lundi 24 juin 2019

Jusqu'à la garde


Je ne comprends pas le choix de Jusqu'à la garde comme meilleur film aux Cesars. Je partais avec un bon a priori. J'avais trouvé des qualités au court-métrage qui est à l'origine du film. Mêmes acteurs. L'action du film semble démarrer un tout petit peu après que la maman aie pris l'heureuse initiative de reprendre sa liberté pour son bien et celui de ses enfants.

Mais malgré une séquence d'introduction qui pose idéalement la tension et les problématiques (ambiance verbieuse froide et chirurgicale à la Asghar Farhadi dans La Séparation), malgré une séquence finale prenante (surtout l'attente de la mère et du fils vécue dans la pénombre à hauteur de lit) Jusqu'à la garde est squelettique sur le plan du cinéma au point de ressembler à ces commandes destinées à ouvrir les yeux, à sensibiliser le public aux violences conjugales. Rien à se mettre sous la dent côté voyage si vous voulez. On monte dans un train qui ne démarre jamais. On reste à quai. Le bon titre eut donc été Jusqu'à la gare !

Et pour cause. Les personnages sont creux et simplistes. Aussi épais que les maisons en façade de Daisy Town.  Difficile de s'emballer face à un personnage de maman si attachant (aucune aspérité, aucun défaut, même apparent. Rien sur sa jeunesse, son métier, ses projets...), des enfants si rapidement ébauchés, sympathiques au demeurant mais n'apportant rien à la progression de la narration. Tout est donné d'emblée. Il y a "l'Autre" et Super Maman. Rien ne changera plus. Une famille si aimante d'un côté, si équilibrée, si normalef et de l'autre un psychopathe il n'y a pas d'autre mot... Résumable à une attitude, un regard vide, une carrure de trappeur ou de tueur d'ours en Alaska et voilà, emballer c'est peser.

Le film déroule son programme répétitif en quelques séquences à peine... La juge. les transitions (je prends l'enfant je te le laisse, avec ce qu'il faut de menaces, d'explosions de colères, de dérapages du père), le repérage du nouvel appartement de la famille, l'anniversaire de la soeur, et le fait divers. Et c'est tout. Adieu complexité, au revoir ambiguïté, bonjour démonstration conclusive en à peine 1h30. Ça déroule, c'est plat et on ne verra jamais les lieux de travail de l'un ou de l'autre, les masques en société, les collègues, les amis, ceux qui à contre-coeur peut-être ont apporté leur soutien au père dérangé.

Tout ce qui permet au spectateur de réfléchir au film, tout ce qui permet au film de nous rendre plus intelligent... C'est dommage parce que le sujet aurait mérité dans un tel cadre de l'amplitude, de la complexité, de la profondeur, en un mot du cinéma. Ou alors, la solution eut peut-être été d'adopter la forme du film noir et de plonger dans quelque chose comme Les nerfs à vif par exemple. Parfois, la fiction en forçant le trait rend davantage service à ce genre de cause qu'une campagne de sensibilisation étirée sur 1h30.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire