vendredi 30 janvier 2015

The Nickel Ride. Robert Mulligan


"The business is off. No people, no faces. Things change". Phrase immortelle du héros Coop' dit "l'homme aux clés" (comme aux Lucky Strike entassées dans le tiroir de son bureau) lorsqu'il réalise que les appuis historiques dont il disposait que ce soit du côté de la police ou de la pègre, commencent à se faire de plus en plus discrets. Mais est-ce d'ailleurs vraiment le cas ou ne serait-ce pas plutôt son cerveau qui lui joue des tours ? Se sentant à tort ou à raison menacé, face à la fuite de ses repères d'antan, il se raccroche à la seule chose tangible, son amour. Mais ce faisant, il s'isole inévitablement (la maison au bord du lac, le renforcement de la porte d'entrée, l'achat du fusil de chasse, le coup malheureux porté sur sa compagne...). La paranoïa monte comme le lait sur le feu qu'on voit se consumer dans la cheminée de ce délicieux petit chalet. Chaque accord de Dave Grusin est un accord majeur pour faire monter une sourde angoisse. On repense inévitablement à l'ombre menaçante du prédateur dans le fabuleux The Stalking Moon. Mais la paranoïa de The Nickel Ride ajoute quelque chose d'infernal, de l'ordre de la torture mentale que s'inflige le personnage ou qu'on veut lui faire subir pour l'amener à commettre une erreur fatale... Il y a d'ailleurs cette scène mythique de l'intrusion du cow-boy, fusil à la main, dans le décor champêtre et dont on arrive presque à se demander s'il n'existe pas seulement dans la tête du héros (clin d'oeil en passant à The Other qui jouait subtilement sur la même ambiguïté). Quant à la phrase culte du début sur le "business off", elle dit tout d'un film d'une modernité et d'une incroyable intelligence qui longtemps avant notre ère sinistrée raconte un homme qui perd son travail et cherche à préserver son honneur et sa dignité par tous les moyens disponibles... Et c'est évidemment lorsqu'il va baisser sa garde (face-à-face plein de non-dits avec un étonnant John Hillerman) que le danger refait brutalement surface. La scène finale dans la rue au petit matin est franchement une des grandes fins qu'il m'ait été donné de voir au cinéma (d'ailleurs pas sans rappeler celle de Collateral dans une rame de métro aux aurores). Pour finir, comment Jason Miller n'est pas plus connu qu'il ne l'est ? Il est positivement fabuleux, incroyable dans ce rôle (comme il l'était soit dit en passant dans l'Exorciste). Le rôle de sa vie à n'en point douter. Un grand, vraiment un très grand film noir que ce The Nickel Ride. A redécouvrir d'urgence.

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