jeudi 21 avril 2022

La nuée


 La dernière image ? Une scène sur un lac, sous une embarcation retournée. Très réussi, très prenant. Très claustro. On peut imaginer dessous, on devine, on crée en pensée... même si rapidement la scène extérieure nous est offerte évaporant au passage la magie de ce moment.   

Le film social peut s'allier, s'adosser parfois au film d'horreur pour accoucher de grandes oeuvres... J'en suis persuadé. 

Mais ici il y a curieusement quelque chose qui ne prend pas. Les petits hics s'accumulent rapidement... De façon trop mathématique. Lisible.  Une goutte de sang = une deuxième tente, un évanouissement = un début de folie meurtrière. Un scooter = une piqûre de bonne conscience... On va trop vite en besogne...

La jeune fille est trop remontée contre sa mère. Et cette dernière est profondément antipathique, ce qui nuit gravement au plaisir que peut éprouver le spectateur. Trop de pistes et de personnages secondaires délaissés à tort (le copain de la jeune fille, son jeune frère, les rivaux moqueurs du lycée, le gars qui rachète les farines à la gente dame)...

Les coutures du scénario sont également excessivement visibles : la jeune fille pète les plombs pour permette à la scène de dévoration de la chèvre d'advenir. Le vieil homme à la fin qui arrive un peu par hasard pour passer le plat vers la scène finale, le copain met le feu en deux temps trois mouvements s'intégrant à son tour comme un de ces éléments pivots de la narration . 

Globalement, le personnage principal ne suscite que du "bien fait pour ta gueule"... Faut dire qu'elle a de la suite dans les idées pour faire n'importe quoi : la scène du chien, franchement ridicule, comme celle de l'arbre de la chèvre qu'elle veut découper à la tronçonneuse, tout aussi ratée... Elle donne ainsi raison à sa fille pourtant tout aussi agressive par poussées éruptives.

Bref de bonnes intentions certes (le film social, presque documentaire trempé dans le film de genre) mais  un message téléphoné (ici on se saigne mais au vrai sens du terme, on devient le christ, on donne son sang, on y laisse sa peau ou presque...) et un développement prévisible autour de quelques enjeux maigres et trop peu de personnages.

Je crois qu'il manque aussi ce que Spielberg fait si bien dans ET (mère célibataire avec deux enfants à la campagne comme ici) : faire infuser la façon dont une histoire privée, individuelle, vient s'entrechoquer avec la communauté, la ville proche, le monde extérieur, nos sociétés...  Dans ET l'armée s'intéresse de près à ce visiteur .. pourquoi pas les Big Pharma ici ?  Les Oiseaux poussaient le fantastique jusqu'aux frontières du cauchemar sans jamais chercher à "expliquer"... On filme l'inexplicable et l'on reste bouche bée. Mais soudainement le monde extérieur était contaminé à son tour, il était devenu infréquentable. Irrespirable. C'est cela qui était passionnant. Ce mouvement du particulier vers le général, presque l'abstraction. C'est ce qui manque cruellement ici. 

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