mardi 6 août 2019

The Rider. Chloé Zhao



Je découvre le cinéma de Chloé Zhao. Elle a un talent fou. Tout paraît simple, fait avec humilité, sans forcer le film à charrier son émotion vers le spectateur. Elle porte un regard puissamment attentif sur le monde, sur ses personnages qu'elle aime sans les juger, qu'elle explore sans intrusion ni indécence, mettant en scène une histoire aux accents universels qu'elle dramatise sans jamais chercher le sensationnalisme. Et puis elle réussit ce que peu ont réussi au cinéma : mêler matière documentaire (les personnages principaux sont incarnés par des acteurs qui ont traversé dans la vraie vie ces mêmes épreuves) et fiction avec ce sens inné du cadre et de la recherche visuelle qui vient raconter sans le dire tout ce que le mythe de l'Ouest américain, celui qui nous a tant fait rêver, a de crépusculaire, de presqu'oublié...

Je navigue avec le personnage principal dans cette recherche de sens perdu en rapport avec une passion qu'on ne peut plus exercer (le peintre devenu aveugle, le guitariste ou le sculpteur privé de ses deux mains...). Une passion qui dans le cas présent est éminemment liée aux codes de cette société patriarcale (le cowboy érigé en modèle absolu) où la jeunesse doit éprouver sa virilité, se mettre à l'épreuve face à la nature sauvage qu'on voudrait pouvoir dompter. Une jeunesse qui dans son sentiment d'invulnérabilité et de toute-puissance va chercher à domestiquer (le débourrage, symboliquement) ce qui ne le sera jamais : le mystère de cette mère nature qui reste inaccessible pour les mortels finissant à leurs dépends par comprendre qu'ils sont de papier ou de verre, aussi fragiles qu'un arbrisseau dans la tempête...

Sûrement quelques maladresses comme l'évocation trop directe de la perte de la maman (le recueillement sur la tombe, figure imposée) ou celle du western par l'accessoire pistolet qui ne s'imposait pas forcément - le western coulant dans le veines de ce film sans qu'on ait besoin de souligner quoi que ce soit. Mais que c'est beau, que la portée du film dépasse largement le cadre du drame d'un cowboy (Rodeo Boy en l'occurence) privé de sa raison de vivre et ramené à la nécessité de retrouver un chemin susceptible de lui donner encore un peu l'envie de se battre : être présent pour les siens, pour ceux qui sont restés : sa soeur et son père. Le voyage vaut le détour. D'autant que l'on sent à chaque plan l'odeur de la mélancolie la plus profonde, celle suscitée par une Amérique longtemps érigée en rêve sur grand écran et soudain en train de disparaître inexorablement sous nos yeux...        

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