaut franchement se revoir La Cité de la Peur par exemple. Au moins le pastiche est assumé ! ! ! On n'essaye pas de faire passer des pseudo sentiments mélo avec des blessures, des larmes et.le tout-venant. le film aurait certainement gagné à ne jouer que la carte de l'auto-dérision.

L'emploi du temps. Laurent Cantet


J'adorais la critique des Inrocks à l'époque : "Démission des illusions, mâchoires du salariat, puits de ténèbres, Cantet, avec cette cruauté salvatrice qu'aucun cinéma militant ne parviendra jamais à déployer, nous empoigne et nous projette dans la gueule de notre servitude monnayable. Chienne de vie, mode d'emploi"Belle sensation que ce troisième film de Laurent Cantet qui vole à des kilomètres au dessus de l'Adversaire de Nicole Garcia (qui s'attaquait au même cas Jean-Claude Roman). C'est effectivement un cinéma presque militant qui dénonce en creux ce que produit le capitalisme comme déviances chez son sujet. Au-delà du message, ce qui frappe, c'est la prestation d'Aurélien Recoing complètement habité par le personnage. Laurent Cantet ne cherche jamais à expliquer ou rendre intelligibles les motifs profonds de ce personnage empêtré dans le mensonge. Bien vu. Pour les moins, je rejoins mille fois Eden. "Personnage informe, réactions de l'entourage incompréhensibles... Les épisodes secondaires réussis reposent sur une base molle. Le héros est un prétexte à évoquer la société qui considère les individus selon un code de travail. Son humanité s'efface. Comment le suivre ?". C'est assez vrai. Il y a une anti-spectacularité tout au long du fil qui peut produire du malaise efficace ou lasser, qui peut amplifier par contraste la brutale déflagration de la fin ou laisser le spectateur indifférent. La faute à ce côté informe et mou du personnage principal. Impossible à cerner de bout en bout. Pas faux non plus.    

samedi 6 décembre 2014

Portés Disparus 2. Joseph Zito. Chuck Norris

C'est tellement nul que Portés Disparus 2 en est génial ! Jamais autant rigolé devant un film de guerre. Chuck Norris tire une balle et c'est une centaine de méchants ennemis qui tombe comme autant de mouches. J'en ai fait des sketches pour les z'amis dans les années 80. Tordant, fabuleusement et involontairement risible. L'ancêtre du Grand Détournement sans le savoir.  

jeudi 4 décembre 2014

Dar l'Invincible. Don Coscarelli


Je défendrai toujours Don Coscarelli sorte de génie méconnu capable de pondre l'inénarrable, le singulier, l'étrange Phantasm (précurseur des cinémas intérieurs Lynchiens qui viendront avec Lost Highway ou Mulholland Drive) puis le délirant mais néanmoins génial Bubba Ho Tep (performance hors sol de Bruce Campbell le vénéré Ash d'Evil Dead) ! Bon il a aussi accouché de cette fantaisie héroïque pas mal du tout de mémoire : Dar l'Invincible. J'avais aimé et en y repensant aujourd'hui, même s'il a forcément bien trop vieilli, c'est pas surprenant qu'on doive à Coscarelli d'avoir tenté l'aventure en 1982. A une époque où pour oser l'Héroic Fantasy fallait avoir un grain, un vrai. Comme d'ailleurs lorsque Ralph Bakshi s'est attaqué le premier au mythe Lord of the Ring en 1978.... Et rien que pour ça : respect Mister Don Coscarelli !

mercredi 3 décembre 2014

Horrible. Joe d'Amato


Peter Newton alias Joe D'Amato espère nous refaire le coup fameux d'Antropophagous. Mais comme quoi pour créer la peur ou le malaise il ne faut pas que du talent, il faut aussi un sacré coup de veine. C'est difficile à expliquer d'ailleurs, soit il y a un feeling soit il n'y a rien et avec Horrible, c'est le néant. D'abord le cadre urbain qui n'apporte rien (Vs l'île anxiogène d'Antropophagous). Ensuite George Eastman qui ne fait hélas plus peur du tout, Il fait surtout grand échalas tout mou, sorte de géant sous anxiolytique. Sans consistance. Le scénario du coup fait apparaître toute son indigence, on ne comprend même pas les vraies raisons de cette folie meurtrière quand elle était binaire mais limpide dans Antropophagous ! Ne reste de palpable que la volonté puérile, immature d'un enfant qu'on sentirait tout excité à l'idée de disséquer une fourmi avec un cure-dent. Ainsi vont et s'enchaînent les éviscérations les plus improbables d'une victime à l'autre comme on enchaînerait tout seul un nectar chaud et dégueulasse au comptoir du bar miteux d'à côté. Horrible aka Absurd n'a de ce fait rien d'horrible ni même d'absurde. Il est juste à éviter ! 

mardi 2 décembre 2014

Rollerball. Norman Jewison


Pas revu Rollerball depuis belle lurette. Forcément, il a dû vieillir. D'autant plus que la violence y est souvent littérale, pas suggérée... Et vous me direz "le cinéma a évolué ma bonne dame". Mais il y avait autre chose de beaucoup plus fort que les combats à mort pour amuser un public assoiffé de sensations fortes. C'était l'univers si particulier (je me rappelle très bien de cet arbre qui brûle de façon poétique sur l'affiche), cette architecture singulière des maisons, ce monde soumis gravement aux lois de la mondialisation et du plus fort. Avec en ligne de mire l'audimat à tout prix. Bref, une atmosphère qui imprègne et ne laisse pas indifférent. Son final "Peplumesque" aussi reste gravé à tout jamais dans ma mémoire... Le héros qui fait son tour d'honneur devant des spectateur ouvrant enfin les yeux collectivement et scandant son nom JO-NA-THAN JO-NA-THAN ! Une figure Christique pour un dernier tour de piste. Un fascinant épisode de Cobra avait d'ailleurs repris un peu cette idée astucieuse du film d'anticipation réflexif et du film de baston viril dans un futur pas très réjouissant où se jouaient comme ici les jeux du Cirque. Voilà, pas revu mais je me souviens d'un grand film, peut-être le plus grand de Norman Jewison. Troublant, terrifiant, visionnaire aussi, avec un très bon James Caan. Et je ne crois pas au hasard quand John Mc Tiernan s'est essayé au remake... C'est que Rollerball figure en bonne place dans sa petite mythologie cinéphile. Pas un hasard !

lundi 1 décembre 2014

C'est arrivé près de chez vous. Rémy Belvaux


Il y a des films comme ça... Qui arrivent sans prévenir et qui ne vous quittent plus jamais. Il faut dire que Rémy Belvaux a dû transpirer pour traquer la nouvelle idée géniale qui lui permettrait de se maintenir au niveau stratosphérique de C'est arrivé près de chez vous. Evidemment ce film ne ressemble à rien de ce qu'on a alors vu, mais il est porté par de nombreux atouts : un acteur principal qui révèle tout son génie, une poésie macabre (les aphorismes sur les pigeons, les morceaux de sucre et j'en passe..), un sens audiardesque du dialogue et enfin l'idée surpuissante de créer à l'écran l'autofiction d'un tueur en série, sorte de Striptease autour d'un sanguinaire sans pitié ni culpabilité. Belvaux ne se départit d'ailleurs jamais d'une fine ambition en termes de mise en scène. Presque tout y était, y compris le manque de moyens qui sublime l'ensemble. Seul regret : Rémy Belvaux sera resté l'homme d'un seul film. Mais quel film !

Sheitan. Kim Chapiron


Il y avait le parfum sulfureux des Kourtrajme derrière ce Sheitan, ça promettait... Et pourtant, malgré une tentative (louable) de se rattacher aux mythes des Kaïra de banlieue qu'on tremperait comme des souris vertes dans un film d'horreur vintage (on pense of course à l'excellentissime Tourist Trap de David Schmoeller), Sheitan est raté à tous points de vue : pas assez innovant sur le plan des idées de mise en scène, souffrant d'un scénario famélique et sans idées fortes, un humour (noir ?) comme un malaise recherché qui tombent totalement à plat, Vincent Cassel ridicule, y a pas d'autres mots  avec ses deux pauvres grimaces. Bref, le choc en voyant Sheitan c'est surtout son vide abyssal. A éviter soigneusement.

dimanche 30 novembre 2014

Le Pacte des Loups. Christophe Gans


Incompréhensible succès ! Je me rappelle d'une vraie grande séance de rigolade devant Le Pacte des Loups. Le ridicule ne tue pas et c'est tant mieux parce que la paire Le Bihan (qui détient la palme) - Cassel en atteint des sommets dans une scène de ratatinage de citrouilles... Très, très mauvais film jusque dans l'apparition finale d'une bête à pleurer de rire... Décidément, Christophe Gans a sûrement du talent mais il manque de recul ou d'auto-dérision. Son Cryng Freeman était déjà aussi creux et affecté que celui-ci est ridiculement empesé. C'est ce qu'il lui manque le plus : de l'humour. Peut-être faudrait-il qu'il s'attaque à la Comédie pour tuer le signe indien. Mais d'ici là, passons, y compris notre chemin !

Adaptation. Spike Jonze


Certains ont évoqué pas complètement à tort un film de "petit malin". Même si je comprends ce qu'ils ont voulu dire par là, je ne suis pas totalement d'accord... Bon c'est vrai, je n'adore pas l'intrusion d'une force irrésistible, du hasard, de la fatalité à la toute fin du film pour justifier un truc qui du coup ne fonctionne curieusement pas vraiment... Une façon comme une autre de se tirer une balle dans le pied. Curieux, comme de l'auto-mutilation, du sabotage intime... En même temps, je vois ça comme une façon de nous dire que tout ceci n'est qu'une vue de l'esprit, une habile et humaine construction, Forcément imparfaite. L'un des multiples scenarii pour nous raconter cette histoire-là. Et même si j'ai toujours été gêné, assez peu convaincu par la chute, tout ce qui vient avant est tellement fort de mémoire, tellement intelligent, tellement généreux à l'image de cette interprétation fragile, toute en nuances de Nicolas Cage), qu'il faut voir et revoir ce film. Parce qu'il fait aimer le cinéma et ses créateurs. Bigrement ! Fichtrement ! A la folie !        

samedi 29 novembre 2014

Alexandre. Oliver Stone


Colin Farrel en Alexandre le Grand ? On dirait surtout un footballeur espagnol peroxydé. Le Fernando Torres des débuts peut-être ? Et chaque nouvelle tirade vous arrache des gloussements ... "Ooooh par l'Euphrate, je jure que l'aventure commmeeeence ici mes amis. Darius nous vaincrons ici et maintennnnnant". Gros violons derrière, ralentis aussi... Confier le destin d'Alexandre sur pellicule à Olivier Stone c'est un peu comme si on demandait à Patrick Sébastien d'écrire les mémoires de Rimbaud voyez... Y a comme un problème de casting, A éviter, sauf si on veut rigoler.   

vendredi 28 novembre 2014

L'empreinte de la mort. Philippe Martinez


L'empreinte de la mort reste un film fauché, bancal, une série quasi Z mais il a curieusement un certain charme qui fait qu'on n'a pas envie de le massacrer... Ca n'est d'abord pas exactement le film de Baston classique auquel nous avait habitué jusque là JCVD. Parce qu'il y a comme un parfum de Film Noir qui flotte sur cette histoire de vengeance. Mais il y a surtout que c'est la première fois qu'un réalisateur arrive à faire de Van Damne un véritable acteur, une authentique gueule cassée... Et rien que pour cette sensation à la vision du film, ce dernier valait le coup d'exister !

A Touch of Sin


Il y a d'abord dans A Touch of Sin un réalisme fracassant. On a vraiment le sentiment de côtoyer les personnages et de se promener dans ces décors parfois urbains parfois industriels (de grandes friches, des carrières...), parfois étouffants (Lieu de charme, usine). La Chine populaire n'a jamais si bien porté son nom. Cette immersion dans le réel tranche avec le soin méticuleux apporté aux scènes de fulgurances. Car il est ici question de personnages (femmes et hommes) qui déchaînent soudainement leur violence parfois au bord de la crise de nerfs, par émotivité, y compris contre eux-mêmes et parfois beaucoup plus froidement, cliniquement, pour exécuter un contrat par exemple... Ces histoires mises bout à bout seraient inspirées de faits divers. Ce qui se sent très fort à l'écran. Il n'y a pas de hasard.

J'adore particulièrement le premier segment dont le personnage principal est un fusil, littéralement. Très vite le tireur s'efface derrière le canon qui chaque fois qu'il apparaît provoque des sueurs froides. Je suis moins fan des 3 suivants (le tueur masqué puis la passeuse qui pète les plombs puis la bluette d'adolescents et leurs inévitables désillusions...).

On se demande d'ailleurs si le film aurait eu la même force, la même intensité, sans cette constante d'un épilogue sanglant ou simplement choc au terme de chaque nouvelle histoire. Je veux dire par là : ces déflagrations gardent-elles leur efficacité lorsqu'elles sont aussi systématiques ? Je ne le crois pas. Enfin, j'ai surtout un problème avec l'enchaînement des segments d'histoires qui sonnent souvent comme des trucs bien commodes et pas très réfléchis (un camion renversé, un bus,...) pour créer un lien, une harmonie quelque peu factice au final.. Mais sinon, c'est fort, mieux que n'importe quel voyage en Chine. Regardez ce film, ça prend aux tripes.             

Zodiac. David Fincher


Excellent film, longuet il est vrai, mais passionnant sur le soin apporté à la complexité des personnages principaux (qui sont nombreux) et curieusement pas vraiment sur la chute (qui d'ordinaire constitue le seul véritable intérêt dans ce type d'exercice à savoir le "Whodunnit?"). Un contrepied qui est louable et rapproche le propos du film d'une radiographie (pas piquée des vers) de la faillibilité en matière de jugement (justice, subjectivité propre à l'Homme, imparfaite parcelle d'humanité, pièce d'un puzzle qui le dépasse)... Le film met aussi à l'honneur un dessinateur et nous rappelle que chacun est légitime pour contribuer dans des domaines d'expertise qui ne sont pas les siens dès lors que LA passion est là.  A la fin, on aimerait d'ailleurs pouvoir retrouver les personnages encore des années plus tard, dans un futur opus à naître, pour savoir ce qu'ils sont devenus. Et rien que pour ça, Zodiac est une réussite...


Notes additionnelles après re-vision

Je viens de le revoir. C’est vrai qu’il y a un sens ondulant du rythme qui rend sa vision et sa re-vision pas chiantes pour un sou. Et quelle direction d’acteurs : tous phénoménaux, guère d’autres mots. A le revoir, j’ai trouvé très fort cette charge contre un « fédéralisme » exacerbé qui rend la reconstitution du Puzzle criminel d’autant plus délicat. Quand des crimes sont commis dans divers Etats, la responsabilité de la police s’en trouve nécessairement diluée, morcelée, et ça sert évidemment l’atmosphère ubuesque et parfois comique de cette véritable odyssée de la recherche éperdue de sens, à défaut de vérité. Une tour de Babel centrée sur la résolution d'une énigme. L’autre message qui passe toujours aussi bien est celui de cette passion reine (du dessinateur apprenti policier, du créatif apprenti scénariste, de toute personne animée par une envie saine et « pure » et pas encore emberlificotée dans un professionnalisme susceptible d'éteindre cette lumière…) qu’il faut savoir garder intacte en toutes circonstances. Et à y repenser, les badges « I am not Avery » (du nom du journaliste devenu la cible prioritaire du Zodiac) ne sont pas sans rappeler les récents slogans « je  suis Charlie » et « je ne suis pas Charlie » stigmates d’une époque de surmédiatisation de tout fait divers surgissant dans l’actualité et auquel il faut donner un sens à tout prix... Sous peine de dérailler, de sombrer corps et âme. Or tout le film nous crie le contraire. Donner du sens à tout prix n'est pas l'essentiel, pas plus que trouver la vérité ou la solution à un problème. C'est en toute chose le chemin qui compte. L'invisible échaffaudage de nos vies à l'oeuvre. Fincher est grand !

mardi 25 novembre 2014

La vie d'Adèle. Chapitre 1 & 2


Mon coup de gueule de l’année. Il y a pour commencer un énorme problème de construction narrative sans la moindre complexité. Trop linéaire. Mise en situation lycéenne classique puis relation à naître de l’héroïne (Adèle) et du beau type de la classe. Et ça ne se passe pas bien. Evidemment. Alors ça se termine et Adèle n’a pas vraiment l’air heureux. Elle lui dit "c'est fini" et voilà que Môssieur part fâché. Elle décide donc pour se changer les idées de sortir avec son copain homo. Et là, Adèle rencontre enfin sa future déjà entraperçue dans une première scène anodine et téléphonée (après une  scène de baiser lesbien au lycée qui laisse comprendre qu'elle en a du goût pour les femmes). Ca fait déjà une heure et c'est d'une platitude à toute épreuve.

Puis arrive le temps de la relation physique. Et on se dit que c’est un peu comme si Gus Van Sant avait eu la (très) mauvaise idée d'obliger River Phoenix et Keanu Reeves à se travailler au corps pendant une plombe à coups de langue sur un lit dans My Own Private Idaho ? Ca ne fonctionne pas. On sent un regard masculin posé sur ces corps qui rappellent davantage un étalage de viande. No Feeling. D'ailleurs la scène de cul avec le garçon était déjà pas très intelligemment filmée. Des plans trop larges, trop fixes, une lumière trop crue. Tout le contraire des ébats adolescents qui recherchent souvent la ritualisation de l’acte quand il y a des sentiments comme cela semble être le cas ici... On n’est jamais dans la tête de ces jeunes gens mais aussi extérieurs à la scène que le réalisateur derrière sa caméra ! Voilà le deuxième gros problème du film : les scènes de sexe sont complètement ratées et bien trop longues... Il suffira de revoir un chef-d‘œuvre comme Intimité de Patrice Chéreau pour le comprendre immédiatement. Des scènes qui mettent davantage mal à l’aise pour les 2 actrices qu’en empathie pour les personnages… Il aurait fallu qu'elles soient vraiment dedans, qu'il y ait un vrai regard, de la caméra à l’épaule, des plans qui tremblent qui vivent qui respirent avec les personnages… Au contraire s'empare de nous la crudité mécanique la plus totale, une tension vaine sans vrais échanges de regards, qui interroge d’ailleurs sur la nature du film : est-ce un traité sensuel et sensible sur une passion physique ou une réflexion autour des sentiments passés au crible de l'éternelle lutte des classes ? On peut légitimement s’interroger en observant ces parents un peu simples, mangeant des spaghettis d’un côté, un peu bourgeois et gobant des huîtres de l’autre… Si tel était le cas, il aurait alors fallu donner aux personnages secondaires une importance bien plus grande qu'ils ne l'ont. Or on se contente de silhouettes pleines de clichés crasseux sur leurs conditions respectives.

Arrive ensuite la longue Pâtes Expo. Adèle est devenue instit. Léa expose enfin. Plus de copains homos, plus de copains tout court, plus de famille, plus de parents… Juste les amis de celle qui expose pour bien faire comprendre que l’une a absorbé l’autre dans son univers. Ca ressemble furieusement à une bouffe de fin de tournage sans grand intérêt y compris dans le contenu. On pourrait très bien voir une scène où un personnage parle mollement de ses hémorroïdes. Le réalisme ou la vraisemblance ne fait pas un cinéma vérité à tous les coups. On a par ailleurs coupé les cheveux de l’une et changé la couleur de ceux de l’autre pour faire comprendre qu’on est désormais plus loin dans le temps. Binaire, encore et toujours. Il y a aussi dans cette séquence des anecdotes pas fines autour de la problématique des « t’aimerais avoir un enfant ? » « les femmes sont-elles différentes des hommes au pieu ? »… Ensuite évidemment la causalité binaire se poursuit. « Tes amis me mettent mal à l’aise. Je me sens complexée ». Et Léa une fois au pieu de bien faire comprendre qu’elles sont entrées dans le cycle de la monotonie qui tue l’amour. C’est plus trop la passion. La preuve, Léa à Adèle « j’ai mes règles »… Comble de la connerie et du déroulement mécanique d’une rupture annoncée avec ses étapes plan-plan du soir où le corps ne veut plus exulter.

Puis le temps fait son oeuvre, inexorablement, L’une rentre tard, l’autre va danser… Et se laisse un peu aller. Elle dira plus tard « s’être sentie seule ». Une révélation cosmique ! Elle ne serait donc pas complètement homo, juste une femme délaissée ? Et hop 1+1=2. Le soir de la rupture est là devant la porte. Le mec la dépose en voiture pas bien loin. Il est d’ailleurs pas bien malin. Que veut-il au juste ? On ne le saura pas. Encore un personnage de façade sans autre intérêt que de passer les plats. Ils s’embrassent alors. Léa a tout vu. Crise de larmes et on se sépare. L’une peut imposer à l’autre de la virer… Lutte des classes en filigrane sans grand relief. Toute personne installée chez une autre quelle que soit sa situation d’origine aurait pu faire les frais d’une telle crise après un sentiment de trahison vécu douloureusement. Ou alors il fallait se pacser les filles ? Acheter ensemble ? Je ne sais pas moi…

Adèle a toujours le même regard perdu qu’au début du film dans le bus avec le beau gars du lycée… Toujours la même ossature de personnalité, toujours la même bouche charnue entrouverte (tic ultra énervant) et offerte à la caméra d’un réalisateur fétichiste ou obsessionnel ou les deux.

Puis c’est le climax kleenex dans le bar : irréel. Seuls 2 plans permettent de comprendre qu’elles ne sont pas seules mais ça ne fonctionne pas… Le verre de vin censé arrivé n’arrive jamais. Et ça pleure et ça pleure et j‘ai surtout vu des comédiennes à bout de souffle, j’ai imaginé la durée des prises, des prises de tête, et j’ai vu de vraies grosses larmes comme chez les 2 victimes expiatoires d’un obsessionnel. On ne sent jamais l’histoire d’amour, on sent 2 actrices exsangues…

La scène de plage comme celle de la fête de fin d’année à l’école sont plutôt réussies même si elles n'apportent comme les scènes de classe pas grand chose… Arrive alors la toute dernière. Celle du vernissage, quelconque si l'on repense là encore à la force tellurique du final de Splendor in the Grass d‘Elia Kazan. Celle-ci en comparaison paraît tellement plus mièvre, insipide qu'elle ne l'est déjà. On rappelle bêtement que voilà deux mondes différents qui ne parviennent pas toujours à se comprendre. Alors que tout le film s’est voulu à l’écran comme l’immersion dans une relation surtout physique et passionnelle. Contraste étrange. Le réalisateur n'aurait pas su choisir complètement sa voie ? C'est ce que je pense en plus des maladresses.

Je termine en disant qu’adjoindre une structure fictionnelle sur ces thématiques sentimentales, amoureuses, passionnelles, physiques (le polar mystérieux et métaphysique dans Mulholland Drive. Le genre fantastique et catastrophe dans Melancholia, la structure  rationnelle dans 5*2) n’est jamais en option mais ajoute souvent un vrai truc, une colonne vertébrale qui est absente de ce film. Et même quand elle paraît ne pas y être et bien bingo elle y est quand même : l'unité de temps et de quasi lieu dans Faces de Cassavetes par exemple. Ce qui change tout ou presque. Décidément, je ne comprends pas l’emballement devant un truc aussi mal fagoté. Mais bon on dira que je suis peut-être passé à côté…