dimanche 24 janvier 2021

Ma toute première critique d'un film qui n'existe pas (encore) : Promenade avec le foot et la boxe

 

C'est mon nouveau dada. Me lancer dans les chroniques de films qui n'existent pas... Ca me fait marrer, c'est poétique, ça évite aussi de développer le squelette du film de ses rêves... Trop fastidieux. J'ai déjà tout en tête. Je vais faire comme si le film était déjà sur les écrans... Première chronique :

Idée brillante que de mettre en perspective les stratégies de conquête en boxe et en football. Des voies  supposées irréconciliables (sport collectif d'un côté, individuel de l'autre) que Promenade avec le Foot et la Boxe nous rend plausible et même familier. Le but avoué ? Rendre ses lettres de noblesse à des tactiques souvent décriées en football comme pour cette équipe de France championne du Monde en 2018.

En boxe, il suffirait donc, nous murmure le film, de rester dans les cordes, d'y trouver le courage de prendre les coups pour mieux épuiser l'autre. Le décourager. Savoir attendre son heure et bim, surprendre l'adversaire n'est-il pas un acte de pure bravoure ? L'exemple développé au coeur du film n'est autre que celui du combat titanesque de Muhammad Ali face à Georges Foreman, le premier finissant par susciter un véritable culte chez un public aplati d'admiration béate. Il en tira même le titre, un temps officieux, de plus grand sportif de tous les temps. C'est vrai que beaucoup plus styliste qu'épaisse brutasse, encaisseur que puncher, technico-tacticien que machine de guerre, Muhammad Ali dut recourir à la ruse, puiser dans ses ressources mentales et physiques, utiliser ses forces, rapidité, sens de l'anticipation, souplesse du tronc, pour faire bloc dans les cordes, encaisser, défendre  contrer Big Georges dans un combat qui était pourtant donné perdu d'avance pour l'autoproclamé The Greatest.

NOTE : Il faudra d'ailleurs réviser ce jugement quelque peu hâtif en se replongeant dans Night Train de Nick Tosches et comprendre en quoi la légende, comme l'Histoire ou la mémoire, sont par essence peu dignes de confiance, finissant toujours par édulcorer, prendre des raccourcis, tailler à la serpe.

J'ai beaucoup aimé cette idée puisée à l'eau éternellement rafraîchissante de Woodstock ou plus récemment de 24  d'exploiter la technique du super ralenti puis du split screen la volonté de dénicher le moment clé, cette fameuse image seconde où le KO est déjà inscrit dans le monde qui s'ouvre à l'abri des possibles, de tous les possibles, quelle que soit la réaction de l'adversaire lancé dans une attaque qui par essence (comme au judo) vient de le déstabiliser en fragilisant sa position.

C'est l'objet d'un plan-séquence introductif de 5 minutes grâce auquel le drame se noue à la vitesse infinitésimale de la formation d'une stalactite. Paradoxalement, le rythme endiablé de la musique d'intro (reprise de Rocky Racoon par Richie Havens) rend cette entrée en matière terriblement cynégétique. Pour les yeux et les oreilles.

Puis. C'est par l'effet inverse, celui de l'accélération des images vues du ciel. Celle d'un match de football sur le pré duquel nous apparaît progressivement l'expansion puis la contraction d'une forme complexe de vie, un objet bien vivant articulés autour de 11 sommets et qui liés par des fils visibles à l'écran finit par nous convaincre à la conclusion d'un but marqué, de l'agglutination des 11 petits points dans un coin du terrain pour célébrer le football comme art non pas d'imiter la vie mais de la porter en son sein à l'instar de la Boxe Anglaise.     


Les images de la Coupe du Monde victorieuse des Bleus viennent alors éclairer d'un jour différent chacun des coups fatals porté à l'adversaire. depuis les Huitièmes de finale jusqu'à cette finale qui en fut la démonstration la plus limpide. Une divine synthèse.

J'ai à une époque beaucoup regardé les émissions (talks et debriefs) consacrées au football. Et il est vrai qu'à l'instar de ce que Promenade avec le Foot et la Boxe cherche à démontrer, j'avais à coeur d'entendre une musique différente de tout ce que j'avais pu y écouter à défaut d'apprendre des années durant... Tant de pseudo-spécialistes, ex joueurs ou experts-journalistes voyaient d'un même élan dans le sacre des Bleus une remise en cause du style de l'équipe (défensif), de son esprit (une équipe rabougrie sur des principes peu reluisants) voire le "manque d'ambition" vues les qualités évidentes de cette génération, allant même jusqu'à invoquer la "chatte" phénoménale de DD l'entraîneur... La reprise de certains de ces extraits est vivifiante parce que la télé n'est avilissante que lorsque nous en subissons platement le contenu... Or lorsqu'il est question comme à une autre époque de disséquer façon Arrêt sur image des morceaux de prise d'empoigne sur des plateaux TV qui convoquaient intentionnellement ou pas l'esprit irrévérencieux d'un Droit de réponse, alors le recul devient salutaire, le regard critique soudain affuté, toute passivité envolée.

Le film a le mérite de ne pas asséner, il éclaire finement par des plans / contre-plans... Et l'on comprend pourquoi Thomas Heans est puni contre Marvin Hagler. Parce qu'il se sait posséder la foudre dans les gants et s'avance dès lors avec trop de confiance sans garder à l'esprit que "garder la distance" sera son salut, "garder l'équilibre, rester compact" nous disent les footeux. C'est ainsi que la patience légendaire du sapeur finit par payer en contre. Don Curry ou Terry Norris finirent punis de la même façon par Mike Mc Callum ou Julian Jackson.

Et l'on décortique une contre-attaque en boxe pour démontrer comment la coordination du corps obéit aux mêmes logiques que le groupe en mouvement sur un terrain de football. Le menton ou le foie c'est le but à marquer / atteindre. En phase défensive, les coudes ou l'avant bras se destinent à protéger. En phase offensive, les poings deviennent les attaquants de pointe, les muscles du ventre, le coeur, les poumons, le jeu de jambes,  c'est le coeur du jeu, la coordination défense / numéro 6 / milieux défensifs. L'uppercut en contre. c'est la montée furieuse d'un latéral en feu reconverti attaquant le temps d'un éclair... Tout doit contribuer ensemble à conclure une action qu'elle soit destinée à attaquer en se découvrant ou à protéger efficacement ses flans ou son menton pendant l'orage. Même le vocabulaire parle de lui-même. "Piston, crochet, contre fulgurant, bloquer, rester compact" ...

En cela, le film démontre aussi comment alterner attaque dans l'axe et sur les ailes revient en boxe à frapper au corps pour obliger l'adversaire à baisser sa garde. Lorsque les côtes flottantes ou le foie sont touchés, alors les bras descendent machinalement et le menton se découvre... Il en est de même en football où une position basse sur le terrain, comme la tentation de passer par les ailes n'ont d'intérêt que s'ils affaiblissent l'adversaire en position basse et dans l'axe... Evidemment cela revient à penser le football comme une pensée qui évolue au gré du match et où l'aspect psychologique et la raison vont nécessairement l'emporter sur la fougue et l'emportement.

Marcher sur l'adversaire n'est pas gagner. Avoir la possession, dominer, mener aux points comme en boxe ne suffit pas. C'est comme dans la vie... La vie est injuste. C'est ce qui fait le sel du football ou de la Boxe... Qui fait que ces derniers ressemblent autant à la vie. C'est en cela que le film est éclairant. En l'ayant vu, on ne va plus refuser d'accepter que cette équipe avec ces vertus là est l'une des plus belles conquérantes de l'histoire du sport. Un peu comme son aînée de l'Euro 2000, elle est capable de faire le dos rond, de rester dans les cordes tout en gardant un seul oeil bien ouvert sur l'ouverture qui va nécessairement venir...         

Le style importe peu, tant qu'on gagne par KO, et qu'on ne vole aucune décision. Gagner avant la fin du temps réglementaire c'est toujours gagner par KO. Et en Boxe, personne ne vient critiquer le style du vainqueur (beau ou pas), on rend à César ce qui lui revient après que la cloche ait sonné.


Alors voyez ce merveilleux Promenade avec le Foot et la Boxe, décortiquez cette heure 18 de réflexion nourrie d'images d'archives de l'époque (le côté commentateur, et le côté "match in vivo") et de ces deux sports qui démontrent par eux-mêmes sans qu'on ait besoin d'en reparler que gagner en foot sans jouer l'offensive, c'est aussi du noble art, c'est aussi de l'émotion, c'est aussi des sentiments exacerbés. Ce sont les plus belles victoires parce qu'on tremble pour nos champions... Et que ces derniers vont chercher très loin les ressources pour surmonter l'adversité, bien au-delà des individualités, dans cette espèce de lucidité coordonnée qui voit arriver l'ouverture et sait éteindre la lumière et doucher tout espoir chez l'adversaire au moment opportun.

Lorsqu'on l'a vu, ce film achève de vous convaincre que ces Bleus de Deschamps avait ce truc en plus, le truc de ces divins contreurs de l'histoire de la Boxe qui firent ses lettres de noblesse au moins autant que les stylistes flamboyants... Ces champions qui ne furent jamais aussi beaux et grands que lorsqu'ils gagnaient contre la logique, contre toute attente.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire