mardi 25 novembre 2014

La vie d'Adèle. Chapitre 1 & 2


Mon coup de gueule de l’année. Il y a pour commencer un énorme problème de construction narrative sans la moindre complexité. Trop linéaire. Mise en situation lycéenne classique puis relation à naître de l’héroïne (Adèle) et du beau type de la classe. Et ça ne se passe pas bien. Evidemment. Alors ça se termine et Adèle n’a pas vraiment l’air heureux. Elle lui dit "c'est fini" et voilà que Môssieur part fâché. Elle décide donc pour se changer les idées de sortir avec son copain homo. Et là, Adèle rencontre enfin sa future déjà entraperçue dans une première scène anodine et téléphonée (après une  scène de baiser lesbien au lycée qui laisse comprendre qu'elle en a du goût pour les femmes). Ca fait déjà une heure et c'est d'une platitude à toute épreuve.

Puis arrive le temps de la relation physique. Et on se dit que c’est un peu comme si Gus Van Sant avait eu la (très) mauvaise idée d'obliger River Phoenix et Keanu Reeves à se travailler au corps pendant une plombe à coups de langue sur un lit dans My Own Private Idaho ? Ca ne fonctionne pas. On sent un regard masculin posé sur ces corps qui rappellent davantage un étalage de viande. No Feeling. D'ailleurs la scène de cul avec le garçon était déjà pas très intelligemment filmée. Des plans trop larges, trop fixes, une lumière trop crue. Tout le contraire des ébats adolescents qui recherchent souvent la ritualisation de l’acte quand il y a des sentiments comme cela semble être le cas ici... On n’est jamais dans la tête de ces jeunes gens mais aussi extérieurs à la scène que le réalisateur derrière sa caméra ! Voilà le deuxième gros problème du film : les scènes de sexe sont complètement ratées et bien trop longues... Il suffira de revoir un chef-d‘œuvre comme Intimité de Patrice Chéreau pour le comprendre immédiatement. Des scènes qui mettent davantage mal à l’aise pour les 2 actrices qu’en empathie pour les personnages… Il aurait fallu qu'elles soient vraiment dedans, qu'il y ait un vrai regard, de la caméra à l’épaule, des plans qui tremblent qui vivent qui respirent avec les personnages… Au contraire s'empare de nous la crudité mécanique la plus totale, une tension vaine sans vrais échanges de regards, qui interroge d’ailleurs sur la nature du film : est-ce un traité sensuel et sensible sur une passion physique ou une réflexion autour des sentiments passés au crible de l'éternelle lutte des classes ? On peut légitimement s’interroger en observant ces parents un peu simples, mangeant des spaghettis d’un côté, un peu bourgeois et gobant des huîtres de l’autre… Si tel était le cas, il aurait alors fallu donner aux personnages secondaires une importance bien plus grande qu'ils ne l'ont. Or on se contente de silhouettes pleines de clichés crasseux sur leurs conditions respectives.

Arrive ensuite la longue Pâtes Expo. Adèle est devenue instit. Léa expose enfin. Plus de copains homos, plus de copains tout court, plus de famille, plus de parents… Juste les amis de celle qui expose pour bien faire comprendre que l’une a absorbé l’autre dans son univers. Ca ressemble furieusement à une bouffe de fin de tournage sans grand intérêt y compris dans le contenu. On pourrait très bien voir une scène où un personnage parle mollement de ses hémorroïdes. Le réalisme ou la vraisemblance ne fait pas un cinéma vérité à tous les coups. On a par ailleurs coupé les cheveux de l’une et changé la couleur de ceux de l’autre pour faire comprendre qu’on est désormais plus loin dans le temps. Binaire, encore et toujours. Il y a aussi dans cette séquence des anecdotes pas fines autour de la problématique des « t’aimerais avoir un enfant ? » « les femmes sont-elles différentes des hommes au pieu ? »… Ensuite évidemment la causalité binaire se poursuit. « Tes amis me mettent mal à l’aise. Je me sens complexée ». Et Léa une fois au pieu de bien faire comprendre qu’elles sont entrées dans le cycle de la monotonie qui tue l’amour. C’est plus trop la passion. La preuve, Léa à Adèle « j’ai mes règles »… Comble de la connerie et du déroulement mécanique d’une rupture annoncée avec ses étapes plan-plan du soir où le corps ne veut plus exulter.

Puis le temps fait son oeuvre, inexorablement, L’une rentre tard, l’autre va danser… Et se laisse un peu aller. Elle dira plus tard « s’être sentie seule ». Une révélation cosmique ! Elle ne serait donc pas complètement homo, juste une femme délaissée ? Et hop 1+1=2. Le soir de la rupture est là devant la porte. Le mec la dépose en voiture pas bien loin. Il est d’ailleurs pas bien malin. Que veut-il au juste ? On ne le saura pas. Encore un personnage de façade sans autre intérêt que de passer les plats. Ils s’embrassent alors. Léa a tout vu. Crise de larmes et on se sépare. L’une peut imposer à l’autre de la virer… Lutte des classes en filigrane sans grand relief. Toute personne installée chez une autre quelle que soit sa situation d’origine aurait pu faire les frais d’une telle crise après un sentiment de trahison vécu douloureusement. Ou alors il fallait se pacser les filles ? Acheter ensemble ? Je ne sais pas moi…

Adèle a toujours le même regard perdu qu’au début du film dans le bus avec le beau gars du lycée… Toujours la même ossature de personnalité, toujours la même bouche charnue entrouverte (tic ultra énervant) et offerte à la caméra d’un réalisateur fétichiste ou obsessionnel ou les deux.

Puis c’est le climax kleenex dans le bar : irréel. Seuls 2 plans permettent de comprendre qu’elles ne sont pas seules mais ça ne fonctionne pas… Le verre de vin censé arrivé n’arrive jamais. Et ça pleure et ça pleure et j‘ai surtout vu des comédiennes à bout de souffle, j’ai imaginé la durée des prises, des prises de tête, et j’ai vu de vraies grosses larmes comme chez les 2 victimes expiatoires d’un obsessionnel. On ne sent jamais l’histoire d’amour, on sent 2 actrices exsangues…

La scène de plage comme celle de la fête de fin d’année à l’école sont plutôt réussies même si elles n'apportent comme les scènes de classe pas grand chose… Arrive alors la toute dernière. Celle du vernissage, quelconque si l'on repense là encore à la force tellurique du final de Splendor in the Grass d‘Elia Kazan. Celle-ci en comparaison paraît tellement plus mièvre, insipide qu'elle ne l'est déjà. On rappelle bêtement que voilà deux mondes différents qui ne parviennent pas toujours à se comprendre. Alors que tout le film s’est voulu à l’écran comme l’immersion dans une relation surtout physique et passionnelle. Contraste étrange. Le réalisateur n'aurait pas su choisir complètement sa voie ? C'est ce que je pense en plus des maladresses.

Je termine en disant qu’adjoindre une structure fictionnelle sur ces thématiques sentimentales, amoureuses, passionnelles, physiques (le polar mystérieux et métaphysique dans Mulholland Drive. Le genre fantastique et catastrophe dans Melancholia, la structure  rationnelle dans 5*2) n’est jamais en option mais ajoute souvent un vrai truc, une colonne vertébrale qui est absente de ce film. Et même quand elle paraît ne pas y être et bien bingo elle y est quand même : l'unité de temps et de quasi lieu dans Faces de Cassavetes par exemple. Ce qui change tout ou presque. Décidément, je ne comprends pas l’emballement devant un truc aussi mal fagoté. Mais bon on dira que je suis peut-être passé à côté…

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