samedi 17 mai 2014

Usual Suspects. Bryan Singer


Dès qu'on se plonge dans Usual Suspects, évidemment le premier contact est agréable, on se laisse porter par les allers et retours, les retournements, les faux semblants d'une narration par essence subjective. Et puis on repense aux Dix petits nègres et surtout au Meurtre de Roger Ackroyd, sommet littéraire du genre où le lecteur se laissait flouer par le témoignage forcément biaisé du narrateur...Oui mais petit détail important, chez Agatha Christie, il y a un fin mot de l'Histoire, on possède suffisamment de clés et de témoignages multiples et sincères à la fin pour comprendre retrospectivement qui est le meurtrier, où et comment le narrateur a commis des erreurs, laissé des indices qui permettront à l'enquêteur de le compromettre. Dans Usual Suspects, et c'est tout le problème, nous n'avons qu'un son de cloche (le personnage incarné par Kevin Spacey) et donc aucun moyen de démêler le vrai du faux, l'affabulation complète d'éléments plus concrets... La mise en scène est brillante, l'exercice de style fluide et agréable, mais l'ensemble tient plus de la supercherie que du polar ficelé comme un rôti... Une preuve s'il en fallait une ? K. Sauzée n'est-il qu'une ombre, a-t-il existé ? Rien de moins sûr. S'il a existé, y a t-il une part de vérité dans tout ce qu'on nous a donné à voir et entendre depuis le début puisqu'il ne s'agit au fond que d'un témoignage unique et par essence malhonnête ? La réponse est non, tout est flou, immatériel, subjectif et l'on reste avec cette impression que Usual Suspects est une machine qui tourne bien mais à vide...

2 commentaires:

  1. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre commentaire bien que j'y reconnaisse un fond de vérité.On a qu'un seul discours, mais on comprend tacitement qu'il faut l'accepter comme essentiellement vrai sauf pour quelques détails (on sait dès le début que le narrateur est un truant donc on est averti).On pouvait déceler la vérité, et pour preuve je l'ai trouvée une bonne dizaine de minutes avant le dénouement (très frustrant)..
    (Spoiler)Tout d'abord on nous dit que K.söze est un maître pour manipuler les autres hommes,ce qui doit mettre en alerte. A partir du moment où on se pose la question 'est ce que l'un d'entre eux peut être K.Söze?' c'est fini: on a un handicapé que personne ne soupconne car c'est le plus faible, et en plus c'est lui qui nous raconte l'histoire,et c'est lui le seul survivant, et en plus il ne sert à rien dans l'équipe ( au fait, pourquoi s'embarrasser d'un invalide? il y a mieux comme coéquipier). Le fait qu'il reste à l'écart des combats (soit disant sur demande de Keaton), alors qu'ils ne sont que 4 contre 20, achève de consolider les soupçons.
    On peut rétrospectivement (ou pendant le film) revoir la scène d'introduction.Avant l'exécution de Keaton, Söze lui lance un amical "ca va, Keaton?" ce qui laisse à penser qu'il le connait bien. A quoi Keaton répond par un regard de surprise puis un sourire amer, ce qui montre qu'il vient de comprendre qu'il a été floué.

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  2. Oui on est d'accord là-dessus. Je dis simplement que le problème (relis Le Meurtre de Roger Ackroyd) de n'avoir que le son de cloche du survivant fait que le fil narratif du film qu'on vient de voir peut être aussi aléatoire que le choix de mots quelconques sur un tableau de liège, tu vois ? Chez Agatha Christie il a un vrai Puzzle qu'on reconstitue à partir de nombreux témoignages, c'est aussi l'intérêt. Mais quand il ne reste qu'un survivant, tout devient sujet à caution.

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