dimanche 5 décembre 2021

La loi de Téhéran


La dernière image ? Si je ne le revois jamais, ce sera certainement cette scène carcérale  où l'accusé revenu d'entre les morts après s'être arrosé le visage d'eau dans les chiottes, en fait profiter une armée de zombies à l'aide d'un tuyau (on est alors dans le genre, presque fantastique, pas loin de L'armée des morts...). 

Sinon, tambour battant... C'est le mot. Comme cette scène d'introduction qui pose habilement les codes d'un genre millénaire. Le film noir. Ou le polar ? Mais social, documentaire, trempé, plongé même dans l'acide du trafic de drogue et de ses victimes collatérales : consommateurs et apprentis sorciers, policiers ripoux, endeuillés, flics de devoir, juges pressés et ex-maîtresse éplorée. Une course dans la ville et hors la bouche, c'est que les mots courent aussi vite que les fuyards de cette emblématique scène introductive qui pour s'élever socialement, qui pour réparer son honneur. Vite fait, bien fait.

Une société où policiers et bandits ont un même code d'honneur ("je ne provoquerais jamais la mort d'un enfant" nous dit l'accusé en larmes), où l'on ramène à la vie un gangster pour mieux lui lire en diagonale ses droits, pour mieux lui rendre la mort après comparution immédiate... Comparution devant la justice, devant sa famille effondrée... Lui-même dit tout, de façon honnête, transparente : "vendre 1 gramme ou une tonne, mon sort aurait été le même...". Dans le même temps, le flic le plus droit qui soit doit faire la preuve qu'il n'a pas dérobé une partie de la dernière prise... Suspicion généralisée, tous dans le même bain, tiraillés par le besoin, de s'extirper de la masse, de s'offrir par cette prise de risque insensée un avenir meilleur, pour soi, mais pour les siens (les enfants envoyés faire leurs études ailleurs) au mépris des codes, de la loi impitoyable de Téhéran.

Evidemment les vrais argentiers de ce business de mort restent invisibles, bien au chaud, planqués. Ils pourront tranquillement continuer de tirer les fils dans l'ombre, pour faire fleurir ce commerce sépulcral. C'est l'intelligence de La loi de Téhéran que de nous le suggérer habilement.  

Je retiens aussi des acteurs fantastiques, plus vrais que nature : ce face à face dans le fourgon est un sommet d'intensité.  

Ce qu'on peut, ce que je peux déplorer, c'est peut-être la deuxième partie, pour le coup très bavarde, et un point de vue trop obsessionnel sur la trajectoire de ce bandit, cette victime (de lui-même) qui en s'humanisant n'efface pas l'intérêt que l'on porte légitimement aux 2 policiers qui auraient mérité selon moi une plus grande attention (leurs familles, leurs objectifs, leurs vraies valeurs, leurs états d'âme...).

Ce qui fait que le final, attendu, n'apporte pas ce supplément d'âme, cette déflagration qui amènent un film à des hauteurs rarement atteintes. On s'y attendait, tout se passe comme prévu et le livre se referme plutôt sagement.

Mais il reste un film à voir parce qu'il tricote sa matière documentaire à l'un de ces genres anoblis : c'est souvent le secret de fabrication des grandes réussites.

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