samedi 9 mai 2015

Eastern Boys. Robin Campillo


Autant dire tout de suite qu'Eastern Boys vaut clairement le détour. Il est une tentative pas toujours heureuse mais sacrément rafraîchissante d'explorer les frontières du film d'auteur et du film de genre, comme Les Revenants l'était déjà. Ici, la première séquence, puissamment réaliste et très immersive autour de la Gare du Nord, renvoie évidemment à la thématique et à l'univers de L'homme blessé. Le deuxième chapitre marque l'irruption du genre (via une manipulation, quasiment un fait divers) et déjà se pose la difficulté de rendre crédible cette longue séquestration où je n'ai personnellement pas vraiment cru à son réalisme recherché, notamment en raison des réactions du personnage principal. Mais pas que... Réactions curieuses qui au lieu d'interroger laissent songeur au sens de sceptique. S'ensuit un long tunnel dans cet appartement où une relation d'abord tarifée puis beaucoup plus complexe et passionnante se noue à l'abri des regards extérieurs. Comme en cachette. Là encore, pas facile pour le spectateur de ne jamais connaître grand chose de tangible sur ce personnage superbement campé par Olivier Rabourdin (sa famille, son travail…) pas vraiment en soi (on sent en permanence la fatalité du dictat de l'argent et de sa position sociale avantageuse par rapport au jeune homme) mais surtout en vue du dernier chapitre qui à la façon d'un My name is Joe va faire surgir à nouveau le genre (mise en danger d'une vie, séquestration, suspense…) et de fait mettre en jeu la volonté (une preuve d'amour et de confiance matérialisée) et les capacités de ce personnage auxquelles on ne croit pas vraiment tout simplement parce que le film ne nous aura jamais mis dans la situation et donné la possibilité de rendre crédible ce "coup de sang" altruiste pour sauver son jeune amoureux. La faute probablement à ce traitement trop théorique de la relation (d'abord d'intérêt, puis nourrie de sentiments amoureux puis affectueux mais jamais vraiment inscrite dans le quotidien, dans le réel, comme c'était le cas lors de la séquence inaugurale). Ce qui affaiblit notre perception de ce dénouement de film noir. Mais Eastern Boys n'en reste pas moins une réussite portée par une mise en scène élégante, des acteurs fabuleux et qui a le mérite de tenter, d'explorer, d'expérimenter, de provoquer, de surprendre, ce dont le cinéma hexagonal est hélas incapable la plupart de temps. Robin Campillo est donc un réalisateur à suivre, décidément.

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