mercredi 7 octobre 2015

Ni le ciel ni la terre. Clément Cogitore


Je comprends bien qu'on puisse s'enthousiasmer devant "l'audace" d'un projet trans-genre qui commence comme un film de guerre, se poursuit comme un film d'épouvante (presque de possession, à la lisière du fantastique) avant de s'achever comme un film sur l'isolement, l'embrigadement mental et la folie qui peut en découler…

Et je reconnais que le film regorge d'idées intéressantes, se targue aussi de jolies références (The Thing avec la scène inaugurale du chien) mais il y manque avant toute chose un scénario nom de nom… La trame du film n'est objectivement que le sujet brûlant d'un court-métrage tout au plus. Du coup au bout de 30 minutes on regarde sa montre en ayant le sentiment d'être là depuis 1h45… Et il ne s'est encore rien passé. Ou si peu.

Autre problème à mes yeux et plus embêtant : les personnages qui sont de vraies caricatures sans relief, sans passé (peut-être William mis à part)… Ils  ne sont que ce qu'il semblent être, que ce que "leur uniforme" dit pour eux. C'est à dire des silhouettes en armes, muscles et camouflages. Cela contribue à un jeu approximatif, une difficulté à les faire exister les uns par rapport aux autres… Les motivations du chef deviennent très vite floues, en tout cas pas faciles à déchiffrer. On sent d'ailleurs un Jérémie Rénier (si bon d'habitude) pas très à son aise pour trouver la bonne carburation, l'intonation juste. Bref ça ne tient pas la distance de ce côté là non plus. Or l'interprétation m'aurait semble capitale (repensons juste à Valhalla Rising ou Aguirre dans cette veine "démentielle" pour la vraisemblance de laquelle les acteurs doivent être en toute première ligne, habités).

Dernier point : cette volonté (louable) d'opposer le ciel et la terre, les bonnes intentions et l'enfer, la raison et la foi, la technologie souveraine et le caractère inexplicable de ces disparitions… Bien sûr, pourquoi pas ? Mais chaque fois que cette dialectique s'étale d'elle-même par une voix off (celle de la fin, trop littéraire) ou dans la bouche d'un personnage (celui effrayé qui dit à son chef groggy sa peur que le monde soit contaminé…), elle le fait de façon trop littérale et didactique. On nous explique à nous le spectateur l'anecdote de la sourate, le rêves prémonitoires des 2 personnages principaux, la localisation de la grotte, on nous montre dans le même mouvement par des plans univoques l'incrédulité du soldat, sa foi dans le rationnel, dans le tangible et cette absence d'ombres, de nuances, d'une belle et grande dimension allusive appauvrit le film qui devient bêtement démonstratif et gauche.

Restent des séquences assez réussies (celle très brève de la danse sur un morceau de techno pour évacuer la tension, toutes les séquences de nuit en infra rouge à la pêche aux inquiétantes tâches de lumière, l'irruption nocturne d'un motard tout droit sorti de Mad Max ou du Dernier Combat, la rencontre en terrain neutre des ennemis qui pactisent pour retrouver les leurs, enfin la réflexion sur un code d'honneur qui obligerait le "chef" à maquiller des disparitions en bavure militaire justifiant au passage le sacrifice de 4 pauvre moutons qu'ont rien demandé à personne)… Tous ces petits moments valent le détour parce qu'ils distillent une tension et une étrangeté bienvenues. Mais le problème vient de ce que chacun d'entre eux vit seul, ne fait jamais corps avec les autres pour accoucher d'un film.

Voilà, pourquoi je n'ai pas réussi (comme apparemment beaucoup de critiques) à m'enflammer pour un film qui reste malgré ses jolies promesses, ses quelques pépites éparpillées ici de là, un coup de pioche assez vain dans un désert de pierres.

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