samedi 18 mai 2013

Fight Club. L'hôpital et la charité.


Le plus mauvais film du grand David Fincher ? je crois que oui même si heureusement le bonhomme s'est rattrapé depuis. Il fallait s'en douter dans une période où la mode était au twist lourd et sonore (The game du même réalisateur mais tant d'autres depuis Angel Heart jusqu'au Sixième sens en passant par Usual Suspect). Et voilà le premier problème : un film censé dénoncer les machiavéliques subterfuges d'une méchante société de la réclame entièrement tournée vers le profit pour nous maintenir dans un état cataleptique devrait a minima éviter le conformisme absolu pour l'époque d'une forme d'attrape-nigaud comme le twist. Déjà, le film malhonnête, utilisant les mêmes ficelles que la pub la plus vendeuse pour une lessive répond à la question "comment se tirer une balle dans le pied ?".

Mais Fight Club va plus loin. Avec son esthétique de clip video et ses personnages trempés dans du cliché gras (le mou du genou face au rebelle survolté), il nous sert exactement ce qu'il essaye vainement de dénoncer... l'infâme soupe à base d'excès concassés d'une société de consommation devenue folle mais qui sait user de stratagèmes pour mieux nous maintenir dans une léthargie béate. Et oui, Fight Club est un blockbuster musclé trempé dans de la provoc pour créer le buzz, débordant de rebondissements et d'effets spéciaux (la séquence finale),  taillé pour aller chercher de juteuses parts de marché en s'appuyant sur les 2 acteurs les plus bancables de l'époque... Il fallait oser ! L'hôpital qui se fout de la charité en somme.

Je rappelle d'ailleurs à toutes fins utiles que la paternité de cette idée d'un personnage créé de toutes pièces par le cerveau malade d'un personnage schyzo revient à Richard Wright dans son unique et fabuleux roman Portrait d'un jeune homme qui se noie. Rien à voir avec ce rebondissement à deux balles qui nous découvre sur une caméra un Edward Norton en train de se mettre des pions dans la face, tout seul, comme pour nous montrer prosaïquement le chemin : "il faut vous réveiller, mettez-vous de bonne claques dans la gueule et tout ira bien"... Et je ne parle même pas du pitch désarmant comme un lieu commun "Le narrateur, sans identité précise, vit seul, travaille seul, dort seul, mange seul ses plateaux-repas pour une personne comme beaucoup d'autres personnes seules qui connaissent la misère humaine, morale et sexuelle. C'est pourquoi il va devenir membre du Fight club, un lieu clandestin ou il va pouvoir retrouver sa virilité, l'échange et la communication". Une espèce de promesse rêvée pour des milliers d'ados en mal d'émotions fortes et angoissés à l'idée d'entrer dans la vie active... Pas étonnant que le film soit "culte" pour des générations d'adolescents.

NOTES APRES REVISIONNAGE Je viens de le revoir 25 ans plus tard. Je ne l'avais pas revu depuis sa sortie ciné. J'adore Fincher et je n'ai pas grand chose à redire sur la mise en scène, l'atmosphère générale du film, ses lieux interlopes, la voix off, les silhouettes dans la nuit. Tout cela reste intéressant et immersif. Mais je ne retire rien de ce que j'ai pu dire et ressentir à l'époque. Quelque chose ne tourne pas rond et je pense pas qu'au personnage principal. Il y a dans Sixième sens sorti la même année ou les Autres d'Amenabar une façon aisée de valider les choix narratifs en les reprenant au début, en les revisionnant. Ici franchement trop de choses interrogent ! On se demande vraiment comment se manifeste pour le monde extérieur la schyzophrénie notamment lorsque Tyler et lui parlent ensemble en présence de tierces personnes (dans l'avion, dans l'habitacle juste avant l'accident, tant d'autres fois) sans que cela n'éveille aucun soupçon nulle part ? Même qund il s'achète à manger ? Comment par exemple fait-elle (sa dulcinée)  pour ne jamais se rendre compte plus tôt qu'il est complètement cintré, qu'il parle tout seul ? D'ailleurs comment peut-on le voir dans sa cuisine quand il est au même moment en train de s'éclater au-dessus avec elle. Facilité scénaristique pour nous la faire à l'envers.  Comment malgré sa folie évidente parvient-il à enrôler des gens dans tout le pays jusqu'à des postes clés dans la police ? Enfin comment n'est-il pas suivi médicalement ? Ne prend-il aucun medoc ? N'a-t-il aucun parent, frère ou soeur ou camarade d'école, ami d'enfance ? Mais un bon boulot de courtier en assurance, ça oui... C'est mépriser tous les gens psychotiques qui souffrent et qui souffrent socialement. On finit donc en découvrant le pot-aux-roses par réaliser à quel point rien ne tient vraiment la route dans cette histoire de Big Chaos. On peut donc être inadapté aux autres, au monde mais le dirigier comme une multinationale. Par ailleurs, pas de police, pas de filature malgré le nombre de recrures, tout est parfaitement normal dans ce no man's land aux abords de New-York où ça s'agite comme dans une fourmilère, comme avant une insurrection. Par ailleurs, quand on aime comme c'est mon cas la boxe anglaise et qu'on sait le peu de coups qu'il a fallu à Michael Watson ou Gerald Mc Clellan pour finir tétraplégiques, on ne peut que trouver irrévérencieux, fantaisistes et pour tout dire malsains ces interminables bastonnades et giclées de sang sur le rythme effrenné d'une musique bien trop répétitive et qui imprègne tout le film de façon agaçante. Là encore on est dans une complaisance et une outrance malvenues. Bref, Fight Club est à mes yeux un vrai faux pas de Fincher, il est malin, il est fourbe, il est le stigmate d'une époque clinquante comme un spot MTV, démonstratif et conçu pour fasciner les ados... Sinon pourquoi finir sur du Pixies quand en face on devine déjà sous les décombres à venir la mort certaine d'innocents au mauvais endroit, au mauvais moment...  




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