dimanche 25 octobre 2015

Winter Sleep. Nuri Bilge Ceylan


Au départ je me réjouis de découvrir une sorte de Shining version film d'auteur à la sauce anatolienne... Un double homicide se prépare-t-il dans cette maison troglodyte de Cappadoce ? Les images sont belles et froides. Les secrets de famille semblent partout. On est saisi comme le touriste par la beauté de l'endroit. Puis rapidement j'ai pensé à l'adaptation filmique d'une pièce de théâtre (le personnage principal n'est-il pas lancé dans une réflexion de fond sur le théâtre de son pays, la Turquie ?). Et c'est un des soucis à mon sens. Beaucoup de séquences interminables où un simple champ contre champ vient mettre en scène des échanges entre frère et soeur, mari et femme, soeur et femme, hôte et hôtelier... Au théâtre, ça donnerait probablement quelque chose de fort en plusieurs actes et deux personnages à chaque fois, avec la nécessité de faire vivre - de façon organique - sur les planches ces joutes bien souvent d'ordre intellectuel... Mais à l'écran le dispositif est souvent minimaliste, les personnages se déplaçant très peu, vissés dans des fauteuils, enfoncés dans des canapés, se tournant parfois le dos et parlant beaucoup... Beaucoup trop ! Je comprends bien l'idée que les personnages soient comme écrasés par cette nature toute puissante et muette autour, qu'ils étouffent sous les parois naturelles de cette maison austère, je vois l'intérêt de les réduire à l'état de grain de poussière dans le décor et de rendre ainsi dérisoire leurs petites existences  leurs menus bavardages, mais cela a justement l'effet d'accentuer la torpeur, l'état de dépression voire d'indifférence chez le spectateur qui finit par attendre la fin de chaque nouvel acte (si théâtral) souvent filmé en quasi champ contre champ...

Un exemple de réussite malgré tout ? le côté bavard qui passe hyper bien dans la scène de la cuite parce que l'état des personnages justifie une libération brutale de la parole, sans filtre... Mais au lieu d'exploser au coeur du film comme une exaltation verbale nécessaire, elle n'apparaît hélas que comme un énième wagon de verbiages venu s'emboîter à la suite de tant d'autres... Problème de dosage et de relief dont le film manque de ce point de vue.

Par ailleurs je trouve assez passionnants tous les échanges et non dits révélant les tensions familiales, les folles contradictions des personnages, et même les quelques dissertations philosophiques autour de l'oisiveté mère de tous les vices ou du pouvoir de l'argent (au coeur du film) qui définit et redistribue les rapports de force d'une société... Mais voilà, cela reste des conversations de salon souvent réservées à des milieux autorisés et le film finit par avoir quelque chose de la mentalité bourgeoise et agaçante du personnage principal. Et puis Winter Sleep c'est par ailleurs 1h30 de trop au bas mot (qui est le monteur ? Quelle a été sa contribution éclairée au projet ? ) et malheureusement pas assez de virtuosité du côté de la mise en scène (je pense notamment au talent à la touche unique d'un Peter Greenaway) pour faire joliment passer la pilule. Ce qui s'agissant d'un résultat trop immobile à l'écran, n'arrange rien à l'état d'un spectateur devenu malgré lui marathonien de la lutte contre le sommeil... Partant de là, malgré quelques très beaux moments, Winter Sleep est une Palme d'Or besogneuse, longuette, assez incompréhensible pour ma part et où il est finalement beaucoup question de théââââtre et de joutes intellectuelles assez vaines...   

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