dimanche 9 novembre 2014

Hijacking


Le film se veut anti-spectaculaire au possible et ça se respecte ! Pour nous faire ressentir la puanteur des corps pas lavés depuis trop longtemps, pour nous plonger dans la torpeur de ce voyage immobile au bout de nulle part, le réalisateur ne recule devant aucune crudité d'essence documentaire (refus de l’artifice d’une musique de circonstances ou de celui la fiction la plus convenue). Je pense à l’anecdote de l’absence de toilettes en collectivité, à l’état de cette cuisine qui ne cesse de se dégrader, aux auréoles de transpiration qui ne cessent de s’agrandir… Le hic, c’est justement que sur la durée ce dispositif un peu répétitif finit par accabler au lieu d'élever l’âme du spectateur. On passe trop mécaniquement des entrailles du bateau et de son air vicié à une salle de réunion climatisée, aseptisée où la représentation donnée de la classe dominante se résume à des possédants maladroits qui, malgré une bonne volonté évidente tâtonnent entre amateurisme et déconnexion des réalités. Le réalisateur semble alors nous murmurer entre les atermoiements du Patronnat que le meilleur est trop souvent l’ennemi du bien… Mais une fois qu'on a dit ça d'un côté et de l'autre que les pirates Somaliens sont des pieds nickelés, que reste-t-il vraiment du film ? Car sa mécanique entièrement dédiée à cette attente interminable ne peut du coup que s’essouffler (Jour 1 2 puis 458…) jusqu'à une fin qui arrive mollement – la faute à cette anti-spectacularité revendiquée –. Si mollement que le réalisateur se sent curieusement obligé de faire rappliquer une dernière ficelle fictionnelle (l’histoire de la chaîne de cou provoquant une mort évitable, vrai truc de scénariste). Le morceau finit donc par passer sur une note piquante et prétendument philosophique mais surtout artificielle. On se dit alors que oui, Hijacking est pas mal du tout (chapeau l’absence de manichéisme) mais que tout cela fut quand même difficile à avaler, un peu comme une soupe que le cuisinier aurait oublié de saler.

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