mardi 5 mars 2013

Django unchained. Le fiasco Tarantino

Je viens de lire une interview de Quentin Tarantino. Il y raconte avec beaucoup d'assurance que le public est une femme, et que lui, fieffé jouisseur, sait parfaitement comment s'y prendre pour le faire grimper au rideau... Sur le coup je me dis, waow, quelle incroyable confiance en soi. Reconnaissons d'ailleurs qu'il y a dans ses premières oeuvres une folie, une excitation, un amour du cinéma communicatifs, une envie de transmettre, de murmurer au spectateur "tu vas prendre"... Vu sous cet angle, je comprends mieux cette déclaration des droits du public à atteindre l'orgasme.


Et c'est dans cet état d'esprit que je me décide à aller voir Django Unchained. Et bien, quelle déception, dites-moi...


un D pour Django

D'abord une scène emblématique de ce que je reproche au film. Celle dans laquelle Quentin Tarantino rend hommage au Django de Sergio Corbucci. Tout y est appuyé, bavard...  Et pour quel résultat ?  Pour s'achever dans un échange un peu vain entre l'inspiration (Franco Nero) et un Jamie Foxx par ailleurs étrangement insipide. Un si grand acteur pourtant... Incompréhensible !

C'est que voilà, Django est le film interminable et prévisible d'un réalisateur en roue libre. Il creuse allègrement le même sillon qu'Inglorious Bastards déjà entaché de longueurs, de bavardages inopérants. Une logorrhée de 2h45 qui me fait regretter les divins silences du grand Sergio Leone, ces regards de feu qui disaient tant, ces revolvers et ces harmonicas qui parlaient pour les hommes...

Quelques illustrations de ce qui me semble ne pas fonctionner du tout dans le film :

Le cas King Shultz

Pourquoi prendre le risque de se faire tuer par un millier de gâchettes devant un saloon de carton pâte quand on aurait pu faire beaucoup plus simple, discret, et surtout crédible pour arriver à ses fins ? Cette première scène exposant un King Shultz et la façon dont il récupère sa prime est tellement alambiquée, se conclue au prix de tant de contorsions verbales que l'intérêt du spectateur attentif se dilue à mesure qu'il comprend le but d'une manoeuvre où tout semble construit pour arriver au climax d'humour d'un King Shulz insistant auprès du Marshall de la ville pour récupérer son argent. Au final, beaucoup de dialogues qui ne font en rien avancer l'intrigue. Du vent pour pas grand chose.

Triple K et la limite de l'humour

La scène de l'attaque nocturne du couple Shultz/Django par des membres du KKK relève d'un autre problème : celui du manque de finesse. Voilà une séquence qui nous rend presque sympathiques une horde de benêts incapables de faire des trous dans leurs masques de fortune... Des pieds nickelés en somme ? Potentiellement excusables ? Voilà en l'espèce le risque quand on essaye de manier avec humour des figures aussi casse-gueules. Quentin Tarantino pêche par manque de jugeote et me rappelle en cela le président du jury pas très inspiré qu'il fut à Cannes lorsqu'il décerna la palme d'or au faiblard Farenheit 9/11.

Après l'administration Bush puis les nazis, farcissons-nous les esclavagistes... Bonne idée mais encore eut-il fallu se montrer plus nuancé, complexe, finaud ?

Et les femmes dans tout ça...

Je veux également m'attarder sur le statut de la femme réduite (dans un film qui se veut pourtant le cri, la dénonciation du crime sans partage contre l'humanité que fut l'esclavage) à un simple objet qu'on pose dans un coin et qui s'évanouit de façon théâtrale à la première sensation forte...

Ok c'est un western, un genre créé par des mecs pour des mecs, mais rien qu'à repenser au fascinant personnage de Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l'Ouest, je reste dubitatif... Pourquoi une telle platitude sur le terrain de personnages féminins à peine dessinés ? Une silhouette un peu idéalisée dans un champ ou au détour d'un arbre centenaire... Regard étrangement indifférent voire à certains égards misogyne... Dommage.

Django party

Enfin la musique, de tous temps l'incontestable point fort du mélomane Quentin Tarantino, a comme des accents d'improvisation pas toujours heureuse (le rap sur des images léchées de la fin du XIXème siècle dans des champs de coton, mouais...) et un côté frénétique dans l'enchaînement de morceaux n'ayant au final que peu de cohérence les uns avec les autres... Incompréhensible.

L'infertilité du mâle en rut

Avec le recul, je crois que c'est cette incroyable confiance en lui (évoquée au début de cette critique) qui amène Tarantino droit dans le mur quand je reste persuadé qu'un peu d'humilité et l'aide d'un vrai scénariste auraient certainement aidé notre champion à accomplir quelque chose de grand avec une idée de départ qui était somme toute intéressante. Mais il y manquera comme à son prédécesseur Inglourious Bastards une colonne vertébrale, un vrai scénario. Bref, se faire confiance ne suffit pas, ou ne suffit plus...

Quant à sa réflexion sur la jouissance de son public, me vient à l'esprit une maxime frappée au coin du bon sens : en matière de sexe, de jouissance, d'orgasmiques expériences, l'habit fait rarement le moine, toujours se méfier des coqs de basse cour, des hâbleurs trop sûrs de leur petite affaire. Quentin a trop parlé et trop vite... Peut-être en a-t-il oublié la vraie saveur d'un rapport chargé de sentiments charnels. Le vrai mal de Tarantino serait donc là ? un désir en berne depuis près de 10 ans ? Allez Quentin ! Reviens-nous, déchaîne-toi de nouveau, redeviens le Tarantino du renversant Jackie Brown. Où étais-tu toutes ces années ?

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