mardi 1 février 2022

Tenet

La dernière image ? La seule qui sonne "vrai", où l'on sent la douleur et la mort qui vient... C'est ce paysage désolé au milieu d'un enchevêtrement de voies ferrées, comme des milliers de débuts d'histoires avec des trains qui vont et viennent et cet homme sous la torture et qui s'en remet à un signe du destin, une pilule peut-être... Mais de quelle couleur ?   

Evidemment le carré SATOR est un carré magique dont chacun essaye de percer les secrets, de déchiffrer la signification depuis sa découverte ici ou là. J'ai lu quelque part une interprétation intéressante amenant le sujet vers des références à l'Ancien Testament : 

« J’ai vu les Vivants : il y avait une roue à terre, à côté de chaque Vivant, pour leurs quatre visages. Ces roues et leurs éléments scintillaient comme de la chrysolithe ; toutes les quatre avaient même forme ; l’aspect de leurs éléments était tel que les roues paraissaient imbriquées l’une dans l’autre. Quand elles avançaient, elles allaient dans les quatre directions ; elles avançaient sans s’écarter » (Ez 1:15-

Il y est essentiellement question de mots écrits en latin. SATOR signifierait Semeur, TENET veut dire tenir / mener. OPERA c'est l'oeuvre, enfin ROTAS c'est la rotation de la roue, référence possible au cycle des saisons. Seul AREPO pourrait évoquer la charrue en vieux Gaullois, 

Une fois qu'on a dit ça, on n'est pas beaucoup plus avancé pour comprendre le film de Nolan.  Car qu'elle qu'en soit la signification, on a bien compris qu'il est question de pouvoir lire dans un sens l’histoire puis dans l’autre. L’histoire peut avoir plusieurs niveaux de lecture. Le point de départ peut se trouver n'importe où. Certains personnages peuvent se dédoubler. Dans cette approche, le film mérite probablement plusieurs visionnages. Mais le juge de paix restera toujours le même : qu'est ce que le film a fait naître en nous ? Quelles émotions a-t-il suscité ? Comme pour Inception, pas grand chose... Tout ici est trop carré, filmé comme un James Bond, avec beaucoup de bruit, de coups de feu, d'explosions, de complexité narrative inutile et finalement paradoxalement pas assez de mystère. On y perd complètement la magie du carré avec notamment des personnages archi caricaturaux (Sator en tête).

Restent les questions rigolotes qui demeurent côté intrigue ? Le petit jeu d'analyse vaut toujours  le détour. C'est ludique et stimulant. D'abord, on comprend vite qu'outre TENET, les mots SATOR (le méchant "semeur"), AREPO (un mystérieux homme qu'on ne voit jamais, ayant eu une relation avec Elisabeth dans le passé), OPERA (lieu emblématique d'introduction), ROTAS (lieu clé de l'aéroport où les premières rotations temporelles se font jour) ne sont pas fortuits. Il est clair ensuite que la lettre N est centrale dans le carré magique. Or N c'est évidemment Niel et on comprend vite dans le film que ce Niel sorti de nulle part, c'est l'enfant d'Elizabeth qui a grandi. D'ailleurs, dans le carré Sator, la lettre centrale N est entourée de 4 E. Comme Elisabeth.

En revanche cette déduction amène d'autres questions : Si 2 Elisabeth peuvent cohabiter quasiment dans la même scène, si Niel peut être dans la même dimension temporelle que lui-même à 8 ans (au moins 30 ans d'écart !!!), alors tout est possible... Est-ce que dès lors le fait qu'on ne voit jamais Sator en compagnie de son fils peut également interroger sur sa véritable identité ? ne serait-ce pas Niel ayant basculé du côté de la force obscure dans un lointain futur ? auquel cas la double mort de Niel (sacrificielle) & Sator (tué par Madame sa maman) prend une toute autre dimension... Freudienne.  

Dernière piste, la moins farfelue : tout commence et tout finit sur le timing de l'opéra et pour cause : c'est là que le protagoniste meurt vraiment au tout début et toutes ses tentatives mentalement pour conjurer le sort l'amène à créer ce monde chimérique dont il est de fait le chaînon central, l'architecte. Et dans le mot protagoniste, il y a le mot Opéra mais il y a aussi le mot Agonie.      

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