vendredi 7 avril 2023

Gone Girl. L'amour au temps du capital


Un couple s'installe
Sur une terre d'écrivains
Le Missouri, dans un mouvement 
Presque littéraire : Qui parle ?
Qui s'adresse à nous ?
Sommes-nous dans la réalité ?
Dans un journal intime ?
Les premiers mots – la tête,
La cervelle, comment voir dedans ? -
Mettent sur la piste de Shining
Comme le grand escalier
De la maison du couple.
Une question taraude :
Est-elle complètement cintrée ?
Sorte de vent multidirectionnel
dans la tempête ? Et bien non...
Le plus effrayant chez elle ?
Sa folie toute droite,
douée qu'elle est
pour des parties d’échecs,
Trois coups d’avance,
A l'emporte pièce,
capables d’improviser
dans une forme de rationalisme
échevelé qui rend fou l'interlocuteur.
American Psycho au féminin :
Une sociopathe dénuée de toute empathie
Rayonnant dans un monde
Où rien n'a d'importance
Que de penser à soi,
Que d'être "pas comme les autres",
Au sens où les autres coagulent
Pour devenir cette masse informe,
Cette agglutination d'objets
Qu'on utilise puis qu'on jette
Pour mieux atteindre
Ses petits rêves de pacotille :
Le pouvoir, l'influence, la gloire, la renommée...
Et le mari dans tout ça ? Une mouche de velours gris
prise dans l'épaisseur de la toile.
Le spectateur étouffe avec lui
Et le film secrète son venin
Avec cynisme et cruauté
Jusqu'à l'épilogue,
Une interminable apothéose
A la Nuit de Fureur (Jim Thomson) :
Deux personnages
Y sont enchaînés à l’attente
D’un dénouement tragique.
Et ils attendent, ils attendent
Dans un climat irrespirable.
Aucune autre issue, on le pressent,
Que l'ouverture d'un crâne
Pour voir se déverser
Les raisons de l'acharnement,
De cette prise d’otage pure et simple.
Il devra ramper, se dit-elle,
Se mettre à genoux pour qu’elle revienne
Le sauver de la chaise électrique.
Pour être certaine qu’il ne s’échappe jamais,
elle ira même jusqu'au meurtre
Et, pire, lui fera un enfant !
Une descendance à l'approche, 
Bombe à retardement.
Dans un ventre prêt à expulser
Sa monnaie d'échange
pour acheter la paix des lâches.
Faisons l'autruche,
De la complicité une façade
Et table rase du passé. 
Pour avoir la tranquillité.
De Scène de la vie conjugale (Bergman)
à Faces (Cassavetes)
De la La guerre des Rose (De Vito)
à l’Honneur des Prizzi (John Huston).
Le film dissèque et restitue
Son héritage foisonnant.
Une scène emblématique ?
elle revient ensanglantée
tombe dans les bras de son mari
Qui se fend d'une phrase
aussi discrète qu'assassine.
on en prend ici pour son grade,
plein la gueule,
parce ça sonne vrai
vous prend à la gorge
Vous l'effet d'un cutter
dans celle d'un aristo naïf
aveuglé par une fausse idée
De l'amour ou de la propriété !
Il en fera d'ailleurs cruellement les frais.
Voici donc le vrai visage
De la famille américaine,
puritaine et prompte à défendre
ses acquis, ses valeurs,
sous les projecteurs, aussi longtemps
que ces derniers restent allumés
ou que des intérêts supérieurs
(la descendance, l'héritage)
sont en jeu, voire menacés.
Une simple scène sous la douche
Résume tout pour finir :
Assurée de pouvoir parler en toute "franchise"
L'héroïne fait de nous les témoins, les voyeurs aussi,
D'un moment privé, intimiste
D'un couple dans son plus simple appareil. 
Elle aura tout prévu jusqu'au dernier petit détail...
Gone Girl est d’une infinie richesse
Le thriller se redéfinit, se revisite,
Se fait nouvelle référence
Du film conjugal
En nous parlant d'un temps
Où l'individu s'est perdu en chemin
En confondant amour et propriété
Où la perversion devenue monnaie courante,
N'est que le fruit des dérives du Capitalisme.
Un bon titre eut donc été...
L'Amour au temps du Capital.



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