vendredi 7 juin 2013

Alien. Ridley Scott. La survie de l'espèce en jeu



C'est en assistant à la naissance de ma fille que j'ai compris comment avait germé l'idée d'Alien dans l'esprit de Ridley Scott. Pas que le spectacle ait été celui d'un film d'horreur, c'était au contraire un moment d'une beauté grandiose. C'est plutôt la façon dont le mystère de la vie m'est apparu avec une question fondamentale : cet amas joliment animé de cellules vivaces qui s'éjecte de lui-même comme d'une photocopieuse 3D est-il indépendant du moteur qui l'a fabriqué ? Utilise-t-il les enveloppes corporelles, les êtres vivants pour se maintenir "en vie", pour se survivre à lui-même ? Autrement dit ne sommes-nous que des "véhicules", des transmetteurs ?

Le secret d'un chef-d'oeuvre est souvent psychanalytique, niché dans l'inconscient collectif sans qu'on sache vraiment ce qui nous y subjugue si profondément, ce qui nous y terrifie autant. Il y a bien sûr dans Alien du génie à revendre, l'idée d'un huis-clos spatial et l'invisible menace qui renforce un univers puissamment singulier (cette navette aux allures de plate-forme pétrolière en perdition) ainsi qu'une lenteur paradoxalement délectable, comme une interminable gestation dans ce lieu clos et humide. Comme le ventre de l'au-delà.


Mais l'idée fondamentale (évidemment inconsciente, presqu'abstraite) se situe plutôt selon moi dans la sexualisation du conflit et la féminisation de l'horreur. Nous avons d'un côté l'héroïne (Sigourney Weather), celle qui symboliquement porte et donne la vie. Et de l'autre un monstre, symboliquement cette vie changeante, 
protéiforme, qui entre et sort d'un corps quand bon lui semble et qui prolifère sans passer par les méthodes traditionnelles (pour ne pas dire voies naturelles) : un homme + une femme = une vie de plus. Avant de devenir l'Alien (ce papillon avec une gueule de pistolet à essence), le monstre est d'ailleurs encore dans un premier temps à l'état de chenille collant, une sorte d'araignée collante, obligeant des hommes à la soumission la plus totale, la plus silencieuse, dans le respect d'un rite sacré : le cunilingus qui permettra à la vie d'éclore (contre nature de notre point de vue) dans leurs ventres stériles, provoquant au passage leurs morts. On regarde alors Des utérus et des hommes.

Emerge ensuite la notion de combat suprême : la figure de la femme grande et forte, garante de la sauvegarde de l'espèce (et pour cause, elle est celle qui met au monde, Sigourney) se dresse face à cette autre forme de vie, déviante. A certains égards, cette autre forme de vie s'incarne d'ailleurs tout autant dans personnage du robot que dans celui de l'Alien.


L'affrontement devient donc sous nos yeux une lutte à mort pour sauver le genre humain... Une idée qui sera développée plus avant dans le deuxième opus où Sigourney devenue mère (rappelez-vous la petite orpheline qui lui octroie ce statut) affronte une autre reine mère dans un final hautement allégorique. 2 mères, 2 façons de mettre au monde, de donner la vie, face à face. C'est pourtant bien la mort qu'elles s'apprêtent à se donner.

Voilà le secret d'un chef-d'oeuvre. Quand The Descent évoque de façon souterraine le matriarcat en gestation et la guerre des sexes dans une société déboussolée, Alien ne traite  en filigrane que d'un sujet philosophique : rien de moins que la survie de l'espèce entre les mains pas si fragiles d'une femme. Inoubliable Alien dont l'affiche originelle - cet oeuf, la vie - prend tout son sens.

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